Toronto (Ontario), le 15 novembre 2007
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
YUYU WANG
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Yunkang Wang (le demandeur principal) et Mme Yuyu Wang (la demanderesse) demandent le contrôle judiciaire de la décision rendue par l’agent des visas Clark Thomas (l’agent des visas) pour le compte du ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration (le défendeur). Dans sa décision datée du 8 juillet 2000, l’agent des visas a rejeté la demande de résidence permanente du demandeur principal au motif que son épouse avait été reconnue coupable d’une infraction au Japon et était, de ce fait, interdite de territoire suivant l’alinéa 36(2)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi).
[2] En juillet 2005, le demandeur principal a présenté une demande de visa de résident permanent pour lui‑même, pour son épouse et pour ses enfants à charge. Il a sollicité la permission d’entrer au Canada en qualité d’« investisseur ». C’est pendant l’examen de la demande que l’agent des visas a appris que la demanderesse avait été reconnue coupable d’une infraction au Japon. Dans une lettre datée du 17 mars 2006, il a demandé des détails au sujet des circonstances de l’infraction.
[3] L’avocat des demandeurs a répondu à cette demande dans une lettre datée du 2 mai 2006 :
[traduction]
INFRACTION À LA LOI SUR L’ÉLECTION DE TITULAIRES DE CHARGE PUBLIQUE
Ça c’est passé l’après‑midi du 21 avril 2003, à Ashiya, lors de l’élection du maire de la ville. Des véhicules de publicité circulaient dans les rues, des orateurs faisaient des annonces et chaque ménage recevait des appels téléphoniques concernant l’élection. Toutes ces activités me dérangeaient, me stressaient et m’énervaient; elles m’ont aussi empêchée de faire une sieste au cours de l’après‑midi. Je me suis donc rendue au bureau électoral situé près de chez moi pour me plaindre. J’ai eu une altercation avec un homme à cet endroit. Il m’a poussée contre la porte et a touché ma poitrine. J’ai réagi inconsciemment à cette attaque soudaine en le frappant avec un parapluie que j’avais avec moi. Il a alors appelé la police et m’a poursuivie pour « infraction à la Loi sur l’élection de titulaires de charge publique ». À l’origine, les deux parties ont été tenues responsables de l’incident et, en raison des délais prévus par la loi électorale, j’ai été poursuivie pour m’être ingérée dans des activités électorales.
[4] La demanderesse n’a pas été invitée à présenter des observations concernant l’infraction criminelle, mais seulement à produire tous les documents, notamment les documents judiciaires, ainsi qu’un [traduction] « exposé circonstancié des faits ayant mené au dépôt de l’accusation ou des accusations criminelles ».
[5] La note suivante a été inscrite dans le STIDI le 12 juillet 2006 :
[traduction] Les documents produits révélaient que l’épouse a été reconnue coupable d’une infraction criminelle au Japon.
[…]
L’ÉPOUSE DU CLIENT, YUYU, A ÉTÉ RECONNUE COUPABLE D’UNE INFRACTION QUI, SI ELLE ÉTAIT COMMISE AU CANADA, CONSTITUERAIT UNE INFRACTION AUX TERMES DE L’ARTICLE 265 DU CODE CRIMINEL. ELLE EST INTERDITE DE TERRITOIRE SUIVANT LE PARAGRAPHE 36(2) DE LA LIPR. ELLE NE SERA ADMISSIBLE À LA RÉADAPTATION QU’EN MAI 2009, AU PLUS TÔT.
[6] La lettre de refus, datée du 28 juillet 2006, expose les raisons pour lesquelles la demande de visa de résident permanent présentée par le demandeur principal a été rejetée :
[traduction] L’alinéa 36(2)c) prévoit que l’étranger qui commet, à l’extérieur du Canada, une infraction qui, si elle était commise au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation est interdit de territoire pour criminalité.
Votre épouse, Yuyu Wang, a commis une infraction – des voies de fait – au Japon le 21 avril 2003. Cet acte constitue une infraction à l’endroit où il a été commis et, s’il avait été commis au Canada, il aurait constitué une infraction à l’article 265 du Code criminel punissable par mise en accusation.
[7] À mon avis, la présente demande devrait être accueillie parce que l’agent des visas n’a pas appliqué le critère juridique de l’équivalence lorsqu’il a examiné l’acte commis par la demanderesse afin de la déclarer interdite de territoire. En vertu du paragraphe 36(2) de la Loi, l’agent des visas aurait dû effectuer une analyse de l’équivalence dans le but de démontrer que la demanderesse avait commis un acte qui, « commi[s] au Canada, constituerait une infraction à une loi fédérale punissable par mise en accusation », aux termes du paragraphe 36(2)c) de la Loi.
[8] Dans Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1987), 73 N.R. 315 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a ainsi décrit les critères qui servent à déterminer l’équivalence des infractions :
[…] Il me
semble que, étant donné la présence des termes « qui constitue […] une
infraction […] au Canada », l’équivalence peut être établie de trois
manières : tout d’abord, en comparant le libellé précis des dispositions
de chacune des lois par un examen documentaire et, s’il s’en trouve de
disponible, par le témoignage d’un expert ou d’experts du droit étranger pour
dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions
respectives; en second lieu, par l’examen de la preuve présentée devant
l’arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d’établir si elle démontrait
de façon suffisante que les éléments essentiels de l’infraction au Canada avaient
été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes
soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs
d’instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d’une
combinaison de cette première et de cette seconde démarche.
[9]
Rien
dans le dossier ne permet de croire que l’agent des visas a effectué une telle
analyse. Or, à mon avis, l’emploi du terme « infraction » à
l’alinéa 36(2)c) justifie une analyse de l’équivalence.
[10] L’agent des visas a commis une erreur susceptible de contrôle en l’espèce et la demande sera accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Aucune question susceptible de certification n’est soulevée.
ORDONNANCE
La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agent des visas est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour qu’une nouvelle décision soit rendue. Aucune question susceptible de certification n’est soulevée.
« E. Heneghan »
Juge
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5555-06
INTITULÉ : YUNKANG WANG
YUYU WANG
C.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 9 NOVEMBRE 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 15 NOVEMBRE 2007
COMPARUTIONS :
D. Clifford Luyt
|
POUR LES DEMANDEURS |
Jamie Todd |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
D. Clifford Luyt Avocat Toronto (Ontario)
|
POUR LES DEMANDEURS |
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |