Date : 20070529
Dossier : IMM-2122-06
Référence : 2007 CF 561
Ottawa (Ontario), le 29 mai 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'REILLY
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1]
La demande d'asile de M. Terrence Johnson s’est perdue dans le
système.
Elle remonte à 1988, lorsqu’il a quitté la république
de Trinité et a présenté sa demande d'asile après son arrivée au Canada.
Il a vérifié plusieurs fois l'état de sa demande,
mais on lui a dit qu'il y avait un arriéré considérable et qu'il devait
simplement attendre. Entre-temps, il a reçu un
permis de travail et un numéro d'assurance sociale.
[2]
Il n'y a eu aucune suite jusqu’au moment où M. Johnson, en 2003, après
avoir commis une infraction aux règlements de la circulation, a été avisé qu'il
n'avait aucun statut au Canada. Afin de ne pas être
renvoyé, il a présenté une deuxième demande d'asile. En temps opportun, un tribunal de la Commission de
l'immigration et du statut de réfugié (la Commission) a entendu la demande
d'asile et a rendu une décision en 2006. Au
cours de cette audience, M. Johnson a soutenu que la Commission n'avait plus
compétence au sujet de sa demande en raison du temps qui s'était écoulé.
Il a aussi soutenu qu'il risquait toujours d'être
victime de persécution politique à Trinité. La
Commission a décidé qu'elle avait compétence pour juger la demande de M.
Johnson et elle a conclu qu'il ne risquait plus d'être victime de persécution.
[3] M. Johnson allègue que la Commission a commis une erreur en concluant qu'elle avait encore compétence pour juger sa demande. Je ne peux pas conclure que la Commission a commis une erreur et, par conséquent, je devrai rejeter la demande de contrôle judiciaire.
I. La question en litige
[4]
La Commission avait-elle compétence pour examiner la demande
d'asile de M. Johnson?
II. Analyse
[5]
Les cours ont affirmé que, dans le contexte de l'immigration, un
retard excessif de la part du décideur pouvait priver le demandeur de son droit
à un traitement équitable. Cependant, le
demandeur doit prouver qu'il a subi un préjudice en raison du retard : Qazi
c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 1667,
[2005] A.C.F. no 2069 (1re inst.) (QL); Rana c. Canada
(Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2005 CF 974, [2005]
A.C.F. no 1215 (1re inst.) (QL); Akthar c. Canada
(Ministre de l'Emploi et de l'Immigration), [1991] 3 C.F. 32 (C.A.).
Comme le juge James Hugessen l'a noté dans la
décision Akthar, parfois les demandeurs peuvent en fait tirer avantage
du retard – certains peuvent se voir accorder une amnistie, d'autres peuvent
recueillir des preuves supplémentaires ou préparer des arguments plus
convaincants pour étayer leur demande, et certains peuvent vivre en sécurité au
Canada pendant que les troubles dans leur pays d'origine s'apaisent.
[6]
La situation de M. Johnson semble appartenir à la dernière
catégorie.
Lorsqu'il est arrivé au Canada, il a allégué être
victime de persécution politique de la part du parti qui se trouvait alors au
pouvoir – le Front uni des travailleurs. Le
parti qu'il appuyait activement, le Mouvement national du peuple, est
maintenant au pouvoir. Entre-temps, M. Johnson
a habité et travaillé en paix et en sécurité au Canada et il y a fondé une
entreprise prospère. Il soutient que, si
l'audience avait eu lieu en temps opportun, il aurait établi la crédibilité de
sa demande, il aurait automatiquement profité du bénéfice des motifs d'ordre
humanitaire et aurait depuis longtemps obtenu le statut de résident permanent
au Canada. C'est possible. Cependant, il bénéficiera maintenant d'un examen complet au
regard des motifs d'ordre humanitaire en raison du fait qu'il s'est établi avec
succès au Canada au cours des nombreuses années qui se sont écoulées. Dans un
sens, le retard dans le traitement de sa demande d'asile pourrait être à son
avantage.
[7]
Comme le défendeur l'a admis, le traitement de la demande d'asile
de M. Johnson a été un [traduction]
« désastre administratif ». Son dossier a
été fusionné à celui d'un autre demandeur qui portait le même nom. On a mis des années à régler ce problème. L'agent qui
examinera la demande fondée sur des motifs d'ordre humanitaire de M. Johnson
tiendra sans doute compte de cette situation et des préjudices qui en ont
découlé.
[8] Cependant, je ne vois aucune raison d'annuler la décision de la Commission au sujet de la demande d'asile de M. Johnson. Je devrai, par conséquent, rejeter la demande de contrôle judiciaire. L'avocat du demandeur a demandé l'autorisation de formuler des observations au sujet d'une question pour la certification. J'examinerai toute observation présentée dans les dix jours suivant le présent jugement.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
- La demande de contrôle judiciaire est rejetée;
- La Cour examinera toute observation au sujet d'une question pour la certification qui sera présentée dans les dix (10) jours suivant le prononcé des présents motifs.
Traduction certifiée conforme
Evelyne Swenne, traductrice
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2122-06
INTITULÉ : TERRENCE CLAUDIUS JOHNSON c. LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : Le 22 mai 2007
ET JUGEMENT : LE JUGE O’REILLY
DATE DES MOTIFS : Le 29 mai 2007
COMPARUTIONS :
John Guoba
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Negar Hashemi |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
JOHN M. GUOBA Toronto (Ontario) |
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JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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