Ottawa (Ontario), le 18 juin 2007
En présente de monsieur le juge Harrington
ENTRE :
demandeur
ET DE L’IMMIGRATION
défendeur
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Bien que, dans les faits, la distinction ne soit pas toujours évidente, il existe une distinction nette en droit entre l’examen des risques avant renvoi et une demande de résidence permanente au Canada par motifs d’ordre humanitaire.
[2] M. Singh Sahota est un sikh de la région du Pendjab de l’Inde. Il est arrivé au Canada en 2000 et a demandé le statut de réfugié. La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté sa demande, et la Cour fédérale a rejeté sa demande d’autorisation de demander le contrôle judiciaire. La CISR avait des préoccupations quant à sa crédibilité.
[3] L’article 112 et suivants de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) permet à une personne assujettie à une ordonnance de renvoi de demander une évaluation des risques à jour si elle est tenue de quitter le Canada. Pour des raisons qui ne figurent pas au dossier, M. Singh Sahota ne fait pas l’objet d’une ordonnance de renvoi et aucun ERAR n’a eu lieu.
[4] Cependant, conformément à l’article 25 de la LIPR et son règlement, il a demandé le statut de résident permanent au Canada par motifs d’ordre humanitaire. Habituellement, le pays étranger doit être un membre d’une catégorie visée par le paragraphe 72(2) du règlement pour le faire.
[5] La question en litige dans de telles demandes de considérations d’ordre humanitaire est de savoir si les difficultés de devoir obtenir un visa de résident permanent à l’extérieur du Canada sont inhabituelles et injustifiées ou excessives.
[6] La demande de M. Singh Sahota pour considérations d’ordre humanitaire a été rejetée. Il s’agit d’un contrôle judiciaire de cette décision.
[7] Même si les demandes d’ERAR et les demandes pour considérations d’ordre humanitaire tiennent compte des risques, la façon d’évaluer ces derniers est plutôt différente. Dans le cadre d’un ERAR, le « risque » pour l’application de l’article 97 de la LIPR comprend l’évaluation quant à savoir si le demandeur serait exposé personnellement à un risque de mort ou de torture ou de peines ou traitements cruels ou inusités.
[8] Dans une demande de considérations d’ordre humanitaire, cependant, le risque doit être abordé comme un des facteurs déterminants pour établir si le demandeur serait confronté à des difficultés inusitées, et injustifiées ou excessives. Ainsi, l’accent est sur les difficultés, lesquelles présentent un élément de risque, et non sur le risque même.
[9] En règle générale, il est plus difficile pour un demandeur d’ERAR d’établir le risque que pour un demandeur de considérations d’ordre humanitaire d’établir des difficultés (voir : Melchor c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 1327; Dharamraj c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 674; et Pinter c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 296).
[10] Au cours des dernières années, l’ERAR précède habituellement les considérations d’ordre humanitaire ou est décidé en même temps. À cet égard, l’affaire en cause est légèrement inusitée.
[11] Dans Pinter, précitée, le juge en chef Lutfy écrit :
[5] À mon avis, l’agente d’immigration a commis une erreur de droit en concluant qu’elle n’était pas tenue de traiter des facteurs de risque dans son examen de la demande fondée sur des raisons d’ordre humanitaire. Elle n’aurait pas dû se fermer aux facteurs de risque même si une décision défavorable valide avait pu être rendue à la suite d’un examen des risques avant renvoi. Il peut y avoir des considérations relatives au risque qui sont pertinentes à une demande de résidence permanente depuis le Canada, lesquelles sont loin de satisfaire le critère plus rigoureux de la menace à la vie ou du risque de traitements cruels et inusités.
[Non souligné dans l’original.]
[12] Dans l’affaire en cause, l’agent a tenu compte des facteurs de risque présentés dans la décision défavorable sur la demande d’asile et les a mis à jour. Bien qu’il ait tenu compte des liens de M. Singh Sahota au Canada, en ce qui a trait à l’Inde, même s’il s’est servi du formulaire des motifs d’ordre humanitaire, en réalité tout ce qu’il a fait, c’est d’évaluer le risque et non les difficultés. Par exemple, il a dit [traduction] « en évaluant le risque invoqué par le demandeur, je note qu’ils ont, sur le fond, été examinés antérieurement par la CISR ». Il est possible qu’un risque insuffisant pour appuyer une demande d’asile en vertu de l’article 96 ou 97 de la LIPR soit suffisamment grave pour constituer des difficultés.
[13] L’agent n’a pas appliqué les bons critères; par conséquent, M. Singh Sahota n’a pas eu droit à une audition impartiale. Même s’il arrive parfois que l’on puisse dire que le résultat aurait été le même (voir : Mobil Oil Canada Ltd. c. Canada Newfoundland Offshore Petroleum Board, [1994] 1 R.C.S. 202), la règle générale, et celle qui s’applique ici, est qu’il ne revient pas à la Cour de dresser des hypothèses sur ce que le résultat aurait pu être si le critère approprié avait été utilisé (voir : Cardinal c. Kent Institution, [1985] 2 R.C.S. 643).
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE que :
1. La demande de contrôle judiciaire soit accueillie.
2. La décision du représentant du ministre soit annulée et l’affaire renvoyée à un autre représentant du ministre pour qu’il rende une nouvelle décision.
3. Il n’y a pas ici de question d’importance générale à certifier.
« Sean Harrington »
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-5583-06
INTITULÉ : GURDIP SING SAHOTA c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Montréal (Québec)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 5 juin 2007
ET ORDONNANCE : LE JUGE HARRINGTON
DATE DES MOTIFS : Le 18 juin 2007
COMPARUTIONS :
Me Stewart Istvanffy
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Me Sherry Rafai Far
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Stewart Istvanffy Montréal (Québec)
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John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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