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Date: 20080118

Dossier: IMM-2420-07

Référence: 2008 CF 66

Ottawa (Ontario), le 18 janvier 2008

En présence de Monsieur le juge Simon Noël 

 

ENTRE :

LIZETTE GUZMAN SANCHEZ

demanderesse

et

 

MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire de la décision de la Section de la protection des réfugiés (la SPR), datée du 23 mai 2007, selon laquelle la demanderesse n’est ni une « réfugiée au sens de la Convention » ni une « personne à protéger ».

 

I.          Question en litige

[2]               Est-ce que la SPR a erré en droit ou en faits en arrivant à sa décision défavorable à savoir que la protection des autorités mexicaines a été disponible?

 

[3]               Pour les motifs suivants, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

II.        Les faits

[4]               Citoyenne mexicaine, la demanderesse allègue avoir été victime de harcèlement sexuel, d’injures, de menaces de mort, de tentatives de viol et de voies de faits et viol de la part de monsieur José Alfredo Cid Garay entre le 5 janvier 2005 et le 6 mars 2006. 

 

[5]               La demanderesse allègue qu’elle a porté plainte à deux reprises aux autorités mexicaines et à une reprise à un organisme de droits de la personne sans succès. En effet, selon elle, la police est inefficace face à la violence contre les femmes malgré la bonne volonté de l’état d’y faire face. En outre, le frère de son agresseur travaille pour la police et l’a dissuadée par des menaces à poursuivre son frère. Enfin, la demanderesse cherchait à porter plainte auprès d’un organisme de droits de la personne qui n’a pas pu prendre son dossier. Par conséquent, et tel que la preuve documentaire le démontre, le Mexique n’est pas en mesure de protéger efficacement la demanderesse, n’importe où au pays et elle n’a pas pu poursuivre ses démarches auprès des autorités mexicaines parce qu’elle craignait pour sa vie.

 

[6]               L’audience devant la SPR a eu lieu le 11 avril 2007 et la décision négative qui fait l’objet de cette demande de contrôle fut rendue le 23 mai 2007.

 

 

 

 

III.       La décision sous étude

[7]               De façon succincte, la SPR souligne que malgré le fait que le récit de la demanderesse soit dans son ensemble crédible, la demanderesse n’a pas donné d’explications satisfaisantes pour satisfaire le tribunal du pourquoi qu’elle était retourné au même poste de police pour déposer une plainte contre son agresseur sachant que lors de la première visite, elle avait rencontré le frère de l’agresseur qui lui avait mentionné de régler le tout avec son frère.  La SPR aurait voulu qu’une plainte soit faite à des instances supérieures.  Tout en constatant que le Mexique déplore de sérieux efforts pour contrer ce genre de délit et protéger les victimes, la SPR conclut que la demanderesse n’est pas parvenue à s’acquitter du fardeau de la preuve en décidant de ne pas se prévaloir de ce que les autorités offraient.

 

IV.       Analyse

[8]               D’emblée, la norme de contrôle applicable lorsqu’il s’agit de la protection de l’état est celle de la décision raisonnable simpliciter. Voir Amiragova c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2006] A.C.F. no 1116, 2006 CF 882.  Pour réussir la demanderesse doit démontrer que la décision de la SPR n’était pas raisonnable; qu’il n’existe aucune preuve capable d’étayer sa conclusion. Il s’agit donc d’un fardeau lourd à soulever pour la demanderesse.  

 

[9]               Dans Cristian Marcel Vigueras Avila et le Ministre de la citoyenneté et de l’immigration, [2006] C.F. 359, au paragraphe 27, le juge Martineau situait bien le fardeau de preuve que doit assumer la demanderesse en de telles circonstances:

« Pour déterminer si le revendicateur d’asile a rempli son fardeau de preuve, la Commission doit procéder à une véritable analyse de la situation du pays et des raisons particulières pour lesquelles le revendicateur d’asile soutien qu’il « ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection » de son pays de citoyenneté ou de résidence habituelle (alinéas 96a) et b) et sous-alinéa 97(1) b)(i) de la Loi).  La Commission doit considérer non seulement la capacité effective de protection de l’État mais également sa volonté d’agir.  À cet égard, les lois et les mécanismes auxquels le demandeur peut avoir recours pour obtenir la protection de l’État peuvent constituer des éléments qui reflètent la volonté de l’État.  Cependant, ceux-ci ne sont pas en eux-mêmes suffisants pour établir l’existence d’une protection à moins qu’ils ne soient mis en œuvre dans la pratique: voir Molnar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CFPI 1081, [2003] 2 C.F. 339 (C.F. 1re inst.);  Mohacsi c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 429, [2003] 4 C.F. 771 (C.F. 1re inst.). »

 

[10]           Ayant considéré l’ensemble du dossier, y compris les documents sur les conditions au Mexique en ce qui concerne le fléau social de violence conjugale et d’abus sexuels des femmes, la Cour n’est pas insensible au vécu de la demanderesse telle qu’elle le décrit.

 

[11]           Toutefois, le rôle de la Cour est plus limité. Il s’agit d’examiner la décision elle-même en tenant compte de la norme de contrôle. Elle ne siège pas en appel de la décision de la SPR, mais plutôt en demande de contrôle judiciaire.  Ayant fait l’examen, la Cour constate que la décision de la SPR est étayée par les faits dans sa conclusion que « le gouvernement mexicain déploie de sérieux efforts pour contrer ce genre de délit et protéger les victimes de ces crimes. »  De plus, la SPR s’est déclarée insatisfaite des efforts de la demanderesse pour déposer une plainte.  La preuve révèle que lors d’un séjour chez une tante à Mexico où elle aurait été menacée, elle n’a pas porté plainte.

 

[12]            Or, la jurisprudence est claire, un état démocratique tel que le Mexique est censé pouvoir protéger ses citoyennes. Nul ne s’attend à ce que cette protection soit parfaite.  En outre, le fait que la police locale se soit avérée inefficace et menaçante, sous l’influence du frère de son agresseur, n’est pas une indication d’un manque de protection de l’état. La preuve ne nous permet pas de dire que cela n’est pas unique aux circonstances particulières d’un lien filial chez la police locale. Enfin, les Cours fédérales ont également souligné que les demandeurs d’asile doivent fournir des éléments de preuve signalant qu’ils ont fait le nécessaire dans les circonstances pour s’octroyer la protection de leur état avant celle d’un pays étranger, en l’occurrence le Canada. Voir : Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689; Canada (ministre de l'Emploi et de l'Immigration) c. Villafranca, [1992] A.C.F. no 1189; et Kadenko v. Canada (Solicitor General),143 D.L.R. (4th) 532.

 

[13]           De toute évidence, la SPR constata que la demanderesse ne l’avait pas fait.  Cette affirmation dans les circonstances est raisonnable.  La Cour peut avoir une opinion contraire mais ce n’est pas son rôle de l’imposer lorsque le dossier révèle que tenant compte de la preuve, la décision de la SPR est raisonnable.

 

[14]           Les parties n’ont pas soumis de questions pour certification.

 


 

JUGEMENT

 

LA COUR ORDONNE ET ADJUGE QUE :

 

-         La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

-         Aucune question n’est certifiée.

 

« Simon Noël »

Juge

 

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                        IMM-2420-07

 

INTITULÉ :                                       LIZETTE GUZMAN SANCHEZ et

                                                            MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                                                                                 L’IMMIGRATION (MCI)

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 Montréal (Québec)

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 16 janvier 2008

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                              L’honorable juge Simon Noël

 

DATE DES MOTIFS :                      Le 18 janvier 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :                       

 

Alain Joffe                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

 

 

Sylviane Roy                                                                POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Alain Joffe                                                                    POUR LA DEMANDERESSE

Montréal (Québec)

 

John Simms, cr                                                             POUR LE DÉFENDEUR       

Sous-procureur général du Canada

Montréal (Québec)

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