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Date : 20080215

Dossier : T‑1823‑06

Référence : 2008 CF 202

Ottawa (Ontario), le 15 février 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MacTAVISH

 

ENTRE :

FRANCE GILBERT

demanderesse

 

et

 

SA MAJESTÉ LA REINE DU CHEF DU CANADA,

représentée par le CONSEIL DU TRÉSOR

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               France Gilbert sollicite le contrôle judiciaire d’une décision du directeur de la Direction de l’organisation et de la classification de la Gendarmerie royale du Canada. La décision concernait son grief de classification.

 

[2]               Après que Mme Gilbert eut déposé sa demande de contrôle judiciaire, son employeur a prétendu annuler la décision du directeur, en indiquant qu’il convoquerait un nouveau comité de règlement des griefs de classification pour qu’il instruise à nouveau le grief. Le défendeur dit que la Cour devrait donc refuser d’entendre la demande de contrôle judiciaire parce qu’elle est maintenant théorique.

[3]               Mme Gilbert dit que son employeur n’avait pas le pouvoir d’annuler la décision du directeur et que l’instance n’est donc pas devenue théorique. Elle dit aussi que le directeur a commis une erreur de droit dans sa décision parce qu’il n’a pas tenu compte de la norme de classification applicable.

 

[4]               Pour les motifs qui suivent, je suis d’avis que la demande n’est pas théorique parce que l’employeur n’avait pas le pouvoir d’annuler unilatéralement la décision du directeur. Je suis également d’avis que le directeur a commis une erreur parce qu’il n’a pas tenu compte de la norme de classification. La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie.

 

Contexte

[5]               Mme Gilbert travaille à la GRC comme analyste de la planification stratégique. Le 10 juin 2004, elle a déposé un grief de classification en affirmant que son poste devrait être classé au niveau AS‑05 plutôt qu’au niveau AS‑04.

 

[6]               Lorsque la GRC reçoit un grief de classification, les politiques et procédures en matière de griefs qui sont établies par le Conseil du Trésor en application de la Loi sur la gestion des finances publiques disposent qu’un comité de règlement de grief de classification doit être convoqué pour instruire le grief.

 

[7]               Le comité est alors tenu d’évaluer le poste en cause par rapport à divers facteurs définis dans la norme de classification applicable. En l’espèce, c’est la norme de classification des Services administratifs qui est applicable au poste de Mme Gilbert.

 

[8]               La norme des Services administratifs énumère quatre facteurs à employer pour évaluer les postes : les connaissances (ce facteur est réparti en trois sous‑catégories : instruction, expérience et études), les décisions, la responsabilité rattachée aux contacts, enfin la surveillance.

 

[9]               Les « Notes à l’intention des appréciateurs » (les Notes) remises aux membres des comités de règlement des griefs de classification indiquent les totaux qui sont attribués à chaque facteur, sous réserve de plusieurs conditions. Le niveau de classification du poste considéré est alors fixé en fonction du nombre total de points attribués en application de ce système.

 

[10]           Les conclusions soumises par Mme Gilbert au comité se rapportaient uniquement à la cotation que son poste avait obtenue pour le facteur « instruction ». Elle faisait valoir que la cotation « A » qui avait été attribuée à son poste pour le facteur « instruction » était fautive, car elle donnait à penser que le poste n’exigeait aucune formation spécialisée.

 

[11]           Selon Mme Gilbert, son poste requérait que les analystes donnent des conseils éclairés. Elle faisait valoir que, pour pouvoir donner ce genre de conseils, les analystes devaient avoir des connaissances [traduction] « allant au‑delà de ce que l’on serait en mesure d’acquérir par une expérience sur place […], des connaissances qui font appel aux principes et aux théories intéressant une diversité de domaines, tels que la sociologie, l’économie, les sciences politiques, la criminologie, la statistique et l’administration des affaires ».

 

[12]           Mme Gilbert et son représentant syndical ont également communiqué au comité des renseignements sur la classification de postes qui, disait‑elle, étaient des postes comparables et auxquels avait été attribuée la cotation « C » pour le facteur « instruction ».

 

[13]           Le comité a passé en revue les conclusions de Mme Gilbert, ainsi que celles de son syndicat. Il a également examiné les conclusions qui avaient été présentées au nom de l’employeur. Il a alors jugé que le niveau d’expertise que requérait le poste de Mme Gilbert était moindre que celui d’un poste exigeant un niveau professionnel d’expertise et qu’il ne pouvait se comparer au niveau d’expertise des postes sur lesquels s’appuyait Mme Gilbert.

 

[14]           Dans son analyse, le comité s’est référé aux indications fournies dans les Notes, lesquelles font partie de la norme de classification. Selon les Notes, une cotation « C » devrait être attribuée à un poste lorsque les fonctions du poste :

1.                  requièrent un diplôme universitaire dans un domaine spécialisé; ou

 

2.                  requièrent une compréhension et une assimilation des principes et concepts de deux ou plusieurs domaines spécialisés dont la connaissance est normalement acquise à la suite d’une formation universitaire et qui sont directement reliées aux tâches exécutées; ou

 

3.                  requièrent l’étude et l’analyse systématiques de problèmes généraux complexes ainsi que leur solution par l’application de connaissances spécialisées acquises à la suite d’une formation ou d’études postsecondaires approfondies, plutôt que par l’expérience.

 

 

 

[15]           On peut lire ensuite dans les Notes que, « pour les postes dont les fonctions répondent aux conditions 2 et 3, les titulaires ne seront pas nécessairement des diplômés universitaires ».

 

[16]           S’agissant du poste de Mme Gilbert, le comité a estimé que le poste :

[traduction]

était comparable aux conditions 2 et 3, puisqu’il requérait la compréhension et l’assimilation de principes et de concepts de deux ou plusieurs domaines spécialisés (administration des affaires, statistique et économie, pour n’en nommer que trois) ainsi que l’étude et l’analyse systématiques de problèmes généraux complexes (par exemple la définition d’enjeux et de tendances à la faveur d’examens environnementaux) et leur solution, mais n’exigeait pas nécessairement un diplôme universitaire. Pour cette raison, le comité n’a pu confirmer une cotation de niveau C pour le [poste en question].

 

 

 

[17]           Le comité a alors attribué au facteur « connaissances » du poste le second niveau de l’échelle, c’est‑à‑dire le niveau « B ».

 

[18]           Le représentant syndical de Mme Gilbert a alors écrit, le 6 septembre 2006, au directeur de la Direction de l’organisation et de la classification, pour le prier de revoir la décision du comité, en sa qualité de représentant de l’administrateur général, et d’autorité de dernier recours en matière de griefs.

 

[19]           Le représentant syndical de Mme Gilbert a fait valoir que le comité avait commis une erreur dans son évaluation, car les Notes précisaient clairement qu’un niveau « C » devait être attribué à un poste dont les fonctions répondaient à l’une quelconque des trois conditions énumérées. Puisque le comité avait estimé que le poste de Mme Gilbert répondait à deux des conditions, il s’ensuivait qu’une cotation de niveau « C » aurait dû lui être attribuée.

 

[20]           Le 15 septembre 2006, le directeur faisait savoir qu’il confirmait la décision du comité. Il disait que, même si l’on pouvait interpréter la décision du comité comme une décision confirmant que le poste de Mme Gilbert répondait à deux des conditions d’une cotation « C », il était d’avis, après en avoir discuté avec le comité, que le celui-ci avait conclu qu’une cotation « B » était indiquée pour le poste.

 

[21]           Le directeur disait également que la conclusion du comité selon laquelle le poste de Mme Gilbert « était comparable aux conditions 2 et 3 » ne signifiait pas que le poste était conforme à tous égards aux conditions d’une cotation de niveau « C ». Selon le directeur, deux choses peuvent être « comparables », mais il ne s’ensuivait pas qu’elles sont nécessairement « équivalentes ».

 

[22]           C’est cette décision qui est à l’origine de la demande de contrôle judiciaire.

 

Événements postérieurs à la décision

[23]           Après que Mme Gilbert eut déposé sa demande de contrôle judiciaire, Guy Bonneville, le gestionnaire de la Direction des griefs de classification à l’Agence des ressources humaines de la fonction publique du Canada, a prié un avocat d’informer Mme Gilbert que la décision du directeur serait annulée et que la tenue d’une nouvelle audience serait ordonnée.

 

[24]           Il n’apparaît pas, dans la lettre de l’avocat ou dans l’affidavit, que M. Bonneville ait déclaré sous serment, dans le contexte de la présente demande, qui avait en réalité pris la décision d’annuler la décision du directeur. Aucun affidavit n’a été déposé par le directeur.

 

[25]           Une nouvelle audition du grief de Mme Gilbert devait avoir lieu en avril 2007, mais elle a été reportée à la demande du représentant syndical de Mme Gilbert, jusqu’à l’issue de la présente demande.

 

La demande de contrôle judiciaire est‑elle devenue théorique?

[26]           Le défendeur fait valoir que la Cour devrait refuser d’entendre la demande de contrôle judiciaire déposée par Mme Gilbert parce qu’elle est maintenant théorique. Étant donné que le défendeur a déjà accepté d’annuler la décision à l’origine de la demande, il affirme qu’il n’y a plus de litige actuel entre les parties.

