[TRADCUTION FRANÇAISE]
ENTRE :
OR MAKIAS
SHANY MAKIAS
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ ET DE LA
PROTECTION CIVILE
ET LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
(Ordonnance prononcée le 12 mars 2008)
[1] Voici certaines des raisons pour lesquels le jeune Or et sa sœur Shany ne souhaitent pas être renvoyés du Canada et placés sous la garde de leur père en Israël :
[traduction]
« Mon père menaçait toujours de nous tuer, ma
sœur et moi, et c’est pour ça que j’ai peur de retourner chez mon père en
Israël. Il courait après moi avec un marteau dans les mains en essayant de me
frapper. Mon père nous disait toujours à moi et ma sœur que si jamais nous
amenions des amis à la maison, il les jetterait par la fenêtre; en passant,
nous vivions au 4e étage. Une fois, mon père a presque tué ma mère
en lui lançant une tasse en verre très lourde, et il lui lançait toujours des
choses, comme des téléphones cellulaires ou le téléphone de maison, ou des
assiettes. Mon père nous battait tout le temps très fort, moi et ma sœur, et
pour des petites choses comme si on ne lui donnait pas la télécommande de la
télévision. »
[2]
Leur
mère, la demanderesse principale, Renata Makias, a demandé le statut de
résidente permanente au Canada, et a demandé la permission de rester ici
pendant le traitement de leur demande. Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration
a le pouvoir discrétionnaire, en vertu de l’article 25 de la Loi sur l’immigration
et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), d’accorder
cette permission. Cependant, l’agent nommé pour prendre la décision a refusé de
le faire le 5 mars. Une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de
cette décision a été déposée, mais ne peut pas être entendue avant plusieurs
mois. Entretemps, une mesure de renvoi a été prise contre Mme Makias et
ses deux enfants et ils doivent partir en Israël aujourd’hui. Ils demandent la
suspension de cette ordonnance en attendant le règlement de leur demande d’autorisation
et de contrôle judiciaire. Voici les motifs pour lesquels j’ai accordé leur
requête de suspension hier.
[3]
Mme Makias,
son mari Yossef et leurs deux enfants, Or et Shany, sont arrivés au Canada en
provenance d’Israël en 2003 et ont demandé l’asile. La décision a été
défavorable, tout comme la décision subséquente concernant leur examen des
risques avant renvoi.
[4]
Mme Makias
ne s’est pas présentée pour son renvoi en 2005. Un mandat a été délivré pour
son arrestation; elle vient d’être arrêtée et se trouve actuellement en
détention près de Montréal. Elle refuse de dire où se trouvent ses enfants.
[5]
Le
mariage s’est détérioré en juin 2004. La police a arrêté M. Makias et l’a
accusé d’avoir proféré des menaces de mort ou de voies de fait contre sa femme.
Il a été libéré sous conditions, lesquelles incluaient une ordonnance de
non-communication qui lui interdisait de communiquer avec sa femme ou ses
enfants. Il n’a pas respecté ces conditions et a été déclaré coupable d’« inobservation
de l’engagement ». En juillet 2005, il a été renvoyé ou est retourné en
Israël.
[6]
À
l’époque, Mme Makias avait déménagé à Montréal, et le 8 mars 2006, elle a
obtenu le divorce de la Cour supérieure du Québec ainsi que la garde de ses
deux enfants. M. Makias a présenté une requête en annulation de cette
ordonnance, que la Cour supérieure du Québec a rejetée en octobre de l’an
dernier. Cette dernière ordonnance fait l’objet d’un appel et sera entendue le
mois prochain.
[7]
Malgré
le jugement de divorce et l’ordonnance de garde, le 16 novembre 2006, M. Makias
a obtenu ce que je ne peux qu’appeler une ordonnance troublante de la Regional
Rabbinical Court de Tel-Aviv. La cour faisait remarquer que Mme Makias et
les enfants se trouvaient au Canada sans statut et qu’un mandat d’arrestation
avait été délivré contre elle. La cour accordait la garde des enfants à leur
père et ordonnait à Mme Makias de lui remettre les deux enfants [traduction] « immédiatement
et sans plus tarder ». Elle déclarait que la décision pouvait être
exécutée par toute cour compétente, soit en Israël, soit au Canada. Le jugement
traite également d’un Get (divorce religieux), qui n’est pas directement
pertinent dans le cadre de cette décision.
