Toronto (Ontario), le 25 janvier 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1]
M.
Tervinder Singh Tiwana (le demandeur) sollicite le contrôle judiciaire de la
décision de l’agente des visas Myriam Morin Dupras (l’agente des visas), datée
du 3 avril 2006. Dans sa décision, l’agente
des visas a rejeté la demande de résidence permanente au Canada présentée par
le demandeur à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés.
[2] L’agente des visas a fondé sa décision sur l’évaluation de la demande du demandeur en vertu des dispositions de l’ancienne Loi sur l’immigration, L.R.C. 1985, ch. I-2 (l’ancienne loi), et de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi). Le demandeur n’a pas obtenu un nombre de points suffisants en vertu de l’une ou l’autre de ces lois pour se voir délivrer un visa de résident permanent.
[3] Le demandeur est un citoyen de l’Inde. Il a présenté sa demande de visa de résident permanent en 2000. Il a été convoqué à une entrevue et a passé celle-ci le 3 avril 2006. La demande du demandeur a été évaluée sous le régime de l’ancienne loi et sous celui du Règlement sur l’immigration de 1978, DORS/78-172, et il s’est vu attribuer 60 points. Pour avoir droit à un visa, le demandeur devait obtenir au moins 70 points.
[4] La demande du demandeur a aussi été évaluée sous le régime de la Loi et sous celui du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227 (le RIPR), et il s’est vu attribuer 59 points. Le nombre minimum de points requis pour la délivrance d’un visa de résident permanent est de 67 points.
[5] Dans sa lettre de décision, l’agente des visas a examiné les deux évaluations et a énoncé les points attribués au demandeur. Elle a indiqué ne pas être convaincue que le demandeur pourrait réussir son établissement économique au Canada et a rejeté sa demande.
[6]
Le
demandeur conteste la décision en invoquant des dispositions de la Loi et du
RIPR. Il allègue que l’agente des visas a commis une erreur en ne lui
attribuant aucun point d’appréciation pour le facteur de la capacité
d’adaptation, alors qu’elle disposait d’éléments de preuve justifiant
l’attribution de points à cet égard. Sur ce point, le demandeur fait référence
à la preuve selon laquelle son père est un résident permanent du Canada. Il
soutient qu’en raison de ce fait, l’agente des visas aurait dû lui attribuer 5
points.
[7]
Le
demandeur fait ensuite référence à la preuve selon laquelle le niveau
d’instruction de son épouse aurait dû mener à l’attribution d’au moins 4
points. Se fondant sur le sous‑alinéa 78(2)d)(ii) du RIPR, le
demandeur soutient que l’agente des visas disposait d’éléments de preuve
établissant que son épouse avait réussi deux années d’un baccalauréat de niveau
universitaire et accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps
plein complètes.
[8] Le demandeur fait référence à l’article 83 du RIPR qui permet l’attribution de points pour la présence d’un proche parent au Canada et pour le niveau d’instruction d’un époux qui accompagne le demandeur. Les alinéas 83(1)a) et 83(1)d) sont pertinents et prévoient ce qui suit :
83(1) Un maximum de 10 points d’appréciation sont attribués au travailleur qualifié au titre de la capacité d’adaptation pour toute combinaison des éléments ci‑après, selon le nombre indiqué : a) pour les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait, 3, 4 ou 5 points conformément au paragraphe (2); […] d) pour la présence au Canada de l’une ou l’autre des personnes visées au paragraphe (5), 5 points; |
83(1) A maximum of 10 points for adaptability shall be awarded to a skilled worker on the basis of any combination of the following elements: (a) for the educational credentials of the skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner, 3, 4 or 5 points determined in accordance with subsection (2); … (d) for being related to a person living in Canada who is described in subsection (5), 5 points; and |
[9]
Le
ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur) a déposé un
affidavit de l’agente des visas en réponse à la présente demande de contrôle
judiciaire. L’agente des visas a témoigné qu’elle n’était pas convaincue par la
preuve présentée par le demandeur quant à la présence de son père au Canada.
Elle a également témoigné que l’épouse du demandeur n’avait pas droit à des
points pour les études suivants sa 12e année, puisque le fait
d’avoir réussi deux années d’études en vue d’obtenir un baccalauréat ès arts [traduction] « ne donne pas droit à
des points supplémentaires ».
