Ottawa (Ontario), le 7 mars 2008
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire visant l’avis rendu, le 20 avril 2007 en application de l’alinéa 115(2)a) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), par une déléguée du ministre et portant que le demandeur ne devrait pas être présent au Canada en raison du danger qu’il constitue pour le public canadien.
LES FAITS
[2] Le demandeur, Ahmed Adem Mohamed, est un résident permanent canadien âgé de 29 ans. En 1982, le demandeur a quitté l’Éthiopie, son pays d’origine, et il s’est vu reconnaître la qualité de réfugié au sens de la Convention par le Haut Commissaire des Nations Unies pour les réfugiés. En raison de cette reconnaissance, le demandeur s’est vu délivrer le 19 novembre 1991 un « Visa d’immigrant et fiche relative au droit d’établissement » par le bureau des visas à Rome, en Italie, où il résidait alors avec son frère. Le 3 décembre 1991, le demandeur est entré au Canada où il est devenu résident permanent dans la catégorie des réfugiés au sens de la Convention.
[3] Depuis 1997, le demandeur a été déclaré coupable de 27 crimes différents. Plus récemment, soit le 12 mars 2005, le demandeur a été reconnu coupable sous deux chefs de vol qualifié et un autre de port d’arme dans un dessein dangereux, des infractions visées par le Code criminel L.R.C. 1985, ch. C-46. Par suite de ces condamnations, le demandeur s’est vu infliger une peine de 30 mois d’emprisonnement et il a fait l’objet d’un rapport d’admissibilité en application du paragraphe 36(1) de la LIPR.
[4] À l’issue d’une audience d’admissibilité, le 30 mars 2006, une ordonnance d’expulsion a été délivrée à l’encontre du demandeur.
La décision faisant l’objet du présent contrôle
[5] Le 20 avril 2007, la déléguée du ministre a rendu un avis (l’avis de danger), en application de l’alinéa 115(2)a) de la LIPR, portant que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada.
[6] Après avoir reconnu le demandeur interdit de territoire au Canada pour motif de grande criminalité – un élément exigé à l’alinéa 115(2)a) –, la déléguée du ministre a procédé à une évaluation du danger en vue d’établir si les antécédents criminels du demandeur faisait qu’il constituait un danger pour le public au Canada. Dans le cadre de cette évaluation, la déléguée a passé en revue la longue liste des crimes dont le demandeur avait été reconnu coupable ainsi que les rapports de police et les observations de l’avocate du demandeur relatifs à ces condamnations. Après examen de la preuve, la déléguée du ministre a conclu comme suit dans son avis de danger (page 11) :
[traduction]
Après avoir pris en compte la totalité de la preuve qui m’a été présentée, je ne suis pas convaincue selon la prépondérance des probabilités que M. Mohamed va réorienter sa vie et laisser derrière lui son passé criminel. S’il commet une autre infraction en possession d’une arme, les conséquences pourraient en être extrêmement graves pour d’autres citoyens canadiens. Le nombre d’infractions commises, de façon régulière, me convainc, selon la prépondérance des probabilités, qu’il constitue une menace pour la société canadienne. C’est un récidiviste qui a manqué de manière répétée aux conditions de probation, et cela dénote un manque manifeste de considération non seulement pour les lois canadiennes mais aussi pour les autres membres de la société canadienne en général. Je suis donc d’avis, après avoir pris en compte toute l’information dont j’étais saisie, que si M. Mohamed devait rester au Canada, cela constituerait un risque inacceptable pour le public canadien; je conclus par conséquent qu’il constitue un danger pour le public.
[7] La déléguée du ministre a ensuite examiné le risque potentiel d’un retour du demandeur en Éthiopie. La déléguée du ministre a mis l’accent lors de son examen sur [traduction] « les facteurs particuliers qui exposeraient M. Mohamed à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités, ou à une menace à sa vie » (avis de danger, page 16). La déléguée a conclu que les conditions prévalant en Éthiopie n’étaient pas « idéales » et que le demandeur pourrait y être confronté à des « difficultés » vu l’absence pour lui de soutien familial et vu sa connaissance limitée de la langue en usage. La déléguée a également conclu que, sur la foi de la preuve documentaire, aucune preuve n’indiquait que le demandeur serait persécuté en raison de son origine ethnique oromo. De plus, la déléguée a conclu que trop peu d’éléments de preuve démontraient que le demandeur serait perçu comme un membre du Front de libération oromo (FLO) simplement en raison de son origine ethnique. La déléguée a par conséquent conclu que le demandeur présenterait peu d’intérêt pour le gouvernement de l’Éthiopie, s’il devait retourner dans ce pays et qu’il ne serait exposé à aucun des risques énoncés à l’article 97 de la LIPR. La déléguée a ainsi déclaré dans son avis de danger (page 17) :
[traduction]
Les risques que M. Mohamed a fuis il y a plus de 20 ans en quittant l’Éthiopie sont maintenant considérablement réduits. Cela me convainc, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne serait pas exposé à un risque de torture ou de traitements ou peines cruels et inusités, non plus qu’à une menace à sa vie s’il devait retourner dans ce pays. Finalement, sur la foi des documents que j’ai examinés, je suis convaincue, selon la prépondérance des probabilités, qu’il ne serait exposé à aucun des risques énoncés à l’article 97 de la LIPR par suite des déclarations de culpabilité dont il a fait l’objet au Canada.
[8] Finalement, la déléguée du ministre a examiné s’il existait des facteurs d’ordre humanitaire qui justifieraient de conclure que le demandeur ne constitue pas un danger pour le public au Canada. La déléguée a pris en compte diverses observations présentées par l’avocate du demandeur, notamment celles ayant trait aux antécédents de toxicomanie du demandeur et à l’absence pour lui de soutien familial en Éthiopie. La déléguée du ministre a toutefois conclu, en fin de compte, qu’aucun de ces facteurs ne pesait davantage que le tort occasionné par le comportement criminel passé du demandeur, ou encore le risque qu’il représenterait pour le public canadien s’il devait être autorisé à demeurer au Canada. La déléguée du ministre a conclu, sur ce fondement, que le cas du demandeur ne justifiait pas une décision en sa faveur en raison de motifs d’ordre humanitaire.
LA QUESTION EN LITIGE
[9] La question à examiner dans le cadre de la présente demande consiste à savoir si la déléguée du ministre a commis une erreur en concluant que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada.
LA NORME DE CONTRÔLE JUDICIAIRE
[10] Dans Nagalingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 229, [2008] 1 R.C.F. 87, paragraphe 18, j’ai déclaré ce qui suit au sujet de la norme de contrôle applicable à l’avis de danger visé à l’article 115 de la LIPR :
¶ 18 Les conclusions de fait du ministre doivent faire l’objet d’une grande déférence en raison de l’expertise de ce dernier quant à l’examen des risques de préjudice et la gravité des actes commis. Comme la Cour suprême du Canada l’a statué dans Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3, au paragraphe 41, la Cour ne doit pas soupeser de nouveau les facteurs pris en considération par le ministre, à moins que la décision ne soit manifestement déraisonnable. La Cour suprême s’est appuyée sur les dispositions relatives à l’avis de danger figurant à l’alinéa 53(1)b) […] de l’ancienne Loi pour déterminer la norme de contrôle dans Suresh. Il faut faire preuve de la même déférence à l’égard de l’avis du ministre visé à l’article 115 de la Loi […].
Voir également Thuraisingam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 C.F. 607, 251 F.T.R. 282 (la juge Mactavish, paragraphes 26 à 28).
[11] Par conséquent, l’avis de danger rendu par la déléguée du ministre en l’espèce sera assujetti à la norme de la décision manifestement déraisonnable et ne sera annulé que s’il est « déraisonnable à première vue, non étayé par la preuve ou vicié par l’omission de tenir compte des facteurs pertinents ou d’appliquer la procédure appropriée » (Suresh, précité, paragraphe 41).
L’ANALYSE
La question en litige – La déléguée du ministre a-t-elle commis une erreur en concluant que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada?
Le cadre législatif
[12] Le paragraphe 115(2) de la LIPR constitue une exception au principe de non-refoulement énoncé au paragraphe 115(1) et qui interdit le renvoi d’un réfugié dans un pays où il risque la persécution, la torture ou des traitements ou peines cruels et inusités. Le paragraphe 115(2) prévoit deux exceptions précises au principe de non-refoulement qui permettent au gouvernement de renvoyer un réfugié au sens de la Convention ou une personne à protéger dans un pays d’où il s’est enfui.
