Toronto (Ontario), le 6 mars 2008
En présence de monsieur le juge Campbell
ENTRE :
demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
défendeurs
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Par une décision de la juge Snider datée du 28 juin 2007, le demandeur dans la présente requête en sursis de renvoi a eu partiellement gain de cause en contestant la décision d’un délégué du ministre en vertu de l’alinéa 115(2)a) par laquelle il a été conclu que le demandeur constituait un danger pour le public au Canada et qu’il ne serait pas en danger s’il était renvoyé au Sri Lanka. La juge Snider a confirmé l’aspect dangereux de la décision du délégué du ministre, mais a ordonné que « [l]’avis du délégué du ministre est annulé et l’affaire est renvoyée au même délégué du ministre dans le seul but de lui permettre de réévaluer les risques auxquels le demandeur serait exposé s’il retournait au Sri Lanka ». Conformément à l’ordonnance, un délégué du ministre a bien examiné de nouveau le risque auquel était exposé le demandeur, et ce nouvel examen est l’objet de la présente demande de contrôle judiciaire.
[2] Dans la présente requête en sursis du renvoi, l’avocate du demandeur fait valoir que les passages suivants du nouvel examen soulèvent des questions sérieuses :
Compte tenu de la situation actuelle d’hostilités généralisées, de l’insécurité et des violations des droits de la personne dans le nord et l’est du Sri Lanka, le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (UNHCR) est d’avis que la situation peut être considérée comme une situation de violence généralisée et d’atteinte grave à l’ordre public. Les trois groupes ethniques, Cinghalais, Tamouls et musulmans, sont touchés par la situation de violence généralisée et de conflits armés.
[…]
Analyse au titre de l’article 97
Dans l’examen documentaire visant à déterminer si M. Sittampalam peut être exposé à un risque à son retour au Sri Lanka, je suis tenu de garder à l’esprit les questions énoncées à l’article 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR). La LIPR énonce clairement que l’une des clés pour permettre de rendre une telle décision est que le risque auquel la personne est exposée, elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas. Bien que je prenne en considération les nouvelles et autres rapports tout à fait crédibles, je dois les soupeser de façon appropriée, non seulement en ce qui a trait au risque personnalisé auquel M. Sittampalam serait exposé, mais aussi en examinant s’il ferait face à de la persécution fondée sur l’un des motifs énumérés dans la Convention.
M. Sittampalam a quitté le pays il y a environ 17 ans alors qu’il était un jeune homme. Il n’y a pas de mandat d’arrestation à son endroit au Sri Lanka, et les éléments de preuve que j’ai examinés n’indiquent pas que les réfugiés sont généralement placés en détention. Je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, qu’il serait ciblé ou recherché pour l’une des raisons que l’avocat allègue. Bien qu’il y ait la possibilité que M. Sittampalam soit exposé à un risque généralisé à son retour au Sri Lanka en raison de la situation dans le pays, je ne suis pas convaincu, selon la prépondérance des probabilités, que son expulsion l’exposerait à un risque de persécution, de torture, de traitements ou peines cruels ou inusités.
Le fondement de l’examen du risque est prospectif. Je ne suis pas convaincu, tout bien pesé, et selon une vision prospective, qu’il existe un risque de persécution en raison de ses ennuis ou de ses antécédents juridiques.
Bien que j’aie noté l’observation de l’avocate sur les avis aux voyageurs qui recommandent d’éviter tout voyage non essentiel, ce n’est pas l’équivalent d’un moratoire sur les renvois. Les voyages au Sri Lanka sont possibles et sont effectués ainsi qu’en témoignent les rapports sur l’ampleur de l’activité touristique. Par conséquent, je n’ai accordé aucun poids aux avis aux voyageurs.
Compte tenu de l’ensemble de l’information dont je dispose et selon la prépondérance des probabilités, M. Sittampalam serait dans la même situation que les autres résidents du Sri Lanka. Il ne fait aucun doute qu’il y a un certain risque dans un pays où règne la guerre civile et l’agitation. Cependant, ce risque généralisé dans tout le pays ne répond pas aux critères de l’article 97.1. Je ne crois pas qu’il y a plus qu’une possibilité que M. Sittampalam soit l’objet de persécution comme décrit dans l’article 97 de la LIPR.
(Décision du délégué du ministre, pages 8, 20 et 21.)
[3] À cet égard, faisant référence au délégué du ministre, l’avocate du demandeur avance l’argument suivant :
a. Elle a conclu que tous étaient exposés au même risque au Sri Lanka, ce qui n’est pas corroboré par la preuve. Les rapports qu’elle a cités étaient des rapports sur les risques particuliers aux Tamouls et bien que les rapports indiquaient en effet que d’autres personnes dans le pays ont été touchées par le conflit armé, ils ne permettaient pas de conclure que les risques étaient équivalents. La conclusion du délégué selon laquelle tous étaient confrontés au même risque est arbitraire étant donné la teneur du rapport Hotham, des rapports de Human Rights Watch et du rapport du UNHCR.
b. Dans la mesure où elle a reconnu un plus grand risque pour les Tamouls, elle a commis une erreur en qualifiant ce risque de « généralisé », puisqu’il s’agissait d’un groupe à risque identifiable auquel appartenait le demandeur.
(Dossier du demandeur, page 601)
[4] Je suis d’accord avec l’argument de l’avocate du demandeur.
[5] En ce qui concerne les questions de préjudice irréparable et de prépondérance des inconvénients dans la présente requête en sursis, puisque j’estime que des questions sérieuses à être tranchées dans le cadre d’un contrôle judiciaire sont soulevées par le nouvel examen du délégué du ministre, à mon avis, le fait de renvoyer le demandeur avant l’issue de la demande de contrôle judiciaire rendra son recours de contrôle judiciaire inefficace. Un tel état de fait constitue en soi un dommage irréparable et fait pencher la balance de la prépondérance des inconvénients en faveur du demandeur (Resulaj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2003 CF 1168; Figurado c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2005 CF 247, paragraphes 43 à 45; Streanga c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) 2007 CF 792, au paragraphe 40).
ORDONNANCE
En conséquence, j’ordonne qu’un sursis soit en vigueur jusqu’à ce qu’une décision à l’égard de la présente demande de contrôle judiciaire soit finalement rendue.
« Douglas R. Campbell »
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-248-08
INTITULÉ : JOTHIRAVI SITTAMPALAM c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 mars 2008
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS: Le 6 mars 2008
COMPARUTIONS :
Barbara Jackman
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Judy Michaely
Greg George
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jackman & Associates
Avocats
Windsor (Ontario)
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John H. Simms, c.r.
Sous-procureur général du Canada
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