Ottawa (Ontario), le 3 janvier 2008
En présence de monsieur le juge Blanchard
ENTRE :
LE CHEF LLOYD CHICOT, en son nom
et au nom des membres de la Première Nation Ka’a’Gee
Tu et de la PREMIÈRE NATION KA’A’GEE TU
et
LE MINISTRE DES AFFAIRES INDIENNES ET DU NORD CANADIEN
et PARAMOUNT RESOURCES LTD.
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s’agit d’une requête des demandeurs en vue de faire modifier l’avis de demande modifié pour l’inclusion du permis d’utilisation du sol (PUS) no MV2006A0030 que l’Office des terres et des eaux de la vallée du Mackenzie (l’Office) a délivré à Paramount Resources Ltd. (Paramount) le 21 décembre 2006.
[2] Dans la décision que j’ai rendue le 20 juillet 2007, qui découlait de la conclusion que j’ai tirée ce même jour, à savoir que la Couronne ne s’était pas acquittée de son obligation de consulter et d’accommoder la Première Nation Ka’a’Gee Tu, j’ai établi que le permis no MV2002A0046, soit l’objet de la demande sous-jacente, devait être annulé.
[3] De plus, dans les motifs rendus pour cette décision, j’ai souligné qu’il serait souhaitable que les questions en suspens soient résolues par les parties. J’ai remarqué qu’une approche de ce genre correspondait aux enseignements de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Nation Haïda c. Colombie-Britannique (Ministre des Forêts), 2004 CSC 73, lequel inscrit la réconciliation au cœur de l’obligation de la Couronne de consulter. À cette fin, j’ai invité les parties à étudier l’à-propos d’une ordonnance de sursis qui annulerait le permis no 2002A0046 pour une période limitée serait souhaitable vu les circonstances. Un tel sursis permettrait aux parties de s’engager dans un processus de consultation sans faire aboutir tout le projet à une impasse.
[4] Le 13 août 2007, le défendeur a informé la Cour que les parties avaient omis, par inadvertance, d’informer la Cour que le PUS MV2002A0046 avait expiré le 30 novembre 2006.
[5] Le demandeur a par la suite déposé la requête ci-jointe en vue d’ajouter le PUS MV2006A0030 à l’avis de demande modifié, l’instance sous-jacente.
[6] Le demandeur fait valoir que les activités permises par le PUS MV2002A0046 et celles qui sont projetées au moyen du PUS MV2006A0030 sont essentiellement les mêmes. La modification ne serait qu’une simple « question administrative » et le fait d’accueillir la modification ne causerait aucun préjudice au défendeur. De plus, les demandeurs remarquent que, tout au long du processus menant jusqu’à la délivrance du PUS MV2006A0030, les personnes concernées parlaient toutes de « renouvellement ». Selon les demandeurs, ce fait suggère que le PUS MV2002A0030 dont l’inclusion dans la demande est sollicitée au moyen de la présente requête ne serait rien d’autre que le renouvellement du PUS MV2002A0046.
[7] Les défendeurs soulèvent un certain nombre d’objections à la modification demandée. Je résume ici les principales objections soulevées.
Les défendeurs soutiennent que le PUS MV2006A0030 n’est pas un renouvellement du PUS MV2002A0046 et que des différences importantes séparent les deux. Selon eux, les demandes de nouveau permis et les demandes de renouvellement de permis doivent passer par un processus différent selon la Loi et son Règlement. En outre, dans sa demande du 6 octobre 2006, Paramount avait expressément noté qu’elle faisait la demande d’un nouveau permis.
Les défendeurs soutiennent que la portée du permis MV2006A0030 diffère considérablement de celle du permis faisant l’objet de la demande de contrôle judiciaire. En fait, la demande du 6 octobre 2006 déposée par Paramount vise à obtenir un permis d’utilisation du sol et un permis d’utilisation des eaux pour l’ouverture de neuf puits de pétrole et de gaz, alors que le permis MV2006A0030 permettait l’ouverture de cinq nouveaux puits de gaz. Même si les activités autorisées par ces deux permis sont semblables, les défendeurs soutiennent que la portée du permis MV2006A0030 est différente et que, par conséquent, on ne doit pas y voir le renouvellement du permis MV2002A0046.
Les défendeurs font valoir que, dans la présente espèce, des processus de prise de décision séparés et distincts ont lieu. Ils soutiennent que les motifs de la décision autorisant le permis MV2006A0030 montrent que l’Office a tenu compte non seulement des documents qu’il avait eus à sa disposition au moment d’autoriser le permis maintenant expiré, mais aussi de nouveaux renseignements pertinents. Ce fait indiquerait qu’une nouvelle évaluation a été faite et qu’il ne s’agit pas d’un simple renouvellement.
[8] À mon avis, les défendeurs ont soulevé des préoccupations légitimes concernant le fait d’accueillir la requête à ce stade tardif de la procédure. En effet, toute la preuve a été présentée, les plaidoiries ont été faites et même les motifs définitifs de la décision ont été publiés. Aucune des observations faites à l’audience et aucun des arguments présentés ne renvoie au permis MV2006A0030. Surtout, le processus qui a amené l’Office à délivrer le PUS MV2006A0030 n’a pas été présenté comme élément de preuve à la Cour dans la demande sous-jacente. L’idée que tous les éléments importants de ce processus ont été produits comme éléments preuve devant la Cour est au mieux une simple hypothèse. De plus, nous ne connaissons pas les autres facteurs dont l’Office a tenu compte pour l’approbation du permis MV2006A0030. Le dossier pourrait bien être incomplet. Je conclus que le permis MV2006A0030 délivré le 21 décembre 2006 n’est pas qu’un simple renouvellement du permis d’utilisation du sol expiré et que la délivrance du permis est possiblement le résultat d’un processus distinct. Sans la réouverture de la demande sous-jacente et la réception de nouveaux éléments de preuve et de nouvelles argumentations, la Cour ne pourrait qu’émettre des hypothèses sur cette affaire.
[9] La modification demandée a des ramifications qui dépassent en portée ce qu’on pourrait appeler une « question administrative ». Le fait d’accueillir la modification dans de telles circonstances impliquerait le contrôle judiciaire des motifs de l’ordonnance par la Cour. Étant donné l’aspect définitif des conclusions tirées dans les motifs publiés et la portée limitée de ce que la Cour doit encore examiner, le fait d’accueillir la demande de modification serait injuste à l’égard des défendeurs et ne conviendrait pas au stade tardif de l’instance.
[10] Pour les motifs susmentionnés, la requête en modification sera rejetée.
[11] Étant donné l’expiration du permis MV2002A0046, qui a fait l’objet de la demande sous-jacente, il y a peu d’utilité à recevoir les argumentations sur la question de surseoir à mon ordonnance annulant ledit permis. Avant d’exercer mon pouvoir discrétionnaire pour déterminer si la demande sous-jacente recèle toujours un litige, j’offre aux parties la possibilité de présenter leur argumentation sur le caractère théorique et la nature de l’ordonnance sollicitée. À cette fin, les parties ont jusqu’au 25 janvier 2008 pour signifier et déposer leurs observations concernant le projet d’ordonnance. Les parties pourront signifier et déposer leur réponse, s’il y a lieu, au plus tard le 5 février 2008.
LA COUR ORDONNE que :
La requête en modification soit rejetée.
2. Les défendeurs ont droit à leurs dépens.
3. Les parties doivent signifier et déposer au plus tard le 25 janvier 2008 leurs observations sur le projet d’ordonnance qui ne doivent pas dépasser dix pages. Les parties peuvent signifier et déposer au plus tard le 5 février 2008 leurs observations en réponse, s’il y a lieu, lesquelles ne doivent pas dépasser cinq pages.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1996-05
INTITULÉ : Chef Lloyd Chicot et al. c. Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien et al.
LIEU DE L’AUDIENCE : Ottawa (Ontario) par vidéoconférence
DATE DE L’AUDIENCE : Le 3 décembre 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE BLANCHARD
DATE DES MOTIFS : Le 3 janvier 2008
COMPARUTIONS :
Timothy J. Howard
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Donna Tomljanovic
Maria Mendola-Dow
Everett L. Bunnell
Jung Lee
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POUR LE MINISTRE, DÉFENDEUR
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Ron Kruhlak
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POUR L’OFFICE DES TERRES ET DES EAUX DE LA VALLÉE DU MACKENZIE, DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Timothy J. Howard
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POUR LES DEMANDEURS
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John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada
Everett L. Bunnell
Jung Lee
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POUR LE MINISTRE, DÉFENDEUR
POUR PARAMOUNT, DÉFENDERESSE
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Ron Kruhlak
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POUR L’OFFICE DES TERRES ET DES EAUX DE LA VALLÉE DU MACKENZIE, DÉFENDEUR
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