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Cour fédérale

 

Federal Court

 

Date : 20080116

Dossier : IMM-2530-07

Référence : 2008 CF 58

Toronto (Ontario), le 16 janvier 2008

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE MACTAVISH

 

 

ENTRE :

AMARJEET SINGH

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               Amarjeet Singh sollicite le contrôle judiciaire de la décision d’une agente des visas qui a rejeté sa demande de résidence permanente à titre de travailleur qualifié. M. Singh allègue que l’agente des visas a commis une erreur en concluant qu’il ne détenait pas de permis de travail lui permettant de travailler au Canada. 

 

[2]               M. Singh allègue également que l’agente des visas a commis une erreur en choisissant de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de manière à conclure qu’il serait capable de réussir son établissement économique au Canada, malgré le fait qu’il n’avait pas obtenu le nombre nécessaire de points lorsque sa demande avait été examinée conformément aux dispositions du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement). 

 

[3]               Pour les motifs qui suivent, M. Singh ne m’a pas convaincue que l’agente a commis les erreurs reprochées. En conséquence, sa demande de contrôle judiciaire sera rejetée.

 

Contexte

[4]                M. Singh est un prêtre sikh et un citoyen de l’Inde qui est entré au Canada muni d’un visa de visiteur le 31 décembre 2002. Son visa lui interdisait explicitement de travailler pendant son séjour au Canada, mais lui permettait d’exercer des fonctions religieuses au pays. 

 

[5]               Le visa de visiteur de M. Singh a été prolongé à deux reprises. Cependant, sa troisième demande de prolongation a été refusée.

 

[6]               Le 1er octobre 2004, M. Singh a présenté une demande de visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés. À l’appui de sa demande, il a présenté une lettre en date du 10 février 2004, émanant du président du Siri Guru Nanak Sikh Gurdwara à Edmonton, en Alberta, et mentionnant que M. Singh s’était fait offrir un emploi permanent au sein du Gurdwara.

 

[7]               La demande de visa de résident permanent de M. Singh a été rejetée le 26 mai 2006

 

[8]               En examinant la demande de M. Singh, l’agente des visas a refusé de lui accorder des points pour les facteurs « emploi réservé » et « capacité d’adaptation ». 

 

[9]               M. Singh a sollicité le contrôle judiciaire de cette décision. Le 23 janvier 2007, le juge Blais a accueilli sa demande : voir la décision Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 CF 69.

 

[10]           Devant le juge Blais, M. Singh a allégué qu’il aurait dû obtenir 5 points pour le facteur « capacité d’adaptation », puisqu’il avait déjà travaillé au Canada. De plus, il a allégué qu’il aurait dû obtenir 10 points pour le facteur « emploi réservé », sur le fondement de l’offre d’emploi présentée à l’agente des visas. 

 

[11]           À cet égard, M. Singh a soutenu que les travailleurs religieux n’avaient pas besoin d’un permis de travail pour travailler au Canada et que le fait qu’il ne détenait pas un tel permis n’aurait pas dû empêcher la prise en compte de son offre d’emploi.

 

[12]           Le juge Blais a rejeté ces arguments en déclarant :

[18] En ce qui concerne la capacité d’adaptation, le paragraphe 83(4) du Règlement prévoit clairement que 5 points seront attribués si le demandeur ou, dans le cas où il l’accompagne, son époux ou conjoint de fait, a travaillé à temps plein au Canada pendant au moins un an « au titre d’un permis de travail ». Pour ce qui est de l’exercice d’un emploi réservé, l’article 82 du Règlement décrit un certain nombre de situations où l’on peut conclure qu’il y a « emploi réservé » si le demandeur est titulaire d’un permis de travail valide ou, dans le cas où il n’a pas l’intention de travailler au Canada avant qu’un visa de résident permanent ne lui soit octroyé, si une offre d’emploi au Canada a été validée par RHDSC.

 

[19]     Le demandeur souligne à juste titre qu’il est exempté de l’obligation d’obtenir un permis de travail avant de venir au Canada pour travailler comme prêtre sikh en vertu de l’alinéa 186l) du Règlement. Cela étant dit, le Règlement n’accorde aucun autre privilège spécial aux travailleurs visés à l’article 186 qui demandent un visa de résident permanent. Étant donné les différentes situations décrites à l’article 82 du Règlement dans lesquelles des points sont attribués pour l’exercice d’un emploi réservé, il aurait été facile de prévoir une telle exemption dans le Règlement si le gouvernement canadien l’avait voulu. Le demandeur soutient que cela n’a pas été fait parce qu’il a déjà été déterminé que les professions énumérées à l’article 186 ont « des effets positifs ou neutres sur le marché du travail canadien » – condition qui, aux termes de l’article 203 du Règlement, doit exister pour qu’un permis de travail soit délivré –, de sorte que la combinaison des articles 186, 203 et 82 du Règlement crée implicitement une exemption. Aucune preuve à l’appui de cette interprétation du Règlement n’ayant été présentée, j’estime que cet argument est sans fondement.

 

 

[13]           Le juge Blais a permis à M. Singh de présenter de nouveaux éléments de preuve relativement à sa demande de contrôle judiciaire, notamment un courriel envoyé par la Division des demandes de renseignements ministériels du défendeur à un autre demandeur. Ce courriel indiquait que les prêtres étaient exemptés de l’obligation de faire valider leur offre d’emploi par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada (maintenant Ressources humaines et Développement social Canada ou RHDSC) aux fins de l’obtention de points pour les facteurs « capacité d’adaptation » et « emploi réservé » dans une demande de résidence permanente.

 

[14]           Bien qu’il ait reconnu que ces renseignements étaient incorrects, le juge Blais craignait qu’ils puissent démontrer que d’autres personnes dans la situation de M. Singh avaient reçu un traitement différent. Par conséquent, le juge Blais a accueilli la demande de contrôle judiciaire et a demandé à l’agent des visas qui procéderait au réexamen de la demande de résidence permanente de M. Singh de tenir compte du courriel et d’examiner si le demandeur avait été traité de façon inégale.

 

[15]           La demande de M. Singh a alors été réexaminée par une autre agente des visas qui lui a accordé le même nombre de points que lui avait accordé la première agente des visas. 

 

[16]           Une fois de plus, M. Singh n’a obtenu aucun point pour les facteurs « emploi réservé » et « capacité d’adaptation », puisque son offre d’emploi n’avait pas été validée par le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada.

 

[17]           Les parties pertinentes des notes du STIDI montrent qu’en prenant sa décision, l’agente des visas a tenu compte du courriel mentionné plus haut, comme l’avait demandé le juge Blais. À cet égard, l’agente a conclu que :

 

[traduction] Ce document n’ajoute rien de favorable à la présente demande, parce que les renseignements qui y figurent sont incorrects. Quoi qu’il en soit, l’intéressé n’a pas obtenu un nombre suffisant de points pour avoir le droit d’immigrer au Canada. J’ai examiné les documents et les renseignements au dossier et, toute réflexion faite, je suis convaincue que les points accordés représentent correctement la capacité de l’intéressé à réussir son établissement économique au Canada. La demande doit donc être rejetée.

 

 

Questions en litige

[18]           Si je comprends bien les observations de l’avocat de M. Singh, il allègue maintenant qu’en examinant la demande de son client, l’agente des visas a commis une erreur en omettant de reconnaître que M. Singh travaillait déjà au Canada et qu’il détenait un « permis de travail » lui permettant de travailler.

 

[19]           M. Singh allègue également que l’agente a commis une erreur en omettant d’exercer son pouvoir discrétionnaire en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement.

 

Norme de contrôle

[20]           Comme l’a souligné le juge Blais dans sa décision à l’égard de M. Singh, les décisions des agents des visas sont discrétionnaires et reposent essentiellement sur une appréciation des faits. À ce titre, dans la mesure où cette appréciation « a été faite de bonne foi, en respectant les principes de justice naturelle applicables et sans l’intervention de facteurs extrinsèques ou étrangers à la question, la norme de contrôle applicable à la décision de l’agent des visas devrait être celle de la décision manifestement déraisonnable » : voir la décision Singh, précitée, aux paragraphes 8 et 9.

 

[21]           Cela dit, l’argument de M. Singh selon lequel il détenait effectivement un permis de travail porte sur l’interprétation du Règlement et l’application de ce dernier aux faits en l’espèce. Il s’agit d’une question de droit et de fait, et je vais examiner cet aspect de la décision de l’agente suivant la norme de la décision raisonnable.

 

Analyse

[22]           En ce qui concerne son argument selon lequel l’agente a commis une erreur en omettant de reconnaître qu’il avait travaillé au Canada au titre d’un « permis de travail », M. Singh souligne le fait qu’une note figurant sur son visa de visiteur indiquait qu’il était autorisé à exercer des fonctions religieuses au sein du Siri Guru Nanak Sikh Gurdwara, à Edmonton.

 

[23]           Selon M. Singh, cela équivaut à un « document […] [l’]autorisant […] à travailler au Canada », qui satisfait donc à la définition d’un « permis de travail » au sens de l’article 2 du Règlement.

 

[24]           Je ne puis souscrire à cette position. 

 

[25]           Tout d’abord, l’argument de M. Singh ne tient pas compte de la condition explicite figurant sur son visa de visiteur selon laquelle il lui est [traduction] « interdit de travailler au Canada ». À la lumière de cette condition, il n’est donc pas raisonnablement possible d’interpréter le visa comme équivalent à un « document […] autorisant [le demandeur] […] à travailler au Canada ».

 

[26]           En outre, les sections 2 et 3 du Règlement contiennent de longues dispositions régissant la délivrance des permis de travail. Aucune preuve n’établit que M. Singh a suivi le processus de demande requis par ces dispositions.  

 

[27]           De plus, le paragraphe 83(4) du Règlement énonce clairement que le demandeur obtiendra 5 points s’il a travaillé à temps plein au Canada pendant au moins un an au titre d’un permis de travail. [Non souligné dans l’original.] M. Singh admet dans sa propre demande de visa qu’il n’a pas travaillé à temps plein pendant son séjour au Canada.

 

[28]           Enfin, rien ne laisse croire que le ministère des Ressources humaines et du Développement des compétences du Canada a validé une offre d’emploi quelconque faite à M. Singh, avant que celui-ci ne reçoive son visa de visiteur.

 

[29]           En conséquence, je ne relève aucune erreur dans l’examen de la demande de M. Singh effectué par l’agente des visas, en ce qui concerne les questions de la « capacité d’adaptation » et de l’« emploi réservé ».

 

[30]           Pour ce qui est du courriel pris en compte par le juge Blais, M. Singh reconnaît maintenant que l’avis y figurant était incorrect.

 

[31]           En ce qui a trait à l’allégation de M. Singh selon laquelle l’agente a commis une erreur en omettant de procéder à une « substitution de l’appréciation » en vertu du paragraphe 76(3) du Règlement, un examen des notes du STIDI révèle que, bien que M. Singh n’ait jamais demandé à ce qu’on procède à un tel examen, l’agente s’est néanmoins penchée sur la question de savoir si l’évaluation des points accordés au demandeur représentait adéquatement sa capacité à réussir son établissement économique au Canada.

 

[32]            À cet égard, l’agente a conclu que les points accordés représentaient correctement la capacité de M. Singh à réussir son établissement économique au Canada. Par conséquent, elle a choisi de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire de procéder à une substitution de l’appréciation, comme le prévoit le paragraphe 76(3) du Règlement.

 

[33]           M. Singh n’a pas laissé entendre que l’agente avait agi autrement qu’avec bonne foi en choisissant de ne pas exercer son pouvoir discrétionnaire en sa faveur. Il n’a pas non plus établi que l’agente s’était fondée sur des facteurs extrinsèques ou étrangers à la question en arrivant à cette conclusion. En outre, il est bien établi dans la jurisprudence que l’obligation de l’agent des visas d’expliquer pourquoi la demande n’a pas été accueillie à cet égard est limitée : se référer aux décisions Poblano c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1167, et Yan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 510.

 

Conclusion

[34]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

Certification

[35]           M. Singh propose les deux questions suivantes aux fins de certification :

            1.         Une note figurant sur un visa de visiteur est-telle un « permis de travail »?

            2.         L’agent des visas doit-il tenir compte du paragraphe 76(3) dans une affaire où une personne, qui a présenté une demande de visa de résident permanent à titre de travailleur qualifié, allègue avoir travaillé au Canada en vertu de l’article 186 du Règlement et avoir reçu une offre d’emploi au pays?

 

[36]           Je ne suis pas convaincue que la première question soulève une question grave, compte tenu de l’interdiction explicite sur le travail figurant dans le visa de visiteur de M. Singh. 

 

[37]           Pour ce qui est de la deuxième question proposée, il ressort clairement d’un examen du dossier que l’agente des visas a bel et bien tenu compte du paragraphe 76(3) du Règlement dans le traitement de la demande de M. Singh. Par conséquent, la question ne se pose pas.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

JUGEMENT

 

            LA COUR STATUE QUE :

 

            1.         La présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

2.                  Aucune question grave de portée générale n’est certifiée.

 

 

                                                                                                               « Anne Mactavish »

Juge

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Isabelle D’Souza, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                IMM-2530-07

 

 

INTITULÉ :                                                               AMARJEET SINGH

                                                                                    c.

                                                                                    LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

                                                                                    ET DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         EDMONTON (ALBERTA)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 10 JANVIER 2008

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT                                       LA JUGE MACTAVISH

ET JUGEMENT :                             

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 16 JANVIER 2008

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Brian Doherty

 

   POUR LE DEMANDEUR

Rick Garvin

 

 POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Doherty Schuldhaus LLP

Edmonton (Alberta)

 

  POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

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