Ottawa (Ontario), le 2 mai 2007
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE HENEGHAN
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] M. Mohammad Amin Patel (le demandeur) demande le contrôle judiciaire d’une décision rendue par une agente d’immigration désignée (l’agente) par laquelle elle a rejeté sa demande de résidence permanente au Canada au motif qu’il est interdit de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)b) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, modifiée (la Loi).
[2] Le demandeur, un résident de New York et un citoyen américain, a été déclaré coupable, en cour criminelle de la ville de New York le 18 novembre 2004, d’avoir commis un larcin. L’agente a tenté d’appliquer un critère d’équivalence pour déterminer si cette condamnation entraînait l’interdiction de territoire en vertu de l’alinéa 36(1)b) de la Loi.
[3] Après avoir examiné les documents déposés à l’appui de la présente demande, notamment les affidavits du demandeur et de l’agente, la transcription du contre‑interrogatoire de l’agente, les notes de l’agente et le reste du dossier certifié du tribunal, je suis convaincue que la présente demande doit être accueillie. Selon moi, l’agente a commis une erreur susceptible de révision en n’appliquant pas le critère approprié pour déterminer l’équivalent, dans l’état de New York, de l’infraction de larcin avec l’infraction de vol prévue à l’article 322 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, modifié (le Code criminel du Canada).
[4] Dans Hill c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1987), 73 N.R. 315 (C.A.F.), la Cour d’appel fédérale a énoncé les critères suivants qui servent à déterminer l’équivalence des infractions :
Il me semble que, étant donné la présence des termes « qui constitue […] une infraction […] au Canada », l'équivalence peut être établie de trois manières : tout d'abord, en comparant le libellé précis des dispositions de chacune des lois par un examen documentaire et, s'il s'en trouve de disponible, par le témoignage d'un expert ou d'experts du droit étranger pour dégager, à partir de cette preuve, les éléments essentiels des infractions respectives; en second lieu, par l'examen de la preuve présentée devant l'arbitre, aussi bien orale que documentaire, afin d'établir si elle démontrait de façon suffisante que les éléments essentiels de l'infraction au Canada avaient été établis dans le cadre des procédures étrangères, que les mêmes termes soient ou non utilisés pour énoncer ces éléments dans les actes introductifs d'instance ou dans les dispositions légales; en troisième lieu, au moyen d'une combinaison de cette première et de cette seconde démarche.
[5] En l’espèce, l’agente a affirmé au paragraphe 9 de son affidavit que, selon elle, une déclaration de culpabilité de l’infraction de larcin équivalait à une déclaration de culpabilité de l’infraction de vol prévue dans le Code criminel canadien. Voici ce qu’elle a affirmé :
[traduction]
Je n’ai pas souscris à cette prétention. Le demandeur en l’espèce a d’abord été accusé en vertu de la loi de l’impôt et du droit pénal de l’état de New York. Toutefois, en fin de compte, il a été déclaré coupable de larcin ou de vol de biens en vertu du droit pénal consolidé de l’état de New York. Comme le demandeur a été déclaré coupable d’une infraction criminelle, j’étais d’avis que l’infraction équivalente qui convenait le mieux se trouverait dans les dispositions relatives au vol figurant dans le Code criminel canadien plutôt que dans les dispositions pénales plus limitées des lois provinciales portant sur les taxes de vente au détail.
[6] L’agente a souscris à cette opinion dans son contre‑interrogatoire. Elle a affirmé dans son témoignage qu’elle n’a sollicité l’opinion d’aucun avocat lorsqu’elle a traité la question de l’équivalence mais qu’elle a examiné le libellé figurant dans le code pénal de l’état de New York et qu’elle a tiré ses conclusions en se fondant sur sa propre opinion.
[7] Selon moi, il y a un problème avec la conclusion de l’agente concernant la question de l’équivalence. Selon moi, l’agente n’a pas clairement précisé lequel des trois critères juridiques disponibles mentionnés dans Hill elle appliquait. Selon moi, elle n’a pas tenté de relever les éléments essentiels de l’infraction pour laquelle le demandeur avait été déclaré coupable avant d’examiner si une infraction équivalente figurait dans le Code criminel canadien.
[8] Selon moi, le défaut de l’agente d’examiner les éléments essentiels de l’infraction dans le code pénal de l’état de New York lui a fait commettre une erreur lorsqu’elle a appliqué le critère de l’équivalence. Une erreur dans l’application d’un critère juridique est une erreur de droit et justifie une intervention judiciaire.
[9] Par conséquent, la présente demande de contrôle judiciaire est accueillie. L’affaire est renvoyée à un autre agent pour que celui‑ci rende une nouvelle décision. Les avocats m’ont fait savoir qu’il n’y a aucune question à certifier.
ORDONNANCE
La demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de l’agente est annulée et l’affaire est renvoyée à un autre agent pour que celui‑ci rende une nouvelle décision. Il n’y a aucune question à certifier.
Traduction certifiée conforme
Claude Leclerc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-292-06
INTITULÉ : MOHAMMAD AMIN PATEL
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 25 AVRIL 2007
ET ORDONNANCE : LA JUGE HENEGHAN
DATE DES MOTIFS : LE 2 MAI 2007
COMPARUTIONS :
Karen Kwan Anderson |
POUR LE DEMANDEUR |
John Provart |
POUR LE DÉFENDEUR |
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Pace Law Firm Toronto (Ontario)
|
POUR LE DEMANDEUR |
John H. Sims, c.r. Sous‑procureur général du Canada |
POUR LE DÉFENDEUR |