 

[27]           Mme Gilbert fait valoir que l’employeur essaie tout simplement de la priver du bénéfice de la conclusion du comité de règlement des griefs de classification selon laquelle son poste répondait aux conditions d’une classification AS‑05. Selon elle, l’affaire n’est pas devenue théorique, car le défendeur n’avait pas le pouvoir d’annuler la décision du directeur. Elle affirme donc que la décision subsiste et qu’elle est donc susceptible de contrôle judiciaire.

 

[28]           Je reconnais avec Mme Gilbert que l’affaire n’est pas théorique car le défendeur n’avait pas le pouvoir d’annuler unilatéralement la décision du directeur.

 

[29]           La décision du directeur était la décision de dernier palier qui pouvait être rendue pour ce genre de grief, lequel était régi par les dispositions de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, L.R.C. 1985, ch. P‑35, maintenant abrogée.

 

[30]           Le paragraphe 96(3) de la Loi prévoyait ce qui suit :

96. (3) Sauf dans le cas d’un grief qui peut être renvoyé à l’arbitrage au titre de l’article 92, la décision rendue au dernier palier de la procédure applicable en la matière est finale et obligatoire, et aucune autre mesure ne peut être prise sous le régime de la présente loi à l’égard du grief ainsi tranché. 

[Non souligné dans l’original.]

96. (3) Where a grievance has been presented up to an including the final level in the grievance process … the decision on the grievance taken at the final level in the grievance process is final and binding for all purposes of this Act and no further action under this Act may be taken thereon.  [emphasis added]

 

 

 

[31]           Les décisions prises par les comités de règlement des griefs de classification et les autorités du dernier palier sont des décisions prises par des « offices fédéraux » au sens de l’article 2 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F‑7, dans l’exercice de leurs pouvoirs.

 

[32]           Le défendeur fait valoir que, même s’il ressort clairement du paragraphe 96(3) de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique que les décisions rendues au dernier palier sont finales et obligatoires, ces mots ne devraient pas avoir pour effet d’empêcher l’employeur d’agir promptement et sans formalités pour rectifier une erreur évidente.

 

[33]           Cet argument est à première vue intéressant, mais je ferais remarquer que, ce qui est en cause ici, ce n’est pas la rectification d’une erreur mineure qui s’est glissée dans la décision, mais l’annulation de la décision tout entière.

 

[34]           Par ailleurs, l’argument doit être considéré à la lumière de l’admission du défendeur selon laquelle, si l’employeur avait effectivement le pouvoir d’annuler la décision du directeur, rien ne l’empêcherait d’annuler une décision rendue au dernier palier avec laquelle il est en désaccord.

 

[35]           S’il en était ainsi, cela minerait fondamentalement, à mon avis, l’intégrité de la procédure de règlement des griefs. Cela signifierait aussi que les décisions rendues au dernier palier sont finales et obligatoires pour l’auteur du grief, mais non pour l’employeur – un résultat manifestement indéfendable, qui va à l’encontre de l’intention claire du législateur.

 

[36]           Il convient aussi de noter que, même si certaines lois fédérales sur l’emploi confèrent explicitement aux décideurs le droit d’annuler ou de modifier des décisions, aucun pouvoir du genre n’est conféré à l’employeur en l’espèce par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique : voir par exemple le paragraphe 15(3) de la Loi sur l’emploi dans la fonction publique, L.C. 2003, ch. 22, et les articles 12 et 13 et le paragraphe 32(3) de la Loi sur la Gendarmerie royale du Canada, L.R.C. 1985, ch. R‑10.

 

[37]           Le défendeur dit aussi que la résolution d’annuler une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs n’est pas une « autre mesure » selon la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, mais plutôt « une décision prise dans le cadre des processus internes se rapportant à la classification des postes ».

 

[38]           À l’époque en cause dans la présente affaire, les décisions de classification étaient soumises aux dispositions en matière de griefs de la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique. La partie IV de la Loi conférait le droit à la plupart des fonctionnaires autres que ceux de la catégorie de la gestion de soumettre à la procédure de règlement des griefs les différends se rapportant à leurs conditions de travail, y compris les décisions de classification. Une mesure qui prétend annuler une décision rendue en vertu de la Loi au dernier palier de la procédure de règlement des griefs serait manifestement une « autre mesure » prise à propos du grief et serait donc régie par le paragraphe 96(3). Interpréter autrement la disposition serait manifestement contraire à la volonté du législateur, pour qui les décisions rendues au dernier palier de la procédure de règlement des griefs doivent lier les deux parties.

 

[39]           Au soutien de son affirmation selon laquelle l’affaire est devenue théorique, le défendeur invoque aussi deux jugements de la Cour : Utovac c. Canada (Conseil du Trésor), 2004 CF 1615, et Kowallsky c. Canada (Procureur général), 2006 CF 1458.

 

[40]           Dans le jugement Utovac, les motifs de la Cour sont très brefs, et il ne semble pas que les arguments invoqués aujourd’hui par Mme Gilbert aient été soumis à la Cour dans cette affaire‑là. En conséquence, je suis d’avis que ce précédent n’est guère utile ici.

 

[41]           En ce qui concerne le jugement Kowallsky, ce précédent est un cas d’espèce étant donné que, dans cette affaire‑là, l’employeur n’avait pas cherché à annuler une décision rendue au dernier palier de la procédure de règlement des griefs et que la Cour n’avait pas étudié l’incidence possible du paragraphe 96(3) de la LRTFP sur une telle annulation.

 

[42]           En l’absence d’un pouvoir du défendeur d’annuler unilatéralement la décision du directeur, ladite décision conserve son effet. En conséquence, la demande de contrôle judiciaire n’est pas théorique et elle sera étudiée par la Cour.

 

[43]           Avant de passer à l’examen du bien‑fondé de la demande de contrôle judiciaire, je ferais observer que le défendeur n’a pas, dans son exposé des faits et du droit, présenté de conclusions sur le bien‑fondé de la décision et que nul n’a cherché non plus à justifier la décision au fond durant l’audition de la demande de contrôle judiciaire.

 

Le directeur a‑t‑il commis une erreur susceptible de contrôle parce qu’il n’a pas tenu compte de la norme de classification et des Notes?

 

[44]           Puisque je suis d’avis que la décision contestée ne peut pas résister à un examen selon l’une quelconque des normes de contrôle, il est inutile de se demander quelle norme de contrôle doit être appliquée à la décision.

 

[45]           L’examen des conclusions du comité de règlement des griefs de classification confirme que, selon le comité, les fonctions du poste de Mme Gilbert « étaient comparables » à deux des trois conditions définies comme nécessaires, dans les Notes, pour l’attribution d’une cotation de niveau « C ». Le comité n’a cependant pas attribué le niveau « C ». La raison donnée par le comité pour son refus d’attribuer une cotation de niveau « C » au poste était que le poste n’exigeait pas nécessairement un diplôme universitaire.

 

[46]           C’est là manifestement une erreur, car les trois critères énumérés dans la norme de classification sont disjonctifs : plus précisément, les comités doivent attribuer une cotation de niveau « C » aux postes dont les fonctions requièrent une formation spécialisée du genre indiqué dans l’une quelconque des trois conditions énumérées dans les Notes.

 

[47]           Par ailleurs, les Notes précisent aussi que, « pour les postes dont les fonctions répondent aux conditions 2 et 3, les titulaires ne seront pas nécessairement des diplômés universitaires ».

 

[48]           Au moment de confirmer la décision du comité, le directeur a dit que, après avoir discuté de la question avec le comité, il était d’avis que le comité avait conclu qu’une cotation de niveau « B » était la cotation qui s’imposait pour le poste. C’est sans doute exact, mais il faut alors déterminer si le comité pouvait attribuer une cotation de niveau « B » en dépit de sa conclusion que le poste répondait à deux des trois conditions indiquées dans la norme de classification.

 

[49]           La deuxième raison qu’avait le directeur de confirmer la décision du comité était que, en disant que le poste « était comparable aux conditions 2 et 3 », le comité ne voulait pas dire que le poste était conforme en tout point aux conditions d’une cotation de niveau « C ». Selon le directeur, deux choses peuvent être « comparables », mais il ne s’ensuit pas qu’elles sont nécessairement « équivalentes ».

 

[50]           À mon humble avis, le directeur cherchait à reformuler la décision du comité. Un examen de la décision du comité révèle que le fondement de cette décision n’était pas que le poste ne répondait pas aux conditions 2 et 3. Une lecture objective de la décision montre que le comité reconnaissait qu’il y répondait. Le motif donné par lui pour refuser d’attribuer au poste une cotation de niveau « C » pour le facteur « connaissances » était que le poste « n’exigeait pas nécessairement un diplôme universitaire ». Le comité écrivait d’ailleurs explicitement que c’était [traduction] « pour cette raison [que] le comité n’est pas en mesure d’approuver une cotation de niveau « C » pour le [poste en question] » [Non souligné dans l’original.].

 

[51]           En conséquence, vu la conclusion du comité de règlement des griefs de classification selon laquelle le poste de Mme Gilbert remplissait les conditions 2 et 3, la décision du directeur de confirmer la décision du comité d’attribuer au poste une cotation de niveau « B » pour le facteur « connaissances » était manifestement déraisonnable. La décision du directeur est donc annulée, avec dépens.

 

Réparation

[52]           Je reconnais avec Mme Gilbert que, puisque le comité de règlement des griefs de classification a déjà évalué son poste et tiré sa conclusion factuelle en la matière, il serait futile de renvoyer le grief au comité pour nouvelle évaluation intégrale.

 

[53]           Le paragraphe 18.1(3) de la Loi sur les Cours fédérales habilite la Cour à renvoyer une affaire pour nouvelle décision conforme aux instructions qu’elle estime appropriées.

 

[54]           Dans l’arrêt Turanskaya c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. n° 254, la Cour d’appel fédérale s’exprimait ainsi, à propos de ce pouvoir :

6     Les « instructions » que l’alinéa 18.1(3)b) habilite la Section de première instance à donner varieront selon les circonstances de la cause. Si, par exemple, il subsiste des questions de fait à trancher, il conviendrait qu’elle renvoie l’affaire pour nouvelle instruction par le même tribunal ou par un tribunal de composition différente, selon les circonstances de la cause. Tel n’est cependant pas le cas en l’espèce. La seule question à trancher par la Section de première instance était de savoir si la section du statut avait commis une erreur de droit en concluant que l’intimée n’était pas une réfugiée au sens de la Convention parce qu’elle avait une résidence habituelle antérieure en Ukraine […] L’appelant n’attaquait devant [la juge des demandes] aucune conclusion sur les faits par voie de contrôle judiciaire. Il s’ensuit qu’il n’y a aucune question de fait à résoudre. Nous en concluons que [la juge des demandes] a exercé son pouvoir discrétionnaire dans les limites de l’alinéa 18.1(3)b) en laissant à la section du statut le soin de se prononcer au fond, étant entendu que l’erreur de droit ayant été rectifiée, elle déclarerait l’intimée réfugiée au sens de la Convention.

 

 

 

[55]           Il n’y a aucun différend entre les parties pour ce qui concerne la manière dont le comité a évalué les autres facteurs énumérés dans la norme de classification. Il n’est pas non plus contesté que, si une cotation de niveau « C » est attribuée au poste pour le facteur « instruction », alors les points attribués au poste nécessiteront la reclassification du poste au niveau AS‑05.

 

[56]           L’unique point qu’il reste à décider dans la présente affaire est en effet celui de savoir si une cotation de niveau « C » devrait être attribuée au poste de Mme Gilbert, eu égard à la conclusion du comité selon laquelle les tâches du poste répondaient à deux des trois conditions indiquées dans les Notes comme nécessaires à l’attribution d’une cotation de niveau « C ».

 

[57]           La réponse à cette question est dictée par le texte des Notes, où l’on peut lire qu’une cotation de niveau « C » doit être attribuée lorsque les tâches du poste répondent à l’une des trois conditions indiquées dans la norme.

 

[58]           En conséquence, la Cour ordonne que l’affaire soit renvoyée au directeur de la Direction de l’organisation et de la classification, avec obligation pour lui d’attribuer une cotation de niveau « C » au poste de Mme Gilbert, pour l’élément « instruction » de la norme de classification.

 


JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE que :

 

1.                  La demande de contrôle judiciaire est accueillie, avec dépens.

 

2.                  L’affaire est renvoyée au directeur de la Direction de l’organisation et de la classification, avec obligation pour lui d’attribuer une cotation de niveau « C » au poste de Mme Gilbert, pour le facteur « instruction » indiqué dans la norme de classification.

 

« Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

David Aubry, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    T‑1823‑06

 

 

INTITULÉ :                                                   FRANCE GILBERT

                                                                        c.

                                                                        SA MAJESTÉ LA REINE,

                                                                        représentée par le CONSEIL DU TRÉSOR

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             OTTAWA (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 13 FÉVRIER 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                          LA JUGE MacTAVISH

 

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 15 FÉVRIER 2008

 

 

COMPARUTIONS :

 

Andrew Raven                                                   POUR LA DEMANDERESSE

 

Karen Clifford                                                    POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Raven Cameron Ballantyne Yasbec, LLP        POUR LA DEMANDERESSE

Avocats

Ottawa (Ontario)                                                                     

 

John H. Sims, c.r.                                               POUR LE DÉFENDEUR

Sous‑procureur général du Canada                                          

 

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