Ottawa (Ontario), le 28 janvier 2008
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] M. Rivera Pena (M. Rivera) est un ancien agent de la police nationale colombienne (la PNC). La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a conclu qu’il y avait un fondement à la demande d’asile présentée par le demandeur, mais qu’il était interdit de territoire au motif qu’il existait des « raisons sérieuses de croire » qu’il était complice de la perpétration de crimes contre l’humanité.
II. CONTEXTE
[2] La Commission a accepté que, compte tenu de son affectation dans une région où la guérilla était active et de sa connaissance d’informateurs de la police s’y trouvant, le demandeur avait une crainte objectivement fondée des FARC. La Commission a également conclu que la protection de l’État était inexistante et que le demandeur n’avait pas de possibilité de refuge intérieur.
[3] Cependant, la Commission a aussi conclu que, pendant la période où le demandeur était en service, la PNC a perpétré des crimes contre l’humanité (par exemple, des meurtres, des actes de torture et/ou des actes inhumains contre des détenus, des manifestants, des paysans, des dirigeants syndicaux, des chefs autochtones et des mineurs). Ces actes étaient graves, généralisés et institutionnels. Bien qu’il n’ait pas été un acteur principal, le demandeur était complice, puisqu’il existait une intention commune et qu’il avait connaissance de ces actes.
[4] En rendant sa décision, la Commission a tenu compte de la participation directe du demandeur aux arrestations et aux détentions, et de l’aide qu’il a apportée à ceux qui ont participé directement à la torture et aux meurtres. La Commission a soigneusement examiné les questions telles que la connaissance qu’avait le demandeur des crimes contre l’humanité et l’intention commune en tenant compte de la nature de la PNC, de ses méthodes de recrutement, du poste ou du rang du demandeur au sein de la PNC, de la durée de son service et de la possibilité qu’il avait de quitter l’organisation.
[5] La Commission a conclu qu’il y avait des motifs de croire que M. Rivera avait personnellement et consciemment participé à des crimes contre l’humanité et qu’il partageait cette intention commune avec la PNC.
[6] Bien qu’il ait été représenté par un conseil à l’audience devant la Commission, M. Rivera a choisi d’agir pour son propre compte pour les besoins de la demande d’autorisation.
III. ANALYSE
[7] Le demandeur semble s’être donné beaucoup de mal pour contester la conclusion de la Commission selon laquelle il n’était ni franc ni honnête en ce qui a trait à sa connaissance des crimes contre l’humanité commis. Il a fréquemment fait référence à la transcription de l’audience devant la Commission en vue d’établir que la conclusion n’était pas justifiée.
[8] Comme il s’agit de la contestation d’une conclusion relative à la crédibilité, la norme de contrôle applicable généralement acceptée est celle de la décision manifestement déraisonnable. Que la norme de la décision raisonnable ou celle de la décision manifestement déraisonnable soit appliquée n’a aucune importance.
[9] La Commission a entendu le témoin et était dans une bien meilleure position que la Cour pour évaluer sa crédibilité. Une transcription constitue un « simple texte » dépourvu d’une bonne partie de ce qui mène aux conclusions relatives à la crédibilité, fondées sur la façon dont une personne témoigne. Compte tenu de la façon équitable et pondérée dont la Commission a examiné la preuve documentaire, la Cour n’a aucune raison de conclure que l’évaluation de la crédibilité du demandeur a été faite d’une tout autre façon.
[10] Pour ce qui est de la preuve documentaire, M. Rivera a contesté le fait que la Commission se soit fondée sur des rapports et des documents publiés après qu’il eut quitté la PNC. Comme l’avocat du défendeur a eu l’obligeance de le souligner, il y avait plus que suffisamment d’éléments de preuve documentaire publiés pendant la période de service du demandeur sur lesquels pouvait se fonder la Commission.
[11] De plus, la preuve documentaire publiée suivant le départ de M. Rivera de la PNC était pertinente puisqu’elle portait sur les questions de mauvais traitements institutionnels s’étant produits, entre autres, pendant la période de service du demandeur et après celle-ci.
[12] L’argument du demandeur selon lequel les plaintes contre la PNC relativement aux traitements inhumains, aux meurtres et à la torture avaient diminué par moments et que l’armée était pire que la police est de mauvaise foi et non pertinent. Il ne s’agit pas d’une compétition sur les crimes contre l’humanité perpétrés.
[13] Bien qu’il ait pu y avoir de petites divergences dans la preuve et les conclusions, elles ne portent atteinte ni au poids accordé à la preuve ni à l’équité de la procédure. La décision de la Commission est détaillée, complète et pondérée. La Commission y traite de tous les principes de droit pertinents et les applique à des conclusions de fait claires et étayées par la preuve. Rien ne permet de critiquer la décision et d’y « chercher la petite bête », et rien ne justifie l’intervention de la Cour.
IV. CONCLUSION
[14] En conséquence, la présente demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question aux fins de certification.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Isabelle D’Souza, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1460-07
INTITULÉ : JOHN WILLIAM RIVERA PENA
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 23 JANVIER 2008
ET JUGEMENT : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 28 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
John William Rivera Pena
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Michael Butterfield
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Aucun avocat
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |