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Date : 20070504

Dossier : IMM-5261-06

Référence : 2007 CF 488

Ottawa (Ontario), le 4 mai 2007

 

EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

 

ENTRE :

 

JACK WILLSON

demandeur

et

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]               La Cour est saisie d’une demande de contrôle judiciaire, présentée sous le régime du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L. C. 2001, ch. 27, visant une décision datée du 31 août 2006, par laquelle un agent d'examen des risques avant renvoi (ERAR) a rejeté une demande de résidence permanente présentée de l’intérieur du Canada et fondée sur des motifs d’ordre humanitaire.

CONTEXTE

[2]               Jack Willson (le demandeur) est un citoyen du Libéria qui est entré illégalement au Canada à une date inconnue et qui y a demandé asile le 22 janvier 1996.

 

[3]               Le 18 janvier 1999, la Section de la protection des réfugiés (SPR) de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande d’asile et jugé qu’il n’était pas un réfugié au sens de la Convention. Par suite de cette décision, le demandeur a présenté une demande pour motifs d’ordre humanitaire assortie d’une demande de parrainage soumise par sa conjointe. Le 11 août 2000, la conjointe a retiré sa demande de parrainage parce que le couple avait cessé de vivre ensemble. Le 12 septembre 2000, la demande pour motifs d’ordre humanitaire a été rejetée.

 

[4]               Le 29 janvier 2002, la mesure de renvoi, devenue exécutoire par suite du rejet de la demande pour motifs d’ordre humanitaire, s’est transformée en mesure d’expulsion.

 

[5]               Le 5 août 2005, le demandeur a présenté une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire.

 

LA DÉCISION SOUS EXAMEN

[6]               Le 31 août 2006, un agent ERAR a refusé d’accorder une dispense sous le régime de l’article 25 de la Loi et a informé le demandeur que la mesure de renvoi le visant était à présent exécutoire et qu’il devait quitter le Canada sans délai. L’agent ERAR a rejeté la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire parce qu’il n’avait pas été démontré que le demandeur ferait face à des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait présenter sa demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada.

 

LA QUESTION À TRANCHER

[7]               La présente espèce soulève essentiellement la question de savoir si l’agent ERAR a commis une erreur susceptible de révision en rejetant la demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire, compte tenu, plus particulièrement, de l’évaluation de l’état de santé du demandeur, de la situation au Libéria, du degré d’établissement du demandeur au Canada et des intérêts de l’enfant touché.

 

DISPOSITIONS LÉGISLATIVES APPLICABLES

[8]               La dispense pour motifs d’ordre humanitaire est prévue au paragraphe 25(1) de la Loi. Voici le texte de cette disposition :

25. (1) Le ministre doit, sur demande d’un étranger interdit de territoire ou qui ne se conforme pas à la présente loi, et peut, de sa propre initiative, étudier le cas de cet étranger et peut lui octroyer le statut de résident permanent ou lever tout ou partie des critères et obligations applicables, s’il estime que des circonstances d’ordre humanitaire relatives à l’étranger — compte tenu de l’intérêt supérieur de l’enfant directement touché — ou l’intérêt public le justifient.

 

25. (1) The Minister shall, upon request of a foreign national who is inadmissible or who does not meet the requirements of this Act, and may, on the Minister’s own initiative, examine the circumstances concerning the foreign national and may grant the foreign national permanent resident status or an exemption from any applicable criteria or obligation of this Act if the Minister is of the opinion that it is justified by humanitarian and compassionate considerations relating to them, taking into account the best interests of a child directly

affected, or by public policy considerations.

 

LA NORME DE CONTRÔLE À APPLIQUER

[9]               L’arrêt de principe concernant la norme applicable au contrôle judiciaire des décisions rendues en matière de motifs d’ordre humanitaire est toujours Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817. Dans cet arrêt, la juge Claire L’Heureux-Dubé a procédé à une analyse pragmatique et fonctionnelle approfondie avant de conclure que la norme applicable est celle de la décision raisonnable simpliciter. Le juge Frank Iaccobucci avait quant à lui indiqué, au paragraphe 56 de l’arrêt Canada (Directeur des enquêtes et recherches) c. Southam, [1997] 1 R.C.S. 748, qu’« [e]st déraisonnable la décision qui, dans l'ensemble, n'est étayée par aucun motif capable de résister à un examen assez poussé ».

 

[10]           Plus récemment, la juge Caroline Layden-Stevensen a procédé, dans Agot c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 436, [2003] A.C.F. no 607 (QL), à un résumé utile des principes régissant les demandes pour motifs d’ordre humanitaire. Elle a écrit, au paragraphe 8 de sa décision :

[…] La décision du représentant du ministre en ce qui concerne une demande fondée sur des raisons d'ordre humanitaire est une décision discrétionnaire : Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817 (l'arrêt Baker). La norme de contrôle judiciaire applicable à ces décisions est celle de la décision raisonnable simpliciter (arrêt Baker). Dans le cas d'une demande de dispense fondée sur des raisons d'ordre humanitaire, le fardeau de la preuve incombe au demandeur (Owusu c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2003 CFPI 94, [2003] A.C.F. no 139, le juge Gibson, citant les jugements Prasad c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1996), 34 Imm. L.R. (2d) 91 (C.F. 1re inst.) et Patel c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration) (1997), 36 Imm. L.R. (2d) 175 (C.F. 1re inst.)). La pondération des facteurs pertinents ne ressortit pas au tribunal appelé à contrôler l'exercice du pouvoir discrétionnaire ministériel (Suresh c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 1 R.C.S. 3 (Suresh); Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), [2002] 4 C.F. 358 (C.A.) (Legault)). Les lignes directrices ministérielles n'ont pas force de loi et ne lient pas le ministre et ses représentants, mais elles sont accessibles au public et la Cour suprême les a qualifiées de très utiles à la Cour (Legault). Les décisions relatives à des raisons d'ordre humanitaire doivent être motivées (Baker). Il serait excessif d'exiger des agents de révision, en tant qu'agents administratifs, qu'ils motivent leurs décisions avec autant de détails que ceux que l'on attend d'un tribunal administratif qui rend ses décisions à la suite d'audiences en règle (Ozdemir c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), (2001), 282 N.R. 394 (C.A.F.)).

 

ANALYSE

[11]           Le critère à appliquer pour décider s’il convient d’accorder une dispense pour motifs d’ordre humanitaire a été formulé dans Irimie c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2000] A.C.F. no 1906 (QL), au paragraphe 26. Le juge Denis Pelletier y a écrit que la procédure applicable en matière de dispense « n'est pas destinée à éliminer les difficultés; elle est destinée à accorder une réparation en cas de difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives ». C’est pourquoi il a ajouté, au paragraphe 12 :

[…] Il semblerait donc que les difficultés qui déclencheraient l'exercice d'un pouvoir discrétionnaire pour des raisons d'ordre humanitaire doivent être autres que celles qui découlent du fait que l'on demande à une personne de partir une fois qu'elle est au pays depuis un certain temps. Le fait qu'une personne quitterait des amis, et peut-être des membres de la famille, un emploi ou une résidence ne suffirait pas nécessairement pour justifier l'exercice du pouvoir discrétionnaire en question.

 

[12]           Il convient de signaler, avant d’entreprendre l’analyse, que le demandeur en l’espèce est un demandeur d’asile débouté. En outre, il s’agit de sa deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire, la première ayant été rejetée en 2000. Comme ces décisions n’ont pas fait l’objet d’un contrôle judiciaire, elles demeurent valides. Notre Cour a statué que celui qui présente une deuxième demande pour motifs d’ordre humanitaire doit l’appuyer de nouveaux éléments de preuve et qu’une telle demande ne peut viser simplement la réévaluation de la preuve déjà soumise (Kouka c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1236, [2006] A.C.F. no 1561 (QL)). Comme je l’ai indiqué récemment dans Orozco c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 CF 1426, [2006] A.C.F. no 1792 (QL), il serait irréaliste de penser qu’un individu puisse faire de multiples demandes pour motifs d’ordre humanitaire, basées sur les mêmes faits, et s’attendre à ce que chaque demande soit évaluée indépendamment, sans égard aux décisions précédentes. Une telle façon de faire permettrait à un demandeur de contourner le système mis en place par le législateur, lequel prévoit déjà de nombreux mécanismes de contestation du refus du décideur initial (par exemple, le contrôle judiciaire ou la demande d’examen des risques avant renvoi).

 

L’état de santé du demandeur

[13]           Le demandeur allègue, dans sa demande pour motifs d’ordre humanitaire, qu’il souffre de syndrome de stress post-traumatique (SSPT) par suite de la violence dont il a été la victime et le témoin au Libéria. L’agent a souscrit à la conclusion de la SPR, laquelle avait accepté le diagnostic de SSPT mais avait mis en doute l’affirmation du demandeur que son état faisait suite à un incident dont il aurait été le protagoniste ou le témoin au Libéria, jugeant que, de façon générale, ce dernier n’était pas crédible et que son récit n’était pas vraisemblable. L’agent a plutôt estimé que les troubles mentaux du demandeur découlaient plus vraisemblablement de problèmes qu’il avait connus au Canada, principalement de difficultés d’adaptation à son nouveau milieu. Par exemple, sa première tentative de suicide avait fait suite à sa rupture avec sa conjointe et, bien que l’agent n’en fasse pas mention dans son analyse, sa deuxième tentative a eu lieu après ses démêlés avec la justice et la prise de la mesure d’expulsion en 2002. Pour ce qui est de l’opinion de son médecin traitant, un omnipraticien, et de son travailleur social, selon laquelle ses problèmes découlaient de son expérience au Libéria, l’agent a signalé qu’elle reposait sur ce que leur avait dit le demandeur, lequel avait déjà été jugé non crédible par la SPR.

 

[14]           Sur ce point, j’estime raisonnable la conclusion de l’agent, car c’est à lui qu’il appartenait d’apprécier la valeur probante de ces deux rapports en relation avec les autres éléments de preuve. Comme la juge Barbara Reed l’a déclaré au paragraphe 2 de Danailov c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 1019 (QL) :

Quant à l'appréciation du témoignage du médecin, il est toujours possible d'évaluer un témoignage d'opinion en considérant que ce témoignage d'opinion n'est valide que dans la mesure où les faits sur lesquels il repose sont vrais. Si le tribunal ne croit pas les faits sous-jacents, il lui est tout à fait loisible d'apprécier le témoignage d'opinion comme il l'a fait.

 

 

[15]           L’agent a également évalué la possibilité de recevoir des soins de santé au Libéria. Il a reconnu que les services de santé étaient médiocres et que l’offre médicamenteuse était limitée, mais il a indiqué que le demandeur prenait des médicaments de façon intermittente et que la situation s’était améliorée au Libéria depuis la cessation des hostilités en 2003 et les élections en 2005. Il a conclu, en dernier lieu, que, de toute manière, le demandeur ne partirait pas immédiatement pour le Libéria et qu’il n’y avait donc pas de danger imminent.

 

[16]           Vu la demande de contrôle judiciaire visant la décision de l’agent et comme le demandeur demandera probablement un examen des risques avant renvoi si la présente demande est rejetée, la conclusion de l’agent concernant la non‑imminence du départ du demandeur pour le Libéria paraît tout à fait raisonnable. Il était également raisonnable de conclure, compte tenu que la fin de la guerre civile est encore assez récente, que les services de santé devraient continuer à s’améliorer au Libéria.

 

La situation au Libéria

[17]           Au sujet de la situation générale qui règne au Libéria, le demandeur affirme que l’agent n’a pas examiné la preuve documentaire soumise, laquelle corrobore son témoignage.

 

[18]           Le défendeur, pour sa part, fait valoir qu’il est établi en droit que le décideur est présumé avoir pris en compte l’ensemble de la preuve et que la pondération de la preuve relève du pouvoir discrétionnaire et de l’expertise du décideur (Woolaston c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1973] R.C.S. 102, Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317, [1992] A.C.F. no 946 (QL)).

 

[19]           Comme il en fait état dans ses motifs, l’agent a d’abord pris en compte la situation objective régnant au Libéria, reconnaissant que c’est toujours un pays dangereux. Il a cependant relevé que le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international (MAÉCI) ne recommande pas aux Canadiens se trouvant au Libéria de quitter le pays, mais conseille simplement d’éviter certaines régions frontalières où la présence d’un grand nombre de réfugiés et de rebelles contribue à l’instabilité. L’agent n’a fait mention d’aucun risque qui serait personnel au demandeur, ce à quoi on pouvait s’attendre vu la conclusion négative formulée concernant la crédibilité de son récit.

 

[20]           Bien que la présomption selon laquelle l’agent a tenu compte de la totalité de la preuve soit réfutable, je ne crois pas qu’elle ait été réfutée en l’espèce. Dans ses observations écrites, le demandeur énumère des documents qui, selon lui, n’ont pas été examinés par l’agent, à savoir : un rapport d’Amnistie internationale datant de 2000, et un rapport du département d’État des É-U datant de 1998. Étant donné que la situation au Libéria a substantiellement changé avec la fin de la guerre civile en 2003 et le retour à la démocratie en 2005, ces rapports n’auraient pas été pertinents pour l’examen du risque que le retour éventuel du demandeur au Libéria aurait présenté pour lui, et il n’était pas déraisonnable pour l’agent de s’appuyer sur les renseignements plus à jour émanant du MAÉCI.

 

Le degré d’établissement du demandeur au Canada

[21]           Le guide relatif au traitement des demandes au Canada portant sur les demandes présentées par des immigrants pour des motifs d’ordre humanitaire énumère, à la section 11.2, cinq points pouvant être pertinents pour l’évaluation du degré d’établissement au Canada :

1.      Le demandeur a-t-il des antécédents d’emploi stable?

 

2.      Y a-t-il une constante de saine gestion financière?

 

3.      Le demandeur s’est-il intégré à la collectivité par une participations aux organisations communautaires, le bénévolat ou d’autres activités?

 

4.      Le demandeur a-t-il amorcé des études professionnelles, linguistiques ou autres pour témoigner de son intégration à la société canadienne?

 

5.      Le demandeur et les membres de sa famille ont-ils un bon dossier civil au Canada (p. ex. aucune intervention de la police ou d’autres autorités pour abus de conjoint ou d’enfants, condamnation criminelle)?

 

[22]           Premièrement, le représentant du demandeur a fait valoir, devant l’agent, que le demandeur vivait depuis longtemps au Canada pour des raisons indépendantes de sa volonté. Je conviens que la guerre civile qui sévissait au Libéria rendait difficile son retour, mais il faut néanmoins se méfier de l’argument de la durée du séjour. Comme je l’ai signalé dans Lee c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CF 413, [2005] A.C.F. no 507 (QL), les demandes pour motifs d’ordre humanitaire ne doivent pas être interprétées de façon à encourager les demandeurs à parier que s’ils demeurent au Canada assez longtemps pour démontrer qu’ils sont le genre de personne que le Canada recherche ils seront autorisés à rester.

 

[23]           En l’espèce, l’agent a pris acte de la longueur du séjour du demandeur au Canada ainsi que de ses antécédents d’emploi stables. Toutefois, en ce qui concerne la saine gestion financière, l’agent a constaté que le demandeur avait accepté des prestations d’aide sociale alors qu’il travaillait, en 1996 et 1997, et qu’il avait été condamné à rembourser au gouvernement la somme de 10 576 $ à cause de cela. Bien que cet incident soit survenu au début de son séjour au Canada, il ne s’agit pas là de la seule entorse à la loi commise par le demandeur.

 

[24]           En 1996, le demandeur a été arrêté pour menaces de mort et voies de fait sur la personne de son ancienne conjointe, des infractions aux alinéas 266b), 264.1(1)a) et 264.1(2)b) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46. En 2002, il a de nouveau été arrêté, cette fois, pour introduction par effraction et agression armée sur la personne de son ancienne conjointe, des infractions aux alinéas 348(1)b) et d) et 267a) du Code criminel. Dans les deux cas, les affaires se sont réglées sur comparution du demandeur devant le juge de paix et sur son engagement de ne pas troubler l'ordre public et d'avoir une bonne conduite pendant un an, en application de l’article  810 du Code criminel. En 2004, le demandeur a été déclaré coupable de conduite avec facultés affaiblies, de délit de fuite et de méfait public, des infractions aux articles  52(1.1), 249(1)a), 249(2), 140(1)c) et 140(2) du Code criminel, et condamné à 50 $ d’amende et à deux ans de probation.

 

[25]           Bien que l’agent ait reconnu que les médicaments que prenait le demandeur ont pu jouer un rôle dans l’accident survenu en 2004, il n’a pas tiré la même conclusion au sujet du délit de fuite et des faux renseignements donnés à la police. L’agent a également pris en considération que les incidents antérieurs n’avaient pas donné lieu à l’établissement d’un casier judiciaire, mais il a conclu que la clémence judiciaire dont le demandeur avait bénéficié ne diminuait pas la gravité de ses actes.

 

[26]           Le principal argument invoqué par le demandeur sur ce point est que l’agent ayant attaché une importance exagérée à la [traduction] « petite fraude aux dépens de l’aide sociale » et à d’autres [traduction] « incidents mineurs » par rapport à la longueur de son séjour au Canada et au fait que [traduction] « depuis son arrivée, il n’avait pratiquement pas [...] eu de problème avec qui que ce soit », sa décision est arbitraire.

 

[27]           Non seulement ne puis-je accepter l’interprétation du demandeur concernant la bénignité des incidents en cause, mais j’estime en outre que le défendeur fait valoir à bon droit qu’il ne m’appartient pas de procéder à une nouvelle pondération de la preuve soumise à l’agent. Dans la mesure où l’analyse de l’agent pouvait raisonnablement l’amener à la conclusion qu’il a tirée, ce dont j’ai la conviction en l’espèce, la Cour ne doit pas intervenir dans sa décision.

 

L’intérêt de l’enfant

[28]           Dans Legault c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2002 CAF 125, [2002] A.C.F. no 457 (QL), le juge Robert Décary a résumé ainsi la question de l’intérêt de l’enfant, aux paragraphes 11 et 12 :

La Cour suprême, dans Suresh, nous indique donc clairement que Baker n'a pas dérogé à la tradition qui veut que la pondération des facteurs pertinents demeure l'apanage du ministre ou de son délégué. Il est certain, avec Baker, que l'intérêt des enfants est un facteur que l'agent d'immigration doit examiner avec beaucoup d'attention. Il est tout aussi certain, avec Suresh, qu'il appartient à cet agent d'attribuer à ce facteur le poids approprié dans les circonstances de l'espèce. Ce n'est pas le rôle des tribunaux de procéder à un nouvel examen du poids accordé aux différents facteurs par les agents.

 

Bref, l'agent d'immigration doit se montrer « réceptif, attentif et sensible à cet intérêt » (Baker, précité, au paragraphe 75), mais une fois qu'il l'a bien identifié et défini, il lui appartient de lui accorder le poids qu'à son avis il mérite dans les circonstances de l'espèce. La présence d'enfants, contrairement à ce qu'a conclu le juge Nadon, n'appelle pas un certain résultat. Ce n'est pas parce que l'intérêt des enfants voudra qu'un parent qui se trouve illégalement au Canada puisse demeurer au Canada (ce qui, comme le constate à juste titre le juge Nadon, sera généralement le cas), que le ministre devra exercer sa discrétion en faveur de ce parent […]

 

[29]           En l’espèce, l’agent a de toute évidence pris en compte l’intérêt de l’enfant. Le demandeur a déposé un acte de naissance de 1999, qui n’identifie pas le père, ainsi que les résultats d’une analyse de l’ADN démontrant qu’il est le père de l’enfant. L’agent a pris acte des deux documents, et il a signalé, en outre, que le demandeur était marié à une autre femme lorsque l’enfant est né. L’agent a également souligné que l’enfant n’était mentionné nulle part dans les observations écrites du demandeur, un document de 18 pages. L’agent a accepté la preuve que le demandeur avait un enfant au Canada, mais il n’a pu trouver aucun élément de preuve établissant l’existence d’une relation entre le demandeur et cet enfant et, en conséquence, il n’a pas attaché une grande importance à ce facteur, ce qu’il était habilité à faire.

 

[30]           Le demandeur soumet à présent des arguments sur le droit à la vie familiale, en invoquant le droit international. Étant donné que l’agent s’est montré « réceptif, attentif et sensible » à l’intérêt de l’enfant, ces nouveaux arguments ne sont pas pertinents. La conclusion de l’agent découlait de l’absence, relativement à la relation entre le demandeur et l’enfant, d’éléments de preuve pouvant faire conclure que l’intérêt de l’enfant militait en faveur de l’octroi de la demande. Le demandeur prétend avoir à présent une relation très étroite avec son fils, mais puisque l’agent ne disposait pas de ce renseignement, il n’est toujours pas pertinent et n’a aucun effet sur le caractère raisonnable de la décision de l’agent.

 

CONCLUSION

[31]           L’agent a conclu que le demandeur n’avait pas démontré qu’il serait aux prises avec des difficultés inhabituelles, injustifiées ou excessives s’il devait présenter sa demande de résidence permanente de l’extérieur du Canada et, par conséquent, il a refusé d’accorder une dispense sous le régime de l’article 25 de la Loi.

 

[32]           Vu la preuve présentée à l’agent et les motifs fouillés que ce dernier a formulés, je suis d’avis que cette conclusion est parfaitement raisonnable, et je ne vois aucune raison d’intervenir.

 

[33]           Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

[34]           Le demandeur propose deux questions pour certification. Voici la première :

1.  L’agent saisi d’une demande pour motifs d’ordre humanitaire est‑il tenu de prendre en compte les conséquences qu’aura, pour une victime d’actes organisés de violence et de torture, le retour dans le pays où ces actes ont été commis?

 

Je ne suis pas convaincu qu’en l’espèce nous puissions même envisager les points soulevés par cette question puisque la SPR a conclu que le demandeur n’était pas crédible et que cette conclusion demeure valide. Je crois que la question est de nature factuelle et qu’elle n’a pas de portée générale. Elle ne peut donc être certifiée. La deuxième question soumise par le demandeur est ainsi conçue :

2.  S’agissant d’une personne qui habite au Canada depuis cinq ans, qui n’a pas commis de crimes graves et qui ne présente aucun autre facteur négatif, existe-t-il des motifs d’ordre humanitaire généralement suffisants pour accepter une demande fondée sur des motifs d’ordre humanitaire faite du Canada?

 

Il suffit de dire, concernant cette question, que l’analyse des faits allégués à l’appui de la demande pour motifs humanitaires et la pondération relative de ces faits relèvent du pouvoir discrétionnaire de l’agent. L’analyse se fait au cas par cas, de sorte que cette deuxième question n’a pas de portée générale et qu’il ne peut y avoir certification.


JUGEMENT

 

1.                  La demande est rejetée.

2.                  Aucune question n’est certifiée.

 

 

 

« Pierre Blais »

Juge

 

 

 

Traduction certifiée conforme

Ghislaine Poitras, LL.L., Trad. a.

 


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

DOSSIER :                                        IMM-5261-06

 

INTITULÉ :                                       JACK WILLSON c.

                                                            LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE                                                                     L’IMMIGRATION

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                 MONTRÉAL

 

DATE DE L’AUDIENCE :               LE 18 AVRIL 2007

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT DE MONSIEUR LE JUGE BLAIS

 

DATE DES MOTIFS :                      LE 4 MAI 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Stewart Istvanffy                                                                       POUR LE DEMANDEUR

 

Sylviane Roy                                                                            POUR LE DÉFENDEUR

 

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

ISTVANFFY VALLIÈRES & ASSOCIÉS                

Montréal (Québec)                                                                   POUR LE DEMANDEUR

 

JOHN H. SIMS, c.r.   

Montréal (Québec)                                                                   POUR LE DEMANDEUR

 

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