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Date : 20080304

Dossiers : T-139-06

T-140-06

 

Référence : 2008 CF 298

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 4 mars 2008

En présence de madame la juge Simpson

 

 

ENTRE :

T-139-06

J2 GLOBAL COMMUNICATIONS INC.

demanderesse

et

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

défenderesse

ET ENTRE :

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

 

demanderesse reconventionnelle

et

 

J2 GLOBAL COMMUNICATIONS INC. et

CATCH CURVE INC.

 

défenderesses reconventionnelles

 

T-140-06

 

CATCH CURVE INC.

demanderesse

et

 

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

défenderesse

ET ENTRE :

PROTUS IP SOLUTIONS INC.

demanderesse reconventionnelle

et

CATCH CURVE INC. et

J2 GLOBAL COMMUNICATIONS INC.

 

défenderesses reconventionnelles

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

  • [1] Protus IP Solutions Inc. (Protus) est défenderesse et demanderesse reconventionnelle dans les actions T-139-06 et T-140-06. Au moyen d’une requête déposée en vertu de l’article 51 des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, Protus interjette appel des deux ordonnances suivantes rendues par la protonotaire Tabib le 4 juillet 2007 :

    1. une ordonnance exigeant de Protus qu’elle réponde aux questions auxquelles elle n’a pas répondu pendant l’interrogatoire préalable de son représentant, M. Simon Nehme (la première ordonnance);

    2. une ordonnance rejetant la requête de Protus visant à obliger les demanderesses J2 Global Communications Inc. et Catch Curve Inc. (collectivement, les demanderesses) à répondre aux questions auxquelles elles n’ont pas répondu pendant l’interrogatoire préalable de leurs représentants, MM. Zohar Loshitzer et Michael McLaughlin (la deuxième ordonnance).

 

  • [2] Les présents motifs traitent des questions préliminaires ayant été soulevées pendant l’audition de l’appel et débattues sous la forme d’une requête (la requête) et non pas lors de l’appel.

 

CONTEXTE

 

  • [3] En janvier 2006, les demanderesses ont entamé leurs poursuites judiciaires respectives (T‑139-06 et T-140-06) à l’encontre de Protus. Les demanderesses sont des sociétés affiliées. Sans avoir été regroupées, les deux affaires sont menées parallèlement à titre d’actions faisant l’objet d’une gestion d’instance.

 

  • [4] Les demanderesses allèguent que Protus a contrefait les brevets canadiens no 2 232 397 (le brevet 397) et no 1 329 852 (le brevet 852) ainsi que ses services MYFAX et VIRTUAL FAX qui, en termes généraux, font appel à un logiciel permettant à des ordinateurs d’envoyer et de recevoir des télécopies. Protus nie les allégations et allègue, dans ses demandes reconventionnelles, que les brevets en question sont invalides et nuls pour un certain nombre de motifs.

 

QUESTIONS PRÉLIMINAIRES DANS LA REQUÊTE

 

  • [5] Les demanderesses s’opposent au fait que Protus cite dans ses observations d’appel une vingtaine d’affaires portant sur le bien-fondé des questions posées lors de l’interrogatoire préalable qui, bien qu’il était possible d’y avoir accès, ne figuraient pas dans les requêtes présentées à la protonotaire Tabib. Dans une observation connexe, les demanderesses s’opposent au fait que Protus présente de nouveaux arguments lors de l’appel sur la pertinence de certaines questions posées lors de l’interrogatoire préalable.

 

  • [6] Les demanderesses se sont fondées sur la décision du juge O’Keefe dans la décision Starr v. The Queen, 2001 CFPI 338, confirmée par la Cour d’appel fédérale, 2002 CAF 95. Dans cette affaire, le juge O’Keefe devait se prononcer en appel sur une ordonnance rendue par le protonotaire Lafrenière en vertu de laquelle les demandeurs devaient produire des renseignements précis relativement à leur déclaration afin de permettre aux défendeurs de préparer leur défense.

 

  • [7] Dans la requête présentée au protonotaire Lafrenière, les demandeurs s’étaient fondés sur un affidavit (le premier affidavit) et n’avaient formulé aucun argument relatif à la Charte. Or, lors de l’audition de l’appel devant le juge O’Keefe, les demandeurs s’étaient fondés sur le premier affidavit, mais également sur un deuxième affidavit du même déposant ainsi que sur un troisième affidavit assermenté d’un autre témoin. Ils avaient également avancé des arguments relatifs à la Charte pour la première fois.

 

  • [8] Le juge O’Keefe s’était donc notamment demandé s’il devait accepter les deux nouveaux affidavits et entendre les arguments relatifs à la Charte, compte tenu du fait que ni la preuve ni les arguments n’avaient été présentés au protonotaire.

 

  • [9] Le juge O’Keefe a finalement refusé d’admettre en preuve les nouveaux affidavits, puisqu’ils contenaient des renseignements qui auraient pu être présentés au protonotaire, mais ne l’ont pas été. Il a également déclaré au paragraphe 16 :

Le rôle de la Cour qui tranche un appel à l’encontre d’une ordonnance du protonotaire consiste à décider si le protonotaire a tranché correctement les questions qui lui ont été soumises. Il n’appartient pas à la Cour de trancher d’autres questions qui auraient pu être soulevées devant le protonotaire et qui auraient pu mener à un résultat différent si les faits nécessaires avaient été établis. Cela ne signifie pas qu’une nouvelle question ne peut jamais être soulevée en appel. En l’espèce, je ne suis pas disposé à entendre ces nouveaux arguments en appel, car ils auraient facilement pu être soulevés devant le protonotaire avec la mention des faits qui auraient pu en établir le bien-fondé.

[Non souligné dans l’original.]

 

  • [10] À mon avis, le juge O’Keefe, pour se prononcer, semble avoir tenu compte du fait que l’on cherchait à présenter de nouveaux éléments de preuve qui ont sous-tendu de nouveaux arguments et qui auraient pu être présentés au protonotaire.

 

  • [11] Les demanderesses font également valoir que la Cour d’appel fédérale, dans l’arrêt Starr, va plus loin que le juge O’Keefe dans sa conclusion pour affirmer que les questions n’ayant pas été débattues devant un protonotaire ne peuvent pas être prises en compte en appel, même si elles n’ont aucun lien avec de nouveaux éléments de preuve et que, lorsqu’il s’agit de déterminer si un protonotaire a commis une « erreur flagrante », l’analyse doit reposer uniquement sur la preuve, la jurisprudence et les observations présentées au protonotaire. La déclaration sur laquelle on s’appuie est celle du juge Strayer, au paragraphe 4 de la décision de la Cour d’appel. Il se lit comme suit :

Je suis convaincu que l’ordonnance du protonotaire ne peut être attaquée pour les raisons invoquées puisque ces questions ne lui ont jamais été clairement soumises au moyen de la preuve ou lors du débat.

 

  • [12] Je n’irais pas jusqu’à conclure que la décision de la Cour d’appel fédérale a une portée aussi vaste que celle alléguée par les demanderesses. J’estime qu’elle se limite aux faits de l’affaire pour lesquels de nouveaux arguments nécessitaient d’être corroborés par de nouveaux éléments de preuve et que ni les arguments ni les faits nécessaires n’avaient été présentés au protonotaire.

 

  • [13] La présente espèce diffère sensiblement de l’arrêt Starr. Protus n’a pas déposé de nouveaux éléments de preuve pour démontrer que la protonotaire a commis une erreur flagrante. Elle ne fait que citer des décisions qui existaient déjà au moment où la protonotaire a rendu les ordonnances, mais qui n’avaient pas été portées à son attention. Elle souhaite également présenter des arguments sur le bien-fondé des questions de l’interrogatoire préalable qui n’avaient pas été présentés à la protonotaire Tabib. En l’espèce, il n’y aucun lien entre l’argumentation de nouvelles causes et questions et la nécessité de présenter de nouveaux éléments de preuve.

 

  • [14] Selon moi, la décision d’un protonotaire pourrait être entachée d’une erreur flagrante si une requête n’a pas été présentée convenablement. Si, comme c’est le cas en l’espèce, tous les précédents pertinents n’ont pas été portés à l’attention du protonotaire et que toutes les observations pertinentes n’ont pas été faites, on ne saurait reprocher au protonotaire d’avoir commis une faute, mais il peut tout de même commettre une erreur flagrante lorsque l’ensemble du droit pertinent a été pris en compte.

 

  • [15] J’ai donc décidé de rejeter la requête préliminaire des demanderesses et d’autoriser Protus, dans le présent appel, à faire valoir que la protonotaire Tabib a commis une erreur flagrante en raison de la jurisprudence et des arguments qui ne lui ont pas été présentés. Toutefois, il y aura des conséquences néfastes en matière de dépens pour Protus, puisqu’il incombe aux plaideurs de produire des observations détaillées à l’appui de requêtes présentées aux protonotaires.

 

DOCUMENTS POUR L’APPEL À VENIR

 

  • [16] Protus avait présenté à la protonotaire Tabib des questions à trancher qu’elle avait divisées en annexes par témoin et par sujet, ce qui est reflété dans ses ordonnances.

 

  • [17] Pour les besoins du présent appel, Protus a une fois de plus organisé les questions en litige en annexes et a aussi organisé les questions liées à la deuxième ordonnance en catégories par sujet.

 

  • [18] Le problème avec cette façon de procéder est que ces annexes et catégories ne sont pas les mêmes que celles présentées à la protonotaire Tabib. Par conséquent, il est pratiquement impossible de faire correspondre les questions examinées en appel à celles figurant dans les ordonnances de la protonotaire Tabib.

 

  • [19] Pour cette raison, Protus a accepté de présenter les questions en suivant le même format que celui présenté à la protonotaire Tabib lorsque l’appel sera entendu sur le fond.

 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE QUE :

  • (i) la requête des demanderesses soulevant une objection préliminaire soit rejetée;

  • (ii) les appels visant la première et la deuxième ordonnance soient ajournés à une date indéterminée en attendant qu’une nouvelle date soit fixée;

  • (iii) selon moi, en raison de l’omission de Protus de présenter des observations complètes avec la jurisprudence pertinente à la protonotaire Tabib, Protus verse aux demanderesses les dépens entre parties de la présente requête.

 

 

« Sandra J. Simpson »

Juge


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIERS :  T-139-06 et T-140-06

 

INTITULÉ :  J2 Global Communications, Inc. et al.

  Protus IP Solutions Inc. et al.

  Catch Curve Inc. et al. c.

  Protus IP Solutions Inc. et al.

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :  Ottawa (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Les 15 et 16 octobre 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

 ET JUGEMENT :  LA JUGE SIMPSON

 

DATE :  Le 4 mars 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Paul Lomic

 

POUR LES DEMANDERESSES

Kevin K. Graham

Timothy O. Stevenson

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Ridout & Maybee LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDERESSES

Smart & Biggar

Ottawa (Ontario)

 

POUR LES DÉFENDERESSES

 

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