Cour fédérale |
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Federal Court |
Ottawa (Ontario), le 3 mars 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MacTAVISH
ENTRE :
SAMIA MOHSIN
MERAJ MOHSIN
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
(Jugement prononcé à l’audience, à Toronto (Ontario), le 28 février 2008)
[1] Sayada Mohsina sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’un agent des visas qui a refusé la demande qu’elle avait déposée pour qu’il l’autorise à parrainer ses deux enfants, pour des motifs d’ordre humanitaire, bien qu’elle n’eût pas révélé l’existence de ses enfants dans sa demande de résidence permanente.
[2] Après examen des observations de l’avocat de la demanderesse et de l’avocate du défendeur, je suis d’avis que la décision de l’agent était déraisonnable et qu’elle devrait être annulée, pour les motifs suivants :
1. L’agent des visas a constaté qu’il y avait une [traduction] « certaine incohérence » entre les antécédents de la demanderesse en matière de parrainage, les affidavits signés par le père des enfants et les explications figurant dans les observations de la demanderesse. Non seulement les zones d’« incohérence » ne sont indiqués nulle part, mais encore le dossier dont était saisi l’agent des visas ne contenait pas d’affidavits fournis par le père des enfants.
2. L’agent des visas a conclu que l’affirmation selon laquelle les enfants seraient exposés à des difficultés excessives au Bangladesh était affaiblie par le fait que leur mère avait attendu de devenir citoyenne canadienne pour tenter de les parrainer. Cependant, l’examen du dossier révèle que Mme Mohsina a déposé avant d’obtenir sa citoyenneté canadienne sa demande de dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire au regard du parrainage de ses enfants, et la conclusion de l’agent est manifestement déraisonnable.
3. L’agent des visas a constaté une [traduction] « sérieuse contradiction » dans la preuve produite par les demandeurs en ce qui concerne l’allégation d’enlèvement des enfants par leur père, faisant observer qu’ils avaient continûment fréquenté la même école au Bangladesh depuis octobre 1998. Les enfants avaient été prétendument enlevés par leur père en février 1998. En conséquence, le fait qu’ils avaient fréquenté la même école durant quelques années après leur enlèvement ne contredisait en aucune façon la version donnée par les demandeurs.
4. L’agent des visas n’a pas bien saisi la réalité de la situation des enfants au Bangladesh, estimant que les enfants bénéficiaient dans ce pays à la fois d’un soutien familial et d’un réseau social. Il est arrivé à cette conclusion malgré une preuve non contredite qui montrait que les enfants avaient été abandonnés par leur père, que leur grand‑mère était décédée et qu’ils vivaient avec une tante qui ne voulait pas d’eux. Par ailleurs, la conclusion selon laquelle les enfants bénéficieraient d’un réseau social parce qu’ils étaient écoliers ne repose sur rien d’autres que des conjectures.
5. L’agent des visas n’a pas retenu la raison donnée par Mme Mohsina pour expliquer son inertie à rechercher plus rapidement une dispense fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, c’est‑à‑dire que, selon la demanderesse, il n’allait pas de soi qu’une telle dispense était même possible pour une personne dans sa situation, avant que ne soit rendu l’arrêt de la Cour d’appel fédérale dans l’affaire De Guzman c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. n° 2119.
6. Il était déraisonnable que l’agent des visas ne tienne pas compte de la preuve se rapportant aux conditions de vie des enfants au Bangladesh et qu’il conclue, sur la foi de photographies montrant les enfants avec leur mère dans un endroit non identifié, qu’ils vivaient dans des circonstances qui correspondaient [traduction] « au moins à celles de la classe moyenne supérieure ».
7. Les considérations ci‑dessus suffisent à faire annuler la décision de l’agent des visas, mais je ferais aussi observer que l’équité de la procédure suivie par l’agent des visas est également douteuse, car il ressort des notes du STIDI que l’agent des visas avait, à propos de la demande, des doutes dont il n’avait pas fait part aux demandeurs.
[3] En conséquence, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour réexamen, lequel doit commencer sur‑le‑champ.
Question à certifier
[4] Aucune des parties n’a suggéré de question à certifier, et aucune n’est soulevée en l’espèce.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie, et l’affaire est renvoyée à un autre agent des visas pour réexamen, lequel doit commencer sur‑le‑champ;
2. aucune question grave de portée générale n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B., B.A.Trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM‑2246‑07
INTITULÉ : SAYADA MOHSINA ET AL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 28 FÉVRIER 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LA JUGE MacTAVISH
DATE DES MOTIFS : LE 3 MARS 2008
COMPARUTIONS :
Matthew Jeffrey
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POUR LES DEMANDEURS |
Leanne Briscoe
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POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Matthew Jeffrey Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |