IN RE : Les articles 45 et 56 de la Loi sur les marques de commerce (L.R.C. 1985, c. T-13) ;
IN RE : Un avis en vertu de l’article 45 de la Loi sur les marques de commerce transmis à la demande de 88766 CANADA INC. à l’encontre du propriétaire inscrit de l’enregistrement LMC283,750, soit MONTE CARLO RESTAURANT LIMITED ;
IN RE : Une décision rendue par le registraire des marques de commerce le 27 septembre 2006 visant la marque MONTE CARLO, objet de l’enregistrement LMC283,750 ;
ENTRE :
Demanderesse
et
MONTE CARLO RESTAURANT LIMITED
MOTIFS DU JUGEMENT
[1] Il s’agit d’un appel, en vertu de l’article 56 de la Loi sur les marques de commerce, L.R.C. (1985), ch. T-13, (ci-après la « Loi ») de la décision de D. Savard pour le registraire des marques de commerce (ci-après le « registraire ») de maintenir la marque de commerce de la défenderesse, MONTE CARLO (ci-après « la marque »), en liaison avec les marchandises « pizza et spaghetti » et les services « [d’]exploitation d’un restaurant, d’un prêt-à-emporter, et d’un service de traiteur. »
[2] À l’audition devant moi, seul le procureur de la demanderesse a comparu, Me Lane, représentant la défenderesse, ayant préalablement avisé le greffe qu’il ne se présenterait pas. C’est donc après audition du procureur de la demanderesse et lecture des mémoires écrits des deux parties que les présents motifs ont été rédigés.
[3] Suite à une demande faite le 26 janvier 2005 par la demanderesse, le registraire a envoyé à la défenderesse, le 10 février 2005, un avis, conformément à l’article 45 de la Loi. Cet avis enjoignait à la défenderesse, comme propriétaire inscrite de la marque, de fournir un affidavit démontrant que la marque avait été employée par cette dernière dans les derniers trois ans.
[4] Le 27 septembre 2006, le registraire a décidé de maintenir l’enregistrement de la marque en liaison avec les marchandises « pizza et spaghetti » et les services « exploitation d’un restaurant, d’un prêt-à-emporter, et d’un service de traiteur, » et de rayer l’enregistrement de la marque en liaison avec « l’exploitation d’un bar et d’une salle de banquet. »
[5] L’article 45 de la Loi permet à une partie de demander que le registraire envoie un avis au propriétaire inscrit d’une marque de commerce lui ordonnant de fournir « un affidavit ou une déclaration solennelle indiquant, à l’égard de chacune des marchandises ou de chacun des services que spécifie l’enregistrement, si la marque de commerce a été employée au Canada à un moment quelconque au cours des trois ans précédant la date de l’avis ». L’article 4 de la Loi définit le terme « employée » ainsi :
4. (1) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des marchandises si, lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, elle est apposée sur les marchandises mêmes ou sur les colis dans lesquels ces marchandises sont distribuées, ou si elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée.
(2) Une marque de commerce est réputée employée en liaison avec des services si elle est employée ou montrée dans l’exécution ou l’annonce de ces services.
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4. (1) A trade-mark is deemed to be used in association with wares if, at the time of the transfer of the property in or possession of the wares, in the normal course of trade, it is marked on the wares themselves or on the packages in which they are distributed or it is in any other manner so associated with the wares that notice of the association is then given to the person to whom the property or possession is transferred.
(2) A trade-mark is deemed to be used in association with services if it is used or displayed in the performance or advertising of those services.
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[6] Si le propriétaire ne fournit pas de la preuve établissant que la marque de commerce a été employée dans les trois ans précédant l’avis, « l’enregistrement de cette marque de commerce est susceptible de radiation ou de modification en conséquence. »
[7] La norme de contrôle applicable à semblable décision du registraire peut varier selon que de nouvelles preuves ont été déposées ou non. En l’espèce, comme il n’y a aucun nouvel élément de preuve, la norme applicable est celle de la décision déraisonnable, ce sur quoi d’ailleurs les deux parties s’entendent (Mattel, Inc. c. 3894207 Canada Inc., [2006] 1 R.C.S. 772, aux paragraphes 32 à 41; Spirits International N.V. v. Registrar of Trade-marks, 2006 FC 520; Express File Inc. v. HRB Royalty Inc., 2005 FC 542, (2005), 39 C.P.R. (4th) 59).
[8] L’article 45 de la Loi permet au registraire de radier les marques de commerce enregistrées qui ne sont pas réclamées bona fide par leurs propriétaires comme marques de commerce actives. Seulement le propriétaire inscrit peut fournir une preuve susceptible d’établir des faits qui permettent au registraire de déterminer si la marque de commerce est « employée » conformément à l’article 4 de la Loi. Les circonstances spéciales de l’article 45 créent une obligation auprès du registraire de s’assurer que la preuve fournie est solide et fiable. De plus, la preuve doit permettre au registraire de s’assurer que la marque de commerce a été utilisée durant la période pertinente, c’est-à-dire, au cours des trois ans qui précèdent l’avis en vertu de l’article 45 (Boutique Limité Inc. c. Limco Investments, Inc. (1998), 84 C.P.R. (3d) 164, [1998] A.C.F. no 1419 (C.A.F.) (QL)).
[9] La demanderesse prétend que l’affidavit de monsieur Galli n’établit pas l’emploi de la marque pour la période pertinente, et ce, en regard tant des services que des marchandises concernés. Je suis du même avis. La seule période établie par l’affidavit, à cet égard, est l’affirmation de monsieur Galli voulant que les circulaires aient été distribuées dans les derniers cinq ans. Or, la période pertinente est celle des derniers trois ans. Il n’y a aucune preuve qui démontre que les circulaires ont été distribuées durant cette dernière période. Quant à la photo que monsieur Galli allègue être affichée dans les restaurants, l’affidavit ne dit pas clairement que tel était le cas durant la période pertinente. Il aurait pourtant été facile pour monsieur Galli d’affirmer ces faits, à savoir que les circulaires avaient été distribuées et que la photo était affichée entre le 10 février 2002 et le 10 février 2005. Il ne l’a pas fait.
[10] Il importe aussi de souligner qu’en choisissant, comme elle l’a fait, de ne pas produire un affidavit fournissant les précisions nécessaires devant cette Cour, ce qui bien sûr aurait permis à la demanderesse de contre-interroger l’affiant, la défenderesse ne peut que s’en remettre exclusivement à la preuve déficiente devant le registraire.
[11] Dans l’arrêt Boutique Limité Inc., ci-dessus, la Cour d’appel fédérale a maintenu la décision du registraire rayant une marque de commerce parce que, même s’il y avait de la preuve tendant à établir que la marque était employée, la Cour a constaté un « manque constant de précision en ce qui a trait aux dates auxquelles chaque marchandise aurait été vendue. » C’est au propriétaire inscrit de fournir une preuve claire sur laquelle le registraire peut baser sa détermination que la marque de commerce a été « employée ». À mon avis, en l’espèce, il était déraisonnable pour le registraire de supposer que, parce qu’une circulaire contenait une offre se terminant le 31 juillet 2005, cette circulaire avait nécessairement été distribuée durant la période pertinente.
[12] De plus, quant aux marchandises « pizza et spaghetti, » le paragraphe 4(1) établit qu’une marque de commerce est employée en liaison avec une marchandise si, « lors du transfert de la propriété ou de la possession de ces marchandises, dans la pratique normale du commerce, […] elle est, de toute autre manière, liée aux marchandises à tel point qu’avis de liaison est alors donné à la personne à qui la propriété ou possession est transférée. » Le registraire a déterminé que ceci était établi en l’espèce parce que les circulaires, qui offrent la pizza et le spaghetti, et qui comportent la marque, étaient probablement utilisées par les clients qui commandent les marchandises.
[13] Or, dans BMW Canada Inc. v. Nissan Canada Inc., 2007 FCA 255, une décision rendue le 12 juillet 2007, la Cour d’appel fédérale précise, au paragraphe 25 :
. . . For the use of a mark in advertisement and promotional material to be sufficiently associated with a ware to constitute use, the advertisements and promotional material would have to be given at the time of transfer of the property in or possession of the wares.
[14] Ici, le registraire n’a pas fait l’analyse pour déterminer si les clients utilisaient les circulaires lors du transfert de propriété ou de possession de la marchandise en question. Il n’existe aucune preuve à cet égard.
[15] Pour toutes ces raisons, le refus du registraire, dans les circonstances, de procéder à la radiation en totalité de l’enregistrement LMC 283,750 pour la marque de commerce MONTE CARLO est déraisonnable.
[16] Il s’ensuit que l’appel de la demanderesse doit être accueilli et qu’il doit être ordonné que le registraire radie l’enregistrement de la marque en question, le tout avec dépens contre la défenderesse.
Ottawa (Ontario)
Le 15 novembre 2007
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2070-06
INTITULÉ : 88766 CANADA INC. c. MONTE CARLO RESTAURANT LIMITED
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATES DE L’AUDIENCE : Le 15 octobre 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : Le juge Pinard
DATE DES MOTIFS : Le 15 novembre 2007
COMPARUTION :
Me Barry Gamache
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POUR LA DEMANDERESSE |
Aucune
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POUR LA DÉFENDERESSE |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Léger Robic Richard, S.E.N.C.R.L. Montréal (Québec)
Sim, Lowman, Ashton & McKay LLP Toronto (Ontario) |
POUR LA DEMANDERESSE
POUR LA DÉFENDERESSE
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