ENTRE :
Demandeur
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
Le juge Pinard
[1] Il s’agit ici d’une demande de contrôle judiciaire d’une décision de la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (ci-après la SPR), statuant que le demandeur n’est pas un « réfugié » au sens de la Convention, ni une « personne à protéger » selon les définitions données aux articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. (2001), ch. 27.
[2] Le demandeur est un citoyen de l’Inde qui est venu au Canada le 15 août 2003, avec un visa, espérant que la communauté Sikh au Canada allait le parrainer. Il a présenté sa demande d’asile le 30 juin 2005. Selon lui, accusé d’avoir eu des liens avec des terroristes, il a été arrêté et torturé par la police, à Delhi, plusieurs fois, entre août 2001 et décembre 2002.
[3] La SPR reproche notamment au demandeur de n’avoir déposé aucun document corroborant son histoire de façon directe. Selon la SPR,
. . . Afin de corroborer son histoire, il nous dépose sous la Pièce P-7 à P-9 des lettre [sic] de personnes qu’il ne connaît pas alors qu’il aurait pu déposer des affidavits ou des lettres de son épouse, de sa mère et de son père, [. . .].
Ce tribunal veut bien croire que le « ouï-dire » est admissible mais le « ouï-dire » est admissible que si l’on n’a pas de possibilités de faire autrement. [. . .]
Chose certaine, c’est que P-7 à P-9, c’est du « ouï-dire » dans sa forme la plus complète. Chose aussi certaine, c’est que le demandeur n’a pas de motifs pour expliquer le pourquoi de ces dépôts alors qu’il aurait été possible pour lui de déposer des preuves plus crédibles.
[. . .]
Considérant ce qui précède, ce tribunal conclut que le demandeur n’a pas fait une preuve claire et convaincante des faits énumérés dans son histoire. Sa preuve n’est pas complète alors qu’elle aurait pu l’être.
(J’ai souligné.)
[4] Le demandeur soumet que la SPR a erré en droit en appliquant le fardeau de la preuve « claire et convaincante ». Il plaide en outre que ce tribunal a erré en fait dans son analyse de la preuve.
[5] Bien que l’on accorde à la SPR une large mesure de retenue judiciaire concernant ses conclusions de faits, sur les questions de droit, la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte (Pissareva c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2000), 11 Imm.L.R. (3d) 233, [2000] A.C.F. no 2001 (1re inst.) (QL)).
[6] À mon avis, la SPR, en l’espèce, a erré en droit lorsqu’elle a appliqué comme elle l’a fait le fardeau de la preuve « claire et convaincante » à la demande du demandeur. Pour pouvoir revendiquer le statut de réfugié, un demandeur a le fardeau de démontrer, sur la prépondérance des probabilités, qu’il craint avec raison d’être persécuté. Ce n’est que sur la question de la protection de l’État que son fardeau est celui de la preuve claire et convaincante (Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689).
[7] À mon avis, cette erreur de droit est suffisante pour justifier l’intervention de la Cour.
[8] La demande de contrôle judiciaire est donc accueillie, la décision de la SPR, annulée, et l’affaire, renvoyée devant la Section de la protection des réfugiés différemment constituée pour nouvelle détermination.
Ottawa (Ontario)
Le 14 janvier 2008
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2008-07
INTITULÉ : HARJINDER SINGH c. LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 4 décembre 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 14 janvier 2008
COMPARUTIONS :
Me Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Me Diane Lemery POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Michel Le Brun POUR LE DEMANDEUR
Montréal (Québec)
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada