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Date : 20071123

Dossier : T‑535‑06

Référence : 2007 CF 1227

ENTRE :

JOHN HENRY POWELL III

demandeur

et

 

TD CANADA TRUST

défenderesse

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE

LE JUGE GIBSON

 

INTRODUCTION

[1]               Les présents motifs font suite à l’audition, le 29 octobre 2007, d’une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission), qui a rejeté la plainte déposée par le demandeur contre TD Canada Trust (la défenderesse). Comme c’est l’usage pour les décisions telles que celle‑ci qui sont soumises à la Cour, la décision dont il s’agit est très brève. Elle renferme essentiellement ce qui suit :

[traduction]

Avant de rendre leur décision, les membres de la Commission ont étudié le rapport qui vous a été communiqué antérieurement, ainsi que les conclusions déposées en réponse au rapport. Après examen de ces documents, la Commission a décidé, conformément à l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de rejeter la plainte, parce que :

•  l’enquête n’a pas permis de déceler une preuve confirmant l’allégation d’une différence préjudiciable de traitement fondée sur la race et la couleur.

 

La décision contestée porte la date du 21 février 2006.

 

LE CONTEXTE

[2]               Le demandeur est un Afro‑américain qui réside au Canada. C’est un jeune homme de race noire, mesurant six pieds et sept pouces, qui, au cours de l’un des incidents à l’origine de sa plainte, portait un chapeau et des lunettes de soleil. Il avait un emploi. Le compte bancaire ou les comptes bancaires qu’il détenait auprès de la défenderesse se trouvaient dans une succursale de Scarborough.

 

[3]               Le 4 novembre 2003, le demandeur a voulu faire un dépôt dans son compte chez la défenderesse, à une succursale située à Whitby. Il était inconnu à cette succursale et, plus précisément, il était inconnu du représentant qui s’est occupé de lui. Conformément à la politique de la défenderesse appelée la politique KYC (Know your client – Connaissez votre client), le représentant de la banque l’a questionné ou, selon le point de vue du demandeur, l’a « interrogé » sur son identité. Un deuxième représentant de la banque a été consulté lorsque les échanges entre le demandeur et le premier représentant devinrent un peu vifs. Le dépôt du demandeur fut finalement accepté.

 

[4]               Le 1er décembre 2003, le même scénario se répéta à une succursale de la défenderesse située à Hamilton (Ontario). Encore une fois, le dépôt du demandeur fut finalement accepté. Le demandeur était d’avis que, dans les deux cas, il avait été soumis à des questions qui dépassaient les bornes et à un traitement qui, croyait‑il, était rattaché à sa race, à son âge, à son sexe, à sa couleur et à des motifs connexes de distinction illicite.

 

LA PLAINTE

[5]               À la suite des incidents susmentionnés, le demandeur a déposé une plainte auprès de la Commission en février 2004. Les motifs allégués de distinction illicite qui étaient cités dans sa plainte étaient la race et la couleur. Ultérieurement, son avocat a demandé en son nom que la plainte soit modifiée pour inclure les motifs suivants : sexe, âge et pays d’origine. À l’époque, le demandeur vivait au Canada depuis de nombreuses années. Un examen attentif des pièces soumises à la Cour n’a pas permis de déterminer son pays d’origine.

 

LA PROCÉDURE QUI A SUIVI LE DÉPÔT DE LA PLAINTE DU DEMANDEUR

[6]               Le 15 juin 2004, une tentative de médiation a eu lieu entre les parties à propos de la plainte du demandeur. Cette tentative a échoué. Finalement, la plainte a été renvoyée à la Direction générale des enquêtes de la Commission. Une enquête s’en est suivie. Des entretiens ont eu lieu avec le demandeur et son avocat, ainsi qu’avec certaines personnes désignées par le demandeur comme témoins au soutien de sa plainte. Des entretiens ont également eu lieu avec des représentants de la défenderesse, notamment ceux qui avaient eu affaire directement au demandeur durant les incidents en cause. La réponse de la défenderesse à la plainte a été communiquée au demandeur et à son avocat. Le demandeur a trouvé que l’enquêteur avec qui il avait eu un entretien n’avait guère été sensible à son cas. Selon lui, l’enquêteur lui avait posé des questions inopportunes, avait affiché une attitude que le demandeur avait trouvée embarrassante et humiliante, et avait évoqué durant l’entretien des expériences personnelles et des domaines de préoccupation qui avaient conduit le demandeur à croire que l’enquêteur était non seulement fort peu sensible à son cas, mais également partial.

 

[7]               Le demandeur a fait part à la Commission de ses doutes concernant l’enquêteur affecté à sa plainte. La Commission a étudié la manière dont l’enquête était menée. L’enquête n’a pas été reprise depuis le début. Elle a plutôt été réassignée, et elle a suivi son cours. La Commission a estimé que l’enquêteur n’avait manifesté aucun parti pris et, selon elle, le demandeur n’avait pas contesté l’exactitude et l’exhaustivité des notes d’entretien du premier enquêteur. Le demandeur n’a pas été soumis à un nouvel entretien.

 

[8]               Un résumé de la réponse de la défenderesse à la plainte a été communiqué au demandeur et à son avocat. Le demandeur a eu la possibilité d’y réagir. Il s’est prévalu de cette possibilité.

 

[9]               Un rapport d’enquête s’en est suivi, qui fut communiqué au demandeur. Encore une fois, le demandeur a eu la possibilité d’y réagir et c’est ce qu’il a fait. Le rapport d’enquête avait été rédigé par l’employé de la Commission à qui la Commission avait demandé d’enquêter sur la plainte déposée par le demandeur contre le premier enquêteur et contre le personnel de la Commission avec qui il avait travaillé.

 

LE RAPPORT D’ENQUÊTE

[10]           Le rapport d’enquête (le rapport) porte la date du 1er décembre 2005. Il est assez long, puisqu’il compte environ neuf (9) pages. Sous la rubrique « Sommaire de la plainte et défense de la défenderesse », on peut y lire ce qui suit :

[traduction]

1.  Le plaignant [ici le demandeur] dit qu’il a été soumis à une différence préjudiciable de traitement dans la fourniture de services bancaires, et cela en raison de sa race et de sa couleur (il est de race noire).

 

 

Il convient de noter que les motifs initiaux de distinction illicite invoqués par le demandeur dans sa plainte étaient « la race et la couleur ». Sa demande que les motifs en question soient élargis pour qu’ils englobent « le sexe, l’âge et le pays d’origine » ne semble pas avoir eu de suite.

 

[11]           Sous la même rubrique, on peut lire ce qui suit dans le rapport :

[traduction]

3.  L’institution visée par la plainte dément avoir exercé une discrimination contre le plaignant. Elle affirme que, au cours des deux incidents évoqués dans le formulaire de plainte, le personnel de la banque ne faisait qu’observer d’importantes lignes de conduite de la banque. L’institution dit qu’elle aurait appliqué les lignes de conduite en question à tout client, sans égard à sa race ou à sa couleur.

 

[12]           Le rapport décrit ensuite, d’une manière assez détaillée, le contexte de la plainte, les allégations de discrimination et la réponse de la défenderesse auxdites allégations, ainsi que la politique KYC de la défenderesse, et il renferme quelques résumés des entretiens menés avec les employés de la défenderesse. La réfutation opposée par le demandeur à la réponse de la défenderesse est également résumée. Dans la description du contexte de la plainte, il est fait état de l’allégation du demandeur selon laquelle il avait été l’objet d’un « profilage racial », l’expression étant dans chaque cas écrite en italique, et apparaissant dans chaque cas pour évoquer la réfutation opposée par le demandeur aux positions adoptées par la défenderesse. La notion de profilage racial n’est nulle part ailleurs mentionnée dans le rapport d’enquête. Plus précisément, dans le rapport, il n’est nulle part question, dans la section « Analyse et conclusion », du profilage racial allégué par le demandeur. Sous la rubrique « Analyse », on lit plutôt ceci : [traduction] « Il s’agit ici de savoir si le plaignant a subi une différence de traitement dans la fourniture de services bancaires parce qu’il est de race noire. »

 

[13]           Le rapport d’enquête conclut de la manière suivante, sous les rubriques « Analyse globale » et « Recommandation » :

[traduction]

D’après la preuve, il semble que les deux incidents se sont déroulés de la manière suivante. Le plaignant voulait déposer d’importantes sommes à des succursales où il était inconnu. En application de la politique KYC, les représentants du service à la clientèle ont voulu vérifier l’identité du plaignant. Les choses se sont compliquées en raison du fait que le plaignant orthographie son nom de diverses manières, qu’il a plusieurs comptes bancaires, qu’il semblait avoir plusieurs adresses et que l’identité de son employeur n’était pas très claire. Au cours des deux incidents, les employés de la banque ont également trouvé que, par son comportement, le plaignant cherchait à les intimider et se montrait peu coopératif.

 

L’enquête n’a pas permis de conclure à l’existence de preuves permettant d’affirmer que les actes de la défenderesse et de ses employés étaient motivés par la race et la couleur du plaignant. Il n’existe aucun groupe de comparaison connu de personnes de race blanche qui permettrait de dire si un Blanc, dans des circonstances identiques à celles du plaignant, était mieux traité que le plaignant, ou traité différemment. Eu égard à l’ensemble de la preuve, une personne de race blanche, dans des circonstances identiques, serait probablement traitée de la même façon selon la politique KYC de la banque, qui requiert d’établir l’identité de cette personne à la satisfaction du personnel de la succursale.

[…]

Il est recommandé, conformément à l’alinéa 44(3)b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, que la Commission rejette la plainte, parce que :

‑ l’enquête n’a pas permis de déceler une preuve confirmant l’allégation d’une différence préjudiciable de traitement fondée sur la race et la couleur.

 

LES DISPOSITIONS LÉGALES

[14]           Le paragraphe 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne[I] (la Loi) dispose que les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés notamment sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, l’âge et le sexe.

 

[15]           Selon l’article 5 de la Loi, constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur notamment de services destinés au public, d’en priver un individu.

 

[16]           L’article 26 établit la Commission canadienne des droits de la personne. Les dispositions de la partie III portent sur le dépôt de plaintes pour actes discriminatoires et sur les enquêtes qui s’y rapportent. Elles prévoient aussi la préparation de rapports à la suite des enquêtes, comme le rapport dont il s’agit ici.

 

[17]           Le paragraphe 44(3) prévoit la manière dont la Commission rend une décision sur les rapports qui lui sont présentés. Ce paragraphe est ainsi rédigé :

44.(3) Sur réception du rapport d’enquête prévu au paragraphe (1), la Commission :

44.(3) On receipt of a report referred to in subsection (1), the Commission

a) peut demander au président du Tribunal de désigner, en application de l’article 49, un membre pour instruire la plainte visée par le rapport, si elle est convaincue :

(a) may request the Chairperson of the Tribunal to institute an inquiry under section 49 into the complaint to which the report relates if the Commission is satisfied

(i) d’une part, que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci est justifié,

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is warranted, and

 

(ii) d’autre part, qu’il n’y a pas lieu de renvoyer la plainte en application du paragraphe (2) ni de la rejeter aux termes des alinéas 41c) à e);

 

(ii) that the complaint to which the report relates should not be referred pursuant to subsection (2) or dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e); or

 

b) rejette la plainte, si elle est convaincue :

b) shall dismiss the complaint to which the report relates if it is satisfied

(i) soit que, compte tenu des circonstances relatives à la plainte, l’examen de celle‑ci n’est pas justifié,

 

(i) that, having regard to all the circumstances of the complaint, an inquiry into the complaint is not warranted, or

 

(ii) soit que la plainte doit être rejetée pour l’un des motifs énoncés aux alinéas 41c) à e).

 

(ii) that the complaint should be dismissed on any ground mentioned in paragraphs 41(c) to (e).

 

 

Il semblerait que c’est sur le sous‑alinéa 44(3)b)(i) que la Commission s’est fondée pour arriver à la décision ici contestée.

 

LES POINTS LITIGIEUX

[18]           Dans l’exposé des faits et du droit présenté par le demandeur, l’avocat du demandeur a décrit ainsi trois (3) points que la Cour devait décider : d’abord, la Commission a‑t‑elle manqué à son obligation d’équité envers le demandeur lorsqu’elle a répondu à sa plainte? L’avocat met en doute l’exhaustivité de l’enquête qui fut menée, ainsi que l’exhaustivité du rapport rédigé à la suite de l’enquête; il doute que le demandeur ait eu une occasion suffisante de réagir aux arguments avancés par la défenderesse dans sa réponse à la plainte et il se demande si la manière dont l’enquête a été menée, ainsi que la réponse aux inquiétudes exprimées par le demandeur concernant l’enquête, donnerait raisonnablement matière à craindre la partialité de la Commission. Deuxièmement, la Commission a‑t‑elle commis une erreur parce qu’elle a appliqué le mauvais critère de « discrimination », soit sur le plan général, soit dans le « contexte du profilage racial »? Et, troisièmement, la Commission a‑t‑elle commis une erreur de droit parce qu’elle a tiré des conclusions, à la suite de l’enquête, qui n’étaient tout simplement pas validement autorisées par la preuve ou qui négligeaient certains éléments ou les interprétaient incorrectement, ou parce qu’elle n’a pas pris en compte l’ensemble de la preuve.

 

[19]           L’avocat de la défenderesse a, d’une manière plus concise, défini les mêmes points, en y ajoutant la question de la norme de contrôle.

 

ANALYSE

            a)  La norme de contrôle

[20]           S’agissant de la norme de contrôle, je ne puis faire mieux que citer les motifs exposés par mon collègue le juge Mosley dans la décision Besner c. Procureur général of Canada (Service correctionnel du Canada)[II], où il s’exprimait ainsi, aux paragraphes 23 à 25 :

Dans Sketchley c. Canada (Procureur général), […], la Cour d’appel fédérale a effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle pour établir les normes de contrôle applicables au rejet d’une plainte analogue par la Commission canadienne des droits de la personne. Elle fait observer au paragraphe 111 que cette approche analytique ne s’applique pas à la question de savoir si une enquête a été suffisamment approfondie. Cette question en est une d’équité procédurale qui ne commande aucune retenue judiciaire. Le manquement à l’équité procédurale est depuis longtemps considéré comme une faute grave de la part de n’importe quel tribunal administratif, de sorte qu’il appartient aux tribunaux judiciaires de donner une réponse juridique à toute question de cette nature : […]

 

La question de savoir si l’employeur doit prendre des mesures précises et raisonnables pour se renseigner auprès de médecins sur les limitations fonctionnelles invoquées par l’employé est une question de droit, à laquelle s’applique la norme de la décision correcte : […]

 

Sauf manquement à l’obligation d’équité procédurale ou erreur de droit, la cour de révision ne devrait intervenir que dans le cas où le caractère déraisonnable de la décision de la Commission est démontré : […]. Les lacunes dont pourrait être entaché le rapport d’un enquêteur ne vicient pas la décision de la Commission, pourvu qu’elles ne soient pas à ce point fondamentales que les observations complémentaires des parties ne suffisent pas à y remédier. Dans un contrôle judiciaire, lorsque la Commission n’a pas, comme en l’espèce, fourni de motifs détaillés, le rapport de l’enquêteur peut être considéré comme constituant les motifs de la décision de la Commission. […]

[Renvois omis.]

 

[21]           La plainte dont la Cour est ici saisie n’est pas « analogue » à celle dont la Cour d'appel était saisie dans l’affaire Sketchley[III]. Cela dit, je suis d’avis que les brèves remarques faites par mon collègue sur la norme de contrôle s’appliquent ici. Le premier point soulevé par le demandeur est une question d’équité procédurale, qui n’appelle aucune retenue de la part de la Cour. Le deuxième point soumis ici à la Cour, celui qui concerne l’application du mauvais critère de discrimination, est, tout comme le point auquel se rapporte le deuxième paragraphe cité plus haut, une question de droit, réformable selon la décision correcte. Le troisième point soulevé au nom du demandeur ne concerne ni un manquement à l’équité procédurale ni une erreur de droit. Le troisième paragraphe cité plus haut est applicable. S’agissant de ce troisième point, la Cour n’interviendra que s’il est établi que la décision de la Commission est déraisonnable. Par ailleurs, au vu des faits portés à ma connaissance, le rapport d’enquête doit être considéré comme les motifs de la décision rendue par la Commission.

 

b)  L’obligation d’équité

            i)  L’exhaustivité de l’enquête

[22]           Dans le jugement Sanderson c. Canada (Procureur général)[IV], ma collègue la juge Mactavish écrivait ce qui suit, aux paragraphes 45 et 46 de ses motifs :

[…] pour respecter la mission consistant à instruire les plaintes de discrimination que la loi attribue à la Commission, les enquêtes doivent être à la fois neutres et exhaustives. Voici ce que la Cour a déclaré dans Slattery au sujet du caractère exhaustif des enquêtes :

Il faut faire montre de retenue judiciaire à l’égard des organismes décisionnels administratifs qui doivent évaluer la valeur probante de la preuve et décider de poursuivre ou non les enquêtes. Ce n’est que lorsque des omissions déraisonnables se sont produites, par exemple lorsqu’un enquêteur n’a pas examiné une preuve manifestement importante, qu’un contrôle judiciaire s’impose [...] [Non souligné dans l’original.]

 

Les décisions prononcées après Slattery indiquent que la décision que prend la Commission de rejeter une plainte en se fondant sur une enquête lacunaire est elle‑même lacunaire puisque « si les rapports sont défectueux, il s’ensuit que la Commission ne disposait pas d’un nombre suffisant de renseignements pertinents pour exercer à bon droit son pouvoir discrétionnaire » :

[Renvois omis; s’agissant de « Slattery », il s’agit du jugement

Slattery c. Canada (Commission des droits de la personne), [1994] 2 C.F. 574.]

 

[23]           Comme je l’écrivais plus haut au paragraphe [5] des présents motifs, le demandeur a déposé sa plainte auprès de la Commission en février 2004. Les motifs de distinction illicite allégués dans sa plainte étaient la race et la couleur. Dans une lettre datée du 4 mai 2004, l’avocat du demandeur informait la Commission que [traduction] « outre la discrimination fondée sur la race, nous voudrions modifier la plainte de M. Powell pour y ajouter les motifs suivants de distinction : la couleur, le sexe, l’âge et le pays d’origine ». La demande d’ajouter la couleur parmi les motifs de distinction était évidemment une redite. En outre, comme je l’ai dit précédemment, il semblerait que le « pays d’origine » n’est pas explicité. Le demandeur a demandé d’ajouter les autres motifs bien avant la nomination d’un enquêteur par la Commission. Je suis d’avis que le motif d’« appartenance ethnique », évoqué plus loin, est compris dans le motif de « race », considéré au sens large.

 

[24]           Pareillement, le demandeur a donné à la Commission un avis détaillé de son sentiment, je dirais même de son inquiétude, que la discrimination qu’il alléguait participait du profilage racial. Réagissant à la défense opposée par la défenderesse à l’accusation de discrimination, le demandeur écrivait ce qui suit, aux paragraphes 44 et 47 de sa réponse :

[traduction]

Les mesures prises par la défenderesse le 4 novembre et le 1er décembre 2003 sont révélatrices d’un profilage racial.

[…]

Le demandeur dit qu’il a été victime d’un profilage racial en raison de sa couleur, de son sexe, de sa race, de son appartenance ethnique et de son âge, de la part des deux succursales de TD Canada Trust mentionnées dans la plainte. Il croit qu’il a été classé comme étant un criminel, un fraudeur émérite et un individu violent parce qu’il est afro‑américain.

 

[25]           Au paragraphe 5 de son affidavit déposé dans la présente affaire, le demandeur, s’exprimant sur un entretien qu’il a eu avec l’enquêteur de la Commission, écrit ce qui suit :

[traduction] […] J’ai trouvé préoccupant que l’enquêteur ne paraissait pas comprendre que le profilage racial était une forme de discrimination raciale.

 

Invoquant ce moyen, parmi d’autres, le demandeur s’est plaint auprès de la Commission à propos de la tournure que prenait l’enquête et, plus particulièrement, à propos de la conduite et de l’attitude de l’enquêteur. Après enquête de la Commission, l’enquêteur en cause a été dessaisi du dossier, encore que l’enquête n’ait pas été reprise depuis le début.

 

[26]           Réagissant à la « conclusion et recommandation » de la Commission apparaissant dans le rapport d’enquête, le demandeur a soulevé, encore une fois et en détail, la question du profilage racial[V]. Le demandeur écrivait en particulier ce qui suit, au paragraphe 65 :

[traduction] L’enquêteur n’a pas validement appliqué le droit aux faits, parce qu’il n’a pas pris conscience des directives de la Cour selon lesquelles il est souvent nécessaire de prouver par déduction les allégations de profilage racial. Il est allégué que la seule déduction qui puisse être tirée de l’ensemble des circonstances est que le plaignant a subi un profilage racial en ce sens qu’on l’a cru susceptible de commettre une fraude, et cela en raison de sa couleur, de son sexe, de sa race, de son appartenance ethnique et de son âge.

 

[27]           Le demandeur trouvait aussi que la Commission n’avait pas mené une enquête exhaustive[VI]. À ce propos, il écrivait ce qui suit, au paragraphe 30 :

[traduction] S’agissant de la deuxième exigence, le plaignant dit que l’enquêteur n’a pas mené une enquête approfondie. Il a en effet négligé de considérer plusieurs anomalies qui, eu égard aux circonstances exposées dans la plainte, donnent un motif raisonnable de conclure que le plaignant a été victime d’un profilage racial et d’une discrimination en raison de sa couleur, de son sexe, de sa race, de son appartenance ethnique et de son âge. […]

 

[28]           En dépit de tout ce qui précède, il n’est pas établi devant la Cour que, au cours de son enquête, la Commission a pris en compte, et encore moins examiné sérieusement, la question du profilage racial, et qu’elle a pris en compte les autres motifs de distinction illicite avancés par le demandeur.

 

[29]           La preuve du profilage racial est insaisissable, d’autant que l’intention de se livrer à un profilage racial n’est pas requise. En fait, une personne qui se livre à un profilage racial peut même ne pas en être consciente.

 

[30]           Dans l’arrêt R. c. Brown[VII], le juge Morden, de la Cour d'appel de l’Ontario, s’exprimait ainsi :

[traduction]

[7]  Il n’y a aucune divergence d’opinions sur ce que signifie l’expression « profilage racial ». Dans son mémoire, l’appelante définit l’expression d’une manière concise : « le profilage racial consiste à cibler tel ou tel membre d’un groupe racial donné, en lui attribuant la supposée propension du groupe tout entier à la criminalité », puis elle cite une définition plus longue proposée par la Clinique juridique afro‑canadienne dans une décision antérieure, R. c. Richards […], une définition apparaissant dans les motifs du juge Rosenberg. […] :

 

[traduction]

Le profilage racial est un profilage de criminalité fondé sur la race. Le profilage racial, ou profilage fondé sur la couleur, s’entend du phénomène par lequel certaines activités criminelles sont attribuées à un groupe donné de la société, en raison de sa race ou de sa couleur, entraînant ainsi le ciblage de tel ou tel membre de ce groupe. Dans ce contexte, la race sert d’une manière illégitime comme indicateur de la criminalité d’un groupe racial tout entier, ou comme indicateur de sa propension générale à la criminalité.

 

[8]  L’attitude à l’origine du profilage racial est une attitude qui peut être consciente ou non. Plus exactement, il n’est pas nécessaire que l’officier de police soit un raciste déclaré. Sa conduite peut être fondée sur des préjugés raciaux subconscients. [Renvois omis.]

 

Dans la présente affaire, aucun officier de police n’était évidemment concerné. Cela dit, je suis d’avis que l’on pourrait dire exactement la même chose à propos des représentants de la défenderesse qui ont mis à l’épreuve le demandeur pour s’assurer qu’aucune fraude n’allait être commise par lui contre la défenderesse.

 

[31]           Puis le juge Morden écrivait ce qui suit, au paragraphe [44] de ses motifs :

[traduction] Une allégation de profilage racial pourra rarement être établie par preuve directe. Cela supposerait que l’officier de police admette qu’il a été influencé par des préjugés raciaux dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire de faire s’arrêter un automobiliste. En conséquence, si le profilage racial doit être prouvé, il le sera par déduction tirée d’une preuve circonstancielle.

 

[32]           Dans l’arrêt Peart c. Peel Regional Police Services Board[VIII], le juge Doherty écrivait ce qui suit, aux paragraphes 89 et 90 de ses motifs :

[traduction]

Dans l’arrêt R. c. Richards [], le juge Rosenberg, après avoir cité la deuxième définition susmentionnée du profilage racial, écrivait ce qui suit, aux paragraphes 90 et 91 de ses motifs :

 

L’officier de police qui utilise (consciemment ou non) la race comme indice d’une possible conduite illégale, un indice fondé non pas sur un soupçon personnalisé, mais sur des préjugés négatifs qui attribuent à des personnes, en raison de leur race, une propension aux comportements illégaux, se livre à un profilage racial […]

 

Le profilage racial est une mauvaise chose. C’est une mauvaise chose quand bien même la conduite policière qui résulte du profilage racial pourrait se justifier en dehors de tout recours à des préjugés négatifs fondés sur la race […]

[Renvoi omis]

 

[33]           Encore une fois, je suis d’avis que les propos cités ci‑dessus ne devraient pas se limiter à la conduite des officiers de police, mais devraient s’étendre à la conduite de toute personne, par exemple les représentants de la banque auxquels a eu affaire le demandeur et qui cherchaient à prévenir une conduite illégale.

 

[34]           Comme je le disais au paragraphe [28] des présents motifs, il n’est pas établi devant la Cour que, durant son enquête, la Commission a pris en compte, et encore moins examiné sérieusement, la question du profilage racial. Par ailleurs, même si le profilage racial évoqué par le demandeur est reconnu superficiellement dans le rapport d’enquête, le sentiment du demandeur sur la question n’est nulle part reconnu dans l’« analyse globale » comprise dans le rapport en question, et il n’est pas non plus reconnu dans la « recommandation » qui termine le rapport. Le sentiment du demandeur à propos du profilage racial n’est nulle part reconnu non plus dans les pièces additionnelles que la Commission avait devant elle lorsqu’elle est arrivée à la décision contestée, si ce n’est dans le formulaire de plainte du demandeur et dans la réponse du demandeur au rapport d’enquête.

 

[35]           Eu égard à l’analyse qui précède, je suis d’avis que l’enquête menée par la Commission sur la plainte du demandeur et donc le rapport d’enquête qui a été présenté à la Commission n’ont pas été aussi approfondis qu’ils auraient dû l’être. Cette faiblesse a vicié la recommandation présentée à la Commission, puis a vicié la décision de la Commission qui est ici contestée. Sur ce seul moyen, et en raison d’un manquement à l’obligation d’équité qu’avait la Commission envers le demandeur, la décision contestée doit être annulée.

 

[36]           La conclusion susmentionnée touche la demande de contrôle judiciaire. Néanmoins, par souci d’exhaustivité, je me prononcerai brièvement sur les points restants soumis à la Cour dans la présente affaire.

 

ii)  La possibilité offerte au demandeur de réagir aux arguments avancés par la défenderesse en réponse à la plainte était‑elle suffisante?

[37]           L’avocat du demandeur a relevé que la politique de la défenderesse appelée KYC, sur laquelle se sont fondés les représentants de la défenderesse pour interroger minutieusement le demandeur au cours des deux (2) incidents en cause, n’avait pas été portée à la connaissance du demandeur d’une manière qui lui aurait donné une occasion raisonnable de réagir. Ni la défense opposée par la défenderesse à l’égard de la plainte, défense à laquelle le demandeur a eu l’occasion de répondre, ni le rapport d’enquête, auquel le demandeur a également eu l’occasion de répondre, ne contenaient le texte de ladite politique. Lorsque le demandeur fut mis au fait du contenu de la politique, il n’avait plus la possibilité d’y réagir.

 

[38]           L’avocat de la défenderesse relève que les « portions pertinentes » de la politique étaient référencées dans la réponse de la défenderesse, qu’elles ont été évoquées au nom du demandeur dans sa réponse à ladite réponse et qu’elles ont été considérées lors de l’entretien de l’enquêteur avec le demandeur. Il ajoute que le demandeur n’a jamais cherché à obtenir la politique comme telle.

 

[39]           L’avocat de la défenderesse invoque le passage suivant de l’arrêt Syndicat des employés de production du Québec et de l’Acadie c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne)[IX], où la Cour suprême du Canada faisait sien le raisonnement suivant de lord Denning, maître des rôles, concernant la définition de l’obligation d’agir équitablement :

Cependant, l’organisme enquêteur est maître de sa propre procédure […]. Il n’est pas tenu de révéler tous les détails de la plainte et peut s’en tenir à l’essentiel. Il n’a pas à révéler sa source de renseignements. Il peut se limiter au fond seulement.

 

[40]           Au vu de ce qui précède, je suis d’avis que la Commission n’a pas sur ce point manqué à l’équité envers le demandeur.

 

            iii)  L’impartialité, la neutralité ou l’ouverture d’esprit

[41]           Dans le jugement Zündel c. Canada (Procureur général)[X], le juge Evans, alors juge de la Cour dans son organisation antérieure, écrivait ce qui suit, au paragraphe 21 de ses motifs :

[…] il a été statué, autant en ce qui concerne une commission provinciale des droits de la personne […] que la Commission canadienne des droits de la personne […] que le critère applicable aux enquêteurs et à la Commission en matière de partialité est celui de l’esprit fermé. Comme l’a dit le juge Noël (maintenant juge à la Cour d'appel fédérale) dans l’affaire Société Radio‑Canada c. Commission canadienne des droits de la personne et al. […] au sujet du critère de partialité applicable à la Commission :

 

Le critère ne repose donc pas sur le point de savoir si l’on peut raisonnablement discerner un parti pris, mais plutôt si l’on s’est tellement écarté de la norme de l’ouverture d’esprit qu’on pourrait avec raison affirmer qu’il y a eu préjugement de la question portée devant l’organisme d’enquête.

 

[42]           Comme je l’ai dit plus haut, le demandeur avait de sérieux doutes sur l’ouverture d’esprit de l’enquêteur mandaté à l’origine pour enquêter sur sa plainte. Il s’en est plaint à la Commission par l’entremise de son avocat. Une enquête interne a eu lieu au sein de la Commission. Ce premier enquêteur a été dessaisi de l’enquête sur la plainte du demandeur. Un nouvel enquêteur fut désigné, mais cet enquêteur comptait parmi ceux qui avaient participé à l’enquête interne. Le premier enquêteur fut dessaisi du dossier, mais l’enquête n’a pas repris depuis le début. Le nouvel enquêteur a tout simplement repris l’enquête là où le premier enquêteur l’avait laissée.

 

[43]           Cela dit, le demandeur n’a jamais contesté, selon le dossier que la Cour a devant elle, l’exactitude et l’exhaustivité des notes d’entretien du premier enquêteur.

 

[44]           La procédure suivie par la Commission pour enquêter sur la plainte du demandeur ne fut certainement guère satisfaisante pour le demandeur, et il est sans doute possible de dire que la conduite du premier enquêteur et les questions qu’il a posées manquaient passablement de tact, mais je ne suis pas persuadé, au vu de la preuve que la Cour a devant elle, que la Commission a préjugé la question qui lui était soumise. Le demandeur ne peut donc obtenir gain de cause sur ce moyen.

 

c)  L’erreur de droit – La Commission a‑t‑elle appliqué le mauvais critère de « discrimination », sur le plan général ou dans le « contexte du profilage racial »?

[45]           Le demandeur dit que l’enquêteur chargé d’examiner sa plainte et donc la Commission ont utilisé le critère de discrimination applicable aux allégations relevant de l’article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés[XI]. Ce faisant, d’affirmer le demandeur, l’enquêteur et donc la Commission ont recherché une intention et une motivation lorsqu’ils ont analysé la conduite des représentants de la défenderesse impliqués dans les deux (2) incidents en cause, et ils ont par conséquent commis une erreur susceptible de contrôle. Dans le jugement Smith c. Ontario (Human Rights Commission)[XII], la Cour supérieure de justice de l’Ontario s’exprimait ainsi, au paragraphe 11 :

[traduction] Il est de jurisprudence constante que l’intention ou la raison d’exercer une discrimination n’est pas un élément nécessaire de la discrimination. Dans l’arrêt Commission ontarienne des droits de la personne et Theresa O’Malley c. Simpson‑Sears Ltd., [] la Cour suprême du Canada écrivait ce qui suit :

 

La preuve de l’intention, une exigence nécessaire dans notre façon d’aborder une loi criminelle et punitive, ne devrait pas être un facteur déterminant dans l’interprétation d’une loi sur les droits de la personne qui vise à éliminer la discrimination. Je suis d’avis que les tribunaux d’instance inférieure ont eu tort de conclure que l’intention d’établir une distinction constitue un élément de preuve nécessaire.

[Renvoi omis.]

 

[46]           En outre, de faire valoir le demandeur, l’enquêteur et donc la Commission ont commis une erreur susceptible de contrôle dans l’adoption d’un critère du « groupe de comparaison ».

 

[47]           Le paragraphe pertinent du rapport d’enquête est bref. Il est reproduit ici, par commodité, avec soulignements :

[traduction] L’enquête n’a pas permis de conclure à l’existence de preuves permettant d’affirmer que les actes de la défenderesse et de ses employés étaient motivés par la race et la couleur du plaignant. Il n’existe aucun groupe de comparaison connu de personnes de race blanche qui permettrait de dire si un Blanc, dans des circonstances identiques à celles du plaignant, était mieux traité que le plaignant, ou traité différemment. Eu égard à l’ensemble de la preuve, une personne de race blanche, dans des circonstances identiques, serait probablement traitée de la même façon selon la politique KYC de la banque, qui requiert d’établir l’identité de cette personne à la satisfaction du personnel de la succursale.

[Non souligné dans l’original.]

 

[48]           Il est clair que l’enquêteur a largement fait fond sur l’aspect de la motivation et, comme je l’ai dit précédemment, compte tenu de la brièveté de la décision de la Commission qui est ici en cause, je dois présumer que la Commission a adopté le point de vue de l’enquêteur. Je suis donc d’avis que la décision contestée est erronée et susceptible de contrôle selon la norme applicable, posant que cette norme est la décision correcte.

 

[49]           S’agissant de l’importance accordée dans le rapport d’enquête à un critère du « groupe de comparaison », mon collègue le juge O’Reilly écrivait, au paragraphe 22 de ses motifs, dans le jugement Canada (Commission des droits de la personne) c. M.R.N.[XIII] :

 

[…] La Commission a allégué que la discussion à propos d'un « groupe de comparaison », une notion dérivée de la jurisprudence concernant le paragraphe 15(1) de la Charte, était inappropriée et avait eu une incidence sur la conclusion du Tribunal. À mon avis, cette discussion était complètement inoffensive. Une cour ou un tribunal ne peut décider si une personne a été victime de discrimination sans établir des comparaisons avec le traitement accordé aux autres personnes. Les comparaisons sont inévitables.

 

[50]           Dans la présente affaire, la brève évocation d’un groupe de comparaison n’était pas inoffensive. Elle était plutôt un élément essentiel de la très brève analyse conduisant à la recommandation faite à la Commission. Cela dit, je partage l’avis de mon collègue le juge O’Reilly selon lequel « les comparaisons sont inévitables ». Il m’est impossible de dire que la Commission a commis une erreur susceptible de contrôle lorsqu’elle a implicitement adopté sur ce point le raisonnement du rapport d’enquête.

 

c)  Des conclusions non raisonnablement étayées par la preuve, ne tenant pas compte de la preuve ou se méprenant sur la preuve pertinente

[51]           Le demandeur ne s’est pas attardé outre mesure sur ce moyen dans ses observations écrites, à en juger par la longueur relative de ces observations, et, pareillement, son avocat a limité son argumentation sur la question. Je suis d’avis que la preuve d’identité invoquée par le demandeur aux cours des deux (2) incidents, ce à quoi s’ajoute la preuve extraite des dossiers de la défenderesse à laquelle ont eu accès les représentants de la défenderesse impliqués dans les mêmes incidents, était quelque peu déroutante. Il se trouve que le demandeur a choisi de se présenter à deux succursales différentes de la banque défenderesse et que ni l’une ni l’autre n’était une succursale où il détenait un compte. Il n’était donc pas déraisonnable pour les représentants de la défenderesse de le prier de s’identifier clairement. Ce qui ne veut pas dire que le demandeur n’a pas été victime d’une discrimination au cours des incidents en question. Je veux simplement dire que je ne trouve aucune erreur susceptible de contrôle, au regard de la décision raisonnable simpliciter, dans la manière dont la Commission a considéré la preuve figurant dans le rapport d’enquête qu’elle avait devant elle.

 

DISPOSITIF

[52]           Eu égard à l’analyse qui précède, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.

 

[53]           Dans l’exposé des faits et du droit présenté par le demandeur, le demandeur sollicite une réparation dans les termes suivants :

[traduction]

Le demandeur demande que soit rendue une ordonnance annulant la décision de la Commission qui rejetait la plainte du demandeur en application de l’alinéa 44(3)b), ainsi que :

•               une ordonnance lui substituant une conclusion selon laquelle la plainte doit être renvoyée au Tribunal, ou subsidiairement,

•               une ordonnance renvoyant l’affaire à la Commission pour nouvelle enquête, laquelle sera menée par un enquêteur qui n’a joué aucun rôle dans la présente affaire, sous la surveillance d’un personnel qui n’a joué aucun rôle dans la présente affaire.

 

 

[54]           Au cours de l’audition de la présente demande, l’avocat du demandeur a retiré, à juste titre, la requête du demandeur sollicitant une ordonnance de renvoi de l’affaire au Tribunal.

 

[55]           Ni le demandeur ni la défenderesse n’ont sollicité les dépens. Il ne sera pas adjugé de dépens.

 

[56]           Une ordonnance sera rendue, qui annulera la décision contestée et renverra la plainte du demandeur à la Commission pour nouvelle enquête, laquelle sera conduite par un enquêteur qui n’a joué aucun rôle dans l’enquête à l’origine de la décision contestée qui a été annulée. Autant que possible, la nouvelle enquête sera supervisée par des fonctionnaires de la Commission qui n’ont joué aucun rôle dans la première enquête, dans la supervision de ladite enquête ou dans l’enquête portant sur la conduite du premier enquêteur.

 

« Frederick E. Gibson »

Juge

Ottawa (Ontario)

Le 23 novembre 2007

 

 

Traduction certifiée conforme

Jacques Deschênes, LL.B.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                T‑535‑06

 

INTITULÉ :                                                               JOHN HENRY POWELL III
c.
TD CANADA TRUST

 

 

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                         TORONTO (ONTARIO)

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                       LE 29 OCTOBRE 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE :                          LE JUGE GIBSON

 

DATE DES MOTIFS :                                              LE 23 NOVEMBRE 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Richard Miller

 

POUR LE DEMANDEUR

D. Barry Prentice

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Clinique juridique afro‑canadienne

Toronto (Ontario)

 

POUR LE DEMANDEUR

Blaney, McMurtry, LLP

Toronto (Ontario)

 

POUR LA DÉFENDERESSE

 



[I] L.R.C. 1985, ch. H‑6.

[II] 2007 CF 1076, 19 octobre 2007 (jugement non cité devant la Cour).

[III] Sketchley c. Canada (Procureur général), [2005] A.C.F. n° 2056, 2005 CAF 404, 9 décembre 2005.

[IV] [2006] A.C.F. n° 557, 2006 CF 447, 6 avril 2006.

[V] Voir l’onglet 4Q du dossier de demande du demandeur, volume 1, paragraphes 1, 25, 27, 30, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44, 54, 55, 60, 65 et 66.

[VI] Voir l’onglet 4Q, paragraphes 2, 25, 30 et 44.

[VII] 64 O.R. (3d) 161 (C.A. Ont.).

[VIII] [2006] O.J. nº 4457 (C.A. Ont.).

[IX] [1989] 2 R.C.S. 879.

[X] [1999] 4 C.F. 289.

[XI] Partie I de la Loi constitutionnelle de 1982 (L.R.C. 1985, appendice II, n° 44), annexe B de la Loi de 1982 sur le Canada, 1982, ch. 11 (R.‑U.).

[XII] [2005] O.J. No. 377, 8 février 2005.

[XIII] [2004] 1 R.C.F. 679.

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