Dossier : T-2034-06
ENTRE :
LE MINISTRE DU REVENU NATIONAL
et
et
THE LAW SOCIETY OF BRITISH COLUMBIA
intervenante
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
LA JUGE SNIDER
[1] Le ministre du Revenu national (le ministre) demande à la présente Cour de rendre une ordonnance de production en vertu de l’article 289.1 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15, qui exigerait du défendeur, M. S. Bruce Cornfield, qu’il fournisse certains documents et renseignements au ministre.
I. Contexte
[2] M. Cornfield est avocat et membre de la Law Society of British Columbia. Sa cliente, Child Construction Ltd. (CCL), doit à Sa Majesté la Reine du chef du Canada, en date du 15 septembre 2006, la somme de 53 382,29$ pour la TPS.
[3] En juillet 2003, M. Cornfield s’est occupé de l’acte de transfert d’un bien immobilier par CCL à une tierce partie.
[4] Par lettre signifiée le 6 janvier 2006, le ministre a présenté à M. Cornfield une demande de renseignements (DR) en vertu du paragraphe 289(1) de la Loi sur la taxe d’accise exigeant qu’il lui fournisse, dans les 30 jours suivant la date de signification de la DR, les renseignements et documents suivants (les renseignements et documents) :
a) Un état des ajustements relatifs à la vente de la propriété immobilière désignée sous la cote foncière 023014806, section d’étage 105, section 9, district de Victoria, plan d’étage VIS3305, par CCL à Sarah Harper et Richard Allan Stensrud, le 30 juillet 2003;
b) Une copie de la directive de paiement relativement à la transaction immobilière mentionnée à l’alinéa a) ci-dessus,
c) Des copies, recto verso, des chèques oblitérés concernant l’allocation des sommes d’argent en relation avec la transaction immobilière mentionnée à l’alinéa a) ci-dessus.
[5] M. Cornfield a refusé de fournir au ministre, dans les 30 jours, les renseignements et documents recherchés en vertu de la DR. Dans une lettre datée du 23 janvier 2006, transmise au Bureau des services fiscaux de l’île de Vancouver de l’Agence du revenu du Canada, M. Cornfield a expliqué pourquoi il n’avait pas fourni les renseignements et documents :
[traduction] J’ai été incapable de localiser ma cliente[...]Sans aucune instruction à l’effet contraire de sa part, je dois adopter la position que les renseignements requis peuvent être assujettis au secret professionnel[...] J’attire votre attention sur le Professional Conduct Handbook des avocats de la C.-B. qui prévoit :
l’avocat qui est requis de produire ou de fournir en vertu du Code criminel ou de la Loi de l’impôt sur le revenu, ou de toute autre loi fédérale ou provinciale, un document ou un renseignement qui est ou peut s’avérer confidentiel doit invoquer le privilège du secret professionnel de l’avocat à l’égard du document, sauf si le client y a renoncé.
Compte tenu de ce qui précède, ce que vous me demandez de faire est contraire au code de gouvernance de l’organisme qui me régit et, si je devais me plier à votre demande, des mesures disciplinaires pourraient être prises à mon égard.
[6] Le 20 décembre 2006, sur demande de la Law Society of British Columbia (le barreau), la juge Gauthier lui a accordé le statut d’intervenante, avec droit de :
[traduction] présenter des observations, par écrit et oralement, concernant toutes les questions relatives au privilège du secret professionnel de l’avocat soulevées dans la présente requête, y compris la procédure que la Cour devrait suivre lors de l’examen d’une ordonnance de production de documents en la possession d’un avocat et de la protection du secret professionnel compte tenu de la demande de production de documents formulée par le demandeur.
[7] Des observations tant écrites qu’orales ont été présentées par le ministre et le barreau.
II. Questions en litige
[8] La question fondamentale dans la présente demande est de savoir s’il convient de rendre une ordonnance de production pour contraindre M. Cornfield à fournir les renseignements et documents. Pour y répondre, il faut examiner les deux questions suivantes :
- En l’espèce, les renseignements et documents sont-ils assujettis au privilège du secret professionnel de l’avocat?
- L’article 289.1 de la Loi sur la taxe d’accise assure-t-il une protection adéquate au droit du client (ou de l’ancien client) de l’avocat d’invoquer le secret professionnel? Et, sinon, la Cour fédérale devrait-elle envisager l’ajout de certaines garanties procédurales telles que l’obligation d’aviser le client?
