Ottawa (Ontario), le 13 novembre 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
et
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Newman est arrivé au Canada en provenance de la Jamaïque en 1987. Il est devenu un résident permanent ici en 1995. En 2002, M. Newman a fait l’objet d’une mesure d’expulsion du Canada après avoir été reconnu coupable d’avoir fraudé l’aide sociale, de tentative d’entrave à la justice et de défaut de comparaître. En 2003, la Section d’appel de l’immigration (la SAI) a sursis, à certaines conditions, à l’exécution de la mesure d’expulsion de M. Newman. En 2006, la SAI a décidé que la mesure d’expulsion initiale devait être annulée.
[2] Le ministre de la Sécurité publique et de la protection civile soutient que la décision de la SAI ne reposait pas sur la preuve dont elle disposait. Le ministre me demande d’ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différemment constitué de la SAI. M. Newman n’a pas comparu à l’instruction de la présente demande de contrôle judiciaire. Après examen du dossier, je suis d’accord pour dire que la décision de la SAI n’était pas conforme à la preuve dont la SAI disposait et je vais par conséquent ordonner la tenue d’une nouvelle audience.
I. Question
[3] La décision de la SAI reposait-elle sur la preuve?
II. Analyse
a) La décision de la SAI
[4] La SAI a correctement identifié les critères dont il y a lieu de tenir compte pour décider si une personne se trouvant dans la situation de M. Newman devrait être autorisée à demeurer au Canada. En résumé, ces critères sont notamment la gravité du crime original, la possibilité de réadaptation, le degré d’établissement au Canada; les incidences sur la famille de l’intéressé, y compris l’intérêt supérieur des enfants; le soutien sur lequel l’intéressé peut compter dans son milieu et les difficultés auxquelles il serait confronté s’il était renvoyé du Canada (Chieu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CSC 3, [2002] A.C.F. no 1 (QL)).
[5] De façon générale, la SAI a conclu que peu de choses avaient changé depuis que le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion avait été accordé en 2003 et qu’en conséquence, les facteurs applicables continuaient à favoriser de permettre à M. Newman de demeurer au Canada. Le ministre conteste toutefois énergiquement une des conclusions de la SAI, en l’occurrence que les risques de récidive de M. Newman sont faibles.
[6] La SAI était bien consciente du fait que M. Newman ne s’était pas conformé aux conditions dont le sursis à l’exécution de la mesure d’expulsion était assorti. D’ailleurs, la SAI a déclaré que M. Newman n’avait pas pris au sérieux ces conditions et elle a qualifié son comportement d’inacceptable. La SAI était également au courant du fait que M. Newman avait commis de nombreuses infractions au code de la route, qu’il n’avait pas réglé les amendes auxquelles il avait été condamné et qu’il avait été condamné à une peine d’emprisonnement pour avoir conduit alors que son permis était suspendu (son permis avait été suspendu de façon permanente en 1993). La SAI a quand même souligné le fait que M. Newman n’avait pas commis d’infractions criminelles au cours des cinq années précédentes. Elle a par conséquent conclu que le critère de la réadaptation penchait toujours en faveur de M. Newman.
[7] Je suis d’accord avec le ministre pour dire que la SAI n’a pas expliqué comment les éléments de preuve relatifs à la conduite de M. Newman au cours des dernières années permettaient de conclure à sa réadaptation. La SAI a déclaré qu’elle ne pouvait inférer de la longue liste d’infractions au code de la route de M. Newman, de son défaut de payer ses amendes et de son défaut de réparer ses crimes qu’il récidiverait. Elle a également déclaré qu’elle se fondait sur le raisonnement qu’elle avait elle-même suivi antérieurement (Simas c. Canada (Sécurité publique et protection civile) (SAIT99-11275)) pour en arriver à cette conclusion. Dans la décision Simas, la SAI a conclu que l’appelant n’avait pas réussi à démontrer qu’il s’était réadapté alors que la preuve démontrait qu’il avait refusé de se plier aux conditions de son sursis, qu’il avait été reconnu coupable de diverses infractions provinciales (à la Loi sur les permis d’alcool, L.S.O. 1990 ch. L. 19 et au Code de la route de l’Ontario, L.R.O. 1990, ch. H. 8), et qu’il n’avait pas payé les amendes auxquelles il avait été condamné. La SAI a exigé de l’appelant qu’il démontre que le facteur de la réadaptation [traduction] « faisait nettement pencher la balance en sa faveur » (au paragraphe 13) et a conclu qu’en raison de sa désobéissance, l’appelant ne s’était pas acquitté de cette charge de la preuve. Je n’arrive pas à voir comment la conclusion de la SAI au sujet de la réadaptation de M. Newman cadre avec la preuve dont elle disposait ou avec l’analyse effectuée dans la décision sur laquelle elle prétendait se fonder.
[8] Je dois donc accueillir la présente demande de contrôle judiciaire et ordonner la tenue d’une nouvelle audience devant un tribunal différent de la SAI. Aucune question grave de portée générale ne sera formulée.
JUGEMENT
1.
La demande de contrôle
judiciaire est accueillie;
2.
L’affaire est renvoyée
à la Section d’appel de l’immigration pour faire l’objet d’une nouvelle
audience devant un tribunal différemment constitué;
3.
Aucune question grave
de portée générale n’est formulée.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5642-06
INTITULÉ : LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
ET DE LA PROTECTION CIVILE
c. COLIN ANTHONY NEWMAN
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 29 OCTOBRE 2007
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : LE 13 NOVEMBRE 2007
COMPARUTIONS :
Me Stephen H. Gold
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Personne n’a comparu |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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Colin Anthony Newman Toronto (Ontario)
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