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Date : 20071021

 

Dossier : IMM-4338-07

 

Référence : 2007 CF 1086

 

Ottawa, Ontario, le 21 octobre 2007

 

En présence de monsieur le juge Blanchard

 

 

ENTRE :

 

SAID JAZIRI

 

Demandeur

 

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ

ET DE L’IMMIGRATION

 

Défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE

 

 

[1]               Le demandeur veut obtenir un sursis d’exécution de la mesure d’expulsion à son égard vers la Tunisie, qui doit avoir lieu le 22 octobre 2007, en attendant qu’il soit statué sur sa demande d’autorisation et de contrôle judicaire à l’encontre de la décision négative de l’agent d’examen des risques avant renvoi (ERAR) prononcé le 21 septembre 2007.

 

[2]               Dans un premier temps, à la demande du ministre et avec le consentement du demandeur, l’intitulé sera modifié par l’ajout d’un défendeur, le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile.

 

[3]               Il est admis que le demandeur doit satisfaire au triple critère exposé dans l’arrêt Toth c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1988), 86 N.R. 302 (C.A.F.) : il doit exister une question sérieuse à trancher, un préjudice irréparable s’ensuivra si le sursis n’est pas accordé, et la prépondérance des inconvénients favorise le demandeur. Il est également admis que les trois volets du  critère sont conjonctifs de telle sorte que, si l’une des trois conditions n’est pas remplie, la requête sera rejetée.

 

1.         Les faits

[4]               Un résumé des faits s’impose ici et je reproduis ci-après la chronologie des évènements relativement au statut du demandeur depuis son arrivée au Canada :

 

27 février 1997 :        Le demandeur arrive au Canada, à l’aéroport de Mirabel, et revendique le statut de réfugié.

 

11 février 1998 :        La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) lui accorde le statut de réfugié au sens de la Convention.

 

7 janvier 1999 :         Il devient résident permanent du Canada en qualité de réfugié au sens de la Convention.

 

19 juillet 2005 :          Citoyenneté et Immigration Canada (CIC), suite à des informations obtenues sur le demandeur (que ce dernier avait dissimulées lors de sa demande d’asile), effectue auprès de la CISR une demande d’annulation de son statut de réfugié.

 

22 juin 2006 :            La CISR, suite à plusieurs auditions, annule le statut de réfugié du demandeur selon l’article 109 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001 c. 27 (la LIPR).

 

                                 Du même coup, en vertu de l’alinéa 46(1)d) de la LIPR, ce dernier perd son statut de résident permanent.

 

10 juillet 2006 :          Le demandeur dépose une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la CISR d’annuler son statut de réfugié.

 

31 juillet 2006 :          L’Agence des services frontaliers du Canada (L’ASFC) émet une ordonnance d’expulsion contre le demandeur du fait qu’il est interdit de territoire pour fausses déclarations selon l’alinéa 40(1)c) de la LIPR.

 

28 août 2006 :           Le demandeur dépose une demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision d’expulsion émise par l’ASFC.

 

25 septembre 2006 :  La Cour fédérale rejette la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de la CISR annulant le statut de réfugié du demandeur.

 

8 novembre 2006 :    La Cour fédérale rejette la demande d’autorisation de contrôle judiciaire de la décision de l’ASFC émettant l’ordonnance d’expulsion contre le demandeur.

 

11 décembre 2006 :  Le demandeur dépose une demande de résidence permanente dans la catégorie réglementaire des époux et conjoints de fait.

 

26 février 2007 :        La possibilité de déposer une demande d’ERAR lui est offerte par l’ASFC.

 

15 mars 2007 :          Le demandeur dépose sa demande d’ERAR.

 

24 août 2007 :           Sa demande de résidence permanente est refusée car il est interdit de territoire en vertu de l’alinéa 40(1)c) de la LIPR et il ne peut devenir résident permanent en vertu de l’alinéa 72(1)e)i) du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés.

 

21 septembre 2007 :  Un agent ERAR (le tribunal) rend une décision négative relativement à la demande ERAR du demandeur.

 

19 octobre 2007 :      Une demande de contrôle judiciaire est déposée de la décision de la demande ERAR.

 

                                 La présente demande de sursoir à la mesure d’expulsion fondée sur la demande de contrôle judiciaire est déposée.

 

 

 

2.         Analyse

[5]               La crédibilité du demandeur est fortement entachée par les omissions et les contradictions majeures faites devant différentes instances. En effet, le tribunal a reconnu le demandeur comme étant non-crédible sur les éléments importants de sa demande d’asile. Par exemple, tel que constaté par le tribunal à la page 6 de sa décision du 21 septembre 2007 :

[…] lors de sa demande d’asile, [le demandeur] a allégué avoir étudié en France de 1988 à 1996 et qu’il rentrait en Tunisie seulement durant les vacances estivales entre 1988 et 1991. Or, il n’a alors pas mentionné avoir été arrêté en France en mars 1994 et être retourné en Tunisie le 31 mars 1994. Il ne le mentionne qu’au cours de l’audience concernant l’annulation de son statut. Il raconte au tribunal qu’en fait, lors de son retour en Tunisie en mars 1994, il a été détenu, interrogé et torturé pendant quelques jours. Il aurait été libéré par ses geôliers qui lui auraient dit qu’une enquête sur sa personne sera faite. Ils l’auraient sommé de rester à la maison et lui auraient dit qu’il sera rappelé. À son retour dans sa famille, il y aurait eu une grande fête pour souligner sa venue.

 

La CISR juge que « cette omission fort importante dans le Formulaire de renseignements initial ainsi que dans le témoignage du demandeur, dénote que ce dernier tente de dissimuler des informations au premier commissaire qui a entendu le dossier. »

(Je souligne.)

 

 

[6]               Le tribunal a retenu la détermination de la CISR que le demandeur a, directement ou indirectement, présenté des informations erronées sur des faits importants. Après considération de l’ensemble de la preuve, la CISR a déterminé qu’il reste insuffisamment d’éléments de preuve pour justifier la décision initiale et a accueilli la demande du ministre d’annuler le « statut de réfugié au sens de la Convention » du demandeur.

 

 

[7]               Les déterminations factuelles sur ces éléments importants ont été maintenues par la Cour fédérale le 25 septembre 2006 lors du rejet d’une demande de contrôle judiciaire de la décision annulant son statut de réfugié.

 

[8]               Le demandeur a présenté au soutien de sa demande ERAR essentiellement la même preuve et a soulevé les mêmes facteurs sur lesquels il s’est fondé lors de sa demande d’asile le 27 février 1997 pour obtenir le statut de réfugié.

 

3.         La question sérieuse à trancher

[9]               Le sens de l’expression « question sérieuse » est tiré des arrêts rendus par la Cour suprême du Canada dans Manitoba (Procureur général) c. Metropolitan Stores (MTS) Ltd., [1987] 1 R.C.S. 110 et RJR-MacDonald Inc. C. Canada (Procureur général), [1994] 1 R.C.S. 311. Sous réserve de deux exceptions qui ne s’appliquent pas en l’espèce, l’expression « question sérieuse » signifie que la demande n’est ni futile ni vexatoire. Les exigences minimales ne sont pas élevées et appellent un examen préliminaire du fond de l’affaire. Une fois convaincu que la demande n’est ni futile ni vexatoire, le juge des requêtes doit examiner les deuxième et troisième volets du critère. Il n’est généralement ni nécessaire ni souhaitable de faire un examen prolongé du fond de l’affaire : RJR-MacDonald, aux pages 335, 337 et 338.

 

[10]           Le demandeur soutient essentiellement que le tribunal a erré dans son appréciation des faits et particulièrement en ce qui a trait à son casier judiciaire « vierge » en Tunisie son incarcération en Tunisie et aux conditions liées à sa libération subséquente par les autorités tunisiennes.

 

[11]           Je constate que tous les facteurs soulevés par le demandeur en ce qui a trait à la question sérieuse ainsi que chaque document déposé par le demandeur ont été minutieusement considérés et analysés par l’agent ERAR. De plus, l’agent ERAR a expliqué avec soin les éléments sur lesquels il se basait pour décider de la valeur probante de la preuve.

 

[12]           À la lumière de la preuve documentaire sur la Tunisie, l’agent ERAR a aussi examiné le profil du demandeur et a conclu que les caractéristiques personnelles de ce dernier ne permettaient pas de lui attribuer le profil de musulman extrémiste qui l’exposerait à un risque par les autorités tunisiennes.

 

[13]           Je suis satisfait que tous les éléments de preuve au dossier ont été considérés par l’agent d’ERAR. À la lecture de la décision dans son ensemble, je ne peux déceler d’erreur par l’agent ERAR dans son appréciation de la preuve, dans ses déterminations de faits ou dans sa conclusion. Conséquemment, il m’est impossible de conclure que M. Said Jaziri a prouvé l’existence d’une question sérieuse à trancher dans sa demande de contrôle judiciaire.

 

[14]           Bien qu’il ne soit pas nécessaire de considérer les deux autres volets du critère exposé dans l’arrêt Toth, puisque les trois volets sont conjonctifs, je vais néanmoins brièvement adresser ces volets.

 

 

4.         Préjudice irréparable

[15]           En l’espèce, le demandeur a été jugé non-crédible par trois instances différentes; notamment, la CISR le 22 juin 2006; l’agent ERAR le 21 septembre 2007 et par le Commissaire chargé de la révision de détention le 17 octobre 2007. Les faits sur lesquels se fonde le demandeur pour prétendre qu’il subira un préjudice irréparable n’ont pas été retenus. Ces déterminations de non-crédibilité ont été confirmées par la Cour fédérale. Cette même preuve ne peut servir de fondement à un argument de préjudice irréparable dans le cadre d’une demande de sursis (Ahyol c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’immigration, [2003] A.C.F. no. 1182 (QL)).

 

5.         Balance des inconvénients

[16]           Le demandeur prétend qu’il est un « citoyen exemplaire » et qu’il ne pose aucun risque pour le Canada. À son avis, ce sont des facteurs qui militent en sa faveur en ce qui a trait à la balance des inconvénients. En surplus, le demandeur souligne que puisqu’il est toujours détenu, il n’y a aucun risque de fuite.

 

[17]           À mon avis, ces facteurs ne suffisent pas, dans les circonstances, pour pencher la balance des inconvénients en faveur du demandeur. Il ne s’agit pas simplement d’une question de commodité administrative, il s’agit aussi de considérer l’intégrité et l’équité du système canadien de contrôle de l’immigration ainsi que de la confiance du public dans ce système. (Selliah c. MCI 2004 FCA 261, [2004] F.C.J. 1200 (QL)). Le paragraphe 48(2) de la LIPR prévoit qu’une mesure de renvoi doit être exécutée dès que les circonstances le permettent.

 

 

[18]           Je suis d’avis que la balance des inconvénients en l’espèce favorise le ministre.

 

6.         Conclusion

[19]           Pour ces motifs, la requête sera rejetée.

 


 

ORDONNANCE

 

            LA COUR ORDONNE :

 

1.         La requête est rejetée.

 

2.         L’intitulé de cause est modifié en ajoutant le ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile comme défendeur.

 

 

 

« Edmond P. Blanchard »

Juge

 

 

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-4338-07

 

INTITULÉ DE CAUSE :                   SAID JAZIRI c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 par téléconférence d’Ottawa

 

DATE DE L’AUDIENCE :               le 21 octobre 2007

 

MOTIFS DE L’ORDONNANCE

ET ORDONNANCE :                                   le juge Blanchard

 

DATE :                                               le 21 octobre 2007

 

 

 

COMPARUTIONS :

 

Me Nawal Benrouayene

 

POUR LE DEMANDEUR

Me Sylviane Roy

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Me Nawal Benrouayene

 

POUR LE DEMANDEUR

John H. Sims, c.r.

Sous-procureur general du Canada

 

POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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