Toronto (Ontario), le 7 février 2008
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s’agit d’une demande d’asile présentée par une citoyenne de l’Indonésie de religion chrétienne pentecôtiste et d’origine ethnique chinoise. En rendant sa décision rejetant la demande, la Section de la protection des réfugiés (la SPR) a conclu que :
[…] selon la prépondérance des probabilités, la demandeure d'asile était en mesure de pratiquer sa foi chrétienne en Indonésie et qu’elle pourrait continuer à le faire si elle y retournait.
(Décision de la SPR, page 7)
En réponse à cette affirmation, l’avocat de la demanderesse soutient que la SPR a omis de d’établir de façon précise et claire les causes de persécution et de risques alléguées dans la demande. Je suis d’accord.
[2] Les observations écrites de la demanderesse dont disposait la SPR décrivent comment la demanderesse est exposée à de sérieux risques de persécution en Indonésie en raison de la nature et de la fréquence de ses activités religieuses chrétiennes, parce que [traduction] « les personnes telles que les pentecôtistes qui parlent de leur foi avec d’autres personnes, dont des non‑chrétiens, sont exposées à de plus grands risques en temps de tension interreligieuse que les chrétiens d’autres confessions » (Dossier du tribunal, page 12). La SPR a bien conclu que l’Indonésie figure sur une liste de surveillance des pays où il y a de graves violations des libertés religieuses (Décision, page 11) et qu’il y a une instabilité religieuse et ethnique dans ce pays (Décision, page 13). Cependant, elle n’a fourni aucune analyse relative à l’argument selon lequel les évangélistes et les chrétiens qui font du prosélytisme courraient plus de risques.
[3] Il est important de souligner que, dans le dossier dont disposait la SPR, on trouve une déclaration selon laquelle le gouvernement d’Indonésie interdit le prosélytisme pratiqué par une religion reconnue, particulièrement dans les régions où domine largement une autre religion reconnue, au motif que cela pourrait causer des perturbations (Dossier du tribunal, p. 89). En effet, la SPR a conclu que les chrétiens qui avaient tenté de convertir des musulmans avaient été sanctionnés par l’État. Cependant, la SPR a estimé que la preuve n’était pas pertinente parce que la demanderesse n’avait pas tenté de convertir des musulmans lorsqu’elle se trouvait en Indonésie. À mon avis, cette conclusion passe totalement à côté de l’essentiel de l’argument soulevé par la demanderesse. L’essentiel est que la criminalisation de ce type d’actions religieuses, qui sont au cœur de la religion de la demanderesse, l’expose à de la persécution de la part de l’État et à des risques en Indonésie. Je conclus que le fait que la SPR n’ait pas compris clairement de quoi il était question et qu’elle n’ait pas réglé cette question dans la décision constitue une erreur susceptible de contrôle.
[4] Par conséquent, je conclus que la décision de la SPR est manifestement déraisonnable.
ORDONNANCE
J’infirme donc la décision de la SPR et renvoie l’affaire devant un tribunal différemment constitué pour nouvel examen.
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-420-06
INTITULÉ : AMELIA NASRUN c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 5 FÉVRIER 2008
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 7 FÉVRIER 2008
COMPARUTIONS :
GERALDINE MACDONALD POUR LA DEMANDERESSE
DAVID JOSEPH POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Geraldine MacDonald POUR LA DEMANDERESSE
Avocate
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)