[13] La décision rendue en vertu du paragraphe 115(2) a un caractère discrétionnaire, le ministre ou son délégué devant estimer que sont réunies les conditions prévues à l’un ou l’autre de ses alinéas. Le paragraphe 115(2) est ainsi libellé :
(2) Le paragraphe (1) ne s’applique pas à l’interdit de territoire : a) pour grande criminalité qui, selon le ministre, constitue un danger pour le public au Canada; b) pour raison de sécurité ou pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou criminalité organisée si, selon le ministre, il ne devrait pas être présent au Canada en raison soit de la nature et de la gravité de ses actes passés, soit du danger qu’il constitue pour la sécurité du Canada. |
(2) Subsection (1) does not apply in the case of a person (a) who is inadmissible on grounds of serious criminality and who constitutes, in the opinion of the Minister, a danger to the public in Canada; or (b) who is inadmissible on grounds of security, violating human or international rights or organized criminality if, in the opinion of the Minister, the person should not be allowed to remain in Canada on the basis of the nature and severity of acts committed or of danger to the security of Canada. |
[14] En vertu de l’alinéa 115(2)a), la disposition en cause en l’espèce, le ministre ou son délégué peut autoriser le renvoi d’un réfugié s’il estime 1) que l’intéressé est interdit de territoire au Canada pour grande criminalité, et 2) qu’il constitue un « danger pour le public au Canada ». L’interdiction de territoire pour grande criminalité est régie par le paragraphe 36(1) de la LIPR, lequel mentionne notamment que emportent interdiction de territoire les infractions commises au Canada et punissables d’un emprisonnement maximal d’au moins dix ans, et les infractions pour lesquelles une peine d’emprisonnement de plus de six mois a été infligée.
[15] Le second élément à prendre en considération – la question de savoir si l’intéressé constitue un « danger pour le public » au Canada – n’est pas défini dans la LIPR, mais il l’a été par la jurisprudence. Ainsi, la juge Mactavish a déclaré ce qui suit dans Thuraisingam, précitée, au paragraphe 32 :
¶ 32 L'expression « danger pour le public » employée à l'article 115 de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et dans la disposition qui l'a précédé a été examinée par les tribunaux. Dans La, précitée, le juge Lemieux a cité en l'approuvant le passage suivant tiré de l'arrêt rendu par le juge Strayer dans Williams c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] 2 C.F. 646 (C.A.) :
Dans ce contexte, le sens de l'expression « danger pour le public » n'est pas un mystère : cette expression doit se rapporter à la possibilité qu'une personne ayant commis un crime grave dans le passé puisse sérieusement être considérée comme un récidiviste potentiel. Point n'est besoin de prouver - à vrai dire, on ne peut pas prouver - que cette personne récidivera. Selon moi, cette disposition oriente convenablement la pensée du ministre vers la question de savoir si, compte tenu de ce que le ministre sait de l'intéressé et des observations que l'intéressé a faites en son propre nom, le ministre peut sincèrement croire que l'intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public.
[16] Le simple fait qu’une personne ait été déclaré coupable d’une grave infraction criminelle n’est pas suffisant, en soi, pour justifier de conclure qu’elle constitue un danger pour le public au Canada. La juge Mactavish a ainsi affirmé dans Thuraisingam, au paragraphe 33, la nécessité d’examiner « les circonstances de chaque cas » afin de déterminer s’il « existe une preuve suffisante pour considérer que l’intéressé est un récidiviste potentiel dont la présence au Canada crée un risque inacceptable pour le public ».
Le danger pour le public au Canada
[17] Le demandeur prétend que la déléguée du ministre a commis une erreur en concluant qu’il constituait un danger pour le public au Canada. Plus précisément, le demandeur déclare que la déléguée du ministre [traduction] « apprécie à rabais la bonne conduite en prison du demandeur en reprenant à son compte l’étiquette de "risque géré" dont les agents de libération conditionnelle l’ont affublé ». Ainsi, selon le demandeur, adopter à son égard l’expression [traduction] « risque géré » fait entrave à la faculté accordée aux gens par la société de se racheter et d’évoluer vers [traduction] « quelque chose de mieux ».