[10] La première question soulevée est celle de la norme de contrôle applicable. La norme applicable est déterminée à la suite d’une analyse pragmatique et fonctionnelle fondée sur les quatre facteurs suivants : la présence ou l’absence d’une clause privative; l’expertise du tribunal; l’objet de la loi; et la nature de la question qui se pose.
[11] Le premier facteur est neutre, puisque la Loi ne prévoit aucune clause privative ni aucun droit absolu d’interjeter appel. Le contrôle judiciaire est disponible, en application de l’article 72 de la Loi, si l’autorisation d’interjeter appel est accordée.
[12] L’agente des visas a le pouvoir de prendre des décisions relatives à la délivrance des visas. Elle possède une plus grande expertise à cet égard que la Cour et cette expertise appelle à la retenue.
[13] L’objet général de la Loi est de réglementer l’admission des immigrants et des personnes à protéger au Canada. Cela implique l’examen de divers intérêts qui pourraient entrer en conflit. Les décisions prises dans un contexte polycentrique appellent généralement à la retenue judiciaire.
[14] Enfin, il faut tenir compte de la nature de la question. En l’espèce, l’agente des visas devait déterminer si le demandeur avait satisfait aux exigences de la loi pour qu’elle puisse lui accorder des points pour la présence de son père au Canada et pour le niveau d’instruction de son épouse. Quoiqu’un élément d’interprétation des lois entrait en jeu, l’agente des visas devait principalement tirer des conclusions de fait. Les conclusions de faits tirées par un décideur spécialisé appellent à la retenue.
[15] Tout compte fait, les quatre facteurs appellent la Cour à faire preuve d’un degré élevé de retenue envers la décision de l’agente des visas. Je conclus que la norme de contrôle applicable en l’espèce est celle de la décision manifestement déraisonnable.
[16] Le dossier du tribunal contient le formulaire IMM-008 du demandeur présenté à l’appui de sa demande de visa. Ce document indique que son père réside en Colombie-Britannique. L’agente des visas a fait l’inscription suivante dans les notes du STIDI relativement à l’évaluation faite sous le régime de la Loi et sous celui du RIPR :
[traduction] L’intéressé dit que son père réside au Canada, mais aucune preuve du lien de parenté ou du statut du père n’a été fournie. Points attribués : 0.
[17] À mon avis, ces observations ne sont pas étayées par la preuve. En plus de la déclaration dans le formulaire IMM-008 portant sur la résidence du père du demandeur en Colombie‑Britannique, il y a des mentions dans d’autres documents portant que le demandeur est le fils de Hardev Singh. L’agente des visas a apparemment omis de tenir compte de la preuve dont elle disposait en tirant sa conclusion. Cependant, la question n’est pas réglée pour autant.
[18] L’inscription suivante figure aux notes du STIDI sous la rubrique « Capacité d’adaptation » :
[traduction] Les études de l’épouse (qui accompagne) : Elle a seulement réussi sa 12e année et la 2e année de son baccalauréat ès arts. Diplôme original vu – les documents au dossier sont satisfaisants.
[19] Dans son affidavit, l’agente des visas a déclaré :
[traduction] L’épouse du demandeur n’a obtenu aucun point pour les études suivant sa 12e année. Son formulaire de demande IMM8 mentionne qu’elle a réussi sa 12e année et deux années d’études en vue de l’obtention d’un baccalauréat ès arts. L’épouse du demandeur n’a mentionné aucun autre niveau d’instruction dans son formulaire IMM8. Le fait d’avoir réussi en partie un baccalauréat ne donne pas droit à des points supplémentaires. Lors de l’entrevue, j’ai examiné les formulaires IMM8 avec le demandeur et son épouse afin de confirmer que les études et les autres renseignements y figurant étaient corrects. L’épouse du demandeur n’a pas mentionné qu’elle possédait tout autre niveau d’instruction. J’ai examiné le dossier et il ne semble pas que le demandeur ait présenté des documents établissant que son épouse possédait tout autre niveau d’instruction. Le demandeur ne m’a signalé aucun document de ce genre lors de l’entrevue.
[20]
Le
demandeur allègue que l’agente des visas a commis une erreur en évaluant les
études de son épouse. Le demandeur soutient que son épouse aurait dû obtenir 4
points, puisqu’elle avait droit à 20 points pour son niveau d’instruction,
conformément au sous-alinéa 78(2)d)(ii) et à l’alinéa 83(2)b) du
RIPR, reproduits ci-dessous :
78(2) Un maximum de 25 points d’appréciation sont attribués pour les études du travailleur qualifié selon la grille suivante : […] d) 20 points, si, selon le cas : […] (ii) il a obtenu un diplôme universitaire de premier cycle nécessitant deux années d’études et a accumulé un total d’au moins quatorze années d’études à temps plein complètes ou l’équivalent temps plein;
83(2) Pour l’application de l’alinéa (1)a), l’agent évalue les diplômes de l’époux ou du conjoint de fait qui accompagne le travailleur qualifié comme s’il s’agissait du travailleur qualifié et lui attribue des points selon la grille suivante : […] b) dans le cas où l’époux ou le conjoint de fait obtiendrait 20 ou 22 points, 4 points; |
78(2) A maximum of 25 points shall be awarded for a skilled worker’s education as follows: … (d) 20 points for … (ii) a two-year university educational credential at the bachelor’s level and a total of at least 14 years of completed full‑time or full-time equivalent studies;
83(2) For the purposes of paragraph (1)(a), an officer shall evaluate the educational credentials of a skilled worker’s accompanying spouse or accompanying common-law partner as if the spouse or common-law partner were a skilled worker, and shall award points to the skilled worker as follows: … (b) for a spouse or common-law partner who would be awarded 20 or 22 points, 4 points; and |
[21]
L’agente
des visas n’a attribué aucun point pour les deux années d’études de niveau
universitaire qu’avait réussies l’épouse du demandeur. Cette décision est
conforme à la définition de « diplôme » prévue à l’article 73 du RIPR
reproduit ci-dessous :
Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente section. […] « diplôme » Tout diplôme, certificat de compétence ou certificat d’apprentissage obtenu conséquemment à la réussite d’un programme d’études ou d’un cours de formation offert par un établissement d’enseignement ou de formation reconnu par les autorités chargées d’enregistrer, d’accréditer, de superviser et de réglementer les établissements d’enseignement dans le pays de délivrance de ce diplôme ou certificat. |
73 The definitions in this section apply in this Division. … “educational credential” means any diploma, degree or trade or apprenticeship credential issued on the completion of a program of study or training at an educational or training institution recognized by the authorities responsible for registering, accrediting, supervising and regulating such institutions in the country of issue. |
[22]
L’épouse
du demandeur a déposé un affidavit, qui a été versé au dossier du demandeur
dans le cadre du présent contrôle judiciaire, dans lequel elle a témoigné avoir
réussi un programme d’études en sciences domestiques. Cependant, l’agente des
visas ne disposait pas de cette preuve et elle ne peut donc pas être prise en
compte dans la présente instance.
[23]
La
définition de « diplôme » dans le RIPR est claire : l’obtention de points à ce
titre, conformément au sous-alinéa 78(2)d)(ii), exige la réussite d’un
programme et la délivrance d’un diplôme ou d’un certificat.
[24]
Je suis
convaincue que l’agente des visas n’a commis aucune erreur susceptible de
contrôle en évaluant le niveau d’instruction de l’épouse du demandeur, compte
tenu de l’effet combiné de l’article 73, du sous-alinéa 78(2)d)(ii), de
l’alinéa 83(1)a) et de l’alinéa 83(2)b) du RIPR. Cela signifie que
même si l’agente des visas a commis une erreur dans son appréciation de la
preuve relative au père du demandeur, ce dernier n’a toujours pas le nombre de
points nécessaires pour avoir droit à un visa de résident permanent.
[25]
En
conséquence, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Aucune question
n’est soulevée aux fins de certification.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’est soulevée aux fins de certification.
Traduction certifiée conforme
Isabelle D’Souza, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2327-06
INTITULÉ : TERVINDER SINGH TIWANA
c.
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE
L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 7 NOVEMBRE 2007
ET ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 25 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
Jaswant Singh Mangat
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David Tyndale |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jaswant Singh Mangat Avocat Toronto (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |