Ottawa (Ontario), le 5 juillet 2007
EN PRÉSENCE DU JUGE EN CHEF
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le 11 novembre 1997, l’épouse du demandeur, citoyenne de Hong Kong, a plaidé coupable à l’accusation de complicité de violation d’une condition d’un engagement pris par une visiteuse qui exigeait que celle-ci ne travaille pas lors de son séjour dans ce pays. La visiteuse en cause avait apparemment travaillé comme domestique alors qu’elle n’avait pas le droit de travailler à Hong Kong. L’épouse du demandeur a été condamnée à une amende équivalente à environ 500 $CAN.
[2] Compte tenu de ces faits, l’agente d’immigration a conclu que l’épouse du demandeur était interdite de territoire au Canada pour criminalité, en vertu des alinéas 36(2)b) et 124(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi). Cette décision a entraîné le rejet de la demande de résidence permanente du demandeur, conformément à l’alinéa 42a) de la Loi. Le demandeur souhaite obtenir le droit d’établissement à titre d’investisseur sélectionné par le Québec.
[3] L’alinéa 124(1)c) de la Loi érige en infraction le fait qu’une personne engage un étranger qui n’est pas autorisé à occuper cet emploi. D’après l’alinéa 36(2)b) de la Loi, emporte interdiction de territoire pour criminalité le fait d’être reconnu coupable, à l’extérieur du Canada, d’une infraction qui, commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale.
[4] Les parties conviennent que, en l’espèce, l’agente d’immigration a établi l’équivalence entre l’infraction commise à Hong Kong et celle prévue à l’alinéa 124(1)c) de la Loi « […] par l’examen de la preuve présentée […] afin d’établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l’infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères ». Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1987] A.C.F. n° 47 (QL) (C.A.)
[5] Après avoir examiné les observations pertinentes des avocats, j’ai conclu que l’agente d’immigration a exercé son pouvoir discrétionnaire sans tenir compte d’un important élément de preuve dont elle disposait.
[6] En avril 2006, la police de Hong Kong a informé l’agente d’immigration par écrit de l’infraction commise par l’épouse du demandeur. Le cachet apposé sur cette lettre portait la mention suivante : [TRADUCTION] « La déclaration de culpabilité est considérée comme n’ayant plus effet à Hong Kong, en vertu du paragraphe 2(1) de l’Ordonnance relative à la réhabilitation des contrevenants (l’Ordonnance) ». L’agente d’immigration passe sous silence cette mention dans son analyse.
[7] L’Ordonnance ne figure pas au dossier du tribunal, mais elle est accessible sur Internet. Au paragraphe 2(1) de l’Ordonnance, il est disposé qu’une déclaration de culpabilité n’est pas admissible en preuve dans des procédures engagées si une période de trois ans s’est écoulée sans que l’individu soit reconnu coupable de nouveau d’une infraction à Hong Kong.
[8] Le dossier du tribunal ne révèle pas d’autre infraction commise par l’épouse du demandeur. Cela explique la mention sur la lettre reçue par l’agente d’immigration et qui précise que la déclaration de culpabilité de l’épouse du demandeur est [TRADUCTION] « considérée comme n’ayant plus d’effet à Hong Kong ».
[9] Les parties conviennent que cette disposition de l’Ordonnance ne constitue pas une réhabilitation au sens du droit canadien : Kan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. n° 1886 (QL) (1re inst.), et Lui c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1997] A.C.F. n° 1029 (QL) (1re inst.).
[10] Toutefois, je ne suis pas convaincu que l’agente d’immigration aurait exercé son pouvoir discrétionnaire de la même façon si elle avait tenu compte de l’Ordonnance. L’agente aurait ainsi peut-être examiné plus attentivement la gravité de l’infraction. De plus, elle aurait peut-être posé des questions plus précises afin d’établir si la personne en question avait été embauchée par l’épouse du demandeur ou quelqu’un d’autre. Dans la réponse qu’elle a donnée à l’agente d’immigration, l’épouse du demandeur a fait remarquer que la travailleuse non autorisée [TRADUCTION] « avait été embauchée comme domestique », sans indiquer l’identité de l’employeur. Si l’agente d’immigration s’était renseignée plus à fond, compte tenu de l’Ordonnance et de la nature de l’infraction, elle en aurait peut-être appris davantage sur l’identité de l’employeur.
[11] En règle générale, il incombe au demandeur de convaincre l’agent d’immigration du bien-fondé de la demande de résidence permanente. Toutefois, je conviens qu’il s’agit en l’espèce d’une situation où le demandeur ou son épouse aurait dû recevoir « un avis valide » sur les questions de droit qui étaient soulevées : Keymanesh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 641, au paragraphe 18.
[12] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie et l’affaire renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle décision conformément aux présents motifs. Aucune des parties n’a proposé la certification d’une question grave et aucune question ne sera certifiée.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent d’immigration pour nouvelle décision conformément aux présents motifs.
Traduction certifiée conforme
David Aubry, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5527-06
INTITULÉ : SHUM, MEI WING
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Vancouver (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : le 30 mai 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : le juge en chef Lutfy
DATE DES MOTIFS : le 5 juillet 2007
COMPARUTIONS :
Ronald Pederson
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Helen Park
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ronald Pederson Wong Pederson Law Offices Avocat 1854, 1re avenue Ouest, bureau 4 Vancouver (C.-B.) V6J 1G5
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Ottawa (Ontario) |