Date : 20071102
Ottawa (Ontario), le 2 novembre 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HUGESSEN
ENTRE :
(défenderesse reconventionnelle)
et
(demanderesse reconventionnelle)
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
INTRODUCTION
[1] Il s’agit de l’appel interjeté par une personne qui n’est pas partie à l’instance, Mega Lift Systems LLC (MLS), des paragraphes 2 et 3 d’une ordonnance prononcée par le protonotaire à la suite d’un examen de l’état de l’instance. Voici le texte intégral de l’ordonnance en question :
[traduction]
1. L’action sera poursuivie à titre d’instance à gestion spéciale.
2. Mega Lift Systems LLC devra sans délai et d’ici [sic] le 16 juillet 2007 faire les diligences nécessaires pour se voir reconnaître la qualité requise pour poursuivre l’instance au nom de la défenderesse.
3. La demanderesse est dispensée de l’obligation de déposer et de signifier une réponse et une défense à la demande reconventionnelle jusqu’à ce que la Cour rende une autre ordonnance ou donne d’autres directives.
LES FAITS
[2] MLS est actionnaire à 50 pour 100 de la société défenderesse Mega Lift Incorporated (MLI). Le 31 janvier 2006, la demanderesse MGM Well Service, Inc. (MGM) a déposé, dans le cadre de la présente action, une déclaration dans laquelle elle accusait MLI d’avoir contrefait plusieurs des revendications de son brevet canadien no 2 425 573. Une défense et une demande reconventionnelle ont été déposées pour le compte de MLI le 18 avril 2006. Malgré l’ordre qu’elle a reçu, MLI n’a jamais fourni de détails au sujet de ce dernier acte de procédure. Un procès parallèle est en cours aux États-Unis, où MGM a maintenant obtenu un jugement définitif en sa faveur.
[3] Le 15 novembre 2006, la Cour du Banc de la Reine de l’Alberta a, de consentement, ordonné la liquidation de MLI. Deux personnes ont été nommées à titre de liquidateurs conjoints : la première était le mandant de MLS et l’autre, le titulaire de l’autre moitié des actions de MLI. L’ordonnance était censée accorder à MLS l’autorisation d’intervenir dans la présente action [traduction] « pour introduire, contester ou régler à l'amiable l’action portée devant la Cour fédérale, selon ce qu’elle jugera à propos et à sa plus entière discrétion ».
ANALYSE
[4]
MLS soutient que la
décision du protonotaire est susceptible de contrôle
judiciaire tant parce qu’elle tranche en partie la question finale soulevée au
principal que parce qu’elle repose sur un principe de droit erroné. Ces deux
prétentions sont malheureusement mal formulées. L’ordonnance est de nature
purement procédurale et elle ne vise qu’à aviser MLS que si, elle souhaite
exercer les pouvoirs qui sont censés lui avoir été conférés par le tribunal
albertain, elle doit entreprendre certaines démarches pour être constituée
partie à la présente action. Cette mesure ne peut avoir qu’une incidence
lointaine sur l’issue finale de l’action qui, rappelons-le, porte sur une
présumée contrefaçon de brevet. L’idée, vraisemblablement avancée sérieusement
dans les observations formulées en réponse, que le fait pour MLS de ne pas se
conformer à cette ordonnance l’expose au risque d’être déclarée coupable
d’outrage au tribunal est tout simplement ridicule; l’ordonnance n’oblige pas
MLI à faire quoi que ce soit et, à mon avis, la conséquence la plus grave que
son inobservation pourrait entraîner pour MLS est le fait que l’action intentée
contre sa filiale, MLI, pourrait se solder par le prononcé d’un jugement par
défaut. C’est à MLS qu’il appartient de décider si elle souhaite ou non exercer
un contrôle sur la conduite de la défense et de la demande reconventionnelle de
MLI, auquel cas elle doit alors se conformer aux directives contenues dans
l’ordonnance.
[5] La proposition que MLS a le [traduction] « contrôle administratif » (quel que soit le sens de cette expression) sur la conduite de sa défense à l’action sans avoir à faire elle‑même quelque diligence que ce soit dans la présente instance me semble fort douteuse; il me semble que le fait que le tribunal albertain emploie la conjonction « et » dans son ordonnance pour établir en lien entre le pouvoir d’intervenir et l’exercice d’un contrôle sur le déroulement de l’action a pour effet de rendre le second volet conditionnel au premier. Toute autre interprétation produirait le résultat étrange de permettre à MLS de contrôler le déroulement d’une instance au nom d’une société en voie de liquidation sans que des liquidateurs n’interviennent et sans risquer elle-même d’être condamnée aux dépens en cas de défaut. Comme MLI est maintenant en voie de liquidation, il semble qu’il s’agisse probablement d’une coquille vide; MLS, en tant que non-résident, pourrait évidemment se voir dans l’obligation de déposer une caution judicatum solvi, mais seulement si elle est constituée partie à l’action et à ce moment-là uniquement.
[6] Enfin, laisser entendre, comme MLI le fait dans ses observations, que le protonotaire a commis une erreur de droit en estimant, à tort, que l’article 117 des Règles s’applique à la position de MLS est, encore là, tout simplement fautif. Certes, le protonotaire mentionne effectivement l’article 117, mais on ne sait pas avec certitude s’il s’applique ou non, eu égard aux circonstances, ni ─ et cet aspect est encore plus crucial ─ si l’ordonnance empêche de citer toute autre disposition qui pourrait s’appliquer, notamment l’article 109. Tout ce que l’ordonnance exige, c’est que MLS fasse les diligences nécessaires pour obtenir la qualité pour agir sans préciser les mesures qu’elle doit prendre.
[7] Il y a quelques autres questions d’ordre technique et procédural qui ont été soulevées par les avocats qui occupent pour MLS et MLI et dont je dois faire mention par souci d’exhaustivité. Ils font tout d’abord valoir que MLS n’a pas été avisée de l’examen de l’état de l’instance. Or, ces avocats avaient eux-mêmes déjà écrit à la Cour pour l’informer qu’ils représentaient à la fois MLI et MLS conformément à l’ordonnance du tribunal albertain. Ils sont malvenus de prétendre maintenant que MLS n’a pas été avisée de l’examen de l’état de l’instance. En tout état de cause, comme MLS a pleinement participé, par le biais de ces mêmes avocats, à l’instance qui s’est soldée par l’ordonnance en question, ainsi qu’à la présente requête, MLS n’a de toute évidence subi aucun préjudice d’un quelconque présumé défaut d’avis.
[8] Le même raisonnement vaut pour l’argument des mêmes avocats suivant lequel le dossier de la requête en réponse a été signifié irrégulièrement et a été déposé après l’expiration des délais. Dans la mesure où cela est nécessaire, je corrigerais ce présumé vice en déclarant que le dossier de la requête en réponse est, à toutes fins utiles, réputé avoir été signifié régulièrement et avoir été déposé avant l’expiration des délais et que le requérant n’a subi aucun préjudice de ces présumés vices.
[9] J’ai précisé au départ que la présente requête était présentée par une personne qui n’est pas partie à l’instance. C’est un fait. Conclure autrement reviendrait à faire emporter la forme sur le fond et permettrait à MLS de participer activement à la contestation de l’action sans engager sa responsabilité envers la demanderesse, ce que la Cour ne saurait tolérer. À mon avis, MLS et ses avocats ont agi sournoisement en l’espèce et n’ont pas respecté l’esprit des Règles en général et de l’article 3 en particulier. La présente requête n’aurait pas dû être présentée. MLS devrait supporter les dépens de la présente requête, qui sont fixés à la somme de 2 500 $, laquelle sera payable sur-le-champ et indépendamment de l’issue de la cause.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
La requête est rejetée avec dépens, auxquels MLS est condamnée et qui sont fixés à la somme de 2 500 $, laquelle est payable sur-le-champ et indépendamment de l’issue de la cause.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-174-06
INTITULÉ : MGM WELL SERVICE, INC.
et
MEGA LIFT INCORPORATED
REQUÊTE JUGÉE SUR DOSSIER CONFORMÉMENT À L’ARTICLE 369 DES RÈGLES
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HUGESSEN
DATE DES MOTIFS : le 2 novembre 2007
OBSERVATIONS ÉCRITES :
Me Michael P. Théroux
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Mes Jason R. Mueller-Neuhaus et Lynn S. Cassan
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Bennett Jones LLP Calgary (Alberta)
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Cassan Maclean Ottawa (Ontario)
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