Ottawa (Ontario), le 10 mai 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE KELEN
ENTRE :
RACHALEX HOLDINGS INC. et TYRONE NAGTHALL
et
W & M WIRE & METAL
PRODUCTS LTD. et
921410 ONTARIO LTD., faisant affaire sous le nom de THE DISPLAY BANK
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] Il s’agit d’une requête en jugement sommaire présentée par les demandeurs dans une action en contrefaçon de brevet relativement au brevet no 1,275,282 (le brevet 282) visant un accessoire d’étalage modulaire pour l’étalage de vêtements ou de marchandises dans les magasins de détail.
Faits
[2] Le demandeur Tyrone Nagthall est le breveté et propriétaire inscrit du brevet 282, obtenu le 16 novembre 1990 à la suite d’une demande déposée le 6 juin 1989.
[3] La demanderesse Rachalex Holdings Inc. (Rachalex) exploite une entreprise connue sous le nom de Vogue Display. Elle est la détentrice exclusive d’une licence de tous les droits découlant du brevet 282 et se réclame du breveté en application de l’article 55 de la Loi sur les brevets, L.R.C 1985, ch. P-4 (la Loi).
[4] Les défenderesses fabriquent et vendent des accessoires d’étalage qui comportent tous les éléments des revendications 1 et 10 au moins du brevet 282. Elles prétendent qu’elles n’ont pas copié le produit des demandeurs et que le brevet 282 est invalide. Leur allégation d’invalidité se fonde sur les motifs suivants :
1. l’invention est divulguée dans une publication antérieure;
2. un autre inventeur avait déjà mis au point cette invention;
3. certaines revendications du brevet 282 sont invalides parce que les termes utilisés sont imprécis ou ambigus.
Preuve des défenderesses
[5] Les allégations suivantes ont été présentées en preuve par les défenderesses :
[traduction]
1. Le « système X‑cell », fabriqué par Redhawk Industries Inc. (Redhawk) depuis 1981, est semblable ou identique au système des demandeurs. Vendu partout aux États‑Unis par Redhawk, il est produit et a été introduit depuis 1987 au Canada, où il est vendu dans les magasins Wolco et Randy River.
2. Le concept de cascade à la base du brevet 282 des demandeurs existe au Canada depuis les années 1950. Kember Store Metals Limited et d’autres ont fabriqué et vendu le système au Canada.
3. Selon Claude Robolin, président de Redhawk, le système X-Cell a été inventé par Michele Mathiew de Deco Metaux en France dans les années 1970. M. Robolin a obtenu l’autorisation de M. Mathiew de produire le système aux États‑Unis.
4. Le système des demandeurs copie le système X-Cell.
5. Le système X‑Cell a été annoncé dans l’édition d’octobre 1989 de la revue Visual Merchandising and Store Design, à la page 182.
6. Le système a été fabriqué au Canada par d’autres entreprises, notamment Concord Metal Canada et Nu Look, sans que les demandeurs ne portent plainte ou n’intentent d’action.
7. Le système X‑Cell a été exposé en Europe, à l’Euroshop en Allemange, et dans diverses villes américaines dans des salons professionnels avant que les demandeurs ne fabriquent l’accessoire et ne déposent leur demande de brevet.
8. Le brevet américain no 3,450,270, délivré en 1969, divulgue les caractéristiques de l’article 10 du brevet 282.
Preuve des demandeurs
[6] Les allégations suivantes ont été présentées en preuve par les demandeurs :
[traduction]
1. Le magasin Display Bank, situé au 30, chemin Ordnance, à Toronto, a vendu le 29 juillet 2005 une « coulisse murale », une « coulisse saillante » et un support pouvant être utilisé avec l’une ou l’autre coulisse. Display Bank désigne ces composantes ainsi que les autres composantes de cette gamme d’accessoires d’étalage sous le nom de « système de coulisse ».
2. Display Bank fournit des dessins et des renseignements sur son « système de coulisse » sur son site Web à l’adresse www.thedisplaybank.ca.
3. Pour une personne versée dans l’art, la coulisse saillante des défenderesses comporte tous les éléments de la revendication 1 du brevet 282.
4. Pour une personne versée dans l’art, la coulisse murale et le support des défenderesses comportent tous les éléments de la revendication 10 du brevet 282.
5. Pour une personne versée dans l’art, les coulisse en cascade et porte‑vêtements montrés sur le site Web de Display Bank comportent tous les éléments de la revendication 10 du brevet 282.
Question
[7] La question dont est saisie la Cour est de savoir si les allégations des défenderesses soulèvent une véritable question litigieuse.
Critère à appliquer pour que la cour rende un jugement sommaire
[8] Dans la décision Spenco Medical Corp. c. Emu Polishes Inc., 2004 CF 963, j’expose comme suit le critère à appliquer pour que la Cour rende un jugement sommaire :
¶6 Les règles relatives au jugement sommaire sont énoncées aux règles 213 à 219 des Règles de la Cour fédérale, 1998 DORS 198‑106; la règle 216, en particulier, prévoit notamment ce qui suit :
216. (1) Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue qu’il n’existe pas de véritable question litigieuse quant à une déclaration ou à une défense, elle rend un jugement sommaire en conséquence.
(2) Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour est convaincue que la seule véritable question litigieuse est : […]
b) un point de droit, elle peut statuer sur celui-ci et rendre un jugement sommaire en conséquence.
(3) Lorsque, par suite d’une requête en jugement sommaire, la Cour conclut qu’il existe une véritable question litigieuse à l’égard d’une déclaration ou d’une défense, elle peut néanmoins rendre un jugement sommaire en faveur d’une partie, soit sur une question particulière, soit de façon générale, si elle parvient à partir de l’ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit.
* * *
216. (1) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that there is no genuine issue for trial with respect to a claim or defence, the Court shall grant summary judgment accordingly.
(2) Where on a motion for summary judgment the Court is satisfied that the only genuine issue is […]
(b) a question of law, the Court may determine the question and grant summary judgment accordingly.
(3) Where on a motion for summary judgment the Court decides that there is a genuine issue with respect to a claim or defence, the Court may nevertheless grant summary judgment in favour of any party, either on an issue or generally, if the Court is able on the whole of the evidence to find the facts necessary to decide the questions of fact and law.
¶7 La Cour ne rend pas de jugement sommaire lorsque l'existence d'une véritable question litigieuse est démontrée. Toutefois, la règle 216(3) permet explicitement à la Cour de rendre un jugement sommaire malgré l'existence d'une véritable question litigieuse si « elle parvient à partir de l'ensemble de la preuve à dégager les faits nécessaires pour trancher les questions de fait et de droit » . La Cour d'appel fédérale a récemment passé en revue les principes applicables en matière de jugement sommaire dans les arrêts MacNeil Estate c. Canada (Ministère des Affaires indiennes et du Nord) (2004), 316 N.R. 349 (C.A.F.) et Trojan Technologies, Inc. c. Suntec Environmental Inc., 2004 CAF 140, [2004] A.C.F. no 636 (C.A.F.) (QL).
¶8 Dans l'arrêt MacNeil Estate, précité, la Cour d'appel fédérale a repris, en l'approuvant, l'énoncé, souvent cité, des principes formulés par la juge Tremblay-Lamer dans la décision Granville Shipping Co. c. Pegasus Lines Ltd., [1996] 2 C.F. 853 (1re inst.), et elle a clarifié le rôle général du juge des requêtes ainsi que le rôle plus particulier qui lui incombe relativement à la règle 216(3). Voici les recommandations formulées par la Cour dans l'arrêt MacNeil Estate:
1. Lorsqu'il se pose une question de crédibilité, l'affaire ne devrait pas être tranchée au moyen d'un jugement sommaire rendu en vertu du paragraphe 216(3), mais devrait plutôt faire l'objet d'une instruction parce que les parties devraient être contre‑interrogées devant le juge du procès (voir paragraphe 32 de MacNeil Estate);
2. En vertu du paragraphe 216(3) des Règles, le juge des requêtes peut uniquement tirer des conclusions de fait ou de droit à condition qu'existent dans le dossier des éléments de preuve pertinents qui ne portent pas sur une question de fait ou de droit « sérieuse » reposant sur des inférences (voir paragraphe 33 de MacNeil Estate);
3. Le paragraphe 216(3) des Règles permet au juge, par suite d'une requête en jugement sommaire, après avoir conclu qu'il existe une « véritable question litigieuse », de mener une instruction en se fondant sur la preuve par affidavit en vue de trancher les questions qui se posent dans l'action s'il est possible de le faire. Toutefois, il n'est pas toujours possible de le faire, en particulier en présence d'éléments de preuve contradictoires, lorsque l'affaire repose sur des inférences ou lorsqu'une question de crédibilité est en jeu (voir paragraphe 46 de MacNeil Estate).
4. Les parties qui répondent à une requête en jugement sommaire n'ont pas la charge de prouver tous les faits de l'affaire;… elles sont uniquement tenues de présenter une preuve montrant qu'il existe une véritable question litigieuse (voir paragraphe 25 de MacNeil Estate).
Dispositions législatives et réglementaires pertinentes
[9] Les dispositions pertinentes de la Loi en vigueur avant le 1er octobre 1989 sont les suivantes :
2. ... « invention » Toute réalisation, tout procédé, toute machine, fabrication ou composition de matières, ainsi que tout perfectionnement de l'un d'eux, présentant le caractère de la nouveauté et de l'utilité. […]
27. (1) Sous réserve des autres dispositions du présent article, l'auteur de toute invention ou le représentant légal de l'auteur d'une invention peut, sur présentation au commissaire d'une pétition exposant les faits, appelée dans la présente loi le « dépôt de la demande », et en se conformant à toutes les autres prescriptions de la présente loi, obtenir un brevet qui lui accorde l'exclusive propriété d'une invention qui n'était pas : a) connue ou utilisée par une autre personne avant que lui-même l'ait faite; b) décrite dans un brevet ou dans une publication imprimée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la présentation de la pétition ci‑après mentionnée; c) en usage public ou en vente au Canada plus de deux ans avant le dépôt de sa demande au Canada. […]
34. (1) Dans le mémoire descriptif, le demandeur : a) décrit d'une façon exacte et complète l'invention et son application ou exploitation, telles que les a conçues l'inventeur; b) expose clairement les diverses phases d'un procédé, ou le mode de construction, de confection, de composition ou d'utilisation d'une machine, d'un objet manufacturé ou d'un composé de matières, dans des termes complets, clairs, concis et exacts qui permettent à toute personne versée dans l'art ou la science dont relève l'invention, ou dans l'art ou la science qui s'en rapproche le plus, de confectionner, construire, composer ou utiliser l'objet de l'invention; ... d) s'il s'agit d'un procédé, explique la suite nécessaire, le cas échéant, des diverses phases du procédé, de façon à distinguer l'invention d'autres inventions; e) indique particulièrement et revendique distinctement la partie, le perfectionnement ou la combinaison qu'il réclame comme son invention. […]
45. Tout brevet accordé en vertu de la présente loi est délivré sous la signature du commissaire et le sceau du Bureau des brevets. Le brevet porte à sa face la date à laquelle il a été accordé et délivré, et il est par la suite, sauf preuve contraire, valide et acquis au titulaire et à ses représentants légaux pour la période y mentionnée. […]
61. (1) Aucun brevet ou aucune revendication dans un brevet ne peut être déclaré invalide ou nul pour la raison que l'invention qui y est décrite était déjà connue ou exploitée par une autre personne avant d'être faite par l'inventeur qui en a demandé le brevet, à moins qu'il ne soit établi que, selon le cas : a) cette autre personne avait, avant la date de la demande du brevet, divulgué ou exploité l'invention de telle manière qu'elle était devenue accessible au public;
|
2. ... "invention" means any new and useful art, process, machine, manufacture or composition of matter, or any new and useful improvement in any art, process, machine, manufacture or composition of matter; […]
27. (1) Subject to this section, any inventor or legal representative of an inventor of an invention that was
(a) not known or used by any other person before he invented it, (b) not described in any patent or in any publication printed in Canada or in any other country more than two years before presentation of the petition hereunder mentioned, and (c) not in public use or on sale in Canada for more than two years prior to his application in Canada,
may, on presentation to the Commissioner of a petition setting out the facts, in this Act termed the filing of the application, and on compliance with all other requirements of this Act, obtain a patent granting to him an exclusive property in the invention. […]
34. (1) An applicant shall in the specification of his invention (a) correctly and fully describe the invention and its operation or use as contemplated by the inventor;
(b) set out clearly the various steps in a process, or the method of constructing, making, compounding or using a machine, manufacture or composition of matter, in such full, clear, concise and exact terms as to enable any person skilled in the art or science to which it appertains, or with which it is most closely connected, to make, construct, compound or use it; ...
(d) in the case of a process, explain the necessary sequence, if any, of the various steps, so as to distinguish the invention from other inventions; and
(e) particularly indicate and distinctly claim the part, improvement or combination that he claims as his invention. […]
45. Every patent granted under this Act shall be issued under the signature of the Commissioner and the seal of the Patent Office, shall bear on its face the date on which it is granted and issued and shall thereafter, in the absence of any evidence to the contrary, be valid and avail the grantee and his legal representatives for the term mentioned therein. […]
61. (1) No patent or claim in a patent shall be declared invalid or void on the ground that, before the invention therein defined was made by the inventor by whom the patent was applied for, it had already been known or used by some other person, unless it is established that
(a) that other person had, before the date of the application for the patent, disclosed or used the invention in such manner that it had become available to the public. |
[10] L’article 75 des Règles des Cours fédérales est également pertinent quant à la présente requête :
75. (1) Sous réserve du paragraphe (2) et de la règle 76, la Cour peut à tout moment, sur requête, autoriser une partie à modifier un document, aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties.
(2) L’autorisation visée au paragraphe (1) ne peut être accordée pendant ou après une audience que si, selon le cas : a) l’objet de la modification est de faire concorder le document avec les questions en litige à l’audience; b) une nouvelle audience est ordonnée; c) les autres parties se voient accorder l’occasion de prendre les mesures préparatoires nécessaires pour donner suite aux prétentions nouvelles ou révisées.
|
75. (1) Subject to subsection (2) and rule 76, the Court may, on motion, at any time, allow a party to amend a document, on such terms as will protect the rights of all parties.
(2) No amendment shall be allowed under subsection (1) during or after a hearing unless (a) the purpose is to make the document accord with the issues at the hearing; (b) a new hearing is ordered; or (c) the other parties are given an opportunity for any preparation necessary to meet any new or amended allegations. |
Analyse
Existe‑t‑il une véritable question litigieuse?
[11] En vertu du paragraphe 216(1) des Règles des Cours fédérales, je dois premièrement décider, par suite d’une requête en jugement sommaire, si la défense ne présente aucune question litigieuse ou si la question en litige est tellement douteuse qu’elle ne mérite pas d’être examinée de façon approfondie.
[12] Après avoir appliqué les quatre principes ou lignes directrices de l’arrêt McNeil Estate que j’ai exposés au paragraphe 8 et avoir examiné les affidavits et les transcriptions des contre‑interrogatoires sur les affidavits, je conclus que les défenderesses ont soulevé les véritables questions litigieuses suivantes :
1. L’invention décrite au brevet 282 avait‑elle déjà été divulguée au public? (à savoir, l’invention se heurte‑t‑elle à une antériorité?)
2. Est‑ce qu’une personne autre que M. Nagthall a inventé l’objet du brevet 282 avant lui?
Je conclus aussi qu’un jugement sommaire partiel doit être rendu quant aux questions de contrefaçon et d’invalidité fondées sur l’ambiguïté.
Contrefaçon
[13] Les défenderesses ont fait valoir qu’elles n’avaient pas contrevenu au brevet des demandeurs, mais elles n’ont présenté aucune preuve dans le cadre de la présente requête pour contredire la preuve d’expert des demandeurs selon laquelle le système vendu par les défenderesses contrevenait aux revendications 1 et 10 du brevet 282. Cependant, pour conclure à la contrefaçon, la Cour doit interpréter le brevet et décider, sur le fondement de la preuve dont elle dispose, si une personne versée dans l’art estimerait que les produits des défenderesses comportent tous les éléments des revendications 1 et 10 du brevet 282 : voir Whirlpool Corp. c. Camco Inc., [2000] 2 R.C.S. 1067, à la page 1089.
[14] Comme le décrit le brevet 282, l’invention des demandeurs a trait à des accessoires d’étalage comportant des montants auxquels on peut fixer des supports. La « description générale de l’invention » est libellée comme suit :
[traduction] Des accessoires d’étalage sont fréquemment installés dans les magasins de détail et les établissements de ce genre afin de fournir un lieu d’entreposage et d’étalage de la marchandise. Les accessoires d’étalage typiques comprennent un ou plusieurs montants verticaux, avec divers supports de montage à crochets et ainsi de suite, qui sont suspendus aux montants verticaux. Un dispositif particulier privilégié est un système de rangement mural qui comporte des profilés ou tubes rectangulaires, avec une série d’encoches d’où des supports à crochets peuvent être suspendus. Ce dispositif a toutefois l’inconvénient suivant : le support a tendance à osciller sur son axe à l’intérieur de l’encoche.
Un autre désavantage des anciens accessoires d’étalage avec des profilés rectangulaires munis d'une série d'encoches est que les crochets qui y sont suspendus s’appuient contre la surface du montant qui contient ces encoches. Avec une telle configuration, le fait de placer une charge substantielle sur le support à crochet a tendance à déformer la surface du support sur lequel ce poids repose.
[15] La revendication 1 du brevet 282 décrit la réalisation de l’invention de la manière suivante :
[traduction] Un montant pour supporter au moins un support d’accessoire d’étalage, ledit support comportant un logement, le montant en question comprenant les éléments suivants :
Plusieurs paires de prolongements latéraux comportant des surfaces parallèles opposées généralement planes, un côté des dites paires latérales étant raccordé le long du rebord au côté le plus près de la paire de prolongements qui y sont adjacentes;
Éléments de soutien reliant lesdites surfaces et soutenus par les côtés;
En usage, l’un desdits éléments de soutien étant introduit dans le logement susmentionné dans ledit support et lesdites surfaces opposées, formant des surfaces de retenue et agissant contre lesdits supports pour limiter le mouvement de pivotement du support autour d’un axe généralement perpendiculaire aux éléments de soutien susmentionnés.
[16] Les demandeurs ont fourni un affidavit préparé par Duncan Newman, ingénieur en mécanique et concepteur de produits. Les avocats des demandeurs ont retenu les services de M. Newman pour qu’il donne son avis sur les qualifications d’un lecteur versé dans l’art pour le brevet 282 et qu’il examine les articles des défenderesses et établisse un rapport entre leurs caractéristiques techniques et celles du brevet 282. De l’avis de M. Newman, une personne versée dans l’art considérerait :
[traduction]
1. la coulisse en cascade de la défenderesse comme étant un support muni d’un logement;
2. la coulisse saillante de la défenderesse comme étant :
i. un montant pour supporter au moins un support d’un accessoire d’étalage;
ii. comportant plusieurs paires de prolongements latéraux munis de surfaces parallèles généralement planes;
iii. au moins un côté des paires de prolongements raccordé le long du rebord au côté le plus près de la paire de prolongements qui y sont adjacentes;
iv. comportant des éléments de soutien reliant les surfaces parallèles généralement planes des élongations latérales, supportés sur les côtés;
v. en usage, l’un desdits éléments de soutien étant introduit dans le logement susmentionné dans ledit support et lesdites surfaces opposées, formant des surfaces de retenue et agissant contre lesdits supports pour limiter le mouvement de pivotement du support autour d’un axe généralement perpendiculaire aux éléments de soutien susmentionnés.
M. Newman a par conséquent conclu que la personne versée dans l’art estimerait que la coulisse saillante des défenderesses comporte tous les éléments de la revendication 1.
[17] M. Newman a également donné un avis à l’égard de la revendication 10 du brevet 282, qui décrit la réalisation suivante de l’invention :
[traduction] Un accessoire d’étalage qui comprend les éléments suivants :
au moins un support comportant un logement;
au moins un montant comportant les éléments suivants :
au moins deux membres modulaires discrets espacés en parallèle, qui définissent au moins une paire de surfaces parallèles planes opposées adaptées pour recevoir, avec un espacement légèrement plus grand, la partie dudit support comportant le logement susmentionné;
un moyen pour maintenir ces membres généralement à la verticale;
plusieurs éléments reliant lesdites surfaces opposées, ces éléments ayant les dimensions nécessaires pour être introduits dans les logements des supports susmentionnés;
en usage, ces supports sont soutenus sur ledit montant par la partie susmentionnée de ces supports comportant lesdits logements étant introduits d’une manière ajustée entre lesdites paires de surfaces opposées, lesdits logements recevant l’un des éléments susmentionnés.
[18] De l’avis de M. Newman, une personne versée dans l’art considérerait la coulisse en cascade et le montant mural de la défenderesse comme étant :
[traduction]
1. un accessoire d’étalage comprenant :
i. un support muni d’un logement;
ii. un montant comportant les éléments suivants :
1. au moins deux membres modulaires discrets espacés en parallèle, qui définissent au moins une paire de surfaces parallèles planes opposées adaptées pour recevoir, avec un espacement légèrement plus grand, la partie dudit support comportant le logement susmentionné;
2. un moyen pour maintenir ces membres généralement à la verticale;
3. plusieurs éléments reliant lesdites surfaces opposées, ces éléments ayant les dimensions nécessaires pour être introduits dans les logements des supports susmentionnés
iii. En usage :
1. le support peut être retiré;
2. le support est soutenu en recevant dans son logement l’un des éléments qui relie les surfaces opposées parallèles;
3. la partie du support comportant le logement est introduite de manière ajustée dans la paire de surfaces parallèles opposées.
Par conséquent, M. Newman est arrivé à la conclusion qu’une personne versée dans l’art considérerait que le montant mural et la coulisse en cascade des défenderesses comportent tous les éléments mentionnés dans la revendication 10. En se fondant sur les schémas figurant sur le site Web Display Bank, M. Newman a également conclu qu’une personne versée dans l’art pourrait considérer que la coulisse en cascade et le rangement à coulisse de plancher illustré sur le site Web comportent tous les éléments de la revendication 10.
[19] En l’absence de preuve contraire, je suis convaincu que, sur le fondement d’une interprétation téléologique du brevet 282 et de l’opinion d’expert fournie par M. Newman, les défenderesses ont contrevenu aux revendications 1 et 10 du brevet 282. Je rendrai par conséquent un jugement sommaire sur la question de la contrefaçon.
Allégations d’invalidité des défenderesses
1. Antériorité
[20] Une invention se heurte à une antériorité, c.‑à‑d. qu’elle n’est pas nouvelle, si ses caractéristiques essentielles sont divulguées dans une antériorité : Diversified Products Corp. c. Tye-Sil Corp. (1991) 35 C.P.R. (3d) 350, à la page 361 (C.A.F.).
[21] Selon l’alinéa 27(1)b) de la version antérieure au 1er octobre 1989 de la Loi sur les brevets, une publication invalidera une revendication de brevet si elle est publiée au Canada ou dans tout autre pays plus de deux ans avant la date de dépôt de la demande au Canada. Si, comme l’allèguent les défenderesses, l’invention décrite dans le brevet 282 a été divulguée dans une publication antérieure, le brevet 282 est invalide.
[22] De plus, l’alinéa 27(1)a) de la Loi sur les brevets, dans sa version antérieure au 1er octobre 1989, prévoit que si l’invention était connue ou utilisée par une autre personne avant que les demandeurs aient présenté la demande de brevet, les demandeurs n’ont pas le droit de déposer la demande de brevet. Une question litigieuse importante est de savoir si l’objet du brevet était connu ou utilisé par toute autre personne avant que le demandeur ne l’ait inventé. L’alinéa 61(1)a) prévoit qu’un brevet peut être déclaré invalide si l’invention à l’égard de laquelle il a été accordé était déjà connue ou exploitée par une autre personne ou si cette autre personne a divulgué ou exploité l’invention de telle manière qu’elle était devenue accessible au public. Les défenderesses ont présenté des éléments de preuve visant à établir qu’un système connu sous le nom de « système C‑Cell » était exploité et accessible au public avant que les demandeurs n’obtiennent le brevet 282. Si la preuve d’expert établit que le système X‑Celle comporte les mêmes éléments essentiels que ceux qui font l’objet du brevet dans la présente affaire, il importe peu que la publication ait été publiée moins de deux ans avant le dépôt de la demande de brevet des demandeurs. Je suis convaincu que la question de l’invalidité sur le fondement de l’antériorité est une question litigieuse de fait et de droit qui devrait être examinée par le juge du fond. Par conséquent, les demandeurs n’ont pas droit à un jugement sommaire à cet égard.
[23] La date de la publication sur X‑Cell est litigieuse étant donné que la brochure elle‑même n’est pas datée. Quoi qu’il en soit, la brochure sur le système X‑Cell pourrait, en fin de compte, ne pas être prise en considération par le juge du fond parce qu’elle ne décrit pas en mots l’invention; elle ne montre qu’une représentation graphique du système. Comme nous l’avons dit, la publication pourrait de toute façon être non pertinente parce que, selon l’alinéa 21(1)a) de la Loi sur les brevets, la preuve peut démontrer que l’invention était connue ou utilisée par une autre personne avant que les demandeurs aient présenté leur demande pour le brevet 282.
[24] À l’audition de la présente requête, les défenderesses ont présenté à la Cour des affidavits concernant un brevet américain de 1969 qui semble décrire l’invention des demandeurs. Ceux‑ci se sont opposés à cette preuve au motif que le brevet américain n’a été divulgué ni dans la défense ni dans les trois réponses des défenderesses aux demandes de précisions des demandeurs. Par conséquent, je ne peux pas tenir compte de ce brevet américain de 1969 dans le cadre de la présente requête en jugement sommaire.
2. Inventeur préalable
[25] Selon le paragraphe 27(1) de la Loi, un brevet ne peut être accordé qu’à l’auteur de l’invention ou à son représentant légal. Si, comme l’allèguent les défenderesses, M. Nagthall n’est pas l’inventeur, dans le même ordre d’idées, le brevet 282 est invalide.
[26] La contradiction dans la preuve réside dans le fait que le demandeur Tyrone Nagthall affirme avoir inventé le système de montant et support pour étalage. Philip S. David a témoigné que les propriétaires de Redhawk Industries se disaient les inventeurs. Paul Pacheco, témoin des défenderesses, a déclaré dans son affidavit que le système de montant et support existe aux États-Unis et au Canada depuis 1983. Il a également déclaré que le système a été inventé par Michele Mathiew en France dans les années 1970. Ces affirmations se fondaient sur des renseignements fournis par Claude Robolin, président de Redhawk Industries. M. Pacheco n’a pas été contre‑interrogé sur son affidavit. Les demandeurs ont fait valoir que certains éléments de cette preuve constituaient une preuve contradictoire par double ouï‑dire, mais l’affidavit portant sur des renseignements et des croyances constitue une preuve admissible dans le cadre d’une requête en jugement sommaire. Les objections soulevées par les demandeurs à cet égard font ressortir le besoin d’apprécier adéquatement la crédibilité des témoignages des défenderesses et le poids à leur accorder. Ces questions relatives à la preuve requièrent des témoignages en personne. Bien qu’on ne puisse accorder le même poids à la preuve contradictoire par double ouï‑dire qu’à une preuve directe, le poids à accorder à ces preuves est à bon droit laissé à l’appréciation du juge du fond.
4. Ambiguïté
[27] Le juge du fond aura la tâche d’interpréter le brevet et en particulier les revendications 1 et 10. Les demandeurs ont démontré que les mots utilisés dans ces revendications n’étaient pas ambigus comme on l’a allégué. Bien que j’aie eu de la difficulté à comprendre le brevet, le brevet est censé être compris par un expert, à savoir une personne versée dans l’art. Nous avons l’affidavit de M. Newman, une preuve d’expert, qui explique les éléments du brevet. Les défenderesses n’ont pas produit de preuve d’expert selon laquelle le libellé des revendications du brevet est ambigu ou non clair. Leur allégation ne repose que sur les prétentions d’un avocat. Par conséquent, je suis disposé à accorder aux demandeurs un jugement sommaire partiel à l’égard de la question de l’ambiguïté.
3. Évidence
[28] Les défenderesses ont aussi fait valoir que l’invention décrite dans le brevet 282 était évidente. Elles n’ont pas plaidé l’évidence dans leur défense et je n’ai pas tenu compte de cet argument dans le cadre de la requête en jugement sommaire, et je ne pouvais le faire. J’estime toutefois que l’évidence aurait été une question importante en l’espèce si elle avait été plaidée.
Actes de procédure
[29] Comme nous l’avons vu, je n’ai examiné ni la preuve relative au brevet américain de 1969, étant donné qu’elle a trait à la question de l’antériorité, ni la preuve concernant la question de l’évidence. Le brevet américain n’a pas été invoqué à titre d’antériorité et l’évidence n’a pas été invoquée comme fondement pour l’invalidité. Comme la présente affaire sera instruite, les défenderesses peuvent obtenir, avec autorisation, en vertu des Règles sur les Cours fédérales, le droit de modifier leurs actes de procédure. Selon l’article 75 des Règles, la Cour peut autoriser une partie à modifier sa défense aux conditions qui permettent de protéger les droits de toutes les parties. Généralement, la Cour autorisera les modifications qui servent l’intérêt de la justice et n’entraînent pas d’injustice qu’on ne pourrait réparer. La question de savoir si les défenderesses auraient le droit de modifier leur défense et leurs réponses aux demandes de précisions afin de mentionner le brevet américain de 1969 et de faire valoir l’évidence sera tranchée par un autre juge à une autre audience. Pour l’instant, je ne suis pas convaincu que la Cour devrait accorder un jugement sommaire partiel aux demandeurs sur ces deux questions parce que ces questions et la preuve à examiner pour arriver à une décision sont étroitement liées aux véritables questions litigieuses : qui est le véritable inventeur de ce système de montant et support pour étalage et l’invention se heurtait‑elle à une antériorité?
Conclusion
[30] Pour ces motifs, la Cour accueillera en partie la requête et rendra un jugement sommaire en faveur des demandeurs relativement aux questions suivantes :
1. les défenderesses ont contrevenu aux revendications 1 et 10 du brevet 282;
2. le brevet 282 n’est pas invalide sur le fondement de l’ambiguïté.
Comme les allégations des défenderesses relatives à l’invalidité sur le fondement de l’antériorité et de la paternité préalable de l’invention soulèvent de véritables questions litigieuses, les demandeurs n’ont pas droit à un jugement sommaire sur ces questions.
[31] Comme chacune des parties a obtenu partiellement gain de cause, chaque partie supportera ses propres dépens à l’égard de la présente requête.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La présente requête en jugement sommaire est accueillie en partie.
2. Les demandeurs obtiennent un jugement sommaire dans la présente action quant aux questions suivantes :
i. les défenderesses ont contrevenu aux revendications 1 et 10 du brevet canadien no 1,275,282;
ii. le brevet canadien no 1,275,282 n’est pas invalide sur le fondement de l’ambiguïté.
3. Les défenderesses ont le droit de poursuivre l’action quant aux questions suivantes relatives à l’invalidité :
i. L’invention décrite dans le brevet canadien no 1,275,282 avait‑elle déjà été divulguée au public? (à savoir, l’invention se heurtait‑elle à une antériorité?)
ii. Est‑ce qu’une personne autre que M. Nagthall a inventé l’invention visée par le brevet canadien no 1,275,282 avant M. Nagthall?
4. Chaque partie supportera ses propres dépens à l’égard de la présente requête.
« Michael Kelen » .
Juge
Traduction certifiée conforme
Sandra de Azevedo, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1377-04
INTITULÉ : RACHALEX HOLDINGS INC. ET AL c. W & M WIRE & METAL PRODUCTS LTD. ET AL
DATE DE L’AUDIENCE : 24 AVRIL 2007
DATE DES MOTIFS ET DE
COMPARUTIONS :
Christine Pallotta Christopher G. Tortorice |
|
Ellis Fabian |
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
BERESKIN & PARR, Toronto (Ontario) |
POUR LES DEMANDEURS |
Ellis Fabian, Toronto (Ontario)
|
POUR LES DÉFENDERESSES |