Ottawa (Ontario), le 20 novembre 2007
En présence de Monsieur le juge Shore
ENTRE :
SARI CRUZ BANDA ZUNIGA
demanderesse
et
ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
AU PRÉALABLE
[1] Ce qui semble impossible dans un contexte, devient plausible et même compréhensive dans un autre; et donc, paraît comme crédible dans des circonstances découlant des conditions des pays autres qu’initialement conçues. Avec une réalisation que les conditions en eux-mêmes possèdent une logique inhérente, ce qui pourrait paraître étrange, hors contexte, est compris en temps et lieu.
NATURE DE LA PROCÉDURE JUDICIAIRE
[2] Il s'agit d'une demande de contrôle judiciaire à l’encontre d’une décision de la Section de la protection d es réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (Commission), rendue le 7 mai 2007, et selon laquelle les demandeurs, citoyens du Mexique, n’ont pas la qualité de « réfugiés au sens de la Convention » ni de « personne à protéger. »
FAITS
[3] Les demandeurs, monsieur Julio Hernandez Utrera et sa conjointe, madame Sari Cruz Banda Zuniga, sont citoyens du Mexique. La demande de la conjointe se fonde sur celle de monsieur Utrera, qui est le demandeur principal.
[4] Le demandeur, monsieur Utrera, allègue une crainte de persécution émanant des militaires, policiers et informateurs du gouvernement suite à sa participation comme bénévole au sein de la Croix-Rouge lors des opérations dans l’État du Chiapas en janvier 1994. Selon son récit et son témoignage devant la Commission, le gouvernement le persécute parce qu’il croit que monsieur Utrera possède l’information quant aux endroits des conflits et des points stratégiques dans la région du Chiapas de par son mandat en tant que bénévole pour la Croix-Rouge mexicaine. Le demandeur allègue également que ces agents étaient au courant qu’il possédait des informations et photographies compromettantes concernant les actions des militaires contre la population du Chiapas.
[5] Depuis cette époque, le demandeur est sous surveillance policière, et a reçu des menaces de mort de la part de militaires et d’informateurs du gouvernement. De plus, en janvier 2006, la demanderesse, madame Zuniga a également été sujet à l’intimidation des persécuteurs de monsieur Utrera. Suite à cet incident, et ayant été à nouveau repéré, les demandeurs ont quitté le Mexique et sont arrivés au Canada le 27 février 2006 où ils ont revendiqués le statut de réfugié.
DÉCISION CONTESTÉE
[6] Le 7 mai 2007, la Commissions a conclut que les demandeurs ne sont pas des « réfugiés au sens de la Convention » en vertu de l’article 96, ni des « personnes à protéger » en vertu du paragraphe 97(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés L.C. 2001, c. 27 (Loi), puisqu’il n’existe aucune preuve crédible relativement aux éléments essentiels de leurs demandes d’asile. Elle base sa conclusion sur les contradictions, omissions et invraisemblances du témoignage du demandeur principal, monsieur Utrera, et sur la preuve des demandeurs.
Soumissions des parties
Demandeur :
[7] Le demandeur allègue que le commissaire n’a pas considérer les explications qu’il a fournit lors de son témoignage devant la Commission et de par ce fait, a rendue une décision injuste et déraisonnable.
Défendeur :
[8] Le défendeur estime que la décision de la Commission est bien fondée et qu’il n’existe aucune preuve crédible relativement aux éléments essentiels de leurs demandes d’asile. Il souligne de plus, que la Commission fonde sa conclusion sur les contradictions, omissions et invraisemblances dans le témoignage et la preuve des demandeurs.
POINTS EN LITIGE
[9] (1) La Commission a-t-elle commise une erreur en ne pas considérant les explications données sur des éléments importants de la revendication?
(2) La Commission a-t-elle commise une erreur en concluant que les allégations de madame Zuniga sont totalement dépendantes du récit du demandeur principal et que leur crédibilité est minée par les nombreuses contradictions, omissions et invraisemblances contenues dans le témoignage de ce dernier?
NORME DE CONTRÔLE
[10] L'évaluation de la crédibilité des témoins et de l'appréciation de la preuve relève de la compétence de la Commission. La Cour doit donc faire preuve d'une grande retenue puisqu'il appartient à la Commission d'apprécier le témoignage du demandeur et d'évaluer sa crédibilité. Si les conclusions de la Commission sont raisonnables, il n'y a pas lieu d'intervenir.
[11] Toutefois, la décision de la Commission doit s'appuyer sur la preuve; elle ne doit pas être prise arbitrairement en se fondant sur des conclusions de faits erronées ou en ignorant des éléments de preuve présentés. (Mugesera c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] 2 R.C.S. 100. par. 38 (QL).)
[12] Par conséquent, la norme de contrôle qu'il convient d'appliquer à une question de crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable.
[13] Une décision qui est sujette au critère de révision selon la décision manifestement déraisonnable
[57] [...] ne sera au contraire entachée d'une erreur que si cette erreur est "manifeste au vu des motifs du tribunal", sans qu'il faille procéder "à un examen ou à une analyse en profondeur" (Southam Inc., au paragraphe 57), ou si elle est grave au point d'équivaloir à "une fraude à la loi ou à un refus délibéré d'y obéir" et "est assimilée à un acte arbitraire ou posé de mauvaise foi et contraire aux principes de la justice naturelle" (Syndicat des employés de production du Québec et de l'Acadie c. Conseil canadien des relations de travail, [1984] 2 R.C.S. 412, à la page 420).
(Taylor c. Canada (Procureur Général), 2003 CAF 55, [2003] A.C.F. no 159 (QL).)
[14] Par conséquent, les conclusions quant à la crédibilité tirées par la Commission font l'objet d'un contrôle suivant la norme de la décision manifestement déraisonnable. Elles ne peuvent être annulées que si elles ont été tirées de manière abusive ou arbitraire ou si elles sont fondées sur des conclusions de fait erronées.
CONTEXTE LÉGISLATIF
[15] L'alinéa 95(1)b), de la Loi, prévoit que l'asile est la protection conférée à toute personne lorsque la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger.
Asile
95. (1) L’asile est la protection conférée à toute personne dès lors que, selon le cas :
[...]
b) la Commission lui reconnaît la qualité de réfugié ou celle de personne à protéger; |
Conferral of refugee protection
95. (1) Refugee protection is conferred on a person when
…
(b) the Board determines the person to be a Convention refugee or a person in need of protection; or |
[16] L'article 96 et le paragraphe 97(1), de la Loi, définissent les expressions « réfugié au sens de la Convention » et « personne à protéger », comme suit :
96. A qualité de réfugié au sens de la Convention — le réfugié — la personne qui, craignant avec raison d’être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un groupe social ou de ses opinions politiques :
a) soit se trouve hors de tout pays dont elle a la nationalité et ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de chacun de ces pays;
b) soit, si elle n’a pas de nationalité et se trouve hors du pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle, ne peut ni, du fait de cette crainte, ne veut y retourner.
Personne à protéger
97. (1) A qualité de personne à protéger la personne qui se trouve au Canada et serait personnellement, par son renvoi vers tout pays dont elle a la nationalité ou, si elle n’a pas de nationalité, dans lequel elle avait sa résidence habituelle, exposée :
a) soit au risque, s’il y a des motifs sérieux de le croire, d’être soumise à la torture au sens de l’article premier de la Convention contre la torture;
b) soit à une menace à sa vie ou au risque de traitements ou peines cruels et inusités dans le cas suivant :
(i) elle ne peut ou, de ce fait, ne veut se réclamer de la protection de ce pays,
(ii) elle y est exposée en tout lieu de ce pays alors que d’autres personnes originaires de ce pays ou qui s’y trouvent ne le sont généralement pas,
(iii) la menace ou le risque ne résulte pas de sanctions légitimes — sauf celles infligées au mépris des normes internationales — et inhérents à celles-ci ou occasionnés par elles,
(iv) la menace ou le risque ne résulte pas de l’incapacité du pays de fournir des soins médicaux ou de santé adéquats. |
96. A Convention refugee is a person who, by reason of a well-founded fear of persecution for reasons of race, religion, nationality, membership in a particular social group or political opinion,
(a) is outside each of their countries of nationality and is unable or, by reason of that fear, unwilling to avail themself of the protection of each of those countries; or
(b) not having a country of nationality, is outside the country of their former habitual residence and is unable or, by reason of that fear, unwilling to return to that country Person in need of protection
97. (1) A person in need of protection is a person in Canada whose removal to their country or countries of nationality or, if they do not have a country of nationality, their country of former habitual residence, would subject them personally
(a) to a danger, believed on substantial grounds to exist, of torture within the meaning of Article 1 of the Convention Against Torture; or
(b) to a risk to their life or to a risk of cruel and unusual treatment or punishment if
(i) the person is unable or, because of that risk, unwilling to avail themself of the protection of that country,
(ii) the risk would be faced by the person in every part of that country and is not faced generally by other individuals in or from that country,
(iii) the risk is not inherent or incidental to lawful sanctions, unless imposed in disregard of accepted international standards, and
(iv) the risk is not caused by the inability of that country to provide adequate health or medical care. |
ANALYSE
[17] Avant d’analyser la situation en espèce, en soulignant les motifs qui appuient la décision de la Commission et les arguments des parties, il suffit d’énoncer la méthode et les principes qui gouvernent l’établissement des faits d’une cause.
[18] Le « Handbook on Procedures and Criteria for Determining Refugee Status under the 1951 Convention and the 1967 Protocol relating to the Status of Refugees », qui se lit officiellement en français comme le « Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés », HCR/1P/4/FRE/REV.1 UNHCR 1979 Réédité, Genève, janvier 1992, est un instrument international qui permet de définir le terme « réfugié » et qui énumère certains principes qui devrait gouverner la détermination du statut de réfugié.
[19] En ce qui est des documents à l’appui, le Haut Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), stipule :
196. C'est un principe général de droit que la charge de la preuve incombe au demandeur. Cependant, il arrive souvent qu'un demandeur ne soit pas en mesure d'étayer ses déclarations par des preuves documentaires ou autres, et les cas où le demandeur peut fournir des preuves à l'appui de toutes ses déclarations sont l'exception bien plus que la règle. Dans la plupart des cas, une personne qui fuit la persécution arrive dans le plus grand dénuement et très souvent elle n'a même pas de papiers personnels. Aussi, bien que la charge de la preuve incombe en principe au demandeur, la tâche d'établir et d'évaluer tous les faits pertinents sera-t-elle menée conjointement par le demandeur et l'examinateur. Dans certains cas, il appartiendra même à l'examinateur d'utiliser tous les moyens dont il dispose pour réunir les preuves nécessaires à l'appui de la demande. Cependant, même cette recherche indépendante peut n'être pas toujours couronnée de succès et il peut également y avoir des déclarations dont la preuve est impossible à administrer. En pareil cas, si le récit du demandeur paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute, à moins que de bonnes raisons ne s'y opposent. (La Cour souligne.) |
196. It is a general legal principle that the burden of proof lies on the person submitting a claim. Often, however, an applicant may not be able to support his statements by documentary or other proof, and cases in which an applicant can provide evidence of all his statements will be the exception rather than the rule. In most cases a person fleeing from persecution will have arrived with the barest necessities and very frequently even without personal documents. Thus, while the burden of proof in principle rests on the applicant, the duty to ascertain and evaluate all the relevant facts is shared between the applicant and the examiner. Indeed, in some cases, it may be for the examiner to use all the means at his disposal to produce the necessary evidence in support of the application. Even such independent research may not, however, always be successful and there may also be statements that are not susceptible of proof. In such cases, if the applicant's account appears credible, he should, unless there are good reasons to the contrary, be given the benefit of the doubt. |
[20] On note également:
203. Il est possible qu'après que le demandeur se sera sincèrement efforcé d'établir l'exactitude des faits qu'il rapporte, certaines de ses affirmations ne soient cependant pas prouvées à l'évidence. Comme on l'a indiqué ci-dessus (paragraphe 196), un réfugié peut difficilement «prouver» tous les éléments de son cas et, si c'était là une condition absolue, la plupart des réfugiés ne seraient pas reconnus comme tels. Il est donc souvent nécessaire de donner au demandeur le bénéfice du doute.
204. Néanmoins, le bénéfice du doute ne doit être donné que lorsque tous les éléments de preuve disponibles ont été réunis et vérifiés et lorsque l'examinateur est convaincu de manière générale de la crédibilité du demandeur. Les déclarations du demandeur doivent être cohérentes et plausibles, et ne pas être en contradiction avec des faits notoires. (La cour souligne.) |
203. After the applicant has made a genuine effort to substantiate his story there may still be a lack of evidence for some of his statements. As explained above (paragraph 196), it is hardly possible for a refugee to “prove” every part of his case and, indeed, if this were a requirement the majority of refugees would not be recognized. It is therefore frequently necessary to give the applicant the benefit of the doubt.
204. The benefit of the doubt should, however, only be given when all available evidence has been obtained and checked and when the examiner is satisfied as to the applicant's general credibility. The applicant's statements must be coherent and plausible, and must not run counter to generally known facts. |
(UNHCR, ci-dessus)
[21] Il est également important de regarder l’ensemble des faits afin de déterminer si on doit « […] prendre en considération l'effet cumulatif des expériences passées du demandeur. Lorsqu'aucun incident ne ressort de façon particulièrement marquante, ce peut être un incident mineur qui « a fait déborder le vase »; même si aucun incident ne peut être considéré comme décisif, il se peut que le demandeur le craigne « avec raison » à cause d'un enchaînement de faits, considérés dans leur ensemble ». (UNHCR, ci-dessus, par. 201.)
(1) La Commission a-t-elle commise une erreur en ne pas considérant les explications données sur des éléments importants de la revendication?
Jours passés au Chiapas
[22] Le tribunal a noté qu’il y avait contradiction entre l’information contenue dans une lettre d’attestation émanant de la Croix-Rouge (l’attestation), celle contenue dans le Formulaire de Renseignements Personnels (FRP) du demandeur principal et celle relatée par ce dernier lors de son témoignage.
[23] La jurisprudence note, quant au sujet de contradiction/dissemblance entre le FRP et le témoignage, que cette divergence est un facteur qui peut contribuer à miner la crédibilité d’un demandeur. (Rathinasigngam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 988, [2006] A.C.F. no 1247, au par. 56 (QL).)
[24] Le demandeur principal, monsieur Utrera, indique dans son FRP avoir passé 13 jours dans la jungle, tandis que la lettre d’attestation indique qu’il a passé 10 jours au Chiapas. Lors de l’audience, le demandeur principal a témoigné avoir passé 17 jours.
[25] Confronté à cette contradiction, le demandeur a expliqué lors de l’audience que ce calcul ne tenait pas compte du fait que lors de son arrivé à Chiapas, le 1 avril 1994, le conflit battait à son plein et que c’était trop dangereux d’entrer dans la zone du combat. Ce n’est que quelques jours plus tard, soit le 3 janvier 1994, après qu’il ait trouvé une ambulance, qu’il l’équipe et qu’il a eu les médicaments, qu’il a pu entrer. (Transcription du procès verbal d’une audience pp. 16 à 18.)
[26] Le demandeur principal souligne que l’attestation note le nombre de jour actif dans la forêt, soit du 3 au 13 janvier, tandis que le FRP prend en considération le temps requis dans la ville afin de se préparer, soit du 1 au 3 janvier et les 17 jours mentionnés lors de l’audience souligne les jours de l’expérience au complet. (Transcription du procès verbal d’une audience pp. 16 à 18.)
[27] Interrogé sur son implication subséquente au Chiapas pendant cette même année, le demandeur a répondu lors de l’audience qu’il était retourné pour une période de 10 à 20 jours à trois reprises, soit en mai, en novembre et en décembre 1994.
[28] Malgré la conclusion de la Commission à l’effet que le demandeur ait répondu lors de l’audience que cette information était incluse dans son FRP, ayant examiné la transcription, une telle déclaration ne peut être retrouvée dans la transcription du procès-verbal. Nous remarquons, par contre, que, lorsque le demandeur est confronté aux questions du membre audiencier à ce sujet, il explique que ce n’était pas mentionné parce qu’il se limitait à écrire la période la plus importante et que les retours subséquents étaient des périodes extensives qui suivaient la première. (Transcription du procès verbal d’une audience, p. 19.)
[29] Parmi les lettres déposées en liasse sous P-6, aucune n’indique que le demandeur est retourné à trois reprises au Chiapas en 1994. Il s’agit par contre de noter que le demandeur explique, lors de l’audience, qu’il n’avait pas demandé une attestation pour ces trois autres retours à Chiapas en 1994 car il ne pensait pas que le problème allait être de nature si grave.
Contenu du rapport à la Croix-Rouge
[30] La Commission note que le demandeur s’était contredit en expliquant le contenu d’un rapport qu’il aurait remis à un responsable de la Croix-Rouge mexicaine concernant sa mission au Chiapas en janvier 1994.
[31] Il faut tout de même noter que l’appréciation des faits revient à la Commission, cette Cour ne peut réévaluer les faits présentés devant la Commission si celle-ci a raisonnablement considérer la preuve qu’on lui a présenté. (Barreau du Nouveau-Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, au par. 46.)
[32] À ce sujet, la Commission note :
[...] Dans un premier temps, le demandeur a indiqué qu’il avait fait mention dans son rapport des photos qu’il avait prises et du fait que ces photos montraient des militaires tuant des indigènes, des militaires et des policiers arrêtant des personnes dans la rue et lui-même en présence de rebelles. Dans un deuxième temps, il a indiqué que, dans son rapport, il n’avait fait référence qu’à une ambulance sur laquelle on avait tiré des balles. Dans un troisième temps, il a indiqué que, dans son rapport, il avait mentionné à la Croix rouge mexicaine les tueries et que les responsables de la Croix rouge mexicaine lui avaient dit qu’ils en feraient l’analyse. Dans son FRP, le demandeur n’a pas fait référence à ce rapport...
(Décision de la Commission, p. 2, par. 2)
[33] En lisant la transcription de l’audience, nous pouvons constater que cette confusion, quant au contenu du rapport, paraît exister, mais une lecture approfondie de l’ensemble de la transcription nous permet de comprendre que nous devons regarder à l’ensemble des questions de l’agent afin de discerner cette confusion. Ce qui suit est un extrait de la transcription concernant le contenu du rapport à la Croix-Rouge mexicaine.
PAR LE MEMBRE AUDIENCIER (à la personne en cause no 1)
Q. Pendant que vous étiez au Chiapas, combien de rapports avez-vous écrits?
R. Seulement un, un rapport composé de cinq (5) pages et ce rapport contenait les noms et les adresses des personnes à qui on avait prodigué des soins. Leur âge, leur endroit d’origine et bon, leurs données personnelles.
[…]
PAR L’AGENT DE PROTECTION DES RÉFUGIÉS (à la personne en cause no 1)
Q. Monsieur Hernandez, est-ce que vous avez fait dans votre rapport état de photos que vous avez prises?
R. Oui.
Q. Les photos qui intéressaient les paramilitaires là, c’était quel genre de photos?
R. Pour la plupart, il s’agit de photos où les hélicoptères sont hébergés ou gardés à Tuxtla, ou les militaires tuent, sont en train de tuer les indigènes.
Q. Vous avez pris des photos de militaires en train de tuer les indigènes?
R. Oui, Monsieur.
Q. On voit ça sur la photo?
R. Oui.
- OK.
Q. Quel autre genre de photos vous aviez?
R. Les photos où on a aidé des blessés, où des militaires et des policiers arrêtent toutes sortes de personnes dans la rue et d’autres photos où je suis avec les rebelles dans des campements rebelles. Quand nous sommes en train de prodiguer des premiers soins aux blessés.
Q. Mais est-ce pas en vertu des Conventions sur les conflits armés et tout ça, c’est pas interdit de prendre des photos de civils qui sont, bon, tués ou blessés ou même de soldats ou de n’importe qui est partie à un conflit?
R. Bon, essentiellement ces photos étaient pour insérer dans mon rapport de la Croix-Rouge et j’avais déjà battu et j’ai songé à prendre davantage de photos, pour pouvoir davantage étoffer mon rapport.
- OK.
Q. Monsieur, est-ce que ces photos-là ou copies des photos ont été remises à la Croix-Rouge?
R. Non, parce que je n’avais pas pu les développer.
- OK.
Q. Mais vous y faites référence à propos de ces photos-là dans votre rapport, c’est ça?
R. J’ai fait seulement référence à une ambulance sur laquelle on tire des balles et oui, je réfère au photographies, mais je fais juste, je mentionne cette ambulance.
Q. Vous mentionnez pas de photos où vous voyez des civils se faire tuer, Monsieur?
R. Dans mon rapport je mentionne le traitement inhumain que les personnes recevaient.
- Monsieur, essayez de… d’être précis dans votre réponse. Je vous ai posé une question précise.
Q. Est-ce que vous faites référence aux tueries que vous avez photographiées?
R. Non, je le mentionne seulement par écrit.
[…]
R. J’ai mentionné les photographies de l’incident où des militaires tirent sur l’ambulance…
[…]
- Vous faites référence à des photos que vous avez prises où vous voyez des civils se faire tuer, Monsieur.
R. Oui.
- OK, vous avez dit oui, non et oui.
R. Je comprends la (inaudible). Je crois comprendre si je mentionne dans mon rapport les photos où on voit des gens qu’on tue, quelqu’un qui tue les blessés?
- Vous avez dit que vous avez pris des photos de membres de l’armée qui tuent des indigènes.
R. Oui.
Q. Avez-vous fait rapport de ça dans votre rapport à la Croix-Rouge?
R. Oui.
[…]
(Transcription du procès verbal d’une audience, pp. 22à 26.
[34] En lisant cet extrait, les parties à l’audience n’arrivaient pas à clarifier adéquatement le contenu véritable du rapport. Ayant examiné les réponses données, que le demandeur principal a spécifié dans son rapport, la situation de l’incident où des militaires tirent sur l’ambulance et fait que référence aux autres photographies, soit celle qui démontre les militaires tuant des civils, en citant le traitement inhumain que les personnes recevaient.
Omission au Formulaire de Renseignements Personnel
[35] Le tribunal a noté que le demandeur avait omis d’indiquer, à la question 31 de son FRP, les démarches qu’il a décrites lors de son témoignage, soit : qu’au retour de sa mission au Chiapas, il avait informé le responsable de la Croix-Rouge mexicaine de sa persécution lors de sa mission, qu’un rapport avait alors été présenté au Comité des droits de la personne et qu’un communiqué avait été envoyé à la police.
[36] Le défendeur souligne que cet élément « s’agissait là d’un élément essentiel de la demande, soit : les démarches prises par le demandeur pour demander la protection de son État [et que la Commission] pouvait s’attendre à ce que cet élément soit mentionné dans le FRP du demandeur ». (Mémoire du défendeur, p. 6, par. 21.)
[37] Or, dans Basseghi c. Canada (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 1867 (QL), le juge Max M. Teitelbaum remarque qu’une omission dans le FRP peut affecter la crédibilité d’un demandeur :
[33] Il n'est pas inexact de dire que les réponses fournies dans un FRP devraient être concises, mais il est inexact de dire que ces réponses ne devraient pas contenir tous les faits pertinents. Il ne suffit pas à un requérant d'affirmer que ce qu'il a dit dans son témoignage oral était un développement. Tous les faits pertinents et importants devraient figurer dans un FRP. Le témoignage oral devrait être l'occasion d'expliquer les informations contenues dans le FRP.
[38] Il a également été tenu par le juge Pierre Blais dans l’affaire Arunasalam c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1070, [2001] A.C.F. no 1451 (QL) :
[47] [...] que la Commission ait ou non avisé le demandeur que les omissions dans le FRP soulevées à l'audience avaient une importance significative ne changerait rien à la réalité que le demandeur a omis des faits dans son FRP. Même si la Commission lui en avait parlé, elle n'en aurait pas moins eu le droit de s'appuyer sur les omissions pour établir la crédibilité. Le demandeur a eu l'occasion d'expliquer pourquoi il a omis certains faits dans son FRP. À mon avis, la Commission a respecté les principes de justice naturelle et d'application régulière de la loi.
[39] Questionné sur cette omission, le demandeur souligne qu’il n’a pas fait référence des actions qui ont été prises par la Croix-Rouge pour acheminer la plainte « [p]arce que ça n’a, ç’a été complètement futile. Ça n’a rien donné et bon, on [lui a] dit que c’était simplement accuser la police par l’entremise de la police. » Par conséquent, il confirme plus loin « j’ai omis d’écrire les négligences de mon État ». (Transcription du procès verbal d’une audience aux pp. 29 et 31.)
[40] Le juge Simon Noël note dans Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2006 CF 357, [2006] A.C.F. no 426 (QL), quant à l’omission d’un élément essentiel :
[17] [...] Il n'y a pas de doute que des omissions quant à des éléments essentiels de la revendication peuvent être considérés par la SPR, surtout lorsqu'une question a été posée à l'égard de l'élément qui a été omis (voir notamment Eustace v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2005 FC 1553, [2005] F.C.J. No. 1929; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 767, [2005] A.C.F. No. 959, au para. 23). C'est encore plus vrai lorsqu'il y a une contradiction entre les notes de l'agent, le récit du FRP et le témoignage à l'audience. En l'espèce, il s'agit d'une omission portant sur un élément important de la revendication, même s'il n'est pas central
[41] Il conclut :
[25] [...]. L'évaluation des faits relève de la SPR, et il lui appartient de décider, dans chaque cas, si elle doit ou non conclure que l'omission du demandeur d'asile de mentionner un élément central de la revendication à l'agent d'immigration constitue un élément affectant sa crédibilité. Dans certains cas, un fait pourra être tellement central que le fait d'omettre de le mentionner constituera un élément minant la crédibilité du demandeur. Dans d'autres cas, l'omission ne permettra pas de conclure que le demandeur n'est pas crédible. Chaque situation de fait est unique et l'évaluation qu'en fait la SPR est sujette au contrôle judiciaire...
[42] Le juge James Russell souligne dans Erdos c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CF 955, [2003] A.C.F. no 1218, par. 24 (QL), qu’une omission d’un fait significatif peut faire en sorte que la Commission doute la crédibilité du revendicateur. Il a tenu en citant, Grinevich c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1997] A.C.F. no 444 (C.F. 1re inst.) « [qu’il] est admis en droit que l'omission d'un fait significatif ou important dans le FRP d'un revendicateur peut conduire la Commission à mettre en doute la crédibilité du revendicateur. »
[43] Le demandeur souligne tout de même qu’il « fut très crédible sur le principal élément de sa revendication soit son implication comme bénévole dans le conflit entre les rebelles du Chiapas et les militaires, en 1994 […et que les] doutes [de la Commission] sont totalement injustifiés ». (Mémoire du demandeur, p. 30, au par. 17.)
Absence de preuve documentaire
[44] La Commission a noté que la preuve documentaire ne faisait aucune mention d’une quelconque persécution du personnel humanitaire par l’armée mexicaine.
[45] La jurisprudence à ce sujet explique que l’absence de preuve documentaire pour corroborer une histoire peut miner la crédibilité. Le juge Luc Martineau de la Cour fédérale, confirme, dans Morka v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), 2007 FC 315, [2007] F.C.J. No. 429 (QL), explique l’effet d’une absence de preuve en disant :
[18] Lack of supporting documentary evidence is sufficient to rebut the presumption that the claimant's sworn testimony is true (Adu v. Canada (Minister of Employment and Immigration), [1995] F.C.J. No. 114 (F.C.A.); Diadama v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2006] F.C.J. No. 1518, 2006 FC 1206; Kahiga v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [2005] F.C.J. No. 1538, 2005 FC 1240 at para. 10; Oppong v. Canada (Minister of Citizenship and Immigration), [1995] F.C.J. No. 1187 at para. 5). Consequently, in these particular circumstances, it was not patently unreasonable for the Board to draw an adverse inference from a lack of information in documentary evidence that might reasonably be expected to be mentioned in the circumstances. (TRADUCTION NON DISPONIBLE)
[46] La Commission note dans sa décision :
Confronté avec de la preuve documentaire indiquant que, suite à une recherche d’information entreprise par la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, aucune information n’avait été trouvée quant à des gestes d’intimidation, d’arrestations arbitraires ou de torture perpétrés par l’armée à l’égard de personnes apportant des vivres, vêtements et médicaments aux organisations non gouvernementales dans le Chiapas et indiquant également qu’aucune information n’avait été trouvée quant à des personnes de ce genre recherchées par l’armée…
(Décision de la Commission, p. 3, par. 2.)
[47] Ayant consulté cette preuve, on voit que ce document ce lit plutôt comme suit:
Aucune information sur les gestes d'intimidation, les arrestations arbitraires et la torture perpétrés par l'armée à l'égard de personnes, autres que des défenseurs des droits de la personne, qui apportent des vivres, des vêtements et des médicaments aux organisations non gouvernementales (ONG) dans le Chiapas ni aucune information indiquant si l'armée recherche ce genre de personnes à l'extérieur du Chiapas n'ont pu être trouvées parmi les sources consultées par la Direction des recherches. (La Cour souligne.)
(Commission de l’immigration et du statut de réfugié, Direction des recherches, MEX41985.EF, 18 septembre 2003.)
[48] De plus, ce document note :
Dans une communication écrite du 11 septembre 2003, un représentant du Réseau de solidarité Mexique (Mexico Solidarity Network - MSN), une coalition formée de 88 organismes qui défendent la démocratie, la justice économique et les droits de la personne de part et d'autre de la frontière américano-mexicaine (MSN s.d.), a affirmé qu'il n'était au courant d'aucun cas où des personnes, autres que des défenseurs des droits de la personne, avaient fait l'objet d'intimidation, d'arrestations ou de torture pour avoir apporté de l'aide humanitaire aux ONG dans le Chiapas. Le représentant du MSN a ajouté qu'il n'était pas certain de la façon dont l'armée réagirait dans ce genre de situation (11 sept. 2003). (La Cour souligne.)
(Direction des recherches, MEX41985.EF, ci-dessus).
[49] En lisant la transcription, le demandeur explique au tribunal pourquoi les sources consultées n’ont pas pu retracer des gestes d’intimidation, d’arrestations ou de tortures perpétrées par l’armée à l’égard de personnes qui apportent des vivres, des vêtements et des médicaments aux organisations non gouvernementales dans le Chiapas. Ni aucune information indiquant que l’armée recherche ce genre de personne à l’extérieur du Chiapas
R. Vous auriez dû chercher un peu plus dans le temps, avant ça, parce qu’en 1994 on a tiré sur, des projectiles sur une ambulance de la Croix-Rouge. Alors on a changé les uniformes de la Croix-Rouge et j’ai quelques preuves. Alors il y a eu des décisions positives de la part des dirigeants de la Croix-Rouge, mais dans mon groupe on a juste été deux (2) personnes, notamment moi et un autre, qui avons été témoins de… Et alors, quand le conflit est devenu vraiment virulent, alors on a changé nos uniformes parce que justement il était, il devenait trop dangereux d’être habillé avec, d’arborer les couleurs de la Croix-Rouge. Et si bon, il n’y a pas eu un rapport qui a été vraiment prétendu, divulgué, divulgué plutôt sur ces problèmes de ce que nous avons vu, c’est à cause du fait que ma délégation, mon groupe était vraiment très restreint, très petit, et aussi pour un certain manque de crédibilité de certains groupes ou certaines personnes, plutôt.
(Transcription du procès verbal d’une audience à la p. 47)
[50] Une recherche « un peu plus dans le temps » a su collaborer les propos, non seulement du demandeur, mais de la preuve documentaire consulté par la Commission. Plus précisément, le Human Rights Watch Publications du Mexique en 1994 souligne :
Ordered at first to suppress the rebellion by force, the Mexican army was responsible for serious human rights violations, including extrajudicial executions and torture.
…
The extensive network of Mexican nongovernmental human rights groups played a key monitoring role both in Chiapas and during the elections. While there were few reports of physical attacks on monitors, subtle and not-so-subtle tactics of intimidation and discreditation were extremely common. The Mexican National Network of Civil Organizations documented eighty-six illegal acts against nongovernmental organizations (NGOs) from April to July, ranging from arbitrary detention and surveillance to illegal searches of homes and offices (La Cour souligne.)
(http://www.hrw.org/reports/1995/WR95/AMERICAS-09.htm#P490_177020.)
[51] De plus, le Human Rights Watch Publications du Mexique en 1996 note :
Unfortunately, impunity for human rights violations one key indicator of the political will to fight abuses remained pervasive during 1996, and the government continued to deny that violations had occurred in even the most blatant cases. No soldier had been brought to justice for the violations committed by the military during the 1994 uprising of the Zapatista Army of National Liberation (Ejército Zapatista de Liberación Nacional, EZLN), including the Ocosingo Clinic massacre and Ejido Morelia extrajudicial executions.
The government also failed to take action against public servants responsible for torture and due process violations committed during a crackdown on alleged Zapatistas in 1995, documented in the February 1996 Human Rights Watch/Americas report, Torture and Other Abuses During the 1995 Crackdown on Alleged Zapatistas.
(http://www.hrw.org/reports/1997/WR97/AMERICAS-07.htm#P347_142944)
[52] En 1997, cette même publication souligne:
On the domestic front, however, Mexican officials took much less seriously the numerous and serious human rights problems that needed urgent attention. In rural Mexico, violence continued unabated. In April, Human Rights Watch issued findings covering Chiapas, Sinaloa, Guerrero, and Oaxaca states. A common feature of much rural violence was the misuse of the structures of government-prosecutors' offices, the police, and courts-to harass real or perceived opponents of the ruling party, reinforcing victims' assumption that the justice system could not effectively and impartially mediate community conflicts stemming from political differences, economic rivalries, or religious discord. In Chiapas, for example, Human Rights Watch reported that while many of the assassinations, abductions, threats, and expulsions in rural Mexico were carried out by private individuals, government agents often facilitated such abusive acts, failed to prosecute the perpetrators, or appeared to use the judicial system to achieve partisan goals. Moreover, in many cases, officials participated directly in abuses.
Those problems remained serious throughout the year. In northern Chiapas, community conflict continued to lead to expulsions and murder
…
The Mexican government continued to react vehemently against international human rights pressure, dismissing well-documented human rights reports and even expelling foreign human rights monitors. As in past years, Mexican human rights groups faced serious threats and attacks during 1997.
…
Also in Chiapas, the Coordinating Group of Nongovernmental Organizations for Peace (Coordinadora de Organismos No Gubernamentales por la Paz, CONPAZ) came under renewed attack. On October 7 and November 4, 1996, and February 9, 1997, unidentified assailants tried unsuccessfully to burn the group's offices. On November 7, 1997, a CONPAZ member group, Chiltak, received anonymous death threats naming several people who would be killed. Then, on May 7, the group's director, Gerardo González, received death threats by telephone.
The government showed disdain for international human rights reporting by rejecting information and reports by international human rights organizations, including Human Rights Watch and Amnesty International. The day that Human Rights Watch published its report on rural violence, for instance, the Foreign Ministry issued a statement asserting that the government was concerned about human rights protection but accusing Human Rights Watch of "Trying with its partial and unobjective report to distort the real human rights situation in Chiapas, Guerrero, Oaxaca, and Sinaloa." The statement, typical of the government's hollow human rights rhetoric, dismissed the report as dealing with "presumed violations that have been resolved or are in the process of being resolved."
When Human Rights Watch challenged the accusations, the Foreign Ministry pointed out three cases that it considered resolved or in process of being concluded. In the report on rural violence, Human Rights Watch had noted the arrest of the aggressors in two of the cases indicated by the government. Of dozens of other cases detailed in the report, however, the Foreign Ministry failed to indicate any one in which a government official had been prosecuted for having committed a human rights violation.
(http://www.hrw.org/worldreport/Americas-08.htm#P782_159801.)
[53] De plus, le Human Rights Watch Publications du Mexique en 2006 souligne :
The criminal justice system routinely fails to provide justice to victims of violent crime and human rights abuses. The causes of this failure are varied and include corruption, inadequate training and resources, and a lack of political will.
(http://hrw.org/englishwr2k7/docs/2007/01/11/mexico14885.htm.)
[54] La Commission a fondé sa décision sur une partie limitée du document de 2003. La preuve documentaire consultée par la Commission, et les autres sources citées plus haut confirment le récit du demandeur et contredisent la conclusion de la Commission. La Commission a commis une erreur manifeste en citant qu’une partie de ce document. Les extraits cité plus haut illustrent la situation politique du Mexique et plus particulièrement le Chiapas depuis 1994 de sorte qu’il ait raisonnable de conclure que, malgré la prétention d’absence de preuve documentaire, le récit du demandeur est plausible.
Invraisemblance et communications entre le demandeur et la Croix-Rouge
[55] Finalement, la Commission a noté:
[...] la version des faits concernant les communications entre le demandeur et la Croix rouge mexicaine varie, que ces variations minent la crédibilité du demandeur et, en outre, qu’il est invraisemblable que les autorités de la Croix rouge mexicaine aient pu négliger une information voulant que l’un de leurs bénévoles soit menacé de mort parce qu’il détient des informations et des photos compromettantes pour l’armée mexicaine.
(Décision de la Commission, p. 4, par. 1.)
[56] Ayant examiné le dossier, la Cour constate que le témoignage du demandeur en concert avec la preuve documentaire expliquent pourquoi il n’a pas été en mesure d’obtenir l’aide de la Croix-Rouge mexicaine.
[57] Le demandeur a affirmé que la seule entité assez forte pour pouvoir l’aider lors des évènements en 1994 était la délégation centrale de la Croix-Rouge mexicaine. Or, son unité était petite et isolée dans la jungle, et qu’il y avait absence de communication, de plus il affirme :
R : Oui, ça serait importante et ma vie est importante. Mais seulement qu’à l’époque, quand j’ai remis mon rapport, il y a toutes ces années, ma plainte ou ma dénonciation n’a pas eu trop de poids, parce que cette dénonciation, cette plainte a été bloquée par des gens du gouvernement, qui ont dit qu’ils faisaient cela afin d’empêcher qu’une étendue, que ce conflit devienne, ait une étendue plus large et que moi-même j’ai des problèmes.
- Ça c’est une affirmation nouvelle.
Q : Vous aviez déjà parlé dans votre FRP que des gens du gouvernement avaient bloqué votre plainte?
R : Quand je me suis adressé à la police, ils m’ont répondu que c’était normal, que des choses s’étaient passés, des choses des fois qui sont contraires qui contreviennent à la loi.
(Transcription du procès verbal d’une audience à la p. 55.)
[58] Le demandeur explique, en ce qui est de la suite des événements jusqu’en 2006, qu’il en avait parlé à la Croix-Rouge et plus particulièrement :
R : J’en ai parlé au commandant de la Croix-Rouge.
Q : Qui est-il?
R : Il s’appelle Edmundo Salgado S.A.L.G.A.D.O. Peralta.
Q : Et vous lui en avez parlé quand?
R : En 2005, quand j’ai été arrêté et en 2006, quand j’ai subi des lésions. Alors j’ai été soigné de ma blessure à la jambe droite, alors je lui ai dit que bon, que mon problème se poursuivait et ils m’ont dit de me calmer, que bon, qu’ils allaient régler la situation, mais il n’y a pas eu de solution, rien n’a changé.
(Transcription du procès verbal d’une audience à la p. 56)
[59] Questionné sur la raison pour laquelle le demandeur n’avait pas produit de lettre de la part de Monsieur Peralta, le demandeur explique :
R : […] J’ai communiqué avec lui par téléphone, pour voir s’il pouvait m’envoyer une déclaration où il parlerait des conflits armés et de mon problème. La réponse a été que mon dossier était déjà dans les archives et étant donné que lui il n’était pas commandant à l’époque où les événements se sont produits au Chiapas, qu’il ne pouvait pas vraiment répondre pour moi ou être une espèce de garant ou prendre responsabilité, étant donné que lui il a accédé au poste de commandant récemment.
- Oui, mais dans votre cas, Monsieur, il y a également les menaces que vous avez vécues récemment. Ça c’est pas dans les archives.
R : Je lui ai demandé une attestation de mes services et ce qu’il m’a envoyé, c’est bon la seule information qu’il a.
(Transcription du procès verbal d’une audience à la p. 57.)
[60] Le défendeur estime que la variation et le manque de cohérence de ces explications justifie la conclusion de la Commission. Outre, il souligne que la Commission était en droit de tirer une telle conclusion en se basant sur l’arrêt Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2007 CF 62, [2007] A.C.F. no 97 (QL) :
[1] La Cour est d'avis que la Commission peut tirer des conclusions raisonnables fondées sur des invraisemblances, le bon sens et la rationalité, et peut rejeter un témoignage s'il ne concorde pas avec les probabilités de l'ensemble de l'affaire. (Aguebor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 732 (QL); Alizadeh c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 11 (QL); Shahamati c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1994] A.C.F. no 415 (QL))
[61] Il faut noter que la Commission doit pouvoir appliquer sa compréhension du comportement humain lorsqu'elle établit si le récit du demandeur est vraisemblable. (Voir Gonzalez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] A.C.F. no 805, par. 27 (1re inst.) (QL).)
[62] Le juge Darrel V. Heald note dans l’affaire Maldonado c. Canada (Le ministre de l'Emploi et de l'Immigration), 1980 2 C.F. 302 (QL) :
[5] [...] la véracité des déclarations sous serment du requérant susmentionnées. Quand un requérant jure que certaines allégations sont vraies, cela crée une présomption qu'elles le sont, à moins qu'il n'existe des raisons d'en douter. En l'espèce, je ne vois aucune raison valable pour la Commission de douter de la sincérité des allégations susmentionnées du requérant.
[63] L’omission du demandeur d’indiquer cette information dans son FRP pourrait effectivement mener la Commission à douter de sa crédibilité, toutefois, l’examen de la preuve permet de constater que le demandeur a clairement expliqué que sa demande auprès de la Croix-Rouge fut infructueuse.
(2) La Commission a-t-elle commise une erreur en concluant que les allégations de Mme Zuniga sont totalement dépendantes du récit du demandeur principal et que leur crédibilités sont minée par les nombreuses contradictions, omissions et invraisemblances contenues dans le témoignage de ce dernier?
[64] La règle 49 des Règles de la Section de la protection des réfugiés, D.O.R.S./2002-228 exige le conseil de joindre la demande d’asile d'un réclamant à une faite par son époux / épouse.
[65] Le juge James O’Reilly dans Ramnauth c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 233, [2004] A.C.F. no 305 (QL), a discuté des considérations nécessaire lorsque des revendications sont entendues simultanément. Il a tenu, en citant Zewedu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2000] A.C.F. no 1369 (QL) (1re inst.) :
[9] […] les motifs doivent faire état du fondement de sa décision à l'égard de chacun des demandeurs. La question qu'il faut se poser est de savoir si "la jonction s'est traduite par une injustice à l'égard de l'une ou l'autre des revendications entendues simultanément.
[66] Malgré le fait d’avoir soumis individuellement des FRP, les demandeurs n’ont soumis qu’une histoire. La demanderesse a témoigné lors de l’audience à l’effet qu’elle a reçu des menaces de mort des policiers qui persécutaient monsieur Utrera et, ce, afin d’obtenir par son entremise des informations, cependant elle souligne qu’elle ignorait de quoi ils parlaient. De plus, l’avocat-conseil pour les demandeurs, ne fait aucune réflexion d’incident spécifiquement dans son mémoire ayant rapport à madame Zuniga.
[67] Madame Zuniga n’a soulevé aucune question distincte, par conséquent, la Commission n’a pas commis une erreur lorsqu’elle a déterminé que les allégations de madame Zuniga étaient « totalement dépendantes du récit du demandeur. » Le fait que la Commission publie ces raisons simultanément ne constitue pas un déni de procédure d’équité ni une violation des principes de justice naturel.
CONCLUSION
[68] Le juge Martineau explique que « lorsque la Commission a des motifs de douter de la vraisemblance d'éléments centraux d'une revendication, en outre, elle peut ne prêter aucune foi au reste du témoignage du demandeur. » De plus, « bien que certains points soulevés par la Commission puissent sembler douteux du point de vue du demandeur, il n'en reste pas moins que la conclusion de la Commission se justifie cumulativement ». (Singh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1272, [2002] A.C.F. no 1724, par. 26 (QL).)
[69] Toutefois, le témoignage du requérant explique de façon raisonnable toute incohérence entre les documents que la Commission a pu soulever dans sa décision. Il n'était donc pas loisible, eu égard au contexte dans son ensemble, que la Commission tire des conclusions défavorables et conclut que le récit du requérant n'était pas digne de foi.
[70] Le juge James K. Hugessen de la Cour d’appel fédéral note dans la décision Attakora c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration) (C.A.F.), [1989] A.C.F. no 444 (QL) :
[...] Que le requérant soit ou non un témoin digne de foi - et j'ai déjà indiqué que les motifs de la Commission de conclure qu'il ne l'était pas se fondaient sur des erreurs - cela ne l'empêche pas d'être un réfugié à la condition que ses opinions et ses activités politiques soient susceptibles de conduire à son arrestation et à sa punition.
[…]
[...] Bien que la Commission ait une tâche difficile, elle ne devrait pas manifester une vigilance excessive en examinant à la loupe les dépositions de personnes qui, comme le présent requérant, témoignent par l'intermédiaire d'un interprète et rapportent des horreurs dont il existe des raisons de croire qu'elles ont une réalité objective.
[71] En se penchant exclusivement sur l’incohérence, la Commission a négligé de prendre en compte des points pertinents, telle que la situation politique au Chiapas et a erronément interprété les éléments de preuve présentés.
[72] Comme le cite le juge Teitelbaum dans l’affaire Ahortor c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1993] A.C.F. no 705 :
[45] La Commission semble avoir commis une erreur en déterminant que le requérant n'était pas digne de foi parce qu'il n'était pas capable de fournir des éléments de preuve documentaires corroborant ce qu'il avançait. Comme cela a été le cas dans la décision Attakora, précitée, où la C.A.F. a décrété que le requérant n'était pas tenu de fournir des rapports médicaux pour justifier la blessure dont il disait avoir souffert, on ne s'attend pas non plus en l'espèce à ce que le requérant produise une copie d'un rapport d'arrestation. Le fait de n'avoir pas fourni de document concernant l'arrestation - et il s'agit là d'une conclusion de fait exacte - ne peut être lié à la crédibilité du requérant en l'absence de preuve contredisant les allégations.
[73] La Commission a donc commis une erreur de droit en concluant que la déposition du requérant n'était pas digne de foi. « […] si le récit du demandeur paraît crédible, il faut lui accorder le bénéfice du doute, à moins que de bonnes raisons ne s'y opposent. » (UNHCR, ci-dessus, par. 196).
[74] De plus, tel que cité par le juge Yvon Pinard :
[4] [...] Lorsque la CISR estime que le requérant n'est pas crédible, il ne suffit pas à ce dernier de déposer un document et d'affirmer qu'il est authentique et véridique; une certaine forme de preuve indépendante corroborant cette affirmation est nécessaire afin de compenser les conclusions négatives sur la crédibilité...
(Martinez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2004 CF 637, [2004] A.C.F. no 775 (QL).)
[75] La Commission avait donc un devoir de considérer l’intégralité de la preuve objective sur la situation au Chiapas et pas seulement les passages qui lui convenaient.
[76] « Il importe de remarquer que la présomption de véracité de l'histoire du demandeur peut être déplacée si la preuve documentaire fait défaut de mentionner ce que l'on s'attendrait raisonnablement à ce qu'elle mentionne » (Martinez, ci-dessus, par. 6). En espèce, la preuve documentaire collabore le récit du demandeur et a été écarté infidèlement par la Commission.
[77] Malgré les incohérences signalées par la Commission, l’ensemble du récit du demandeur est plausible. Sa participation au sein de la Croix-Rouge mexicaine a été reconnue crédible de par la preuve documentaire à l’appui et en considérant la situation politique de la région du Chiapas et toute la preuve documentaire, cité ci-haut, il est vraisemblable que le demandeur soit à nouveau persécuté, menacé, surveillé, arrêté et intimidé par des agents de l’État. De plus, « la Commission a le droit de s'appuyer sur la preuve documentaire de préférence au témoignage du demandeur de statut ». (Zhou c. Canada (Ministre de l'Emploi et de l'Immigration, [1994] A.C.F. no 1087 (QL).)
[78] À la lumière de ce qui précède, la demande de contrôle judicaire est accueillie. La décision rendue par la Section du statut de réfugié de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié est annulée et l’affaire est renvoyée à un tribunal différemment constitué pour que la Commission se statue d’une façon qui n’est pas incompatible avec les présents motifs.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie et l’affaire soit retournée pour redétermination par un panel autrement constitué.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2254-07
INTITULÉ : JULIO HERNANDEZ UTRERA
SARI CRUZ BANDA ZUNIGA
c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L'IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : le 14 novembre 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE SHORE
DATE DES MOTIFS : le 20 novembre 2007
COMPARUTIONS :
Me Éveline Fiset
|
POUR LA DEMANDERESSE |
Me Caroline Doyon
|
POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
ÉVELINE FISET Montréal (Québec)
|
POUR LA DEMANDERESSE |
JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur général du Canada
|
POUR LA DÉFENDERESSE |