[8]
Ce
qui inquiète est que même si Mme Makias se trouvait au Canada et non en
Israël, de sorte que, d’une certaine manière, on pourrait dire que la décision
a été rendue in absentia, la cour a noté qu’elle avait répondu.
[9]
La
cour n’a peut-être pas été avisée de l’ordonnance de non-communication que M. Makias
avait enfreinte, ou du divorce et de l’ordonnance de garde, ou bien elle a
considéré que les ordonnances des cours de la Colombie-Britannique et du Québec
ne sont pas pertinentes. Dans tous les cas, dès lors que Shany et Or
débarquent en Israël, leur père en assumera la garde. Il est très au fait des
présentes procédures, puisque son avocat canadien était présent à l’audience.
CONDITIONS D’UNE SUSPENSION
[10]
Il
est un fait bien établi que pour obtenir la réparation équitable de la
suspension, les demandeurs doivent présenter un cas raisonnablement défendable
(c’est-à-dire non frivole ou vexatoire); un préjudice irréparable et que la
prépondérance des inconvénients les favorise (Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1988] A.C.F. no 587, (1988), 86 N.R. 302; RJR-MacDonald Inc. c. Canada (Procureur général), [1994] 1 S.C.R. 311).
[11]
Il
y a un grave argument en faveur de l’accord de cette autorisation et de ce
contrôle judiciaire. Il me suffit de mentionner que, bien que l’agente ait noté
que la Israeli Rabbinical Court avait accordé la garde à son mari, elle était d’avis
que Mme Makias pouvait présenter une demande de réévaluation à une cour
civile. Il n’est pas clair comment elle est parvenue à cette conclusion, mais,
quoi qu’il en soit, il est fortement défendable qu’elle n’ait pas tenu compte
de l’intérêt supérieur des enfants, comme l’exige expressément l’article 25
de la LIPR.
[12]
Pour
ce qui est du préjudice irréparable, un dossier solide a été monté prouvant que
Mme Makias et ses enfants, ou du moins ses deux enfants, s’exposent à un
danger imminent à leur retour, puisqu’il existe déjà une ordonnance accordant
la garde au mari. Bien que personne ne nie la possibilité de protection de l’État
en Israël, le statu quo là-bas n’est pas le même statu quo qu’ici.
[13]
Enfin,
en ce qui concerne la prépondérance des inconvénients, il se peut très bien que
Mme Makias ne se présente pas devant la Cour sans tache. Cependant, il
faut se rappeler que la motivation principale de ses actions visait à protéger
ses enfants de leur père. Le ministre se plaint qu’elle enfreint la loi parce
qu’elle refuse de révéler où se trouvent ses enfants. Si elle le fait, ils
seront placés dans la garde d’un homme qui a menacé de les tuer. Elle a même
été emprisonnée. Quelle mère ne ferait pas de même? La prépondérance
des inconvénients joue en sa faveur.
[14]
Comme
il est mentionné dans RJR-MacDonald, précité, le juge des requêtes doit
prendre une décision en faisant preuve de sens commun et d’un examen extrêmement
limité du bien-fondé de l’affaire. Comme c’est souvent le cas, cette demande a
été présentée dans l’urgence. Il est de loin préférable de préserver le statu
quo canadien jusqu’à ce que l’affaire ait été entièrement entendue.
[15] Après avoir annoncé, lors de l’audience, quelle serait ma décision, étant donné que Mme Makias demeure en détention et n’a pas dévoilé où se trouvent ses enfants, à ma discrétion et avec le consentement des parties, j’ai réduit les délais de production habituels pour que cette affaire soit entendue dès que possible.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1142-08
INTITULÉ : RENATA MAKIAS, ET AL V. MSPPC ET MCI
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE PAR
TÉLÉCONFÉRENCE : le 12 mars 2008
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : le 13 mars 2008
COMPARUTIONS :
Me Mitchell Goldberg
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Me Daniel Latulippe
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MITCHELL GOLDBERG Montréal (Québec) |
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |