T-2295-06
T-2297-06
Dossier : T-2272-06
ENTRE :
BILLINGS FAMILY ENTERPRISES LTD.
demanderesse
et
défendeur
Dossier : T-2295-06
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
BRANT PAUL BILLINGS
défendeur
Dossier : T-2297-06
ET ENTRE :
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
demandeur
et
CHALLENGER INSPECTIONS (2006) LTD. anciennement
BILLINGS FAMILY ENTERPRISES LTD.
défenderesse
MOTIFS DES ORDONNANCES
[1] Ces trois révisions judiciaires étroitement liées concernent un homme, deux hélicoptères, trois sociétés et dix-neuf contraventions présumées au Règlement de l’aviation canadien pris en vertu de la Loi sur l’aéronautique. Il est établi que 13 des 19 contraventions ont été commises. En ce qui concerne ces 13 contraventions, la défense relève davantage du droit des sociétés que de l’aéronautique, c’est-à-dire qu’il est soutenu que les contraventions ont été commises par un tiers, une société liée qui, lors des vols en question, utilisait les hélicoptères qui étaient alors en sa possession et dont elle avait la garde et la responsabilité légales. Cette défense a été établie en faveur de l’homme qui était administrateur et directeur ainsi que l’alter ego des sociétés, mais non en faveur de la société, laquelle était inscrite comme propriétaire enregistrée des hélicoptères. Les contraventions présumées sont divisées en trois groupes qui doivent être isolés et analysés séparément.
Consigne de navigabilité
[2] Le ministre des Transports était d’avis que Billings Family Enterprises Ltd. (BFEL), propriétaire enregistrée des deux hélicoptères, a autorisé 10 vols alors que les hélicoptères étaient sous sa « garde et responsabilité légales », à un moment où une inspection de maintenance du roulement de contrôle du pas du rotor de queue aurait dû avoir été effectuée, contrevenant ainsi à l’article 605.84 du Règlement de l’aviation canadien (RAC). Le ministre a imposé une amende de 5 000 $ pour chacun des 10 vols. En révision, le Tribunal d’appel des Transports du Canada (TATC) a convenu que BFEL, maintenant connue sous le nom de Challenger Inspections (2006) Ltd., avait commis les contraventions, mais a réduit l’amende à 4 000 $ pour chacun des 10 vols. En appel, le comité d’appel du TATC formé de trois personnes a confirmé la conclusion sur les contraventions, mais a réduit l’amende à 500 $ pour chacun des 10 vols.
[3] Ces conclusions ont entraîné deux révisions judiciaires. Dans le dossier T-2272-06, BFEL demande l’annulation de la conclusion selon laquelle elle avait la garde et la responsabilité légales des deux hélicoptères. Dans le dossier T-2297-06, le ministre sollicite le contrôle judiciaire de l’amende de 500 $. Il soutient que l’amende de 4 000 $ pour chacun des 10 vols devrait être rétablie.
Service de transport aérien/BFEL
[4] Le ministre était également d’avis que BFEL a exploité un service de transport aérien à six reprises sans être titulaire du certificat d’exploitation aérienne prévu à l’article 700.02 du RAC. Il a imposé une amende de 5 000 $ pour chacun des six vols.
[5] Au cours de la première révision qui a pris la forme d’une nouvelle audience, le TATC a annulé la décision du ministre au motif que BFEL n’a pas exploité un service de transport aérien. Toutefois, le comité d’appel du TATC a confirmé l’appel du ministre et a rétabli sa décision sur la responsabilité et l’amende.
[6] BFEL sollicite un contrôle judiciaire dans le dossier T-2272-06. Elle nie avoir exploité un service de transport aérien. Subsidiairement, elle fait valoir que personne n’exploitait un service de transport aérien sur les vols en question. Quoi qu’il en soit, elle soutient que l’amende est trop élevée.
Service de transport aérien/Brant Paul Billings
[7] Enfin, le ministre a prétendu que Brant Paul Billings, l’homme derrière BFEL, avait personnellement exploité un service de transport aérien sans être titulaire du certificat d’exploitation aérienne requis, et ce, à trois reprises. Sa licence de pilote a été suspendue pendant 14 jours pour chacune des trois contraventions. En révision, la décision du ministre a été confirmée. M. Billings a interjeté appel de cette décision et le comité d’appel du TATC a accueilli sa demande et rejeté les accusations portées contre lui. Le ministre sollicite un contrôle judiciaire de cette décision dans le dossier T-2295-06.
[8] M. Billings et BFEL se plaignent du déroulement de l’audience en révision. Les certificats ont été admis en preuve sans qu’ils n’aient eu la possibilité de contre-interroger la personne qui les a établis, et le conseiller a omis de prendre en considération une requête en rejet pour absence de preuve présentée à la clôture de la preuve du ministre. Ils ajoutent qu’on a porté atteinte à leur droit à la liberté garanti à l’article 7 de la Charte.
Structure organisationnelle
[9] Les tactiques utilisées par les parties ont été en quelque sorte dictées par leur perception du fardeau de la preuve, de sorte que le dossier n’est pas aussi complet qu’il aurait pu l’être. Les dossiers du registre de la Colombie-Britannique ont été déposés relativement aux trois sociétés « Challenger ».
[10] La propriétaire enregistrée des deux hélicoptères est maintenant connue sous le nom de Challenger Inspections (2006) Ltd. Pour éviter toute confusion, j’utiliserai son nom au moment où les évènements en question sont survenus en 2004, Billings Family Enterprise Ltd. ou BFEL. Brant Paul Billings est le président et l’un des administrateurs de cette société. Le registre de la Colombie‑Britannique ne donne pas de détails quant à l’actionnariat.
[11] M. Billings est président et administrateur de la deuxième société, Challenger Helicopters Ltd. et président, secrétaire et administrateur de la troisième société, Challenger Inspections Ltd.
[12] M. Billings, considéré comme un témoin honnête et sincère, a sans difficulté reconnu les entreprises comme étant les siennes. Bien entendu, il parlait comme un profane et non un avocat de société, mais il ne fait aucun doute qu’il était l’âme dirigeante des trois sociétés.
[13] Comme l’a dit le vicomte Haldane dans Lennard’s Carrying Company, Limited c. Asiatic Petroleum Company, Limited, [1915] A.C. 705, à la p. 713 :
Une société est une abstraction. Elle n’est pas plus dotée d’un esprit qu’elle ne possède un corps; il faut donc chercher la volonté qui l’anime et la dirige dans la personne qui, à certains égards, peut être désignée comme un agent mais qui, en réalité, est la tête dirigeante de la société, en manifeste la volonté, représente l’âme et l’essence même de la personnalité de la société.
[14] Néanmois, une société est une entité juridique distincte de ses directeurs, administrateurs et actionnaires (Salomon c. Salomon & Co., [1897] A.C. 22 (H.L.), Kosmopoulos c. Constitution Insurance Co. of Canada, [1987] 1 R.C.S. 2, 34 D.L.R. (4th) 208).
[15] En défense, BFEL et M. Billings affirment que, pendant les périodes pertinentes, Challenger Inspections Ltd. avait la garde et la responsabilité légales des deux hélicoptères qu’elle avait en sa possession et qu’elle utilisait. C’était Challenger Inspections Ltd. qui envoyait des factures commerciales et qui était payée. Bien qu’il s’agisse d’une société séparée et distincte, il était mentionné dans quelques documents qu’elle était une filiale de Challenger Helicopters Ltd. laquelle, à son tour, se présentait comme étant spécialisée en aviation dans les champs de pétrole. Les hélicoptères servaient simplement à se rendre aux emplacements de puits éloignés. Des véhicules terrestres étaient aussi utilisés. Quoi qu’il en soit, ni Challenger Inspections Ltd. ni Challenger Helicopters Ltd. n’ont été accusées relativement aux contraventions en question.
Infractions en vertu de la Loi sur l’aéronautique
[16] Le ministre estime que BFEL a enfreint le sous-alinéa 605.84 (1)c)(i), et qu’à différentes occasions, BFEL et M. Billings ont aussi enfreint le paragraphe 700.02(1) du RAC pris en vertu de la Loi sur l’aéronautique.
[17] L’alinéa 605.84(1)c) du RAC dispose :
605.84 (1) […] il est interdit à toute personne d’effectuer […] le décollage d’un aéronef dont elle a la garde et la responsabilité légales ou de permettre à toute personne d’effectuer le décollage d’un tel aéronef, à moins que l’aéronef ne réponde aux conditions suivantes :
[…]
il est conforme aux exigences relatives aux avis qui sont des équivalents des consignes de navigabilité, le cas échéant, et qui sont délivrés par :
(i) l'autorité compétente de l'État étranger qui était, au moment où les avis ont été délivrés, responsable de la délivrance du certificat de type de l'aéronef, des moteurs, des hélices ou des appareillages […]
605.84 (1) […] no person shall conduct a take-off or permit a take-off to be conducted in an aircraft that is in the legal custody and control of the person […], unless the aircraft
(c) […] meets the requirements of any notices that are equivalent to airworthiness directives and that are issued by
(i) the competent authority of the foreign state that, at the time the notice was issued, is responsible for the type certification of the aircraft, engine, propeller or appliance […]
[18] Le paragraphe 700.02(1) du RAC prévoit :
700.02 (1) Il est interdit d’exploiter un service de transport aérien à moins d’être titulaire d’un certificat d’exploitation aérienne qui autorise l’exploitation d’un tel service et de se conformer à ses dispositions.
700.02 (1) No person shall operate an air transport service unless the person holds and complies with the provisions of an air operator certificate that authorizes the person to operate that service.
[19] L’article 605 se trouve dans la section du RAC qui traite des exigences relatives à la maintenance d’aéronefs. Essentiellement, il est interdit à la personne qui a la garde et la responsabilité légales des hélicoptères de permettre un décollage quand une inspection de maintenance doit être effectuée.
[20] Les deux hélicoptères ont été construits aux États-Unis. La consigne de navigabilité 2003‑04-04 délivrée par la Federal Aviation Administration des États-Unis s’appliquait aux hélicoptères Robinson R22, un des deux modèles d’hélicoptères en question. Dans le but de détecter une possible corrosion d’un roulement du contrôle du pas du rotor de queue, l’inspection aurait dû être exécutée après 20 heures de temps en service et par la suite à des intervalles n’excédant pas 300 heures de temps en service ou 12 mois, selon la période la plus courte. Au moment des contraventions, il s’était écoulé plus de 12 mois, mais moins de 300 heures de temps en service depuis la dernière inspection. Lorsqu’elle a finalement été effectuée, l’inspection a révélé qu’il n’y avait pas de corrosion.
[21] En ce qui concerne les contraventions relatives au service de transport aérien (paragraphe 700.02(1) du RAC), le paragraphe 101.01(1) du RAC définit le « service de transport aérien » comme étant un « service aérien commercial qui est exploité pour transporter des personnes ou des biens — effets personnels, bagages, fret — à bord d'un aéronef entre deux points ». Selon le paragraphe 3(1) de la Loi sur l’aéronautique, le « service aérien commercial » est défini comme étant toute « utilisation d’un aéronef contre rémunération » et « rémunération » désigne « toute rétribution — paiement, contrepartie, gratification, avantage — demandée ou perçue, directement ou indirectement, pour l'utilisation d'un aéronef ».
[22] L’article 703.07 du RAC traite de la délivrance du certificat d’exploitation aérienne. Le demandeur doit notamment démontrer au ministre qu’il est en mesure de maintenir une structure organisationnelle convenable, un système de contrôle d’exploitation, de satisfaire aux Normes de service aérien commercial applicables à l’exploitation et de mettre en place un programme de formation approprié. Le demandeur doit avoir la garde et la responsabilité légales d’au moins un aéronef de chaque catégorie d’aéronefs qu’il utilisera.
[23] La Loi établit plusieurs infractions dont certaines sont punissables par voie de mise en accusation (al. 7.3(1)(ii)). Toutefois, les contraventions en l’espèce ne sont pas du même ordre. Ce sont des infractions administratives de responsabilité stricte dont il incombe au ministre de faire la preuve selon la prépondérance des probabilités. Toutefois, la personne inculpée de la contravention n’est pas un témoin contraignable. Le paragraphe 7.6(1) de la Loi permet au gouverneur en conseil, par règlement, de considérer certaines dispositions d’un règlement comme un « texte désigné » dont la transgression est traitée conformément à la procédure prévue aux articles 7.7 à 8.2. Le sous-alinéa 605.84 (1)c)(i) et le paragraphe 700.02(1) du RAC sont des textes désignés.
[24] La procédure du « texte désigné » comprend quatre phases. Tout d’abord, le ministre, s’il a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a contrevenu à un texte désigné, peut décider de déterminer le montant de l’amende à payer. La personne concernée peut demander une révision par un conseiller du Tribunal d’appel des Transports du Canada (TATC) qui est constitué en vertu de la Loi sur le Tribunal d’appel des transports du Canada, L.R. 2001, ch. 29. Comme je l’ai dit précédemment, la révision est une nouvelle audience où le fardeau de la preuve incombe au ministre. Par la suite, soit le ministre ou la personne concernée peuvent interjeter appel à un comité d’appel du TATC formé de trois personnes. Abstraction faite des questions médicales qui ne sont pas pertinentes en l’espèce, le conseiller et le comité d’appel (les conseillers siègent parfois en première instance et parfois en appel) doivent avoir une expertise dans le secteur des transports en cause. Le conseiller réviseur et les trois conseillers du comité d’appel étaient tous pilotes et avocats. La norme, qui a été respectée en l’espèce, veut que l’appel porte sur le dossier dont était saisi le conseiller de révision. La décision d’appel est ensuite susceptible d’un contrôle judiciaire de notre Cour conformément aux articles 18 et suivants de la Loi sur les Cours fédérales. La décision concernant le contrôle judiciaire est susceptible d’appel devant la Cour d’appel.
Norme de contrôle judiciaire
[25] Deux questions se posent. La première concerne la retenue que notre Cour doit exercer à l’égard de la décision du comité d’appel du TATC. La deuxième concerne la retenue, le cas échéant, que le comité d’appel doit exercer à l’égard de la décision de son conseiller qui a révisé celle du ministre. Comme l’a dit la juge en chef McLachlin dans Dr. Q c. College of Physicians and Surgeons, 2003 CSC 19, [2003] 1 R.C.S. 226, aux par. 22 et 26 :
22. Pour définir la norme de contrôle applicable selon la méthode pragmatique et fonctionnelle, la cour de révision ne peut se contenter d’interpréter une disposition législative isolée concernant le contrôle judiciaire. Il ne suffit pas non plus d’identifier simplement une erreur catégorisée ou désignée telle que la mauvaise foi, l’erreur sur des conditions accessoires ou préalables, le motif inavoué ou illégitime, l’absence de preuve ou la prise en compte d’un facteur sans pertinence. La méthode pragmatique et fonctionnelle exige plutôt de la cour de soupeser une série de facteurs afin de déterminer si une question précise dont l’organisme administratif était saisi devrait être soumise à un contrôle judiciaire exigeant, subir un « examen ou [. . .] une analyse en profondeur » (Southam, précité, par. 57) ou être laissée à l’appréciation quasi exclusive du décideur. Ces divers degrés de déférence correspondent respectivement aux normes de la décision correcte, raisonnable simpliciter et manifestement déraisonnable.
[…]
26. Selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle, la norme de contrôle est déterminée en fonction de quatre facteurs contextuels — la présence ou l’absence dans la loi d’une clause privative ou d’un droit d’appel; l’expertise du tribunal relativement à celle de la cour de révision sur la question en litige; l’objet de la loi et de la disposition particulière; la nature de la question -- de droit, de fait ou mixte de fait et de droit. Les facteurs peuvent se chevaucher. L’objectif global est de cerner l’intention du législateur, sans perdre de vue le rôle constitutionnel des tribunaux judiciaires dans le maintien de la légalité. […]
[26] Notre Cour s’est déjà prononcée sur des affaires mettant en cause le TATC, ou un de ses prédécesseurs, le Tribunal de l’aviation civile, mais la plupart de ces décisions se rapportent soit à des questions de droit à l’égard desquelles la norme de contrôle applicable est celle de la décision correcte, soit à l’équité procédurale qui dépasse le cadre de l’approche pragmatique et fonctionnelle (voir : Air Nunavut c. Canada (Ministre des Transports), [2001] 1 C.F. 138, [200] A.C.F. nº 1115; Canada (Procureur général) c. Woods, [2002] C.F.P.I. 928, [2002] A.C.F. nº 1267; Canada (Procureur général) c. Yukon, 2006 CF 1326, [2006] A.C.F. nº 1671; et Sierra Fox Inc. c. Canada (Ministre des Transports), 2007 CF 129, [2007] A.C.F. nº 166). Néanmoins, ces affaires se révèlent utiles pour mettre la loi dans son contexte.
[27] Il faut prendre en considération les deux dispositions pertinentes de la Loi sur l’aéronautique, ainsi que la Loi sur le Tribunal des transports du Canada et le règlement pertinent. La décision du comité d’appel est définitive, sans droit d’appel, mais elle est susceptible de contrôle judiciaire. Le Tribunal a une plus grande expertise que la Cour en ce qui concerne l’aéronautique en général et la sécurité aérienne en particulier. La sécurité est primordiale en l’espèce. L’une des responsabilités du ministre en vertu de l’article 4.2 de la Loi est de « procéder à des enquêtes sur tout aspect intéressant la sécurité aéronautique ». À mon avis, le législateur a voulu que les conclusions de fait du comité d’appel ne soient pas modifiées à moins qu’elles ne soient manifestement déraisonnables, que les questions mixtes de fait et de droit soient révisées suivant la norme de la décision raisonnable simpliciter et qu’aucune retenue ne soit nécessaire sur des questions de droit.
[28] Quant à la retenue que doit exercer le comité d’appel à l’égard de la décision de son conseiller, M. Ogilvie, qui a initialement révisé la décision du ministre, l’arrêt Dr. Q se révèle utile encore une fois. Dans cette affaire, la disposition pertinente autorisait un appel d’une décision du comité d’enquête du College of Physicians and Surgeons of British Columbia à la Cour suprême de la Colombie-Britannique. M’inspirant du paragraphe 18 de l’arrêt, je conclus que l’on doit faire preuve d’une grande retenue à l’égard des conclusions de fait ou relatives à la crédibilité de M. Ogilvie. Le comité d’appel avait droit à sa propre interprétation du droit.
[29] La question de la retenue, selon le ministre, repose sur l’intention évidente du comité d’appel d’examiner à nouveau le montant de l’amende imposée à BFEL pour avoir exploité un service de transport aérien. Je suis d’avis que le comité d’appel du TATC était expressément autorisé par la loi à exprimer sa propre opinion, dans la mesure où le paragraphe 8.1(3) de la Loi sur l’aéronautique prévoit que le comité d’appel « peut rejeter l’appel ou y faire droit et substituer sa propre décision à celle en cause ».
[30] En fait, j’estime que cette position rejoint les propos tenus par la Cour suprême dans Paul c. Colombie-Britannique (Forest Appeals Commission), 2003 CSC 55, [2003] 2 R.C.S. 585, aux par. 43 et 44. Il s’agissait d’un appel interjeté devant une commission d’appel spécialisée censée mettre à profit l’expertise de ses membres, dans le cadre d’un régime administratif.
Les accusations contre M. Billings – Service de transport aérien : T-2295-06
[31] Comme je l’ai déjà indiqué, le paragraphe 700.02(1)du RAC prévoit :
Il est interdit d'exploiter un service de transport aérien à moins d'être titulaire d'un certificat d'exploitation aérienne qui autorise l'exploitation d'un tel service et de se conformer à ses dispositions. |
No person shall operate an air transport service unless the person holds and complies with the provisions of an air operator certificate that authorizes the person to operate that service.
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[32] M. Billings était le pilote responsable des hélicoptères pour les trois vols en question, mais ce n’est pas dans le cadre de ces fonctions qu’il a été accusé de la contravention. Le conseiller réviseur du TATC, M. Ogilvie, vice-président, était d’avis que même si les paiements étaient demandés et reçus par Challenger Inspections Ltd., M. Billings était le seul propriétaire et exploitant de la société et que, par conséquent, il était personnellement visé par la définition de « rémunération ».
[33] Le comité d’appel n’a pas partagé pas cette opinion juridique. Comme M. Billings n’était pas le propriétaire des hélicoptères et n’en avait pas la garde et la responsabilité à son propre nom, il n’était en fait qu’un employé même s’il était le pilote. À ce titre, il n’était pas tenu d’être personnellement titulaire d’une licence d’exploitation d’un service de transport aérien.
[34] Le rôle du propriétaire enregistré est assez litigieux dans les affaires Billings Family Enterprise. Toutefois, que l’exploitant soit BFEL, Challenger Helicopters Ltd. ou Challenger Inspection Ltd., le résultat est le même en ce qui concerne les accusations portées contre M. Billings. Même s’il a assurément bénéficié indirectement du service, que ce soit à titre d’administrateur, de directeur ou d’actionnaire de l’une ou l’autre des sociétés exploitant le service, ainsi qu’à titre de pilote pour les vols en question, il n’exploitait pas personnellement un service de transport aérien. Les sociétés n’étaient pas qu’une simple façade ni un leurre. Le comité d’appel du TATC avait raison. Le contrôle judiciaire doit être rejeté.
[35] Si quelqu’un connaissait la structure organisationnelle de la société, c’est M. Billings. Peut-être aurait-il pu être accusé en vertu du paragraphe 8.4 (3) de la Loi qui prévoit :
8.4 (3) Lorsqu’une personne peut être poursuivie en raison d’une infraction à la présente partie ou à ses textes d’application relative à un aéronef, le commandant de bord de celui-ci peut être poursuivi et encourir la peine prévue, à moins que l’infraction n’ait été commise sans le consentement du commandant. |
8.4 (3) The pilot-in-command of an aircraft may be proceeded against in respect of and found to have committed an offence under this Part in relation to the aircraft for which another person is subject to be proceeded against unless the offence was committed without the consent of the pilot-in-command and, where found to have committed the offence, the pilot-in-command is liable to the penalty provided as punishment therefor. |
Cependant, il ne l’a pas été.
Les accusations contre contre BFEL – Service de transport aérien : T-2272-06
[36] Il faut maintenant se demander si BFEL, ou l’une ou l’autre des deux sociétés Challenger, ou, en fait, si les trois sociétés exploitaient un service de transport aérien. Il est important d’établir des distinctions entre les différentes notions : propriété enregistrée par opposition à titre de propriété sur les hélicoptères; propriété par opposition à garde et responsabilité légales; et exploitation d’un service de transport aérien par opposition à utilisation des hélicoptères.
[37] BFEL détient le titre et est la propriétaire enregistrée des deux hélicoptères. En aéronautique, où un bon nombre d’aéronefs sont loués, les deux notions sont distinctes. Selon l’article 3 de la Loi, le « propriétaire enregistré » est le « titulaire […] d’une marque d’immatriculation d’aéronef délivrée par le ministre ». Le propriétaire enregistré peut détenir ou non le titre de l’aéronef, mais il est censé en avoir la garde et la responsabilité légales (voir : 202.35 RAC). Cette distinction est confirmée par l’arrêt de la Cour suprême Canada 3000 Inc., Re; Inter-Canadien (1991) Inc. (Syndic de), 2006 CSC 24, [2006] 1 R.C.S. 865, particulièrement au par. 55.
[38] Seul le propriétaire enregistré de l’aéronef reçoit les consignes de navigabilité et les autres documents touchant à l’utilisation sécuritaire et à la maintenance de l’appareil. En l’espèce, M. Billings a reçu les consignes de navigabilité à titre d’administrateur de BFEL.
[39] Le paragraphe 202.35(2) du RAC prévoit que le propriétaire enregistré d’un aéronef canadien qui transfère toute partie de la garde et de la responsabilité légales de l’aéronef doit aviser par écrit le ministre dans les sept jours suivant le transfert. Le certificat d’immatriculation alors en vigueur est annulé. Aucun avis ne figure au dossier.
[40] Après avoir effectué une analyse contextuelle et téléologique de la Loi et du RAC, particulièrement les aspects relatifs à la sécurité, comme le veulent des décisions telles que Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, 2002 CSC 42, [2002] 2 R.C.S. 559, je conclus que même si BFEL avait transféré la garde et la responsabilité à l’une ou l’autre des sociétés Challenger, elle ne peut le prétendre. Le transfert n’était pas légal parce qu’aucun avis n’a été donné. BFEL ne peut invoquer son propre manquement à un article du règlement dans le but d’échapper à sa responsabilité aux termes d’un autre article.
[41] Toutefois, pour le cas où j’aurais mal interprété la Loi et le RAC, je suis d’avis que l’ensemble de la preuve démontre que le ministre s’est acquitté du fardeau de la preuve. Dès qu’il a été établi que BFEL était la propriétaire enregistrée des hélicoptères, la charge de la preuve lui revenait. Les seuls éléments de preuve au dossier sont que Challenger Inspections Ltd., aussi connue comme étant une filiale de Challenger Helicopters Ltd., établissait les factures et faisait de la publicité dans des revues spécialisées. Pas le moindre élément de preuve n’a été soumis en ce qui concerne les ententes contractuelles ayant pu être conclues entre les trois sociétés. Seuls M. Billings et les sociétés étaient au courant de ces renseignements. Le ministre n’en savait rien, mais il peut se fonder sur les documents publics. Il n’y a pas lieu de tirer des conjectures. Cela ne signifie pas que « Challenger » n’aurait pas pu être aussi accusée.
[42] L’avocat de BFEL a fait valoir que la preuve ne permettait pas d’établir qu’aucun certificat d’exploitation aérienne n’était en vigueur. Des certificats avaient été délivrés par le secrétaire du ministère des Transports conformément à l’article 27 de la Loi sur l’aéronautique, énonçant que pendant la période du 1er janvier 2004 au 31 août 2004, aucun AOC n’a été délivré à Brant Paul Billings ou à Billings Family Enterprises Ltd. autorisant l’exploitation d’un service de transport aérien. Ces certificats sont déficients en ce qu’ils n’écartent pas la possibilité qu’un certificat ait été délivré avant le 1er janvier 2004, ou que des certificats aient été délivrés à l’une ou l’autre des deux sociétés Challenger. Toutefois, M. Ogilvie, dont la conclusion selon laquelle BFEL a exploité un service de transport aérien sans être titulaire d’un AOC en vigueur a été confirmée, était conscient des lacunes des certificats et il ne s’est pas fié à eux. Je suis convaincu qu’il était raisonnable pour M. Ogilvie de tirer ses conclusions. M. Billings a témoigné au sujet d’une vérification de la sécurité effectuée par un client. Il n’était pas manifestement déraisonnable pour M. Ogilvie de conclure que ni M. Billings, ni BFEL ni la société Challenger ne détenaient un AOC :
[traduction] Une vérification de la sécurité a été effectuée par un de mes clients. Donc, une vérificatrice indépendante est venue et a regardé ce que nous faisions et de quelle façon nous procédions et elle a conclu que nous avions un système de rapport très efficace, un très bon programme, un programme permettant de suivre les déplacements, etc. Nous ne sommes pas parfaits, mais nous – elle était très impressionnée par le fait que nous avions – et elle a pensé que nous faisions certaines choses dont les grandes – celles avec des AOC, ces grandes entreprises, pourraient bénéficier. [Je souligne.]
Quelqu’un a-t-il exploité un service de transport aérien?
[43] Dans ses observations écrites, BFEL n’a contesté que quatre des six vols. Elle a été autorisée à déposer des observations supplémentaires et elle a profité de cette autorisation pour essayer de faire examiner les six vols. J’estime qu’il n’existe absolument aucune preuve d’une contravention pour l’un des quatre vols initialement contestés. Il y avait une preuve suffisante sur tous les autres vols.
[44] Il n’y a aucun doute que BFEL exploitait un service aérien commercial. Toutefois, ce service est un service de transport aérien seulement s’il est exploité pour « transporter des personnes ou des biens – effets personnels, bagages, fret – à bord d’un aéronef entre deux points ».
[45] Le fondement des chefs d’accusation 1 et 2 était le carnet de route de l’hélicoptère en question ainsi que la facture d’un client. La facture indiquait « panneau installé ». L’ensemble de la preuve de M. Billings, y compris les déclarations préalables à l’audience, a certainement mené à la conclusion que les panneaux installés sur des emplacements de puits appartenaient aux clients et qu’ils étaient transportés vers les sites en hélicoptère. La conclusion du vice-président Ogilvie selon laquelle les panneaux ont été transportés lors de ces vols n’était pas manifestement déraisonnable. La décision du comité d’appel de confirmer cette conclusion ne l’était pas non plus. Les chefs d’accusation 3, 5 et 6 se rapportent au « débroussaillage de feuilles ». Encore une fois, il n’était pas manifestement déraisonnable pour M. Ogilvie de conclure compte tenu de la preuve au dossier que l’équipement nécessaire était transporté vers le site en hélicoptère. Que l’équipement soit considéré comme des effets personnels, des bagages ou du fret, l’activité tombait sous le coup de la définition de « service de transport aérien ».
[46] Les évènements entourant le chef d’accusation 4 sont survenus le 10 juillet 2004 lorsqu’un passager a été transporté à bord de l’hélicoptère C-FNNE. M. Ogilvie a appuyé sa conclusion selon laquelle il y a eu une contravention au règlement sur le fait que « le carnet de route de l’aéronef C‑FNNE indiqu[ait] un vol en date du 10 juillet 2004 effectué par M. Billings à partir de la base Challenger pour une période de 1,6 heure. Il indiqu[ait] aussi le transport d’un passager ». Toutefois, je dois dire que cette conclusion était manifestement déraisonnable tout comme la décision du comité d’appel de confirmer la conclusion de M. Ogilvie. Le carnet de route indique que le passager était un certain M. Brint, membre de l’équipage. À d’autres occasions, M. Brint est identifié dans le carnet comme étant le pilote. Un « passager » aux termes de l’article 101.01 du RAC désigne une « personne, autre qu’un membre d’équipage, transportée à bord de l’aéronef ». Par conséquent, cette contravention, et l’amende s’y rapportant, est annulée.
Justice naturelle
[47] Il avait été convenu au début de l’audience en révision que le ministre présenterait en preuve toutes les contraventions présumées au règlement avant que M. Billings et BFEL ne soient appelés à répondre. La preuve démontre qu’ils savaient qu’ils n’étaient pas des témoins contraignables. À la fin de la présentation de la preuve du ministre, l’avocat de M. Billings et BFEL ont demandé le rejet pour absence de preuve. L’argument était essentiellement fondé sur le fait que si quelqu’un a contrevenu au règlement, c’était Challenger Inspections Ltd. L’avocat a soutenu que M. Ogilvie devait à tout le moins prendre la requête en délibéré. Alors, si M. Billings témoignait, M. Ogilvie devait faire une double analyse. S’il était convaincu que le ministre n’avait pas réussi à établir la preuve, il ne pouvait tenir compte du témoignage de M. Billings. Il ne fallait considérer le témoignage que si le ministre avait établi sa preuve.
[48] M. Ogilvie a fait remarquer que le TATC était un tribunal administratif et qu’il n’était pas lié par les règles de preuve (sauf en ce qui concerne les renseignements privilégiés). Il a déclaré que la requête était :
[traduction] --- rejetée parce que je crois qu’il existe une certaine preuve. Donc, je suis en désaccord. Certains éléments de preuve pourraient exister. Je dois vérifier. Ils sont rejetés. Je ne vais pas, j’ai de la difficulté à qualifier ceci, les disjoindre, si vous voulez, ou quelque chose du genre. Ce que je veux dire, c’est que je crois que tout ce que vous avez dit, j’aurais pu l’entendre dans l’argumentation finale de l’affaire. La réponse est donc non. Si vous poursuivez et présentez la preuve, ou juste pour vous prévenir de la procédure à suivre, si vous présentez une preuve, j’examinerai la preuve dans son ensemble. Est-ce clair?
[49] Dans ses motifs, M. Ogilvie s’est dit d’avis que le ministre avait établi une preuve prima facie. Je suis d’accord que le ministre a opéré un renversement du fardeau de la preuve et que si M. Billings n’avait pas témoigné, il aurait encore été loisible à M. Ogilvie de conclure qu’il y avait eu contraventions.
[50] Comme l’a indiqué le juge Sopinka dans Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 560, [1989] A.C.S. nº 25, au par. 16 :
16. Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure. En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez eux. En l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent [page 569] leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle.
[51] Bien qu’il n’ait pas été plaidé devant lui, l’article 7 de la Charte a été soulevé devant moi. Cet article est rédigé comme suit :
7. Chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne; il ne peut être porté atteinte à ce droit qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale. |
7. Everyone has the right to life, liberty and security of the person and the right not to be deprived thereof except in accordance with the principles of fundamental justice. |
[52] L’arrêt de la Cour suprême R. c. Wholesale Travel Group Inc. [1991] 3 R.C.S. 154, [1991] A.C.S. nº 79, a été invoqué, mais à tort. Cette affaire mettait en cause des infractions criminelles et non des infractions administratives. Comme l’a signalé la Cour d’appel fédérale dans Main Rehabilitation Co. Ltd. c. Canada, 2004 CAF 403, [2004] A.C.F. nº 2030, selon le principe général applicable en la matière, seuls les êtres humains peuvent jouir du droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne garanti par l’article 7 de la Charte. Fait exception à ce principe, la possibilité pour une société accusée d’une infraction de contester, dans le cadre de sa défense, la constitutionnalité de la loi. Les accusations en l’espèce sont administratives, et non criminelles.
Les accusations contre BFEL/consigne de navigabilité : T-2272-06 et T-2297-06
[53] Pour les motifs déjà exposés, je suis convaincu, compte tenu de la preuve limitée au dossier, que le ministre s’est déchargé de son fardeau initial de prouver que les deux hélicoptères étaient sous la garde et la responsabilité légales de BFEL. Ou bien cette dernière ne pouvait invoqué sa propre turpitude en défense, ou bien elle n’a pas repoussé le fardeau en présentant la preuve que la garde et la responsabilité légales avaient été transférées à l’une ou l’autre des deux sociétés Challenger.
[54] Le ministre a d’abord imposé une amende de 5 000 $ pour chacun des 10 vols effectués alors que l’inspection de maintenance aurait dû avoir été effectuée. En révision, M. Ogilvie a réduit l’amende à 4 000 $ par vol. À son tour, le comité d’appel l’a réduite à 500 $ par vol.
[55] Il est reconnu que, conformément à l’article 8 de la Loi, le conseiller réviseur en l’espèce, M. Ogilvie, peut déterminer le montant qui doit être payé au Tribunal relativement aux contraventions.
[56] Pour déterminer le montant approprié de l’amende, il a exposé les circonstances entourant les contraventions. À juste titre, il a pris en compte l’importance de respecter les consignes de navigabilité pour s’assurer qu’un aéronef est apte à voler en toute sécurité. La consigne de navigabilité visait à détecter la corrosion d’un roulement et à prévenir sa cassure et « une perte subséquente du contrôle directionnel de l’hélicoptère ». Comme l’a dit M. Ogilvie, les conséquences auraient pu être désastreuses. Il a renvoyé à une décision sur appel du prédécesseur du TATC, Wyer c. Ministre des Transports, [1988] O-0075-33. Les principes résumés comprennent notamment la dénonciation, la dissuasion, particulière et générale, la rééducation et les recommandations sur l’application des règles. Les facteurs aggravants et les erreurs atténuantes sont pris en considération.
[57] M. Ogilvie était d’avis que la dénonciation et la dissuasion générale étaient d’une grande importance. La dissuasion particulière ne lui paraissait pas aussi importante, d’autant plus qu’il y avait eu une mauvaise interprétation de bonne foi de la consigne de navigabilité et aucune infraction antérieure. En ce qui concerne la dénonciation, il a souligné que Transports Canada a publié un communiqué de presse trompeur selon lequel BFEL avait omis de remplacer un roulement de contrôle du pas du rotor de queue. M. Billings a avoué avoir reçu de nombreux appels de clients à ce propos. La consigne visait seulement l’inspection et le remplacement de la pièce si nécessaire.
[58] Le ministre a imposé une amende de 5 000 $ pour chacun des 10 vols. Le montant maximum aurait été de 25 000 $. Toutefois, il faut aussi garder à l’esprit qu’une seule inspection a été omise. M. Ogilvie a décidé de réduire l’amende à 4 000 $ par contravention, ce qu’il avait le droit de faire.
[59] Le comité d’appel a justifié la réduction supplémentaire à 500 $ par contravention comme suit :
[23] Même si la CN a été oubliée, il n'y a eu aucune conséquence liée à la sécurité pour l'aéronef puisque l'inspection a révélé qu'il n'était pas nécessaire de remplacer le roulement de contrôle du pas du rotor de queue. Nous sommes d'accord avec le conseiller en révision qu'il n'est pas nécessaire de dissuader M. Billings, administrateur et directeur de la compagnie, parce qu'il a montré au conseiller en révision qu'il éprouvait des remords et qu'il a en tout temps collaboré avec les responsables de la réglementation.
[24] Dans le cas en l'espèce, nous ne sommes pas du même avis que le conseiller en révision en ce qui a trait à la dissuasion générale. Nous considérons que le seul fait qu'une pénalité de 5 000 $ puisse être imposée pour chaque infraction alléguée au sous-alinéa 605.84(1)c)(i) du RAC constitue un message de dissuasion générale. Toutefois, il y a de multiples chefs d'accusation parce qu'il y a eu 10 décollages à la suite d'une seule erreur de M. Haab, à savoir l'oubli de la CN de 12 mois. En prenant en considération ce fait et le libellé déplorable du communiqué de presse et ces répercussions possibles pour la compagnie, nous considérons qu'il est équitable de réduire de nouveau la pénalité normalement imposable pour la dissuasion générale. Ce faisant, nous nous limitons aux faits déclarés dans le cas en l'espèce. Nous réduisons donc la pénalité de 500 $ pour chacun des 10 chefs d'accusation, ce qui donne une pénalité totale de 5 000 $.
[60] Comme je l’ai déjà indiqué dans les présents motifs, le paragraphe 8.1(3) de la Loi prévoit que le comité d’appel « peut rejeter l’appel ou y faire droit et substituer sa propre décision à celle en cause ».
[61] Peu importe l’étendue du pouvoir discrétionnaire du décideur s’agissant de déterminer le montant de l’amende, ce pouvoir ne peut être plus large que celui conféré au ministre de la Couronne dans les affaires administratives. Une décision discrétionnaire administrative ne peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire que si elle est entachée de mauvaise foi, si elle n’est pas conforme aux principes de justice naturelle ou si elle repose sur des considérations non pertinentes ou étrangères (Maple Lodge Farms Limited c. Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, 137 D.L.R. (3d) 558). Selon l’analyse pragmatique et fonctionnelle moderne dans les procédures de contrôle judiciaire, une telle décision est habituellement manifestement déraisonnable (S.C.F.P. c. Ontario (Ministre du Travail), 2003 CSC 29, [2003] 1 R.C.S. 539).
[62] Le comité d’appel n’a pas remis les conclusions de fait et la crédibilité de M. Ogilvie en question. Il a décidé de réduire l’amende en raison de son opinion sur la dissuasion générale et « en prenant en considération […] le libellé déplorable du communiqué de presse et ces répercussions possibles pour la compagnie ».
[63] Le comité d’appel avait l’expertise et la Cour n’interviendra pas en ce qui a trait à son opinion voulant que l’amende soit réduite étant donné qu’il n’y avait qu’une seule erreur, soit la mauvaise interprétation de la consigne de navigabilité. Toutefois, M. Ogilvie et le comité d’appel n’auraient pas dû prendre en considération le communiqué de presse trompeur du ministre. Il s’agissait d’une toute autre affaire non pertinente et étrangère à l’amende. BFEL a peut-être, ou non, une cause d’action contre le ministre. Je me contenterai de dire que le communiqué de presse n’est pas un facteur devant être pris en considération au moment de déterminer l’amende à imposer pour des contraventions au Règlement pris en vertu de la Loi sur l’aéronautique, dont l’objet est d’assurer la sécurité aérienne.
[64] BFEL a soutenu que les amendes étaient manifestement injustes comparativement aux autres décisions du TATC ou de son prédécesseur, tant en ce qui concerne le nombre d’accusations portées que les amendes imposées. On pourrait peut-être conclure que le traitement des contraventions par le ministre et la révision subséquente par le TATC étaient, dans le passé, nettement insuffisants compte tenu de l’importance de la sécurité aérienne. Les amendes imposées étaient loin de correspondre au maximum et les accusations auraient pu être portées à l’égard d’autres vols, mais elles ne l’ont pas été. Je ne vois aucun motif juridique d’intervenir.
[65] Par conséquent, la question de l’amende, mais non celle de la responsabilité, sera renvoyée à un comité d’appel du TATC, le même si possible.
Frais
[66] Comme les parties ont chacune obtenu partiellement gain de cause, que M. Billings et BFEL étaient représentés par le même avocat et que les trois dossiers ont été instruits ensemble, je ne ferai aucune adjudication des dépens.
[67] En résumé :
a) La demande du procureur général du Canada visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision du comité d’appel du Tribunal d’appel des Transports du Canada annulant à l’égard de Brant Paul Billings les contraventions au paragraphe 700.02(1) (service de transport aérien) est rejetée (T-2295-06).
b) La demande de Billings Family Enterprises Ltd. visant à obtenir le contrôle judiciaire de la décision selon laquelle elle a exploité un service de transport aérien à six reprises sans être titulaire d’un certificat d’exploitation aérienne est maintenue à l’égard d’un vol. La décision relative au quatrième chef d’accusation est annulée. La demande à l’égard des cinq autres vols est rejetée et l’amende de 5 000 $ pour chacun des cinq vols demeure applicable (T-2272-06).
c) La demande de Billings Family Enterprises Ltd. visant à obtenir un contrôle judiciaire de la décision portant qu’elle avait permis que des décollages soient effectués à dix reprises alors que l’aéronef ne satisfaisait pas aux exigences d’une consigne de navigabilité (605.84(1)c)(i) RAC) est rejetée (T-2272-06).
d) La demande du procureur général du Canada visant à obtenir un contrôle judiciaire de la décision selon laquelle l’amende est réduite de 4 000 $ à 500 $ pour chacune des dix contraventions à la consigne de navigabilité (RAC 605.84(1)(c)(i)) est accordée et la question de l’amende est renvoyée pour nouvel examen conformément aux présents motifs (T-2297-06).
« Sean Harrington »
Traduction certifiée conforme
Mylène Borduas
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2272-06
INTITULÉ : BILLINGS FAMILY ENTERPRISES LTD. c. LE MINISTRE DES TRANSPORTS
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : LES 15 ET 16 NOVEMBRE 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 7 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
Leslie G. Dellow
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POUR LA DEMANDERESSE |
Steven C. Postman |
POUR LE DÉFENDEUR |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Leslie G. Dellow Avocat Dawson Creek (C.-B.)
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POUR LA DEMANDERESSE |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2295-06
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. BRANT PAUL BILLINGS
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : LES 15 ET 16 NOVEMBRE 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 7 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
Steven C. Postman
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POUR LE DEMANDEUR |
Leslie G. Dellow |
POUR LE DÉFENDEUR |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DEMANDEUR |
Leslie G. Dellow Avocat Dawson Creek (C.-B.) |
POUR LE DÉFENDEUR |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2297-06
INTITULÉ : LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA c. CHALLENGER INSPECTIONS (2006) LTD. anciennement BILLINGS FAMILY ENTERPRISES LTD.
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : LES 15 ET 16 NOVEMBRE 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 7 JANVIER 2008
COMPARUTIONS :
Steven C. Postman
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POUR LE DEMANDEUR |
Leslie G. Dellow |
POUR LA DÉFENDERESSE |
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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POUR LE DEMANDEUR |
Leslie G. Dellow Avocat Dawson Creek (C.-B.) |
POUR LA DÉFENDERESSE |