Ottawa (Ontario), le 14 juin 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BARRY STRAYER
ENTRE :
EMALL.CA INC. et EMALL.CA INC.,
faisant affaires sous le nom de CHEAPTICKETS.CA
et
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Le 2 mars 2007, j’ai prononcé les motifs d’une ordonnance dans le cadre de la présente demande de radiation des marques de commerce de la défenderesse. J’ai ordonné que les marques de commerce soient radiées et que les dépens soient adjugés à la demanderesse.
[2] Par la suite, la demanderesse a sollicité des directives spéciales au sujet des dépens et, à la suggestion de la Cour, elle a présenté une requête écrite à cette fin. Même si j’ai initialement exprimé certaines réserves quant à l’opportunité de soulever la question des dépens à ce stade, l’avocat de la demanderesse m’a convaincu du fait qu’il était approprié de présenter une telle requête sous forme de demande de directives adressée à l’officier taxateur, et ce, en vertu de l’article 403 des Règles.
[3] L’avocat de la demanderesse m’a également convaincu qu’il était indiqué de donner une directive spéciale en vertu de l’article 420 des Règles. La demande de radiation a été introduite le 31 janvier 2005. Le 26 octobre 2005, après que les parties eurent signifié leurs affidavits mais avant le contre-interrogatoire des auteurs des affidavits, la demanderesse a présenté à la défenderesse une offre écrite de règlement. L’offre prévoyait le retrait de la demande de radiation de la demanderesse, celle-ci se réservant en échange le droit d’utiliser son nom de domaine, CHEAPTICKETS.CA, tout en s’engageant à toujours faire suivre l’expression CHEAPTICKETS de la particule « .CA ». La conclusion d’une entente de « coexistence » permettrait aux parties d’éviter tout différend pour l’avenir. Chacune des parties se désisterait de l’instance engagée contre l’autre sans réclamer de dépens. L’offre devait être en vigueur jusqu’au commencement de l’instruction de la demande, mais serait temporairement suspendue pendant le contre-interrogatoire des auteurs des affidavits déposés par la défenderesse. Moins d’une semaine plus tard, le 1er novembre 2005, la défenderesse a rejeté l’offre. Pendant les quinze mois qui ont suivi, les contre-interrogatoires ont eu lieu ainsi que divers préparatifs en prévision de l’audience, la demande s’étant poursuivie dans le cadre de la gestion des instances. L’audience a eu lieu le 7 février 2007. Le jugement que j’ai rendu est plus avantageux pour la demanderesse que les conditions de son offre de règlement. Celle-ci aurait permis le maintien des marques de commerce de la défenderesse et encadrait dans une certaine mesure l’utilisation que faisait la demanderesse de son nom de domaine. Si la défenderesse avait accepté l’offre avant le contre-interrogatoire des auteurs des affidavits déposés par elle, la demanderesse n’aurait pas eu droit aux dépens. Or, en raison de la décision que j’ai rendue, la demanderesse est libre d’utiliser son nom de domaine comme bon lui semble et a droit aux dépens pour l’ensemble de l’instance. Sous réserve de l’issue de l’appel qu’elle pourrait interjeter, la défenderesse a perdu l’usage de ses marques déposées. Je suis donc convaincu que l’affaire tombe sous le coup du paragraphe 420(1) des Règles. Par conséquent, la demanderesse a droit aux dépens partie-partie jusqu’au 26 octobre 2005 et au double de tels dépens après cette date.
[4] La demanderesse me demande aussi, dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, de tenir compte du fait que la défenderesse a déclenché toute l’affaire en introduisant d’abord une action pour commercialisation trompeuse contre elle devant la Cour suprême de Colombie-Britannique. Dans sa défense, la demanderesse a voulu contester la validité des marques de commerce de la défenderesse, mais ne pouvait le faire devant ce tribunal. Elle a donc dû intenter le présent recours devant la Cour fédérale. La demanderesse prétend que le fait de devoir maintenir des actions devant deux tribunaux lui a occasionné des dépenses inutiles. Il est vrai qu’il aurait été plus efficace pour la défenderesse d’intenter son action pour commercialisation trompeuse devant la Cour fédérale, étant donné que les parties et leurs avocats sont établis dans des provinces différentes : il aurait été plus simple de s’adresser à la Cour fédérale, puisque ses actes de procédure sont exécutoires partout au pays et qu’elle compte des greffes dans toutes les villes importantes.
[5] La demanderesse me demande d’adjuger des dépens forfaitaires en vue d’éviter aux parties d’autres dépenses et pertes de temps. La défenderesse n’a soulevé aucune objection précise à cet égard, sauf pour mentionner qu’elle [traduction] « […] ne devrait pas être privée d’un recours au moyen duquel les parties peuvent exprimer leur point de vue quant aux dépens réclamés par la demanderesse ». C’était en l’occurrence l’objet de la présente requête et la défenderesse a eu la possibilité de contester n’importe laquelle des sommes réclamées par la demanderesse dans son projet de mémoire de frais. Par conséquent, je suis d’avis qu’il est dans l’intérêt de la justice d’adjuger des dépens forfaitaires.
[6] Toutefois, la demanderesse fait remarquer que les dépens devraient être adjugés sur une base avocat-client. Il est bien établi que les dépens ne doivent généralement pas être adjugés sur une telle base sauf si la partie déboutée a mené le litige de manière incorrecte. La demanderesse fait valoir qu’il était incorrect d’intenter une action pour commercialisation trompeuse devant la Cour suprême de la Colombie-Britannique et non devant la Cour fédérale. Comme je l’ai souligné préalablement, il aurait été plus pratique et efficace d’intenter l’action devant la Cour fédérale; cependant, en vertu de la loi, la défenderesse avait le droit de choisir son forum. Il se peut que je tienne compte de cet aspect dans l’exercice de mon pouvoir discrétionnaire, mais il est certain que celui-ci ne justifie pas que les dépens soient adjugés sur une base avocat-client.
[7] La demanderesse m’a présenté des projets de mémoire de frais pour la colonne III, la colonne IV et la colonne V du tarif B. Les débours y sont les mêmes partout et s’élèvent à 10 777,00 $. Un affidavit faisant état du travail accompli et des débours accompagne les mémoires de frais. Bien que je croie qu’à certains égards l’interprétation que fait l’avocat de certains postes du tarif B soit sujette à discussion, les sommes figurant dans les projets de mémoire de frais correspondent à peu près, à mon sens, aux dépens taxés selon ces colonnes, en adjugeant dans la plupart des cas les montants les plus élevés. Je crois que la colonne IV représente une base de taxation raisonnable et, tenant compte du fait que le double des dépens doit être accordé après l’offre de règlement du 26 octobre 2005, je suis d’avis d’ordonner à l’officier taxateur de taxer les dépens en faveur de la demanderesse pour une somme globale de 48 000,00 $, incluant les frais, les débours, la TPS et les frais de la présente requête. (En prononçant une telle ordonnance, je fais miens les propos de la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Consorzio del Prosciutto di Parma c. Maple Leaf Meats Inc., [2003] 2 C.F. 451 (C.A.), au paragraphe 13.)
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. que l’officier taxateur taxe les dépens devant être versés à la demanderesse pour une somme de 48 000,00 $, incluant les frais, les débours, la TPS et les frais de la présente requête.
« Barry L. Strayer »
Traduction certifiée conforme
Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-142-05
INTITULÉ DE LA CAUSE : EMALL.CA INC. et EMALL.CA INC.,
faisant affaires sous le nom de CHEAPTICKETS.CA
c.
CHEAP TICKETS AND TRAVEL INC.
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : le 7 février 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : le juge suppléant STRAYER
DATE DES MOTIFS : le 14 juin 2007
COMPARUTIONS :
Zak Muscovitch
Sean Langan pour les demanderesses
Gregory N. Harney pour la défenderesse
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
MUSCOVITCH & ASSOCIATES pour les demanderesses
Avocats
Toronto (Ontario)
SHIELDS HARNEY pour la défenderesse
Avocats
Victoria (Colombie-Britannique)