Décisions de la Cour fédérale

Informations sur la décision

Contenu de la décision

 

 

Date : 20071129

Dossier : T-117-05

Référence : 2007 CF 1261

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Ottawa (Ontario), le 29 novembre2007

En présence de monsieur le juge Mandamin

 

ENTRE :

PHARMASCIENCE INC.

 

demanderesse

et

 

GLAXOSMITHKLINE INC., GLAXOSMITHKLINE PLC, SMITHKLINE BEECHAM CORPORATION, THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED, ET DOE CO. ET TOUTE AUTRE ENTITÉ INCONNUE DE LA DEMANDERESSE QUI FONT PARTIE DU GROUPE GLAXOSMITHKLINE

 

défenderesses

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

  • [1] La demanderesse (« Pharmascience ») souhaite obtenir une ordonnance annulant en partie l’ordonnance rendue le 5 septembre 2007 par la protonotaire Martha Milczynski exigeant de la demanderesse qu’elle produise un affidavit de documents précis ou complet (l’« ordonnance de production »). Les parties de l’ordonnance de production de la protonotaire Milczynski visées par la contestation sont trois sous‑alinéas de l’annexe A, à savoir (b)(v), (c)(iii) et (c)(iv), qui précisent l’information devant être contenue dans l’affidavit de documents que la demanderesse doit produire. La protonotaire Milczynski a rendu l’ordonnance de production à la suite d’une demande déposée par les défenderesses (« Glaxosmithkline ») pour que la demanderesse produise un affidavit de documents plus complet.

 

  • [2] Pharmascience soutient que, au moment de rendre l’ordonnance de production, la protonotaire Milczynski a commis une erreur qui procédait de l’application d’un mauvais principe et d’une mauvaise appréciation des faits, plus précisément :

    1. la preuve présentée par Glaxosmithkline ne permet pas d’établir l’existence des documents énumérés dans les trois sous‑alinéas (b)(v), (c)(iii) et (c)(iv) de l’annexe A;

    2. certains documents énumérés dans les sous‑alinéas contestés n’ont aucun lien avec les procédures;

    3. il n’existe aucune preuve que Pharmascience était en possession des documents énumérés dans les sous‑alinéas contestés.

 

  • [3] Pharmascience soutient en outre qu’elle s’est déjà acquittée de ses obligations de divulgation et que l’ordonnance de production ratisse trop large.

 

  • [4] Glaxosmithkline soutient quant à elle que la protonotaire Milczynski a tenu compte de toutes les questions factuelles et juridiques pertinentes et qu’elle n’a pas commis d’erreur au moment de rendre l’ordonnance de production exigeant le dépôt d’un affidavit de documents précis et complet.

 

Historique des procédures

  • [5] Les paragraphes qui suivent reprennent les faits saillants de la poursuite principale qui sont pertinents pour la présente demande.

 

  • [6] Pharmascience a déposé le 21 janvier 2005 une déclaration afin d’obtenir ce qui suit :

    1. les dommages qu’elle a subis après que Glaxosmithkline a enclenché des procédures d’interdiction en vertu de l’article 8 du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, version modifiée (le Règlement);

 

  1. une restitution des bénéfices réalisés par Glaxosmithkline provenant des ventes et des parts de marché qu’elle a perdues;

 

  1. une restitution des revenus enregistrés par Glaxosmithkline ou encore des bénéfices provenant de son médicament appelé le « Carvedilol » attribuables aux prix plus élevés demandés par Glaxosmithkline sur des ventes qui auraient été faites par Pharmascience si ce n’avait été des procédures ou des poursuites enclenchées par Glaxosmithkline en vertu du Règlement.

 

  • [7] Glaxosmithkline a déposé sa défense le 16 mai 2005.

 

  • [8] Aux termes d’une ordonnance du juge en chef datée du 20 mai 2005, la protonotaire Milczynski a été désignée à titre de protonotaire chargée de la gestion de l’instance.

 

 

  • [9] Le 30 juin 2005, Pharmascience a déposé un affidavit de documents comptant 25 documents en lien avec ses diverses revendications dans le cadre de cette poursuite.

 

  • [10] Le 11 avril 2007, Pharmascience a déposé une requête visant à obliger Glaxosmithkline à produire un affidavit de documents précis ou complet. Le 3 mai 2007, c’était au tour de Glaxosmithkline de déposer une requête visant à obliger Pharmascience à produire un affidavit de documents précis ou complet, alléguant que des documents pertinents qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de Pharmascience existent et n’ont pas été produits.

