Toronto (Ontario), le 24 janvier 2008
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE CAMPBELL
ENTRE :
demanderesse
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La demanderesse sollicite le contrôle judiciaire de la décision rendue par la Section d’appel de l’immigration de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la SAI), datée du 2 février 2007 (la décision), laquelle a rejeté l’appel relatif à la demande de parrainage de la demanderesse, présentée dans le but d’obtenir un visa de résident permanent pour son époux. L’agent des visas a rejeté la demande de visa de l’époux de la demanderesse en application de l’article 4 du Règlement sur l'immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002-227, parce qu’il a conclu que le mariage n’était pas authentique et qu’il visait principalement l’acquisition, par l’époux de la demanderesse, du statut de résident permanent au Canada.
[2] La première conclusion de la décision concerne le premier mariage de la demanderesse et comment celui-ci a eu pour effet que la demanderesse, l’appelante à l’audience tenue devant la SAI, obtienne le statut de résidente permanente au Canada :
L’appelante a témoigné lors de l’audition de l’appel. Résidente permanente du Canada, elle est venue ici en 1999 pour rendre visite à sa sœur. À l’époque, son premier mari, Lahindra Mauth Mohit, louait une chambre dans l’appartement de sa sœur et de son beau-frère. Il était citoyen canadien et il avait immigré ici des années auparavant, arrivant de la Guyana en tant que fils à charge qui accompagnait ses parents. L’appelante a épousé M. Mohit, et il l’a parrainée en septembre 1999. Le 5 décembre 2001, l’appelante a reçu le droit d’établissement au Canada. Moins de six mois plus tard, elle se séparait de son premier mari, en mai 2002. Suivant son témoignage, elle le trouvait insultant et violent quand il buvait, de sorte qu’elle ne souhaitait pas rester avec lui. Elle a ajouté avoir cru que sa sœur et son premier mari avaient une relation extraconjugale. La conseil du ministre a demandé à l’appelante, en contre-interrogatoire, si elle avait épousé son premier mari uniquement pour obtenir le statut de résident permanent au Canada. L’appelante a nié. Le tribunal note néanmoins que le mariage n’a pas duré très longtemps après que l’appelante s’est vu octroyer, grâce à cette union, son statut au Canada.
[Non souligné dans l’original.]
(Décision de la SAI, à la page 2)
[3] L’observation faite par la SAI est sensiblement la conclusion que le premier mariage de la demanderesse n’était pas authentique et qu’en conséquence, son témoignage relativement à l’authenticité de son mariage actuel ne devrait pas être jugé crédible. Il est convenu qu’on trouve cette conclusion au paragraphe suivant de la décision qui commence ainsi : « N’ayant pas trouvé l’appelante crédible comme témoin […] ». En ce qui a trait à la conséquence de cette conclusion, l’avocate du défendeur formule cet argument :
[traduction]
La Section d’appel a conclu que le premier mariage de la demanderesse, qui était aussi un mariage de convenance, a nui à sa crédibilité. Le fait que le premier mariage de la demanderesse visait à faciliter son statut d’immigrante est éminemment à propos et doit être pris en considération dans le contexte où le même scénario risque de se reproduire.
(Exposé des arguments de l’intimé, à la page 6)
[4] Lorsqu’un demandeur jure de dire toute la vérité, son témoignage est présumé véridique (Maldonado c. M.E.I., [1980] 2 C.F. 302 (C.A.). Le défaut de motiver clairement une conclusion défavorable quant à la crédibilité fait en sorte que cette conclusion devient manifestement déraisonnable (Hilo c. Canada (1991), 130 N.R. 236 (C.A.); Valtchev c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2001] A.C.F. no 1131). En l’espèce, parce que la SAI n’a pas énoncé clairement comment le fait extrinsèque qu’elle a « noté » fournissait un fondement probatoire à la conclusion défavorable quant à la crédibilité qui a été tirée et qu’elle n’a pas fourni des raisons claires pour avoir rejeté le témoignage sous serment de la demanderesse, je conclus que la conclusion défavorable quant à la crédibilité est manifestement déraisonnable. Parce que cette conclusion a eu comme conséquence le rejet de l’appel de la demanderesse, je conclus donc que la décision de la SAI comporte une erreur susceptible de contrôle.
ORDONNANCE
Par conséquent, j’annule la décision de la SAI et renvoie l’affaire à un tribunal différemment constitué pour que celui-ci statue à nouveau sur l’affaire.
Traduction certifiée conforme
Christian Laroche
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-862-07
INTITULÉ : BIBI AISHA NOORHASSAN
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 22 JANVIER 2008
ET ORDONNANCE : LE JUGE CAMPBELL
DATE DES MOTIFS : LE 24 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
Alesha A. Green POUR LA DEMANDERESSE
Judy Michaely POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Green, Willard LLP POUR LA DEMANDERESSE
Avocats
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada
Toronto (Ontario)