[18] Toutefois, la Cour conclut que la conclusion de la déléguée du ministre portant que le demandeur constitue un danger pour le public au Canada s’appuyait sur un examen approfondi de la preuve et n’était pas manifestement déraisonnable. La déléguée du ministre a d’abord passé en revue avec minutie les antécédents criminels du demandeur ainsi que les divers rapports afférents à ses condamnations. La déléguée a ensuite examiné les longues observations présentées par l’avocate du demandeur en ce qui concerne notamment la bonne conduite dont aurait fait montre ce dernier en prison. Malgré ces rapports favorables, la déléguée du ministre a néanmoins conclu que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada, compte tenu tout particulièrement du caractère de plus en plus grave de ses crimes. La déléguée a ainsi déclaré, à la page 9 de l’avis de danger :
[traduction]
L’avocate du demandeur prétend que je ne devrais pas conclure que son client constitue un danger pour le public, du fait que M. Mohamed n’a pas, à ce jour, causé de graves préjudices aux victimes de ses infractions. Je désire toutefois souligner que, selon les renseignements relatifs aux déclarations de culpabilité du 12 mars 2005, M. Mohamed s’est servi d’un couteau et il l’a mis sous la gorge de l’une de ses victimes […] [U]n très grave préjudice aurait ainsi pu être causé. Il en va de même pour l’incident perpétré avec un découpeur de boîtes [en octobre 2003] […] D’après mon appréciation de ces renseignements concernant les condamnations de M. Mohamed, je conclus, selon la prépondérance des probabilités, que les actions de ce dernier dénotent une propension au comportement agressif et à la violence.
[19] La déléguée du ministre s’est également penchée sur la corrélation existant entre les antécédents criminels du demandeur et sa toxicomanie ainsi que sur les perspectives de réadaptation de ce dernier compte tenu de ces problèmes. La déléguée du ministre a pris en considération la preuve dont elle était saisie et elle a conclu que l’absence de soutien dont dispose le demandeur au Canada réduisait les chances de succès de sa réadaptation. La déléguée du ministre a également conclu que [traduction] « ses antécédents révèlent une tendance à la récidive pour payer ses diverses toxicomanies ». Enfin, selon la preuve, les [traduction] « habiletés d’adaptation déficientes et l’absence de compétence monnayable » du demandeur rendaient vraisemblable sa récidive à l’avenir.
[20] Compte tenu de cet examen approfondi de la preuve, la Cour conclut que les conclusions de la déléguée du ministre étaient valablement étayées par la preuve dont celle-ci était saisie et que ces conclusions n’appellent donc pas son intervention.
Le risque couru pour le demandeur en cas de renvoi
[21] Dans le cadre d’une évaluation aux fins du paragraphe 115(2), le délégué du ministre établit si le demandeur d’asile, en cas de retour dans son pays d’origine, serait exposé à un risque « sérieux de persécution, de torture ou de traitement ou peine cruels et inusités ». Ce risque est ensuite mis en balance avec le risque couru par le public au Canada si l’on ne procède pas au renvoi. J’ai statué comme suit à cet égard dans Nagalingam, au paragraphe 43 :
Comme le ministre a raisonnablement conclu que le demandeur ne risquait pas de subir un préjudice, les dispositions relatives au non‑refoulement du paragraphe 115(1) ne s’appliquent pas. Il n’était donc par nécessaire d’« établir l’équilibre » entre les intérêts opposés conformément au paragraphe 115(2).
J’ai certifié une question à ce sujet que la Cour d’appel n’a pas encore tranchée.
[22] La déléguée du ministre a bel et bien évalué en l’espèce le risque éventuel couru par le demandeur s’il devait retourner en Éthiopie. La déléguée a conclu que, même s’il était possible que le demandeur serait confronté à des problèmes de réétablissement et d’intégration après une absence de 20 ans hors de son pays, il ne risquait pas d’être persécuté du fait de son origine ethnique oromo ou de ses opinions politiques présumées. La déléguée du ministre a conclu, par conséquent, que tout risque de préjudice couru par le demandeur en cas de retour en Éthiopie était supplanté par les risques occasionnés au public au Canada par la présence du demandeur.
