Ottawa (Ontario), le 6 février 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
AFENDY TJUHANDA (alias TJUHANDA, AFENDY)
FRANSISCA HANAFI WANAJASA (alias WANAJASA,
FRANSISCA HANAFI; WANAJASA, FRANSISCA HANAF)
JOSHUA BRIAN TJUHANDA (alias TJUHANDA, JOSHUA BRIAN)
DAVID MANUEL TJUHANDA (alias TJUHANDA, DAVID MANUEL)
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Afendy Tjuhanda, sa femme Fransisca Hanafi Wanajasa et leur fils David Manuel Tjuhanda (collectivement, les demandeurs) sollicitent le contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission). Dans cette décision datée du 14 décembre 2005, la Commission a conclu que les demandeurs n’étaient ni des réfugiés au sens de la Convention ni des personnes à protéger, aux termes de l’article 96 et du paragraphe 97(1) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, et modifications (la Loi).
[2]
Le
demandeur principal et sa femme sont citoyens de l’Indonésie et chrétiens
d’origine chinoise. Leur fils David est aussi un citoyen de l’Indonésie. Leur
autre fils Joshua est né aux États-Unis d’Amérique et a le droit de
retourner dans ce pays. Aucune preuve n’a été présentée à la Commission
relativement à la crainte que Joshua soit persécuté aux États-Unis ou en
Indonésie. Le demandeur principal est un ministre du culte dans une église de
confession chrétienne. Le demandeur, sa femme et leur fils ont présenté une
demande d’asile parce qu’ils craignent d’être persécutés par des extrémistes
musulmans en Indonésie.
[3]
La
Commission a conclu que les demandeurs étaient crédibles, mais a rejeté leur
demande d’asile, parce qu’elle a conclu qu’il existait une possibilité de
refuge intérieur (une PRI) au Sulawesi-Nord. La Commission a conclu qu’il n’y
avait pas de possibilité sérieuse que les demandeurs soient persécutés dans cette
région de l’Indonésie et qu’il n’était pas déraisonnable pour eux d’y chercher
refuge. La Commission a aussi conclu que la vie des demandeurs n’était pas
menacée et qu’ils ne risquaient pas d’être soumis à la torture, ou de subir des
traitements ou peines cruels et inusités en Indonésie.
[4]
La
première question à examiner est la norme de contrôle applicable, eu égard à
une analyse pragmatique et fonctionnelle. Quatre facteurs doivent être
considérés : la présence ou l’absence d’une clause privative; l’expertise
du tribunal; l’objet de la Loi et la nature de la question en litige.
[5] La Loi ne prévoit pas de clause privative ni d’appel de plein droit. Toutefois, le contrôle judiciaire est possible, mais seulement s’il est autorisé. Par conséquent, le premier facteur est neutre.
[6] La Commission est un tribunal spécialisé et ce facteur incite à faire preuve de retenue à l’égard de sa décision. L’objet général de la Loi est de réglementer l’admission des immigrants au Canada et de garantir la sécurité de la société canadienne. Cela implique qu'il faut examiner divers intérêts qui pourraient entrer en conflit. Les décisions rendues dans un contexte polycentrique demandent que la Cour fasse preuve de retenue.
[7]
Finalement,
le dernier facteur à examiner est la nature de la question. L’existence d’une
PRI est essentiellement une question d’ordre factuel. L'examen comparatif des quatre facteurs m'amène à conclure
que la norme de contrôle applicable est la décision manifestement déraisonnable
puisque la Commission devait
apprécier la preuve relative à une PRI viable.
[8]
Dans Rasaratnam
c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration),
[1992]
1 C.F. 706 (C.A.), la Cour d’appel fédérale a décrit une PRI comme suit :
À mon avis, en concluant à l'existence d'une possibilité de refuge, la Commission se devait d'être convaincue, selon la prépondérance des probabilités, que l'appelant ne risquait pas sérieusement d'être persécuté à Colombo et que, compte tenu de toutes les circonstances, dont celles lui étant particulières, la situation à Colombo était telle qu'il ne serait pas déraisonnable pour l'appelant d'y chercher refuge.
[9] Dans Rasaratnam, la Cour d’appel fédérale
a émis des commentaires sur l’obligation de soulever l’existence d’une PRI à
l’audience devant la Commission. La transcription de l’audience qui s’est tenue
devant la Commission montre que cette condition a été remplie en l’espèce.
[10] Compte tenu de la preuve présentée devant la
Commission et plus particulièrement du témoignage des demandeurs adultes au
sujet de leur travail en tant que missionnaires chrétiens en Indonésie, il
existe une PRI viable au Sulawesi-Nord. Les conclusions de la Commission ne
sont pas manifestement déraisonnables et une intervention judiciaire serait injustifiée.
[11] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question à certifier n’est soulevée.
JUGEMENT
La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question à certifier n’est soulevée.
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-7-06
INTITULÉ : AFENDY TJUHANDA ET AL.
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 18 OCTOBRE 2007
ET JUGEMENT : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 6 FÉVRIER 2008
COMPARUTIONS :
John Norquay |
POUR LES DEMANDEURS |
David Joseph |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Vandervennen Lehrer Toronto (Ontario)
|
POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |