Toronto (Ontario), le 3 avril 2008
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE
L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La décision relative à l’examen des risques avant renvoi (ERAR) faisant l’objet du présent contrôle judiciaire concerne une demanderesse dont la demande d’asile avait été rejetée par la Section de la protection des réfugiés (la Section) en 1993, mais qui a présenté à l’agent d’ERAR une preuve nouvelle aux fins d’examen.
[2] La demanderesse présente ainsi ce qu’elle prétend être sa nouvelle preuve :
[traduction]
Elle est ciblée par les attaques de son ami de cœur parce qu’elle l’a quitté et elle est depuis longtemps une victime de violence conjugale grave mettant sa vie en danger. Elle est également ciblée par son ami de cœur parce qu’elle a des preuves qu’il est un « madrina » qui pratique l’enlèvement de personnes, la torture et divers actes de violence pour le compte du gouvernement mexicain ou de la police judiciaire. Elle a tenté de le dénoncer auprès du bureau du procureur général, ce qui a rendu impossible le retour dans son pays en raison de la menace à sa vie à laquelle elle serait exposée.
(décision relative à l’ERAR, page 3)
[3] La preuve nouvelle déposée par la demanderesse concerne le meurtre de son oncle en avril 2005 au Mexique. La demanderesse a présenté l’argument suivant à l’agent d’ERAR : le meurtre était directement lié à sa crainte du risque qu’elle pourrait courir. Elle a fondé son argument sur le témoignage du partenaire de son oncle, M. Morales. Ce dernier avait témoigné devant la Section, mais devant l’agent d’ERAR, il a présenté une preuve nouvelle selon laquelle environ 10 jours avant le meurtre de l’oncle, il avait été agressé et menacé par qui il croyait être la police judiciaire ou la police ministérielle, qui tentait de savoir où se trouvait la demanderesse. M. Morales a informé le procureur général de la justice du Mexique de cet incident au moyen d’une lettre en date du 8 avril 2005. De plus, pour appuyer la demande de protection que la demanderesse fondait sur la preuve nouvelle, M. Flores, un membre d’un parti politique qui l’avait aidée à fuir le Mexique, a rédigé une lettre confirmant que la police judiciaire avait abattu l’oncle parce qu’il n’avait pas révélé l’endroit où se trouvait la demanderesse; il prévoit que la demanderesse subira le même sort si elle retourne au Mexique.
[4] L’agent d’ERAR a déclaré ce qui suit au sujet de la preuve de M. Morales et de M. Flores :
[traduction]
De plus, j’ai tenu compte de la conclusion de la Section selon laquelle le partenaire de l’oncle de la demanderesse n’est pas une partie désintéressée quant à la demande de celle‑ci. En conséquence, j’estime que ce rapport ne constitue pas une preuve objective parce que seule l’explication donnée par M. Morales au sujet de l’incident est mentionnée. Eu égard aux facteurs susmentionnés, j’accorde peu d’importance au rapport de faits adressé au procureur général comme établissant que la demanderesse est exposée à un risque personnel au Mexique.
[…]
M. Flores ne fournit pas de précisions quant au risque couru par la demanderesse ou au décès de l’oncle. M. Flores n’explique pas comment il est en mesure de certifier que l’oncle de la demanderesse a été assassiné par la police judiciaire. J’estime également que le peu d’information dont je dispose n’établit pas que M. Flores est une partie désintéressée quant à la demande de la demanderesse. À mon avis, le nouveau paragraphe dans l’affidavit de M. Flores ne constitue pas une preuve convaincante du risque que la demanderesse pourrait courir au Mexique.
[Non souligné dans l’original.]
(décision relative à l’ERAR, pages 4 et 5)
[5] Quant au témoignage de M. Morales, l’avocat de la demanderesse soutient que l’agent d’ERAR a établi sa valeur en faisant appel à une considération extrinsèque. C’est‑à‑dire que, si l’on se fonde sur les termes qu’il a utilisés, l’agent d’ERAR n’a pas procédé à une évaluation indépendante de la preuve, mais qu’il s’en est simplement rapporté à l’opinion exprimée par la Section. J’accepte cet argument.
[6] En ce qui concerne le témoignage de M. Flores, l’avocat de la demanderesse soutient que le critère selon lequel M. Flores doit être considéré comme une partie désintéressée quant à la demande de la demanderesse pour que son témoignage soit dûment pris en compte est injuste. J’accepte aussi cet argument.
[7] Il semble que l’agent d’ERAR ait analysé la preuve de la demanderesse de manière suspicieuse et que, en conséquence, il se soit fondé sur un critère quasi impossible à respecter. Certes, la preuve présentée par la demanderesse provenait de personnes qui ne sont pas des représentants du gouvernement ou qui n’assument pas des fonctions gouvernementales, mais elles ont certainement des preuves à présenter fondées sur leurs propres observations. À mon avis, dire avec désinvolture qu’aucune valeur ne doit être accordée au témoignage de ces personnes parce qu’elles ne sont pas des parties désintéressées quant à la demande de la demanderesse est une approche particulièrement injuste à adopter.
[8] Par conséquent, je conclus que la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire comporte une erreur susceptible de contrôle.
ORDONNANCE
En conséquence, j’annule la décision faisant l’objet du contrôle judiciaire et je renvoie l’affaire à un autre agent d’ERAR pour qu’il statue à nouveau sur l’affaire.
Traduction certifiée conforme
Annie Beaulieu
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-3090-07
INTITULÉ : PATRICIA GONZALEZ PEREA c. LE MINISTRE
DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 31 MARS 2008
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 3 AVRIL 2008
COMPARUTIONS :
ROBERT I. BLANSHAY POUR LA DEMANDERESSE
LORNE McCLENAGHAN POUR LE DEMANDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
ROBERT I. BLANSHAY
AVOCAT
TORONTO (ONTARIO) POUR LA DEMANDERESSE
JOHN H. SIMS, c.r.
SOUS-PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA POUR LE DEMANDEUR