Date : 20070717
Dossier : T-840-05
Référence : 2007 CF 753
Vancouver (Colombie-Britannique), le 17 juillet 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
ABBOTT LABORATORIES LIMITED
et
et APOTEX INC.
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
(Révisé pour diffusion publique)
[1]
Abbott
est propriétaire de brevets pour l'antibiotique du nom de clarithromycine,
qu'elle commercialise sous le nom de « Biaxin ». Bien
que les brevets d'Abbott n'expirent que dans quelques années, Apotex souhaite
commercialiser ses propres comprimés de clarithromycine.
[2] Abbott sollicite une ordonnance interdisant au ministre de la Santé de délivrer un avis de conformité à Apotex, en vertu du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité), DORS/93-133, jusqu'à l'expiration de deux des brevets d'Abbott. L'avis de conformité permettrait à Apotex de commercialiser ses comprimés. Apotex soutient que les brevets d'Abbott sont invalides et que, par conséquent, Abbott n'a pas droit à l'ordonnance d'interdiction qu'elle demande. De plus, Apotex soutient que même si les brevets d'Abbott étaient valides, elle ne les contreferait pas en produisant sa propre version de la clarithromycine. Pour obtenir une ordonnance d'interdiction, Abbott doit prouver que les allégations d'Apotex sont injustifiées.
I. La question en litige
Abbott a-t-elle établi que les allégations d'invalidité et d'absence de contrefaçon d'Apotex au sujet des brevets canadiens no 2,419,729 (brevet '729) et no 2,471,102 (brevet '102) sont injustifiées?
[3] Je conclus qu'Abbott n'a pas prouvé que les allégations d'invalidité d'Apotex sont injustifiées. Par conséquent, il n'est pas nécessaire que j'aborde l'allégation de non-contrefaçon d'Apotex.
II. Analyse
(a) Procédure en vertu du Règlement concernant les avis de conformité
[4] La procédure prévue par ce règlement sert seulement de mesure rapide permettant de trancher des questions portant sur la validité et la portée de brevets de médicaments dans le cadre du système de réglementation qui gouverne les droits des manufacturiers de commercialiser leurs produits au Canada : Biovail Corporation c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien-être social), 2006 CF 784, [2006] A.C.F. no 1179 (1re inst.) (QL).
(b) Fardeau de la preuve
[5] Abbott a le fardeau de prouver, selon la prépondérance de la preuve, que les allégations d'invalidité d'Apotex sont injustifiées. Apotex a le fardeau de la présentation. Si elle a présenté suffisamment de preuves donnant une vraisemblance à ses allégations, alors elle a réfuté la présomption selon laquelle les brevets d'Abbott étaient valides (Loi sur les brevets, 1985, ch. P-4, paragraphe 43(2); voir annexe).
[6] Il est clair qu'Apotex s'est acquittée de son fardeau en présentant des rapports d'experts et des références à des articles spécialisés et à d'autres brevets. Par conséquent, je ne peux pas présumer que les brevets d'Abbott sont valides. Je dois déterminer si Abbott a prouvé que les allégations d'Apotex étaient injustifiées : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la santé), 2007 CAF 153, [2007] A.C.F. no 543 (C.A.) (QL).
(c) Les brevets d'Abbott
[7] Les deux brevets d'Abbott en litige en l'espèce ont de nombreux points communs. Ils décrivent deux formes (formes I et II) de clarithromycine et leurs propriétés respectives, décrivent en détail le procédé méthylation, de cristallisation et de recristallisation par lequel le produit de départ (érythromycine) est transformé en clarithromycine de formes I et II, citent les brevets des États-Unis dans lesquels ces procédés ont déjà été révélés, donnent de nombreux exemples de façons dont la forme I ou la forme II peuvent être obtenues et présentent en graphiques les spectres d’analyse par diffraction des rayons X sur poudre (DRXP), de spectroscopie infrarouge (IR) et d’analyse calorimétrique différentielle (ACD) pour les deux formes cristallines de la clarithromycine.
[8] Les différences entre les deux brevets sont les suivantes :
(i) Le brevet '729
[9] Abbott se fonde sur la revendication 8 du brevet '729. Elle revendique la forme I lorsqu'elle est préparée selon le procédé décrit à la revendication 1 du brevet. Le procédé fait intervenir la cristallisation de la clarithromycine à partir d’un sirop ou d’un semi-solide, le produit obtenu renfermant au moins un solvant résiduel. Abbott soutient que son brevet '729 comprend une revendication valide de la forme I, lorsqu'elle est préparée de la façon prescrite.
[10] Le brevet '729 précise que l'une des réalisations de l'invention est le procédé qui permet de produire la forme I à partir d'un sirop ou d'un semi-solide, si le produit contient au moins un des solvants résiduels. Le brevet mentionne aussi une autre réalisation de l'invention, soit la forme I elle‑même, lorsqu'elle est préparée selon le procédé prescrit. Ces réalisations concordent avec les revendications 1 et 8 du brevet. Cependant, il est reconnu que, comme la revendication 1 est une revendication de procédé plutôt qu'une revendication de médicament ou d'utilisation de médicament, elle ne peut pas faire l'objet d'une action en justice, en vertu du Règlement. Par conséquent, je n'aurai à traiter que la revendication 8.
(i) Le brevet '102
[11] Abbott se fonde sur la revendication 9 du brevet '102. Elle revendique l'utilisation de la forme II de la clarithromycine, avec des impuretés précises, comme antibiotique.
[12] Le brevet précise que l'une des réalisations de l'invention est la forme II avec impuretés. Dans une réalisation préférée, les impuretés sont certains composés alkylés. Dans une réalisation davantage préférée, les impuretés se trouvent en des points précis de la molécule de clarithromycine. Dans la réalisation préférée parmi toutes les autres, les impuretés sont caractérisées et se trouvent à trois sites précis de la molécule. Abbott fait valoir la revendication 9 comme liée à l'utilisation de l'une des réalisations préférée parmi toutes les autres du brevet comme antibiotique.
(d) Les allégations d'invalidité d'Apotex
[13] Apotex a présenté de nombreux arguments à l'appui de son allégation selon laquelle les brevets d'Abbott sont invalides. En termes génériques, Apotex soutient que les brevets d'Abbott ne révèlent aucune invention. Elle présente les arguments précis suivants :
(i) Antériorité : D'autres ont révélé l'objet des brevets d'Abbott dans des documents publics avant la date du 29 juillet 1996. De plus, Abbott a révélé sa propre invention au public en commercialisant le Biaxin avant 1996;
(ii) Évidence : L'objet des brevets d'Abbott est un dérivé évident d'une connaissance commune dans le domaine;
(iii) Double brevet : Abbott a déjà obtenu des brevets pour des inventions qui sont manifestement les mêmes et elle ne peut pas obtenir d'autres brevets valides si elle n'ajoute rien de nouveau à son invention;
(iv) Inutilité : L'objet des brevets d'Abbott n'est pas brevetable parce qu'il ne satisfait pas au critère essentiel de l'utilité;
(v) Insuffisance : Les brevets d'Abbott ne révèlent pas de méthode de production pour les revendications.
[14] De plus, en ce qui a trait au brevet '729, Apotex soutient que la revendication d'Abbott pour la forme I est invalide parce que la forme I était un produit connu à la date d'émission du brevet. Elle soutient qu'on ne peut pas obtenir de brevet valide pour un produit existant, même si le procédé de production est nouveau. Apotex n'est pas d'avis que le brevet '729 présente un nouveau procédé mais, même si c'était le cas, Apotex fait valoir que la revendication de la forme I est indéfendable.
(e) La demande d'interdiction d'Abbott
[15] L'ordonnance d'interdiction demandée par Abbott ne sera accordée que si Apotex ne s'acquitte pas du fardeau de la présentation ou s'il est prouvé qu'aucune des allégations d'Apotex n'étaient justifiées. Si Abbott ne s'acquitte pas de son fardeau portant sur les allégations d'Apotex, elle ne pourra pas obtenir l'ordonnance qu'elle demande.
[16] Je ne suis pas convaincu que toutes les allégations d'Apotex soient insoutenables ou injustifiées. Par conséquent, je ne peux pas rendre l'ordonnance qu'Abbott a demandée. Je suis convaincu qu'au moins une des allégations d'invalidité est justifiée en ce qui concerne chaque brevet. Abbott ne s'est pas acquittée du fardeau de prouver le contraire.
(f) Validité du brevet '729
[17] Il ressort clairement du brevet '729 qu'Abbott n'a pas inventé le procédé de création de la clarithromycine. Le brevet mentionne divers brevets qui existaient déjà aux États-Unis et qui appartenaient à la Taisho Parmaceutical Company. En outre, le brevet décrit une procédure de cristallisation et de recristallisation de la clarithromycine à des fins de purification, procédure conforme aux pratiques habituelles en chimie, soit la dissolution dans un solvant, le chauffage, la filtration, le refroidissement et le séchage. Lorsque certains solvants sont utilisés, ce procédé crée de la clarithromycine de forme I.
[18] De plus, la forme I a été révélée longtemps avant le 29 juillet 1996. Par exemple, un brevet européen (no 0041355), déposé en 1981 et qui appartient à Taisho, décrit un procédé de cristallisation et de recristallisation pour lequel on utilise du chloroforme et de l'oxyde de diéthyle. Un procédé semblable, pour lequel on utilise du chloroforme et de l'oxyde de 2-isopropoxyéthane, a été décrit dans « Chemical Modification of Erythromycins. I. Synthesis and Antibacterial Activity of 6-0-Methylerythromycins A » (1984) Vol. 37: No 2, Journal of Antibiotics, 187-189, de Morimoto, S., et al.
[19] Les experts d'Apotex soutiennent que les procédés décrits dans ces documents produisent de la clarithromycine de forme I. M. Peter Stang, professeur de chimie à l’Université d’Utah, est parvenu à la conclusion que la cristallisation et la recristallisation à l’aide de trichlorométhane et d’éthoxyéthane donne la forme I, étant donné que l’analyse par DRXP, IR et ACD du cristal obtenu génère des données comparables aux spectres fournis pour la forme I dans le brevet ‘729. Il a également conclu, sur la base du même raisonnement, que l’utilisation de trichlorométhane et de 2-isopropoxyéthane pour la cristallisation/recristallisation donne aussi la forme I. M. Robin Harris, professeur émérite de chimie à l'Université Durham, en Angleterre, appuie ces deux conclusions. M. Robert McClelland, professeur retraité de chimie à l'Université de Toronto, est du même avis. Les experts d'Apotex ont aussi cité de nombreuses occasions lors desquelles les experts d'Abbott ont reconnu qu'une personne utilisant le procédé antérieur produirait la forme I si elle recristallisait la clarithromycine dans de l'éthanol.
[20] Par conséquent, il est évident que la forme I était une composition connue bien avant le 29 juillet 1996. Par conséquent, la question se pose à savoir si Abbott peut être titulaire d'un brevet valide pour un produit connu, même si elle a élaboré un nouveau procédé de production (ce qui est contesté). La même question s'est posée dans une autre affaire portant sur le brevet d'Abbott pour la clarithromycine : Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 1332, [2005] A.C.F. no 1721 (1re inst.) (QL). Dans cette affaire, le juge Michael Phelan a conclu que tant la forme II de la clarithromycine que le procédé de fabrication étaient connus bien avant 1996. Il a conclu sur ce fondement que le brevet d'Abbott était invalide. La Cour d'appel fédérale a maintenu cette conclusion (2007 CAF 153, [2007] C.F. no 543 (C.A.) (QL)), en se fondant sur le raisonnement dans l'arrêt Hoffmann-La Roche & Co. c. Canada (Commissaire aux brevets), [1955] R.C.S. 414. Dans l'arrêt Hoffman-La Roche, la Cour suprême du Canada a conclu qu'un brevet pour un produit connu était invalide, même si le procédé de production était nouveau. Le produit ne satisferait pas à la définition d' « invention » (même si le procédé satisfaisait à cette définition). Le juge Rand a écrit :
[traduction]
La clause de définition ne justifie pas qu’une substance connue soit traitée comme une « composition de la substance […] nouvelle et utile » , puisqu’elle a déjà été produite par un certain procédé. On présume qu’un produit créé par différents procédés reste identique et qu’aucune propriété de construction de ce genre ne peut rendre la substance en soi nouvelle ou utile. (Page 417)
[21] À la Cour d'appel fédérale, la juge Karen Sharlow a précisé que le principe énoncé dans l'arrêt Hoffmann-La Roche s'applique toujours en droit canadien. Elle a soutenu qu'Abbott ne pouvait pas revendiquer la forme II de la clarithromycine, même si elle était créée par un nouveau procédé, parce que la forme II était un produit connu. Abbott soutient que ceux qui utilisaient le procédé antérieur ne savaient pas quelle forme de clarithromycine ils avaient produite. Cependant, la juge Sharlow a conclu qu’« au plan du droit, le fait que la personne en question n’ait pas su cela est dénué de pertinence » puisqu'il « existait des techniques d’analyse bien connues permettant à toute personne intéressée qui aurait choisi le bon moment pour observer la chose, de déceler la présence de la substance en question » (au paragraphe 22).
[22] La juge Sharlow a déterminé qu'un produit était « connu » lorsqu’une hypothétique revendication visant son invention pourrait être rejetée pour cause d’antériorité. Autrement dit, si une personne pouvait obtenir un brevet valide pour le produit en question, alors le produit ne devrait pas être connu. Selon cette analyse, Abbott soutient que sa revendication de la forme I, créée par le procédé énoncé à la revendication 1 du brevet, est valide. Elle soutient qu'un brevet hypothétique pour la forme I serait valide parce que, bien que la forme I eut été révélée dans des publications antérieures, cette révélation n'était pas habilitante; c'est-à-dire que les références antérieures ne renferment pas suffisamment d’information pour permettre à une personne ayant des compétences et des connaissances moyennes de comprendre [traduction] « la nature de l’invention et de la rendre utilisable en pratique, sans l’aide du génie inventif, mais uniquement grâce à une habileté d’ordre technique » ( Free World Trust c. Électro-Santé Inc., [2000] 2 R.C.S. 1024, au paragraphe 26, citation de H.G. Fox, The Canadian Law and Practice Relating to Letters Patent for Inventions (4th ed. 1969), aux pages. 126 et 127).
[23] À mon avis, Abbott n'a pas de brevet valide pour la forme I, même si elle est produite par un nouveau procédé. La forme I est un produit qui existait déjà. Il existe de nombreuses sources mentionnant son antériorité, citées ci-dessus, qui contiennent suffisamment de renseignements pour permettre à des travailleurs spécialisés de produire cette forme. D'après la Cour d'appel fédérale, le fait qu'ils ne sachent pas qu'ils ont produit cette forme précise de clarithromycine est « au plan du droit [...] dénué de pertinence ».
[24] Par conséquent, Abbott ne s'est pas acquittée de son fardeau de la preuve en ce qui a trait au brevet '729.
(f) Validité du brevet '102
[25] Abbott reconnaît que la forme II de la clarithromycine était une substance connue avant le 29 juillet 1996. En effet, comme je l'ai déjà mentionné, la Cour d'appel fédérale a récemment maintenu la conclusion de la Cour fédérale selon laquelle la forme II était un produit qui existait déjà avant le 29 juillet 1996 : arrêt Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), précité. Les antériorités ont montré que, en chauffant la forme I, on obtient la forme II avant l’atteinte du point de fusion de la clarithromycine, soit environ 225 °C (Morimoto, S., et al., « Chemical Modification of Erythromycins. I. Synthesis and Antibacterial Activity of 6‑0‑Methylerythromycins A », (1984) Vol. 37: No 2, Journal of Antibiotics, 187-189). De plus, de nombreuses autres sources ont décrit la création, par cristallisation dans divers solvants, de la forme II de la clarithromycine. Le juge Phelan a mentionné l'existence de cinq demandes de brevets européens qui remontent aux années 1980, ainsi que de nombreux articles parus dans le Journal of Antibiotics (journal des antibiotiques) entre 1984 et 1993 qui décrivent comment produire la forme II.
[26] La preuve démontre aussi clairement que le procédé antérieur révélait que la clarithromycine renfermait les mêmes impuretés que celles trouvées dans les diverses réalisations et revendications du brevet '102. M. Stang a conclu [traduction] « qu’une personne versée dans l’art ne pourrait ignorer que toute préparation préexistante de clarithromycine […] renfermerait les mêmes impuretés alkylées que celles citées dans […] le brevet ‘102 ». M. McClelland était du même avis. D'après lui, le procédé décrit dans Morimoto S., et al., précité, ainsi que dans d'autres documents sur l'antériorité, aurait produit de la clarithromycine (que ce soit de forme I ou forme II) qui aurait contenu les mêmes impuretés que celles citées dans le brevet '102.
[27] Abbott ne conteste pas cette preuve. Son argument principal est que, bien que la forme II fût connue, personne n'avait découvert son utilisation comme antibiotique. Apotex soutient que cette utilisation était évidente puisque l'antériorité était inspirée par les propriétés antibactériennes prometteuses de la clarithromycine. Par conséquent, le fait d'utiliser la forme II de la clarithromycine comme antibiotique ne constitue pas une invention et ne devrait pas être brevetable : GlaxoSmithKline Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2004 CF 116, [2004] A.C.F. no 191 (1re inst.) (QL), au paragraphe 28. En réponse, Abbott fait valoir que, bien que les propriétés antibiotiques de la clarithromycine en général et l'existence de la forme II étaient bien connues, personne n'avait réellement fait le rapprochement. Par conséquent, Abbott soutient que personne ne savait que la forme II pouvait être utilisée comme antibiotique.
[28] L'argument à ce sujet découlait de la récente décision de la juge Sharlow, décrite plus haut. Cette décision constitue une conclusion contraignante selon laquelle la forme II était un produit déjà existant et qu'elle était antériorisée. Abbott a tenté de conserver son brevet en soutenant que l'utilisation de la forme II était une invention, même si la forme II en soi n'en était pas une. Comme cette question a été soulevée pour la première fois pendant la plaidoirie, le dossier contient peu de preuves à ce sujet.
[29] Apotex mentionne des articles portant sur la forme II dans lesquels les effets de cette forme étaient décrits (voir Y. Watanabe, et al., « Chemical Modification of Erythromycins. IX. Selective Methylation at the C-6 Hydroxyl Group of Erythromycin A Oxime Derivatives and Preparation of Clarithromycin » (1993) Vol. 4b: No 4, Journal of Antibiotics, 647-660; S. Morimoto, et al., « Chemical Modification of Erythromycins II. Synthesis and Antibacterial Activity of O-alkyl Derivatives of Erythromycin », (1990) Vol. 4.3: No 3, Journal of Antibiotics, 286-294). Apotex me demande aussi de tirer une conclusion fondée sur le bon sens au sujet du fait que toutes les antériorités visaient le développement de la clarithromycine pour utilisation comme antibiotique. Son utilisation comme antibiotique était évidente à tous ceux qui participaient à l'étude de la clarithromycine. En fait, il s'agissait de sa seule utilisation connue. Apotex cite l'arrêt Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 187, dans lequel le juge Marc Noël a déclaré au sujet de la forme II : « On n'ajoute rien à l'invention en précisant qu'il s'agit d'un antibiotique employé comme antibiotique » (paragraphe 43).
[30] À mon avis, l'argument d'Abbott selon lequel elle a inventé l'utilisation de la forme II comme antibiotique ne peut pas être retenu. Premièrement, le brevet '102 ne donne aucunement à penser que l'utilisation de la forme II comme antibiotique était un aspect de l'invention. L'argument d'Abbott n'est nullement renforcé par des discussions, des révélations, des exemples ou des données. En fait, le brevet précise que les formes I et II révèlent une activité antibactérienne excellente et identique. La seule différence est que la forme I se dissout plus rapidement que la forme II. Le brevet mentionne que les médicaments présentement commercialisés contiennent de la forme II et soutient que la forme I serait un produit plus efficace et plus économique. Je ne relève rien qui puisse appuyer la déclaration d'Abbott selon laquelle l'utilisation de la forme II comme antibiotique était un aspect de l'invention révélée dans le brevet '102.
[31] Deuxièmement, Abbott a le fardeau de la preuve en ce qui a trait à la validité et elle n'a présenté aucune preuve à l'appui de ses arguments. Quant à elle, Apotex s'est acquittée de son fardeau de présentation en me présentant des éléments de preuves à l'appui de ses arguments selon lesquels l'utilisation de la forme II comme antibiotique était évidente compte tenu de l'antériorité. Abbott n'a pas prouvé que cette allégation était injustifiée.
[32] Abbott se fonde uniquement sur son affirmation selon laquelle les différentes formes cristallines d'une certaine substance peuvent avoir des propriétés différentes. Par exemple, elle note que la graphite et les diamants sont tous deux des formes cristallines du carbone, mais qu'ils ont évidemment des caractéristiques différentes. Par conséquent, la forme II de la clarithromycine pourrait avoir des propriétés chimiques différentes de la forme I (et d'autres formes cristallines de la clarithromycine). À l'appui de son argument, Abbott cite le passage suivant d'une autre affaire portant sur la clarithromycine :
M. Atwood a rappelé qu'une substance peut revêtir des millions de formes cristallines. Dans le cas où cette substance est elle-même un médicament, il arrive que certaines de ses formes cristallines ne le soient pas, parce qu'elles ne peuvent se dissoudre dans le corps. En fait, ces formes peuvent se révéler aussi peu bénéfiques qu'une pièce de monnaie avalée par un enfant. Il n'était pas nécessaire que la Forme 0 ait une valeur thérapeutique, pourvu qu'elle puisse être convertie dans la Forme II, ce qui est le cas. (Abbott Laboratories c. Canada (Ministre de la Santé), 2006 CC 120, [2006] A.C.F. No 256 (1re inst.) (QL), au paragraphe 62); décision renversée pour d’autres motifs: 2007 CAF 73, [2007] A.C.F. No 233 (C.A.) (QL)).
[33] M. Jerry Atwood, professeur de chimie à l'Université de Missouri-Columbia, dont l'opinion est citée dans le passage précédent, indique qu'il n'est pas sûr qu'une forme cristalline de la clarithromycine puisse être utile comme antibiotique simplement parce qu'une autre forme l'est. Je reconnais que différents cristaux peuvent avoir différentes propriétés. Cependant, Abbott n'a présenté aucune preuve à l'appui de sa présumée invention. Elle n'a pas démontré qu'elle avait découvert des caractéristiques thérapeutiques précises pour la forme II ou toute autre propriété qui conviendrait à son utilisation comme antibiotique. Une fois de plus, le brevet lui-même donne à penser autrement.
[34] Par conséquent, à mon avis, Abbott ne s'est pas acquittée de son fardeau de la preuve en ce qui concerne le brevet '102.
III. Décision
[35] Abbott n'a pas prouvé que les allégations d'invalidité décrites ci-dessus sont injustifiées. Par conséquent, je devrai rejeter, avec dépens, la demande d'ordonnance d'interdiction d'Abbott.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
1. La demande d'ordonnance d'interdiction d'Abbott est rejetée et les dépens doivent être calculés dans la moyenne de la fourchette de la colonne IV.
2. Toute soumission des parties au sujet de la nécessité de modifier les présents motifs doit être présentée dans les dix jours avant que la décision ne soit communiquée au grand public.
Traduction certifiée conforme
Evelyne
Swenne, traductrice
Annexe A
Loi sur les brevets, L.R. 1985, ch. P-4
43. (2) Une fois délivré, le brevet est, sauf preuve contraire, valide et acquis au breveté ou à ses représentants légaux pour la période mentionnée aux articles 44 ou 45.
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Patent Act, R.S.C. 1985, c. P-4
43. (2) After the patent is issued, it shall, in the absence of any evidence to the contrary, be valid and avail the patentee and the legal representatives of the patentee for the term mentioned in section 44 or 45, whichever is applicable. |
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-840-05
INTITULÉ : ABBOTT LABORATORIES, ET AL c.
LE MINISTRE DE LA SANTÉ, ET AL
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 30 avril et le 3 mai 2007
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 17 juillet 2007
COMPARUTIONS :
William H. Richardson Steven Mason Steven Tanner Andrew Mandlsohn
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s/o
Andrew Brodkin Richard Naiberg Sorelle Simmons Kitt Sinden |
POUR LE DÉFENDEUR au nom du MINISTRE DE LA SANTÉ
POUR LE DÉFENDEUR au nom d’APOTEX INC. |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
McCARTHY TÉTRAULT, LLP Toronto (Ontario)
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JOHN H. SIMS SOUS-MINISTRE DE LA JUSTICE
GOODMANS LLP Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR au nom du MINISTRE DE LA JUSTICE
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