Ottawa (Ontario), le 27 juillet 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
I. INTRODUCTION
[1] Le demandeur a allégué qu’il serait exposé au risque de sombrer dans la culture de la drogue en Jamaïque du fait qu’il n’a pas de famille dans ce pays et qu’il pourrait cesser de prendre ses médicaments pour le trouble bipolaire dont il souffre. Il s’agit du contrôle judiciaire de la décision d’ERAR par laquelle la demande de protection du demandeur a été rejetée.
II. CONTEXTE
[2] Le demandeur, âgé de 46 ans, est citoyen de la Jamaïque. Il vit au Canada depuis l’âge de 15 ans et il y est devenu résident permanent en 1978.
[3] M. Beaumont souffre d’un trouble bipolaire et de schizophrénie par suite de blessures subies lors d’un accident de la route. Il a allégué avoir besoin de sa famille pour l’aider à prendre soin de sa santé mentale et pour surmonter sa dépendance au crack et à l’héroïne.
[4] Le demandeur a été déclaré coupable de nombreuses infractions dans les années 1980, mais il n’a pas été expulsé du pays parce qu’il faisait l’objet de sursis et de réexamens. Il a récemment été déclaré coupable de trafic de drogue et doit être expulsé.
[5] En plus de sa crainte de sombrer dans la culture de la drogue en Jamaïque, le demandeur allègue aussi qu’il serait exposé au risque d’adopter une conduite antisociale et de causer des préjudices physique et moral, qu’il serait envoyé en prison et agressé sexuellement.
[6] L’agent d’ERAR a rejeté la demande du demandeur au motif que ses arguments étaient hypothétiques. Le risque qu’il sombre dans la culture de la drogue n’est pas un risque défini aux articles 96 ou 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (la Loi).
[7] Pour ce qui est de l’état mental du demandeur, la preuve révèle qu’il arrive à bien se comporter tant et aussi longtemps qu’il prend ses médicaments, mais qu’il se met à consommer dès qu’il cesse de les prendre.
[8] L’agent d’ERAR a fait ses propres recherches sur la situation du pays en Jamaïque et a constaté que le rapport du Home Office du Royaume-Uni confirme que la Jamaïque offre des services de santé mentale à l’hôpital, dans des cliniques de service de consultation externes et dans des unités de réadaptation, où des médicaments sont disponibles.
[9] L’agent a aussi constaté que, bien que le Centre de toxicomanie et de santé mentale indique que le traitement appuyé par le soutien de la famille est idéal, rien ne laisse supposer que les personnes séparées de leur famille ne peuvent être traitées.
III. ANALYSE
[10] Pour ce qui est de la norme de contrôle applicable, j’adopte le raisonnement de la Cour dans la décision Demirovic c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 1284, au paragraphe 23 :
23. En ce qui concerne la norme de contrôle applicable aux décisions des agents d'ERAR, dans la décision Kim c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2005] A.C.F. no 540 (1re inst.), au paragraphe 19, le juge Mosley, après avoir effectué une analyse pragmatique et fonctionnelle, a conclu que « la norme de contrôle applicable aux questions de fait devrait être, de manière générale, celle de la décision manifestement déraisonnable; la norme applicable aux questions mixtes de fait et de droit, celle de la décision raisonnable simpliciter; et la norme applicable aux questions de droit, celle de la décision correcte ». Le juge Mosley a aussi souscrit à l'observation du juge Martineau dans la décision Figurado c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 458 (1re inst.), au paragraphe 51 : lorsque la décision d'un agent d'ERAR est examinée « globalement et dans son ensemble », la norme de contrôle applicable devrait être celle de la décision raisonnable simpliciter. Cette jurisprudence a été suivie par la juge Layden-Stevenson dans la décision Nadarajah c. Canada (Solliciteur général), [2005] A.C.F. no 895 (1re inst.), au paragraphe 13. Pour les motifs exposés par mes collègues, je reconnais que telle est la formulation correcte de la norme de contrôle applicable.
[11] Il n’y a rien qui indique que l’agent a mal interprété la preuve ou qu’il a omis de tenir compte d’éléments de preuve pertinents. Pour en arriver à la conclusion selon laquelle la demande du demandeur était fondée sur des hypothèses, l’agent a examiné la question de persécution en vertu de l’article 96 de la Loi et la question du risque en vertu de l’article 97 de la Loi.
[12] Le fondement de la demande du demandeur est qu’il serait exposé à un risque parce qu’il cesserait de prendre ses médicaments. Il n’y a aucune preuve qui établit qu’il est incapable de prendre ses médicaments. Le demandeur possède lui-même les moyens d’éviter un préjudice.
[13] L’agent a aussi conclu à l’existence de la protection de l’État. Le demandeur n’a rien fourni qui puisse miner cette conclusion. L’agent a même conclu que des soins médicaux étaient disponibles, malgré le fait que l’incapacité d’un pays de fournir des soins de santé ou des soins médicaux adéquats n’est pas un risque couvert par l’article 97 de la Loi.
[14] Bien qu’elles aient été tirées dans le contexte d’une analyse sur le préjudice irréparable, les conclusions du juge Kelen dans la décision Grant c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2002] A.C.F. no 191 (QL) sont applicables à la présente affaire :
8. Un principe fondamental du droit de l'immigration est que les non-citoyens n'ont pas le droit de demeurer au Canada. Le Canada n'est pas, et ne deviendra pas, un refuge pour les criminels. Si un non-citoyen commet un crime, il peut perdre son droit de demeurer au Canada. La jurisprudence a établi, d'une part, qu'une maladie mentale ou autre ne donne pas le droit à un étranger de demeurer au Canada et, d'autre part, que les activités criminelles, la consommation de drogues et la maladie ne peuvent servir de fondement à une demande qui invoque le préjudice irréparable. Les éléments de preuve fournis par le demandeur au sujet du préjudice irréparable qu'il subira en raison de sa séparation de ses enfants, de la suspension de son traitement du SSPT et de son absence de domicile en Jamaïque sont, le moins qu'on puisse dire, théoriques et la SAI s'est longuement penchée sur ces questions dans sa décision initiale.
[15] Je ne trouve donc aucun motif pour justifier la modification de cette décision. La demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Il n’y a aucune question aux fins de certification.
JUGEMENT
LA COUR STATUE que la présente demande de contrôle judiciaire est rejetée.
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B, trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-4758-06
INTITULÉ : NEVILLE WASHINGTON
BEAUMONT
c.
LE MINISTRE DE LA
SÉCURITÉ PUBLIQUE
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 24 JUILLET 2007
ET JUGEMENT : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 27 JUILLET 2007
COMPARUTIONS :
Mario D. Bellissimo
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Stephen H. Gold
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Ormston, Bellissimo, Rotenberg Avocats Toronto (Ontario)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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