Vancouver (Colombie-Britannique), le 29 février 2008
En présence de monsieur le juge Blanchard
ENTRE :
ET DE L’IMMIGRATION
et
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Le 5 octobre 2006, un juge de la citoyenneté a approuvé la demande de citoyenneté
(la décision) de Xiao Kui Li (la défenderesse). Le ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le demandeur) a interjeté appel de la décision, conformément au paragraphe 14(5) de la Loi sur la citoyenneté, L.R.C. 1985, ch. C-29, (la Loi) pour deux raisons. Premièrement, le juge de la citoyenneté avait omis de fournir au ministre les motifs de la décision. Deuxièmement, dans sa décision, le juge de la citoyenneté n’avait ni précisé ni appliqué de critère en matière de résidence. Le demandeur sollicite une ordonnance annulant la décision du juge de la citoyenneté.
[2] La défenderesse ne s’est pas présentée à l’audience portant sur la présente demande. Le dossier établit que l’avis de demande a été signifié à la défenderesse, mais qu’elle n’a pas déposé d’acte de comparution. Nonobstant l’absence d’un acte de comparution, l’avis d’audience a été remis à la défenderesse en conformité avec les Règles des Cours fédérales. J’étais donc convaincu que l’audience pouvait se dérouler en l’absence de la défenderesse.
[3] Le demandeur fait valoir que la défenderesse n’avait pas fourni suffisamment d’éléments de preuve documentaire pour montrer qu’elle était présente au Canada durant les 1 095 jours requis par la Loi au cours de la période pertinente de trois ans, à savoir du
2 septembre 1999 au 3 septembre 2003. La défenderesse s’est absentée du Canada pendant 355 jours durant la période pertinente. Elle a passé ce temps essentiellement à travailler aux
États-Unis. Le demandeur soutient que le témoignage même de la défenderesse indique qu’elle avait demandé et obtenu le droit d’établissement aux États-Unis au cours de la période pertinente. La raison qu’elle avait fournie pour avoir quitté le Canada le 1er septembre 2003 était qu’elle voulait résider aux États-Unis de façon permanente. Le dossier révèle aussi que, le 24 octobre 2002, la défenderesse est devenue résidente permanente des États-Unis. Le demandeur fait valoir que la défenderesse n’a pas fourni la documentation nécessaire attestant qu’elle avait résidé de façon continue au Canada.
[4] Le 15 juillet 2005, un agent de citoyenneté a reçu en entrevue la défenderesse. À la suite de l’entrevue, l’agent n’était pas convaincu que la preuve de la défenderesse établissait que celle-ci avait une présence continue au Canada et il a conclu que la défenderesse avait des liens plus forts avec les États-Unis qu’avec le Canada. L’agent a également conclu que la défenderesse n’avait pas déclaré avec exactitude toutes ses absences du Canada au cours de la période pertinente. L’agent a déféré le cas de la défenderesse pour audition devant le juge de la citoyenneté pour qu’il décide si la défenderesse satisfait aux conditions de résidence prévues par la Loi.
[5] Le juge de la citoyenneté a approuvé la demande de la défenderesse sans fournir de motif à l’appui de la décision. L’obligation de transmettre au ministre sa décision motivée est prévue au paragraphe 14(2) de la Loi, qui énonce ce qui suit :
14. (2) Aussitôt après avoir statué sur la demande visée au paragraphe (1), le juge de la citoyenneté, sous réserve de l’article 15, approuve ou rejette la demande selon qu’il conclut ou non à la conformité de celle-ci et transmet sa décision motivée au ministre.
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14. (2) Forthwith after making a determination under subsection (1) in respect of an application referred to therein but subject to section 15, the citizenship judge shall approve or not approve the application in accordance with his determination, notify the Minister accordingly and provide the Minister with the reasons therefor.
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[6] La Loi impose aux juges de la citoyenneté l’obligation de motiver leurs décisions. Les motifs doivent être suffisants pour permettre à la cour d’appel de s’acquitter de son rôle. La jurisprudence établit que le juge de la citoyenneté commet une erreur susceptible de contrôle en ne motivant pas suffisamment une décision. Voir : Seiffert c. Canada (M.C.I.), [2005] A.C.F. nº 1326, au paragraphe 9, et Ahmed c. Canada (M.C.I.), [2002] A.C.F. nº 1415, au paragraphe 12.
[7] En l’espèce, dans l’avis de décision notifié au ministre, la rubrique [traduction] « Motifs » est demeurée vide. Étant donné qu’il n’y a aucune déclaration ni observation qui explique le raisonnement du juge de la citoyenneté, je dois conclure que le juge de la citoyenneté a manqué à son obligation prévue au paragraphe 14(2) de la Loi. À mon avis, le juge de la citoyenneté a commis une erreur susceptible de contrôle en ne transmettant pas au ministre les motifs pour lesquels il avait approuvé la demande de la défenderesse. Vu les circonstances de l’espèce et compte tenu des doutes soulevés par l’agent de citoyenneté qui avait mené l’entrevue de la défenderesse, le juge de la citoyenneté aurait dû fournir, dans sa décision, des motifs exposant les documents déposés par la défenderesse et leur incidence sur la décision. Les motifs auraient dû également préciser le critère de résidence appliqué par le juge de la citoyenneté et expliquer pourquoi ce dernier avait conclu que les conditions de résidence prévues à l’article 5 de la Loi avaient été remplies.
[8] Pour les motifs qui précédent, l’appel sera accueilli. La décision sera annulée et l’affaire renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvel examen conformément aux présents motifs.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que l’appel est accueilli pour les motifs exposés ci-dessus. La décision est annulée et l’affaire renvoyée à un autre juge de la citoyenneté pour nouvel examen conformément aux présents motifs.
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2132-06
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
c.
XIAO KUI LI
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 27 FÉVRIER 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LE JUGE BLANCHARD
DATE DES MOTIFS : LE 29 FÉVRIER 2008
COMPARUTIONS :
Hilla Aharon
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s.o.
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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s.o. |