 

  • [11] Pharmascience a déposé une défense en guise de réplique le 11 juillet 2005.

 

  • [12] Le même jour, Glaxosmithkline a déposé une requête en disjonction qui a été rejetée par la protonotaire Milczynski le 15 novembre 2005, une décision qui a été confirmée par la juge Elizabeth Heneghan le 22 décembre 2005.

 

  • [13] Le 9 août 2007, la protonotaire Milczynski a entendu les requêtes des deux parties concernant le dépôt d’un affidavit de documents plus complet. Le 5 septembre 2007, la protonotaire Milczynski a ordonné, après avoir examiné les dossiers de requête déposés au nom des parties et entendu leurs observations, que Pharmascience et Glaxosmithkline produisent toutes deux des documents supplémentaires, conformément à leurs demandes respectives.

 

  • [14] Aujourd’hui, Pharmascience interjette appel de certaines parties de l’ordonnance de production rendue le 5 septembre 2007 par la protonotaire Milczynski obligeant les parties à produire des documents supplémentaires, faisant valoir que l’ordonnance de production procède de l’application d’un mauvais principe et d’une mauvaise appréciation des faits.

 

Analyse

  • [15] Les alinéas 223(2)a) et e) des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106, version modifiée, prévoient ce qui suit :

223 (2) L’affidavit de documents est établi selon la formule 223 et contient :

a) des listes séparées et des descriptions de tous les documents pertinents :

(i) qui sont en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de la partie et à l’égard desquels aucun privilège de non-divulgation n’est revendiqué,

(ii) qui sont ou étaient en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de la partie et à l’égard desquels un privilège de non-divulgation est revendiqué,

(iii) qui étaient mais ne sont plus en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de la partie et à l’égard desquels aucun privilège de non-divulgation n’est revendiqué,

(iv) que la partie croit être en la possession, sous l’autorité ou sous la garde d’une personne qui n’est pas partie à l’action;

b) un exposé des motifs de chaque revendication de privilège de non-divulgation à l’égard d’un document;

c) un énoncé expliquant comment un document a cessé d’être en la possession, sous l’autorité ou sous la garde de la partie et indiquant où le document se trouve actuellement, dans la mesure où il lui est possible de le déterminer;

d) les renseignements permettant d’identifier toute personne visée au sous-alinéa a)(iv), y compris ses nom et adresse s’ils sont connus;

e) une déclaration attestant que la partie n’a pas connaissance de l’existence de documents pertinents autres que ceux qui sont énumérés dans l’affidavit ou ceux qui sont ou étaient en la possession, sous l’autorité ou sous la garde d’une autre partie à l’action;

223. (2) An affidavit of documents shall be in Form 223 and shall contain

(a) separate lists and description of all relevant documents that

(i) are in the possession, power or control of the party and for which no privilege is claimed,

(ii) are or were in the possession, power or control of the party and for which privilege is claimed,

(iii) were but no longer in the possession, power or control of the party and for which no privilege is claimed, and

(iv) the party believes are in the possession, power or control of a person who is not party to the action;

(c) a statement that the party is not aware of any relevant document, other that those that are listed in the affidavit or are or were in the possession, power or control or another party to the actions;

 

(d) the identity of each person referred to in subparagraph (a)(iv), including the person’s name and address, if known;

 

(e) a statement that the party is not aware of any relevant document, other than those that are listed in the affidavit or are or were in the possession, power or control of another party to the action;

 

Cela signifie que les documents indiqués dans un affidavit de documents doivent être des documents pertinents qui sont en la possession, sous l’autorité et sous la garde de la partie qui produit l’affidavit de documents.

 

  • [16] Le juge Pierre Blais a affirmé au paragraphe 10 de la décision Eli Lilly and Company c. Apotex Inc., 2007 CF 477, que le seuil de pertinence aux fins de l’interrogatoire préalable est peu élevé. Pour tirer cette conclusion, il s’est inspiré de la décision de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Apotex Inc. c. Canada. (2005), 41 C.P.R. (4th) 97, dans laquelle la Cour avait approuvé le concept énoncé dans Boxer and Boxer Holdings Ltd. v. Ressor, et al. (1983), 43 B.C.L.R. 352 (S.C.C.‑B.), selon lequel les parties au processus d’interrogatoire préalable ont un droit d’accès indéniable aux documents qui pourraient leur inspirer des recherches, lesquelles pourraient, directement ou indirectement, favoriser leur cause ou anéantir celle de la partie défenderesse.

 

  • [17] L’article 227 des Règles des Cours fédérales est libellé ainsi :

227. La Cour peut, sur requête, si elle est convaincue qu’un affidavit de documents est inexact ou insuffisant, examiner tout document susceptible d’être pertinent et ordonner :

a) que l’auteur de l’affidavit soit contre-interrogé;

b) qu’un affidavit exact ou complet soit signifié et déposé;

c) que les actes de procédure de la partie pour le compte de laquelle l’affidavit a été établi soient radiés en totalité ou en partie;

d) que la partie pour le compte de laquelle l’affidavit a été établi paie les dépens.

227. On motion, where the court is satisfied that an affidavit of documents is inaccurate or deficient, the Court may inspect any document that may be relevant and may order that

(a) the deponent of the affidavit be cross examined;

(b) an accurate or complete affidavit be served and filed;

(c) all or part of the pleadings of the party on behalf of whom the affidavit was made be struck out; or

(d) that party on behalf of whom the affidavit was made pay costs.

 

Par conséquent, la Cour doit pouvoir conclure que l’affidavit de documents comporte des erreurs ou des lacunes, en d’autres termes, compte tenu du sous‑alinéa 223(2)a)(i) des Règles, des documents qui sont en la possession d’une partie n’ont pas été divulgués.

 

  • [18] Le fardeau de la preuve incombe à la partie qui demande la production de documents supplémentaires. Plus précisément, la partie qui demande la production de documents supplémentaires doit présenter des éléments de preuve convaincants tendant à démontrer l’existence de documents disponibles mais n’ayant pas été produits (Rhodia UK Ltd. c. Jarvis Imports (2000) Ltd., [2005] A.C.F. no 2003, au paragraphe 5).

 

  • [19] Dans l’affaire Havana House Cigar & Tobacco Merchants Ltd. c. Naeini, [1998] A.C.F. no 309, aux paragraphes 19 à 23, confirmé par [1998] A.C.F. no 451, la Cour a confirmé l’observation du protonotaire John Hargrave dans cette affaire selon laquelle ce n’est que justice que les parties puissent avoir une série complète de documents à examiner pour se préparer en vue de l’interrogatoire préalable; que le contre‑interrogatoire sur un affidavit de documents peut être ordonné lorsqu’il est démontré qu’il manque des documents dans la divulgation; et que les parties ne sont pas tenues d’attendre à l’interrogatoire préalable pour demander les documents manquants.

 

Norme de contrôle

 

  • [20] Le juge Mark MacGuigan, de la Cour d’appel fédérale, a énoncé la norme de contrôle s’appliquant aux ordonnances discrétionnaires prises par les protonotaires dans l’arrêt Canada c. Aqua-Gem Investments Ltd., [1993] A.C.F. no 103. En somme, un juge ne doit pas intervenir lorsqu’une ordonnance discrétionnaire a été rendue, sauf si le protonotaire a exercé son pouvoir en vertu d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits ou si l’ordonnance porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue de la cause. Le critère a été reformulé dans Merck & Co. Inc. c. Apotex Inc., [2004] 2 R.C.F. 459, par le juge Robert Décary de la Cour d’appel fédérale, qui a affirmé ceci :

 

[...] le critère devrait être légèrement reformulé comme suit: on ne doit pas toucher à l’ordonnance discrétionnaire d’un protonotaire à moins a) qu’elle ne porte sur des questions ayant une influence déterminante sur l’issue du principal ou b) qu’elle ne soit manifestement erronée parce qu’elle est fondée sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

 

 

  • [21] Puisque l’ordonnance de production prise par la protonotaire chargée de la gestion de l’instance vise une étape transitoire dans les procédures, la présentation d’un affidavit de documents précis et complet ne soulève aucune question ayant une influence déterminante sur l’issue du principal. Dans la décision Société canadienne de perception de la copie privée c. Z.E.I. Media Plus Inc., 2006 CF 1546, le juge Yves de Montigny conclut au paragraphe 33 que la décision du protonotaire d’ordonner le dépôt d’un affidavit de documents plus complet et plus précis n’a pas une influence déterminante sur l’issue du principal.

 

  • [22] Les documents dont disposait la protonotaire Milczynski au moment de rendre l’ordonnance de production comprennent ceux‑ci :

    1. les plaidoyers des parties;

    2. les affidavits et les documents des parties déposés au fil des diverses requêtes lui ayant été présentées;

    3. les affidavits de documents des parties;

    4. le contre‑interrogatoire des déposants ayant souscrit les affidavits devant servir aux interrogatoires préalables;

    5. les documents présentés par les parties relativement aux requêtes incidentes pour la production d’affidavits de documents plus complets.

 

  • [23] Il s’agit en l’espèce de déterminer si la protonotaire Milczynski a rendu l’ordonnance de production en se fondant sur un mauvais principe ou une mauvaise appréciation des faits.

 

Pertinence

 

  • [24] Pharmascience soutient que la protonotaire Milczynski a commis une erreur en englobant dans l’ordonnance de production les états financiers, les rabais, les remises ou les réductions parce qu’elle a appliqué un mauvais principe ou a mal apprécié les faits.

 

  • [25] Pharmascience, dans sa réclamation en dommages‑intérêts, affirme notamment ceci :

 

[traduction]
Les revendications de la demanderesse à l’encontre des défenderesses vont comme suit :

  • (a) Les dommages causés à Pharmascience Inc. (« Pharmascience ») après que les défenderesses, GlaxoSmithKline Inc. et SmithKline Beecham Corporation, ont enclenché les procédures d’interdiction en application du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), ce qui comprend :

  • (i) les ventes perdues pendant la période où Pharmascience a été tenue à l’écart du marché du Carvedilol;

  • (ii) les ventes et les parts de marché permanentes perdues en raison de l’entrée précoce sur le marché d’autres concurrents génériques;

  • (iii) les frais juridiques qu’elle a engagés pour se défendre dans le dossier de la cour no T-1871-01 et qu’elle n’a pas récupérés dans le cadre de cette procédure;

 

  • [26] Les « ventes perdues » réclamées par Pharmascience procèdent d’une preuve par la négative, établie à partir des circonstances qui avaient cours et qui auraient pu avoir cours. Ce type de preuve nécessite des éléments de preuve qui vont plus loin que, par exemple, la restitution des revenus des défenderesses ou encore des profits enregistrés, que Pharmascience réclame également. Il s’ensuit d’une telle réclamation la nécessité d’élargir la portée de la preuve afin d’englober l’information de nature financière, nécessaire pour démontrer ou réfuter la réclamation.

 

  • [27] La première demande de documents à laquelle s’oppose Pharmascience se trouve au sous‑alinéa b(v) de l’annexe A et se lit comme suit :

[traduction]
b(v)  Les documents recensant en détail les modalités des ventes, les rabais, les réductions ou les remises (par exemple, des contrats conclus avec des clients, des bons de commande, des pièces de correspondance ou des notes de crédit) relativement au PMS‑Carvedilol, y compris la production d’inscriptions tirées du grand livre général faisant état de réductions sur les ventes, de rabais et de remises (non souligné dans l’original).

 

Les documents exigés portent précisément sur le PMS-Carvedilol, et cette précision est mentionnée dans le paragraphe en question. Les inscriptions tirées du grand livre général portent bien entendu elles aussi sur le médicament en question. Par conséquent, cette disposition énumère des documents considérés comme étant pertinents.

 

  • [28] La deuxième demande de documents à laquelle s’oppose Pharmascience se trouve au sous‑alinéa c(iii) de l’annexe A et se lit comme suit :

[traduction]
c(iii)  Les états financiers mensuels et annuels de Pharmascience pour la période précédant la période visée par la réclamation et pour la période visée par la réclamation précisément afin qu’il soit plus facile d’estimer les coûts variables potentiels à prendre en considération relativement à la réclamation de PMS (non souligné dans l’original);

 

Les états financiers ont un lien direct avec la réclamation de PMS, qui désigne Pharmascience. Là encore, la disposition énumère des documents qui semblent pertinents.

 

  • [29] La troisième demande de documents à laquelle s’oppose Pharmascience se trouve au sous‑alinéa c(iv) de l’annexe A et se lit comme suit :

[traduction]
c(iv) Les documents portant sur tous les autres coûts variables, par exemple les commissions réalisées sur les ventes, le transport, les rabais sur les ventes et les remises :

 

(1)  Les documents détaillant les rabais ou les remises accordés aux clients, par exemple des réductions en fonction de la quantité attestées dans tout accord ou toute pièce de correspondance avec des clients, des descriptions sur le fondement et le calcul du rabais, des inscriptions tirées du grand livre général faisant état de rabais et de remises, l’un des chèques présentés à titre de pièce justificative, et toute pièce de correspondance connexe;

 

(2)  Les réductions sur les produits, par exemple lorsque le client fait l’achat d’un comprimé de PMS-Carvedilol et qu’il en obtient deux ou plus pour le même prix. Les documents à produire comprennent toutes les ententes et les pièces de correspondance avec les clients, les factures attestant les ventes et des inscriptions tirées du grand livre général qui indiquent le traitement des réductions aux fins de comptabilité;

 

(3)  Les réductions en fonction de la quantité ou les rabais accordés sur d’autres produits selon le volume des ventes du PMS‑Carvedilol, y compris la production de documents comptables répertoriant les ventes de PMS-Carvedilol et d’autres produits, ainsi que de documents comptables attestant les réductions connexes accordées;

 

(4)  Des extraits des inscriptions relatives aux réductions sur les ventes, aux remises et aux rabais dans le grand livre général, sur une base au moins annuelle, accompagnés de documents justificatifs pour les entrées connexes à celles‑ci (non souligné dans l’original).

 

  • [30] La formulation que l’on retrouve au début du sous‑alinéa c(iv), soit [traduction] « portant sur tous les autres coûts variables », se rapporte aux sous-alinéas c(i) à c(iii) qui précèdent, et qui ont un lien avec la réclamation de Pharmascience. Ainsi, le mot « autre » qui se trouve au sous‑alinéa c(iv) ne peut qu’avoir le même objet que les sous‑alinéas c(i) à c(iii) qui précèdent, c’est‑à‑dire qu’il est question d’« autres » coûts ayant une signification pour la réclamation de Pharmascience.

 

[31]  Les autres coûts variables dont il est question aux sous‑alinéas c(iv)(2) et (3) font précisément référence au médicament en cause, le PMS‑Carvedilol. Les sous‑alinéas c(iv)(1) et (4) ne sont pas des clauses autonomes. Ces sous‑alinéas se voient attribuer une signification particulière par les mots se trouvant au début du sous‑alinéa c(iv) et ne peuvent en toute logique qu’avoir un lien avec la réclamation de Pharmascience.

 

[32]  Cela étant, on ne peut affirmer que les sous‑alinéas (b)(v), (c)(iii) et (c)(iv) de l’ordonnance de production de la protonotaire Milczynski qui sont visés par la contestation ratissent trop large. L’ordonnance de production de la protonotaire exige la production de tous les documents pertinents.

 

Existence des documents

[33]  Pharmascience s’élève contre le libellé de l’ordonnance de production, plus précisément l’extrait qui suit :

[traduction]
Pharmascience doit déposer un affidavit de documents précis ou complet contenant les documents énumérés dans les catégories énoncées à l’annexe A jointe à la présente, dans la mesure où ils existent, au plus tard le 1er octobre 2007 [non souligné dans l’original].

 

[34]  Pharmascience avance que la formulation [traduction] « dans la mesure où ils existent » utilisée par la protonotaire Milczynski se veut pour ainsi dire une admission que Glaxosmithkline n’a pas établi l’existence des documents. Or, une telle interprétation reviendrait à restreindre le sens ordinaire des mots employés et irait à l’encontre de la jurisprudence de notre Cour. Le juge de Montigny, dans la décision Société canadienne de perception de la copie privée, précitée, déclare ce qui suit au paragraphe 66 :

 

Quant à l’argument selon lequel certains documents mentionnés n’existent peut‑être même pas, et que l’examen de tous les registres serait un travail beaucoup trop onéreux pour les défendeurs, je puis uniquement conclure que ces allégations sont tout à fait absurdes et non sincères. De toute évidence, l’affidavit de documents n’a pas à énumérer les documents qui n’ont jamais existé. (Non souligné dans l’original.) 

 

[35]  La formulation « dans la mesure où ils existent » employée par la protonotaire Milczynski dans son ordonnance de production n’est qu’une formulation générique employée par les tribunaux pour désigner un principe qu’elle a déjà reconnu, c’est‑à‑dire que seuls les documents qui existent doivent être produits.

 

[36]  Pharmascience soutient que les déposants de Glaxosmithkline ignoraient si les documents existaient ou étaient en la possession de Pharmascience. Les déposants ne travaillaient pas pour Pharmascience et n’avaient pas accès à ses dossiers internes. Par conséquent, ils n’étaient au fait que des documents énumérés dans l’affidavit de documents, des pratiques générales dans l’industrie, ou des documents auxquels ils auraient eux‑mêmes eu accès dans la situation inverse. Il ne faut pas pousser trop loin l’interprétation du critère en déduisant de la formulation employée que les déposants n’étaient pas précisément au fait de tous les documents en la possession de Pharmascience.

 

Documents en la possession d’une partie

 

[37]  La protonotaire Milczynski, pour rendre l’ordonnance de production, devait pouvoir conclure qu’il existait des éléments de preuve convaincants tendant à démontrer l’existence des documents visés par la demande (Rhodia UK Ltd., précité, au paragraphe 5). Elle aurait obtenu ces éléments de preuve convaincants dans les affidavits des experts de Glaxosmithkline et lors de leurs contre‑interrogatoires.

 

[38]  Les affidavits et les contre‑interrogatoires sur les affidavits des déposants de Glaxosmithkline, plus particulièrement ceux de Ross Hamilton, sont particulièrement utiles pour déterminer les documents qui doivent nécessairement être en la possession de Pharmascience. L’incapacité des déposants de Glaxosmithkline à énumérer avec précision les documents à produire procède davantage du manque de transparence dont a fait preuve Pharmascience dans sa divulgation que d’une tentative par Glaxosmithkline de ratisser le plus large possible.

 

[39]  La protonotaire Milczynski avait devant elle les affidavits et les contre‑interrogatoires portant sur ceux‑ci. La protonotaire est fondée à évaluer la preuve dans son ensemble. Elle était à même de conclure, au vu de la preuve dont elle disposait, que les documents demandés par Glaxosmithkline existaient, étaient en la possession de Pharmascience et étaient pertinents à la cause.

[40]  La protonotaire Milczynski gère l’instance depuis mai 2005. Elle connaît bien ces procédures. Elle a eu l’occasion d’examiner tous les documents présentés, en plus d’entendre les observations des parties. Je conclus donc que la décision de la protonotaire Milczynski ne procédait pas de l’application d’un mauvais principe ou d’une mauvaise appréciation des faits.

 

[41]  Par conséquent, je rejette l’appel de Pharmascience concernant les dispositions contestées de l’ordonnance de production de la protonotaire Milczynski.

 

[42]  Les deux parties demandent une adjudication des dépens. Compte tenu du rejet de l’appel, les dépens sont adjugés à Pharmascience, quelle que soit l’issue de la cause.

 


ORDONNANCE

LA COUR ORDONNE que l’appel soit rejeté avec dépens.

 

« Leonard S. Mandamin »

Juge

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

DOSSIER :  T-117-05

 

INTITULÉ :  Pharmascience Inc.

  c.

Glaxosmithkline Inc., Glaxosmithkline PLC,

Smithkline Beecham Corporation, The Wellcome Foundation Limited, et Doe Co. et toute autre entité inconnue de la demanderesse qui font partie du groupe Glaxosmithkline

 

LIEU DE L’AUDIENCE :    Toronto (Ontario)

 

DATE DE L’AUDIENCE :  Le 24 septembre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE :  Le juge Mandamin

 

DATE DES MOTIFS :    Le 29 novembre 2007

 

COMPARUTIONS :

 

Warren Sprigins/Christopher Tan

  POUR LA DEMANDERESSE

 

Kristen E. Wall/Jason Markwell

  POUR LES DÉFENDERESSES

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Hitchman & Sprigins

Intellectual Property Law

Scotia Plaza

40, rue King Ouest, bureau 5704

Case postale 120

Toronto (Ontario)  M5H 3Y2

  POUR LA DEMANDERESSE

 

 

 

Ogilvy Renault s.e.n.c.r.l.

Avocats

Bureau 3800, Royal Bank Plaza

South Tower, 20, rue Bay

Toronto (Ontario)  M5G 2Z4

 

  POUR LES DÉFENDERESSES

 

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.