[TRADUCTION FRANÇAISE CERTIFIÉE, NON RÉVISÉE]
Ottawa (Ontario), le 5 octobre 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE HARRINGTON
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Gurpal Singh Bhango a marié Ranjit Kaur à Montréal en 2002. En 2004, il a présenté une demande de résidence permanente à partir du Canada, ainsi qu’une demande de parrainage par son épouse. L’année suivante, le gouvernement a changé sa politique en matière d’immigration de manière à faciliter le parrainage d’un époux à partir du Canada.
[2] M. Bhango est un citoyen de l’Inde dont la demande d’asile a été rejetée il y a des années de cela. Son épouse est une résidente permanente du Canada. Cependant, l’article 4 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés (le Règlement) prévoit qu’aucun étranger ne peut être considéré comme un époux « […] si le mariage […] n’est pas authentique et vise principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la Loi [sur l’immigration et la protection des réfugiés] » (la LIPR). L’agente qui a examiné le dossier de M. Bhango était d’avis qu’il agissait de mauvaise foi et elle a donc rejeté sa demande de parrainage. Elle a ensuite tenu compte des motifs d’ordre humanitaire quant à l’ensemble de la situation, notamment quant à savoir si le demandeur rencontrerait des difficultés excessives s’il retournait en Inde. Elle a conclu que sa situation ne nécessitait pas qu’il demeure au Canada pendant que sa demande de résidence permanente serait traitée, et elle a donc rejeté sa demande. Il s’agit du contrôle judiciaire de cette décision.
[3] Quoique j’aie conclu que le contrôle judiciaire devait être accordé et l’affaire renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur elle, je dois souligner qu’il n’y a aucune preuve de mauvaise foi de la part de l’agente et aucune raison de s’écarter de la règle selon laquelle ces affaires sont jugées sans adjudication de dépens.
[4] Une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, accompagnée d’une demande de parrainage d’un époux, qui a été déposée avant l’entrée en vigueur de la nouvelle politique, le 18 février 2005, doit être examinée à la lumière de cette nouvelle politique, mais si elle n’y satisfait pas, doit faire l’objet d’un examen normal pour ce type de demande (Djeukoua c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1213, [2006] A.C.F. no 1509). Ayant conclu que le mariage n’était pas authentique et visait principalement l’acquisition d’un statut ou d’un privilège aux termes de la LIPR, l’agente avait l’obligation de prévoir quelle serait la situation du demandeur s’il retournait en Inde. Il était tout à fait approprié qu’elle demande l’avis d’un agent d’examen des risques avant renvoi (l’ERAR).
[5] À mon avis, la décision était manifestement déraisonnable, parce qu’elle visait les circonstances entourant la rencontre du demandeur et de son épouse et non celles entourant leur mariage. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a publié des lignes directrices très utiles quant à l’évaluation de l’authenticité et de l’intimité d’une présumée relation conjugale. Cette analyse n’a pas été effectuée. Il n’y a rien qui laisse croire que M. Bhango et Mme Kaur ne sont pas réellement des époux ou qu’ils le seraient seulement devenus à un moment donné après leur mariage en octobre 2002.
[6] M. Bhango avait déjà été marié en Inde. Il a présenté un certificat de divorce délivré en 2000 par un tribunal de l’Inde. Il appert du certificat que son ex-épouse était la requérante et que l’affaire s’est poursuivie en l’absence de M. Bhango. Un bon nombre de motifs ont été présentés, notamment l’abandon. Le fait que M. Bhango était au Canada à ce moment et non en Inde n’est pas contesté.
[7] Cependant, les autorités canadiennes ont reçu une dénonciation anonyme selon laquelle le divorce en Inde était frauduleux. Il semblerait que l’allégation n’était pas que le certificat délivré par la cour était contrefait, mais plutôt que la cour en Inde avait été victime d’une fraude. Lorsque cette allégation a été présentée à M. Bhango lors d’une entrevue, il a dit avoir entendu que son épouse avait l’intention d’intenter une action en divorce, mais qu’il a seulement pris connaissance du divorce quelque temps après par l’entremise de son père. Il n’était au courant de rien. Il convient de noter que le jugement mentionne que la requête en divorce avait été signifiée autrement qu’à personne en Inde.
[8] L’agente a manifesté quelques réserves du fait que M. Bhango et Mme Kaur avaient eu une célébration de mariage religieuse sikhe sans valeur légale en octobre 2001. M. Bhango avait dit à Mme Kaur qu’il était divorcé. Toutefois, elle n’acceptait pas qu’il partage son lit sans au moins une célébration de mariage religieuse. Néanmoins, dans des déclarations de revenus ultérieures et dans une demande antérieure fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, M. Bhango avait déclaré être toujours marié à sa première épouse.
[9] Il se peut que M. Bhango ait à une époque été un homme coureur et manipulateur, s’adonnant parfois à de petites fraudes fiscales dans ses déclarations de revenus. Même si j’acceptais les conclusions de l’agente selon lesquelles le demandeur n’était pas crédible à cet égard, il doit y avoir un lien entre la question de crédibilité et l’article 4 du Règlement, ce qui n’est pas le cas (Awuah c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] A.C.F. no 1873 (C.F. 1re inst.), et Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1195, [2006] A.C.F. no 1488). Cependant, la déclaration de M. Bhango aux autorités québécoises au moment de son mariage civil précise correctement la date de son divorce en Inde. Le certificat délivré en Inde est présumé valide, et il n’y a eu aucun examen adéquat qui ne donne à penser que M. Bhango est bigame.
[10] Bien que, conformément au Règlement, l’avocat de M. Bhango ait requis que le français soit la langue de la procédure, et que les observations écrites et orales aient été présentées en français, comme M. Bhango possède une meilleure connaissance de l’anglais, il a demandé que les présents motifs soient premièrement énoncés dans cette langue. L’intitulé est modifié en conséquence.
[11] La demande de contrôle judiciaire sera donc accueillie. Aucuns dépens ne seront adjugés.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que la demande soit accueillie et que l’affaire soit renvoyée à un autre agent pour qu’il statue à nouveau sur elle. Il n’y a aucune question de portée générale aux fins de certification.
Juge
Traduction certifiée conforme
Jacques Deschênes, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-625-07
INTITULÉ : GURPAL SINGH BHANGO
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 2 OCTOBRE 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : LE 5 OCTOBRE 2007
COMPARUTIONS :
Lucrèce Joseph
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Thi My Dung Tran |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lucrèce Joseph Avocat Montréal (Québec) |
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Montréal (Québec) |