[23] Le demandeur prétend que la déléguée du ministre a commis une erreur en concluant qu’il ne serait exposé à aucun risque de persécution, de torture ou de traitement ou peine cruels et inusités en cas de retour en Éthiopie. L’erreur de la déléguée vient plus précisément, ajoute le demandeur, de ce qu’elle a minimisé l’ampleur des actes de harcèlement et de torture auxquels le gouvernement éthiopien soumet les Oromos simplement parce qu’on présume leur association avec le FLO. Le demandeur prétend qu’une [traduction] « preuve abondante » avait été présentée à la déléguée démontrant que les Oromos continuent d’être persécutés, privés des droits de la personne fondamentaux, harcelés par la police et détenus illégalement simplement parce que le gouvernement éthiopien associe au FLO les Oromos qui ne sont pas membres du parti au pouvoir.
[24] Le défendeur prétend toutefois, pour sa part, que la déléguée du ministre a valablement pris en compte les observations du demandeur à cet égard et déclare qu’il n’était pas manifestement déraisonnable de conclure que le gouvernement éthiopien ne risquait pas de persécuter le demandeur ou de le soumettre à la torture car ce dernier n’avait aucun prestige politique et n’habitait plus en Éthiopie depuis 20 ans.
[25] Après examen de la preuve, j’en viens à la conclusion que la décision de la déléguée du ministre n’était pas manifestement déraisonnable. Cette dernière a procédé à un examen approfondi de la preuve documentaire dont elle était saisie, notamment les observations de l’avocate du demandeur quant au fait que le gouvernement éthiopien prendrait son client pour cible en raison de son origine ethnique oromo et de la présomption de son appui au FLO. Pour en arriver à cette conclusion, la déléguée a également pris en compte la situation particulière du demandeur, à savoir qu’il avait quitté l’Éthiopie à l’âge de cinq ans et qu’il n’avait jamais été associé au FLO dans le passé, aussi bien en Éthiopie qu’au Canada. L’idée générale de la preuve documentaire objective, c’est que le gouvernement éthiopien prend pour cible le FLO et ses sympathisants, mais non pas les 35 millions d’Oromos.
[26] La déléguée du ministre s’est en outre penchée plus précisément sur les difficultés auxquelles ferait face le demandeur s’il retournait en Éthiopie après en avoir été absent si longtemps, en raison particulièrement de son absence de soutien, de ses antécédents en matière d’abus de drogues et d’alcool ainsi que de sa connaissance restreinte de la langue en usage. La déléguée du ministre a toutefois conclu qu’aucune de ces difficultés n’exposerait le demandeur à l’une des catégories de risque énumérées à l’article 97 de la LIPR.
[27] Je ne suis pas convaincu que la preuve produite par le demandeur démontre que la conclusion de la déléguée du ministre est manifestement déraisonnable. Comme cette dernière l’a déclaré à la page 17 de l’avis de danger, une preuve abondante démontrait que le demandeur ne courrait aucun risque s’il devait retourner en Éthiopie :
[traduction]
D’après la preuve documentaire sur l’Éthiopie, la situation politique s’améliore dans ce pays. Entre autres, le gouvernement a ouvert dans tous les États des bureaux de l’Institution de l’Ombudsman. Deux de ces bureaux sont déjà ouverts et l’on projette d’en ouvrir encore davantage au cours des cinq prochaines années. L’Ombudsman a déjà réglé plusieurs affaires […] Une formation continue en matière de droits de la personne est offerte aux juges, aux procureurs, aux policiers ainsi qu’à divers particuliers partout au pays. La preuve qui m’a été présentée me convainc, selon la prépondérance des probabilités, que ces améliorations appuyées par le gouvernement s’avéreront avantageuses pour M. Mohamed plutôt qu’elles ne l’exposeront à un risque.
[28] Par conséquent, pour les motifs qui précèdent, la présente demande de contrôle judiciaire doit être rejetée.
[29] Aucune partie n’a proposé la certification d’une question et aucune question ne sera certifiée.
JUGEMENT
LA COUR STATUE QUE :
La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2337-07
INTITULÉ : AHMED ADEM MOHAMED
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 28 FÉVRIER 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE KELEN
DATE DES MOTIFS : LE 7 MARS 2008
COMPARUTIONS :
Joy-Ann Cohen
|
POUR LE DEMANDEUR |
Bernard Assan
|
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joy-Ann Cohen Avocate Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR
|
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |