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Date : 20071130

Dossier : IMM-6175-06

Référence : 2007 CF 1247

Ottawa (Ontario), le 30 novembre 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SNIDER

 

ENTRE :

ROBERT ISTVAN KOVACS et MARIA EMILIA KOVACS

demandeurs

et

 

LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE

défendeur

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

[1]               Les demandeurs, Robert Istvan Kovacs et Maria Emilia Kovacs, font l’objet d’une mesure de renvoi du Canada valide. Ils ont un enfant né au Canada, Nicolette, qui a des problèmes médicaux. Leur renvoi a fait l’objet d’un premier sursis pour des questions liées à la santé de Nicolette. Le 11 août 2006, cependant, ils ont reçu une deuxième convocation leur enjoignant de se présenter pour être renvoyés en Hongrie le 28 novembre 2006.

 

[2]               Par lettres datées du 15 et du 16 novembre 2006, les demandeurs ont demandé un deuxième sursis jusqu’après un [traduction] « important rendez‑vous chez le médecin … fixé au 6 février 2007 [puis repoussé au 15 février 2007] ». Dans une décision datée du 20 novembre 2006, un agent d’exécution de l’Agence des services frontaliers du Canada a refusé de surseoir au renvoi prévu pour le 28 novembre 2006.

 

[3]               Les demandeurs ont présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard de cette décision ainsi qu’une requête en sursis d’exécution jusqu’à ce qu’une décision définitive soit rendue à l’égard de la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire sous‑jacente. La requête en sursis d’exécution a été accueillie par ordonnance en date du 28 novembre 2006. L’autorisation a ensuite été accordée et une date a été fixée en vue du contrôle judiciaire par la Cour.

 

[4]               Vu la jurisprudence récente où la Cour a rejeté les demandes de contrôle judiciaire de personnes se trouvant dans une situation semblable au motif qu’elles étaient théoriques (voir, par exemple, Higgins c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 377, et Maruthalingam c. Canada (Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile), 2007 CF 823), j’ai demandé aux parties d’aborder la question de savoir si la présente demande de contrôle judiciaire est désormais théorique, étant donné que la date prévue pour le renvoi est maintenant passée et, dans l’affirmative, si la Cour devrait exercer son pouvoir discrétionnaire d’entendre l’affaire.

 

[5]               Les deux parties reconnaissent que, « strictement parlant », la demande est théorique. La date de renvoi est passée. En l’espèce, même la date de sursis demandée, à savoir le 15 février 2007, est passée. Il ressort clairement des faits qu’il n’y a pas « de litige actuel ni de différend » puisque le « substratum » de la demande de contrôle judiciaire a disparu (Borowski c. Canada (Procureur général), [1989] 1 R.C.S. 342, à la p. 354). La présente demande est devenue théorique.

 

[6]               Comme l’a indiqué la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Borowski, précité, je passe maintenant à la deuxième étape de l’analyse. Malgré son caractère théorique, devrais‑je exercer mon pouvoir discrétionnaire d’entendre et de trancher les questions soulevées par la demande de contrôle judiciaire? Les deux avocats ont soutenu que je devrais entendre et trancher l’affaire au fond. Cependant, en dépit d’arguments très convaincants, je ne suis pas disposée à le faire.

 

[7]               Le premier facteur tient à l’existence d’un rapport contradictoire entre les parties. Il ne fait aucun doute que, d’une manière globale, il existe un rapport contradictoire. Les demandeurs ne veulent pas quitter le Canada; le défendeur cherche à les expulser.

 

[8]               Le second facteur à considérer est l’économie des ressources judiciaires. Le défendeur soutient qu’une décision de la Cour sur la portée des obligations de l’agent d’exécution permettrait d’élucider les questions en litige et d’ainsi réduire la nécessité d’une intervention judiciaire future. Il s’agit, en principe, d’un argument raisonnable. Il y aura sans doute des cas où la Cour pourra établir un précédent important; elle pourra alors décider d’exercer son pouvoir discrétionnaire. Toutefois, tel n’est pas le cas en l’espèce. Il me semble que la question en litige dans le présent contrôle judiciaire soit simplement de savoir si l’agent d’exécution a tenu compte des éléments de preuve dont il disposait. Je ne vois pas en quoi une décision concernant les questions et les faits particuliers du présent contrôle judiciaire pourrait avoir une quelconque valeur de précédent. Je me demande également ce que la présente affaire pourrait ajouter à la jurisprudence déjà considérable (voir, par exemple, John c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 420, Benitez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2001 CFPI 1307, Simoes c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 936 (QL), et Munar c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1180).

 

[9]               À titre d’argument accessoire concernant ce facteur, le défendeur fait valoir que, la maladie sous‑jacente de Nicolette étant en cours, il serait utile pour les parties que la Cour se prononce sur les motifs pour lesquels les problèmes de santé de Nicolette justifieraient un sursis ou sur le moment où un agent d’exécution pourrait, malgré les problèmes en cours, refuser de surseoir au renvoi. Le problème est que les faits de la présente demande de contrôle judiciaire ne soulèvent pas ces questions. La seule question en litige devant l’agent d’exécution était de savoir si le renvoi devait être reporté jusqu’après le rendez‑vous chez le médecin. Ma décision se limiterait à la question de savoir si l’agent d’exécution a correctement examiné les éléments de preuve soumis à l’appui de la demande de sursis jusqu’après le rendez‑vous du 15 février 2007. Une décision sur cette question n’aurait pas d’effets accessoires pratiques sur les droits des parties. Si jamais un autre avis de renvoi leur est signifié, les demandeurs auront le droit de demander un sursis en se fondant sur toute preuve qu’ils choisiront de soumettre à l’agent. À ce moment‑là, ce dernier aura l’obligation d’examiner ladite preuve et d’exercer son pouvoir discrétionnaire limité.

 

[10]           Le dernier facteur dont il faut tenir compte concerne la fonction que les tribunaux doivent jouer. Je ne pense pas que prononcer un jugement en l’espèce serait « un empiètement sur la fonction législative » (Borowski, précité, à la p. 362). J’estime néanmoins que ce facteur met en garde contre une intervention dans le cas où une partie sollicite une décision qui déborderait le cadre des faits soumis à la Cour.

 

[11]           En conclusion, je ne suis pas convaincue de devoir exercer mon pouvoir discrétionnaire d’entendre et de trancher au fond la présente demande de contrôle judiciaire.

 

[12]           Comme cela a déjà été fait dans plusieurs affaires semblables, je vais certifier la question suivante :

Lorsque le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision de ne pas surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi prise contre lui, le fait que son renvoi soit par la suite interrompu en application d’une ordonnance de sursis prononcée par la Cour rend-il théorique la demande de contrôle judiciaire sous-jacente?

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE :

 

  1. La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

  1. La question suivante est certifiée :

 

 

Lorsque le demandeur a déposé une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire à l’égard d’une décision de ne pas surseoir à l’exécution d’une mesure de renvoi prise contre lui, le fait que son renvoi soit par la suite interrompu en application d’une ordonnance de sursis prononcée par la Cour rend-il théorique la demande de contrôle judiciaire sous-jacente?

 

 

 

 

                                                                                    « Judith A. Snider »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Diane Provencher, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-6175-06

 

INTITULÉ :                                                   ROBERT ISTVAN KOVACS ET AL.

                                                                        c. MSPPC

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 21 NOVEMBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :              LA JUGE SNIDER

 

DATE DES MOTIFS :                                  LE 30 NOVEMBRE 2007

                                                                                               

 

 

COMPARUTIONS :

 

Max Chaudhary

 

POUR LES DEMANDEURS

Janet Chisholm

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Chaudhary Law Office

Toronto (Ontario)

 

POUR LES DEMANDEURS

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

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