Ottawa (Ontario), le 21 janvier 2008
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON
ENTRE :
demandeur
et
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Mohammad Ihsan Amman est un citoyen de l’Afghanistan dont la demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés ( la SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié parce qu’elle n’a pas cru son témoignage. La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée parce que les conclusions relatives à la crédibilité contestées par M. Amman sont étayées par la preuve et ne sont pas manifestement déraisonnables.
[2] M. Amman a affirmé dans son témoignage qu’il avait travaillé au ministère de la Défense à Kaboul en qualité d’interprète de langue anglaise et d’informaticien. Sa demande d’asile est fondée sur deux motifs. Tout d’abord, M. Amman affirme craindre les talibans, qui ont menacé de le tuer s’il refusait de fournir des renseignements au sujet d’un conseiller citoyen des États‑Unis qui travaillait au ministère de la Défense. Ensuite, il craint le ministère de la Défense, qui le considère comme étant un déserteur et qui cherche à se faire rembourser le salaire qui lui a été versé à lors de sa participation à un cours de langue au Canada.
[3] Seulement trois conclusions tirées par la SPR sont contestées dans la présente demande. Elles se présentent comme suit :
1) La SPR a conclu qu’il était « très inusité » que M. Amman ait divulgué son intention de demander l’asile, à une inconnue au cours d’une réception à l’ambassade de l’Afghanistan à Ottawa. La SPR a souligné que M. Amman avait affirmé dans son témoignage qu’il craignait d’informer les personnes avec qui il avait voyagé de son intention de demander l’asile, étant donné qu’ils auraient pu le signaler aux responsables afghans. La SPR a également souligné que M. Amman ne connaissait pas la personne à la réception et qu’elle aurait aussi pu informer les responsables afghans de son intention. Selon la SPR, il est inusité que M. Amman ait pu divulguer une telle intention dans « l’antre du lion ».
2) La SPR a jugé non crédible l’allégation de M. Amman selon laquelle des talibans l’avaient menacé pour qu’il fournisse des renseignements au sujet d’un conseiller étranger du ministère de la Défense. Selon la SPR, les renseignements que les talibans désiraient soutirer à M. Amman étaient « très simples » et ils n’avaient pas besoin de le menacer pour les obtenir, étant donné « [qu’ils] disposent d’une logistique sophistiquée et sont capables de suivre et de repérer leurs ennemis […] ». La SPR a conclu que les talibans avaient « la capacité [d’]éliminer [le conseiller étranger] ainsi que ses gardes du corps à l’endroit de leur choix […] ».
3) La SPR a conclu que les talibans n’avait pas menacé ou attaqué M. Amman entre le 20 décembre 2004 et le 13 janvier 2005. Cette période comptait 22 jours de travail lors desquels M. Amman s’était rendu au ministère de la Défense et en était revenu. Selon la SPR, le fait que M. Amman avait continué de travailler sans qu’il se produisît d’incident étayait la conclusion selon laquelle les talibans ne s’intéressaient pas à lui.
[4] La position de M. Amman relativement à ces conclusions peut être résumée comme suit :
1) En ce qui concerne la conclusion de la SPR selon laquelle il est improbable qu’il ait divulgué son intention de demander l’asile à une inconnue au cours d’une réception à l’ambassade de l’Afghanistan, la SPR a omis de prendre en compte le fait que l’inconnue ne l’accompagnait pas lors du voyage au Canada et que sa crainte de divulguer son intention de demander l’asile ne concernait que ceux qui avaient pris part au voyage.
2) En ce qui concerne la conclusion de la SPR selon laquelle il n’est pas crédible que des talibans l’aient menacé en vue d’obtenir des renseignements au sujet du conseillé étranger du ministère de la Défense, la SPR a échafaudé de pures hypothèses en concluant que les talibans avaient d’autres moyens d’obtenir les renseignements et n’avaient pas besoin de son aide ou de ses renseignements.
3) En ce qui concerne le fait que la SPR ait accordé du poids au fait qu’il ait continué à travailler pendant trois semaines à la suite des menaces de mort, la SPR a omis de tenir compte de son témoignage selon lequel les talibans n’avaient pas établi de date limite pour la communication des renseignements et que les menaces de mort concernaient la divulgation de leur entretien et non l’omission de fournir les renseignements.
[5] Quant à la première erreur reprochée, M. Amman a affirmé dans son témoignage qu’il n’avait pas évoqué ou divulgué son projet de demander l’asile, parce qu’il craignait qu’on le signale aux responsables afghans. Compte tenu de ce témoignage, il n’était pas manifestement déraisonnable que la SPR doute du fait qu’il eût parlé avec une inconnue de son intention de demander l’asile, lors d’une réception tenue à l’ambassade de l’Afghanistan.
[6] Pour ce qui est de l’erreur reprochée suivante, M. Amman a affirmé dans son témoignage que les talibans forment une organisation très expérimentée qui travaille dans l’ombre et qui a [traduction] « des ramifications partout dans Kaboul ». Il concède que cela aurait été [traduction] « chose facile de suivre [le conseiller étranger], de connaître son itinéraire, de simplement placer une bombe sur son chemin juste avant son passage et de l’envoyer au paradis ». En raison de ce témoignage, il n’était pas manifestement déraisonnable que la SPR n’ait pas cru l’allégation de M. Amman selon laquelle il avait été menacé par les talibans pour qu’il leur obtînt des renseignements concernant l’adresse du conseillé étranger et l’itinéraire qu’il prenait pour se rendre au travail.
[7] Enfin, M. Amman a affirmé dans son témoignage qu’il craignait les talibans parce qu’il n’avait pas fourni les renseignements demandés. Par conséquent, il n’était pas manifestement déraisonnable que la SPR se soit fondée sur le fait que M. Amman avait continué de travailler sans qu’il se produisît d’incident, en dépit du fait qu’il n’avait pas fourni les renseignements.
[8] La SPR a tiré un certain nombre d’autres conclusions relatives à la crédibilité qui ne sont pas contestées par M. Amman. Ces conclusions portaient, entre autre, sur des incohérences importantes entre son témoignage, son formulaire de renseignements personnels et son entrevue au point d’entrée, concernant le fondement de sa crainte de persécution. Ces conclusions, conjuguées aux trois conclusions contestées par M. Amman, justifient amplement la conclusion relative à la crédibilité tirée par la SPR. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[9] Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification, et je conviens que la présente affaire n’en soulève aucune.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que:
1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Juge
Traduction certifiée conforme
Jean-François Martin, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2865-07
INTITULÉ : MOHAMMAD IHSAN AMMAN
ET
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : OTTAWA (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 9 JANVIER 2008
MOTIFS DU JUGEMENT
ET JUGEMENT : LA JUGE DAWSON
DATE DES MOTIFS : LE 21 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
REZAUR RAHMAN POUR LE DEMANDEUR
BRIAN HARVEY POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
REZAUR RAHMAN POUR LE DEMANDEUR
Ottawa (Ontario)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada