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Date : 20071106

Dossier : IMM-4085-07

Référence : 2007 CF 1153

Toronto (Ontario), le 6 novembre 2007

En présence de monsieur le juge Lemieux

 

ENTRE :

SUSEENTHIRAN THARMARATNAM

 

demandeur

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

défendeur

 

MOTIFS DE L'ORDONNANCE ET ORDONNANCE

[1]               La présente demande de sursis à l’exécution de la mesure de renvoi prévue cet après‑midi présentée par le demandeur doit être rejetée pour les motifs qui suivent.

 

[2]               La demande de contrôle judiciaire sous‑jacente à laquelle se greffe la présente demande de sursis est une décision rendue le 22 octobre 2007 par un agent chargé de l’examen des risques avant renvoi (l’ERAR) qui a estimé que le second ERAR présenté par le demandeur le 6 juin 2006 devait être rejeté. L’agent d’ERAR a conclu que le demandeur ne serait pas exposé à un risque de persécution ou de torture, à une menace à sa vie, ou à un risque de traitements ou peines cruels et inusités s’il retournait au Sri Lanka.

 

[3]               Les faits qui suivent sont pertinents. Le demandeur est un Tamoul âgé de 30 ans originaire du Nord du Sri Lanka. Il est venu au Canada en 1993 à l’âge de 15 ans en qualité de résident permanent parrainé par son père à qui l’on avait accordé le statut de réfugié. Au moment du parrainage, le demandeur, sa mère et toute sa fratrie demeuraient en Inde depuis 1990 parce que leur maison et leur entreprise avaient été réquisitionnées par les Tigres de libération de l’Eelam tamoul (les TLET) pendant la guerre civile.

 

[4]               En 1999, sous l’ancienne Loi sur l’immigration, le demandeur a été frappé d’une mesure de renvoi au motif qu’il avait été déclaré interdit de territoire pour grande criminalité. Il a interjeté appel de la mesure de renvoi auprès de la Commission d’appel de l’immigration (la CAI), qui a rejeté l’appel. Le 5 novembre 2004, la CAI a estimé que la mesure de renvoi était valide parce que le demandeur n’en avait pas contesté la validité et, surtout, elle a refusé d’exercer son pouvoir discrétionnaire et de surseoir à l’exécution de la mesure de renvoi en raison de son casier judiciaire qui fait était de huit déclarations de culpabilité, dont quatre portaient sur des infractions armées ou violentes. La CAI a conclu qu’il était membre d’un gang lorsqu’il avait commis ces crimes; il avait appartenu au Gilder Boys de 1997 à 2001 et à un gang dissident, de 2001 à 2004.

 

[5]               Le demandeur a contesté la décision de la CAI auprès de la Cour fédérale, et la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire a été rejetée le 23 février 2005.

 

[6]               Le demandeur a présenté sa première demande d’ERAR le 4 janvier 2005, et son avocat a déposé ses observations le 15 janvier 2005, dans lesquelles il mentionnait qu’il y avait un risque que le demandeur soit recruté de force ou extorqué par les TLET s’il retournait dans le Nord du Sri Lanka, région contrôlée par les TLET, et qu’il y avait un risque de persécution aux mains de la police ou de l’armée sri‑lankaise du fait qu’il était un jeune Tamoul appartenant ou supportant les TLET.

 

[7]               L’agent d’ERAR a rejeté la demande d’ERAR du demandeur le 19 avril 2006. Il a conclu qu’il y avait une possibilité sérieuse de persécution parce que le demandeur pourrait être recruté de force par les TLET s’il retournait dans le Nord du Sri Lanka, région contrôlée par les TLET.

 

[8]               Cependant, l’agent d’ERAR a conclu qu’il y avait une possibilité de refuge intérieur viable à Colombo. Il a conclu que la preuve ne révélait pas que les membres de gangs liés aux TLET au Canada étaient persécutés au Sri Lanka que ce soit par les TLET ou par le gouvernement. À l’appui de cette conclusion, l’agent d’ERAR s’est fondé sur le témoignage d’un agent du Service extérieur canadien du haut‑commissariat à Colombo qui a affirmé que les rapatriés, les demandeurs d’asile déboutés ou les membres connus de gangs n’avaient pas été détenus à leur arrivée à l’aéroport à Colombo. L’agent d’ERAR a mentionné que cette affirmation était étayée par d’autres sources objectives et fiables, notamment par le U.K. Home Office Science and Research Group [le groupe scientifique de recherche du Home Office].

 

[9]               Le demandeur a présenté une demande d’autorisation et de contrôle judiciaire de la décision de l’agent d’ERAR auprès de la Cour fédérale et a sollicité un sursis à l’exécution de la mesure de renvoi. Le 19 juin 2006, le juge Beaudry a rejeté la demande de sursis parce qu’il était d’avis que [traduction] « le demandeur n’a fourni aucune observation sensée selon laquelle l’agent d’ERAR avait commis une erreur. Il n’y a aucune question sérieuse à trancher. » Le juge Beaudry a également conclu que la prépondérance de la preuve penchait en faveur de la position du ministre parce que [traduction] « le demandeur a un lourd casier judiciaire ».

 

[10]           Le demandeur a présenté sa seconde demande d’ERAR le 6 juin 2006. Son avocat a déposé de nouveaux éléments de preuve documentaire portant essentiellement sur des faits survenus en avril, mai et juin 2006. L’agent d’ERAR a rejeté la seconde demande d’ERAR le 22 octobre 2007. Il a estimé que le demandeur avait fait valoir les mêmes risques que ceux qu’il avait plaidés dans sa première demande d’ERAR. Il a cité, avec approbation, la conclusion du premier agent d’ERAR, selon laquelle les membres connus de gangs n’étaient pas détenus à leur arrivée à l’aéroport à Colombo, ou bien n’étaient pas arrêtés ou victimes d’incidents malheureux. Il a confirmé l’examen effectué par le premier agent d’ERAR quant à la possibilité de refuge intérieur viable à Colombo.

 

[11]           Le deuxième agent d’ERAR a accepté que la preuve présentée par le demandeur constituait une preuve nouvelle. Il a effectué son propre examen de la situation qui avait cours au Sri Lanka alors et il a particulièrement tenu compte du rapport du Département d’État des États‑Unis de mars 2007, du rapport du Home Office du 4 septembre 2007 et de la section du site Internet Portail sur le terrorisme en Asie du Sud consacrée au Sri Lanka en date du 19 octobre 2007.

 

[12]           Le deuxième agent d’ERAR a conclu que le demandeur n’avait pas fourni une preuve objective établissant qu’un risque nouveau personnel au demandeur s’était concrétisé depuis le rejet de sa première demande d’ERAR.

 

[13]           En ce qui concerne la question sérieuse à trancher, l’avocat du demandeur allègue que l’agent d’ERAR a soit négligé, soit mal interprété la nouvelle preuve. Il a mis l’accent sur le rapport du Home Office du 4 septembre 2007 et, plus particulièrement, sur les paragraphes 20.15 et 28.10, selon lesquels les Tamouls du Nord et de l’Est du Sri Lanka qui ont réussi à se rendre à Colombo pourraient être victimes d’arrestations arbitraires, de détention ou d’autres formes de violations des droits de la personne. L’avocat du demandeur s’est également fondé sur le rapport du Human Rights Watch d’août 2007, selon lequel le profil typique de la personne détenue en vertu du Emergency Regulations [Règlement sur les mesures d’urgence] était les Tamouls âgés de 18 à 40 ans. Il affirme que son argument doit être pris dans le contexte suivant : étant donné que la conclusion de l’agent d’ERAR englobait la persécution au sens de l’article 96 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, le seul élément qui devait être établi était que, si le demandeur retournait au Sri Lanka, il serait exposé à une sérieuse possibilité de persécution.

 

[14]           Je ne peux trouver de question sérieuse à trancher dans les arguments de l’avocat du demandeur. L’analyse relative à la question sérieuse doit être effectuée dans le contexte d’une erreur allégué par le demandeur. Il s’agit d’une erreur de fait et la norme applicable est la décision manifestement déraisonnable.

 

[15]           Je ne peux voir aucune erreur de fait dans la décision de l’agent d’ERAR. Que l’agent d’ERAR se soit fondé sur certains paragraphes du rapport du Home Office ne signifie pas ce que l’avocat du demandeur affirme que cela signifie, parce que ces paragraphes doivent être interprétés de concert avec l’ensemble de la preuve documentaire sur laquelle s’est fondé l’agent d’ERAR et, en particulier, de concert avec la conclusion selon laquelle il existait une possibilité de refuge intérieur viable, conclusion tirée sur le fondement de la preuve objective concernant le traitement réservé aux demandeurs d’asile déboutés qui étaient des membres connus de gangs liés aux TLET. L’avocat du demandeur ne m’a pas convaincu que le demandeur avait un profil qui donnait raisonnablement à penser qu’il serait pris pour cible par la police ou par l’armée sri‑lankaise. La preuve d’offensive à Colombo visant principalement les Tamouls et les ennuis que cause au demandeur son incapacité à parler le cinghalais n’équivaut pas à de la persécution. L’avocat du demandeur n’a présenté aucun élément de preuve établissant que le fait que l’agent d’ERAR se soit fondé sur la preuve documentaire constituait une erreur. C’est d’autant plus vrai étant donné que le point de départ était la première décision d’ERAR dans le cadre de laquelle le juge Beaudry a conclu qu’aucune question sérieuse ne découlait de la première décision d’ERAR et la Cour a conclu que la demande d’autorisation et de contrôle judiciaire était rejetée.

 

[16]           Vu la présente analyse, selon laquelle il n’y aucune question sérieuse, aucun préjudice irréparable n’a été établi.

 

[17]           La prépondérance des inconvénients penche en faveur du ministre et je fais miens les propos du juge Beaudry au sujet de l’imposant casier judiciaire du demandeur (voir également la décision Sinnarajah c. Ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile, 2007 CF 895, paragraphe 12).

 


ORDONNANCE

 

LA COUR ORDONNE : la demande de sursis est rejetée.

 

« François Lemieux »

Juge

 

 

 

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Jean-François Martin, LL.B., M.A.Trad.jur.


 

COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                                    IMM-4085-07

 

INTITULÉ :                                                   SUSEENTHIRAN THARMARATNAM c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ DE DE L’IMMIGRATION

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                             TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                           LE 5 NOVEMBRE 2007

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   LE JUGE LEMIEUX

 

 

DATE DES  MOTIFS :                                 LE 6 NOVEMBRE 2007        

 

 

COMPARUTIONS :

 

David Orman                                                    POUR LE DEMANDEUR

 

Ned Djordjevic                                                POUR LE DÉFENDEUR

                                                                                   

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

David Orman

Avocat                                                             POUR LE DEMANDEUR

Toronto (Ontario)

                                                                                                         

 

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur général du Canada                   POUR LE DÉFENDEUR

 

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