[9] De ce que je comprends de ses observations, l’intervenante n’a pas l’intention d’exiger l’application au présent litige des mesures proposées. Ainsi, dans la mesure où je conclus que les renseignements et documents ne sont pas assujettis au secret professionnel et que les autres exigences du paragraphe 289.1 ont été remplies, l’ordonnance sera rendue.
III. Analyse
A. Quelles sont les dispositions législatives applicables?
[10] En résumé, les dispositions pertinentes de la Loi sur la taxe d’accise, reproduites intégralement à l’Appendice A joint aux présents motifs, s’appliquent de la façon décrite ci-après. La Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.) contient des dispositions presque identiques.
[11] Le paragraphe 289(1) de la Loi sur la taxe d’accise autorise le ministre à exiger d’une personne qu’elle produise, après en avoir été avisée, les renseignements et documents qu’il cherche à obtenir. Il est important de noter que le pouvoir du ministre ne se limite pas au contribuable et que les demandes de renseignements peuvent être signifiées aux tierces parties. L’unique exigence a trait à l’objet (de la demande) qui doit être « pour l'application ou l'exécution de la présente partie, notamment pour la perception d'un montant à payer ou à verser par une personne en vertu de la présente partie » .
[12] Lorsqu’une demande de renseignements est formulée et que la personne visée omet de s’y conformer, l’article 289.1 offre au ministre le recours pour faire respecter les dispositions de l’article 289. Le paragraphe 289.1(1) permet spécifiquement au ministre d’obtenir, sur « demande sommaire », une ordonnance judiciaire enjoignant à la personne de produire le renseignement ou le document recherché en vertu de l’article 289. Pour rendre l’ordonnance de production le juge doit être convaincu que : a) la personne était tenue de fournir le renseignement en vertu des articles 288 ou 289; et b) « s'agissant de renseignements ou de documents, le privilège des communications entre client et avocat, au sens du paragraphe 293(1) , ne peut être invoqué à leur égard ».
[13] Le paragraphe 293(1) de la Loi sur la taxe d’accise définit ainsi le privilège des communications entre client et avocat :
« privilège des communications entre client et avocat » Droit qu’une personne peut posséder, devant une cour supérieure de la province où l’affaire prend naissance, de refuser de divulguer une communication entre elle et son avocat en confidence professionnelle. Toutefois, pour l’application du présent article, le relevé comptable d’un avocat, y compris une facture ou une pièce justificative ou tout chèque, ne doit pas être considéré comme une communication de cette nature.
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"solicitor-client privilege" means the right, if any, that a person has in a superior court in the province where the matter arises to refuse to disclose an oral or documentary communication on the ground that the communication is one passing between the person and the person’s lawyer in professional confidence, except that, for the purposes of this section, an accounting record of a lawyer, including any supporting invoice, voucher or cheque, shall be deemed not to be such a communication.
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[14] Aux termes du paragraphe 289.1(2), la personne doit recevoir avis de la demande au moins cinq jours francs avant son audition. Le paragraphe 289.1(3) accorde au juge saisi de la demande le pouvoir discrétionnaire d’assortir l’ordonnance des conditions qu’il estime indiquées.
B. Quelle est la pratique de la Cour fédérale en la matière?
[15] La Loi sur la taxe d’accise et la Loi de l’impôt sur le revenu prévoient une procédure explicite pour la présentation des demandes d’ordonnance de production. Comme il a été indiqué précédemment, le paragraphe 289.1(1) de la Loi sur la taxe d’accise prévoit que l’ordonnance de production s’obtient « sur demande sommaire du ministre ». La même exigence d’une « demande sommaire » est énoncée à l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu. À cet égard, le protonotaire Lafrenière de notre Cour a instauré un modèle pour la présentation de telles demandes dans la décision Ministre du revenu national c. Norris, 2002 CarswellNat 1250, [2002] 3 C.T.C. 346. Dans la décision Norris, le protonotaire a autorisé le ministre du Revenu national à intenter des procédures en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu au moyen d’une requête prévue aux articles 358 et suiv. des Règles des Cours fédérales, DORS/98-106 (les Règles), plutôt que par voie de demande prévue aux articles 300 et suiv. des Règles. Comme le dit le protonotaire Lafrenière dans la décision Norris, précitée, aux par. 5 à 7 :
[traduction] Bien qu’une instance en vertu de l’article 231.7 de la Loi de l’impôt sur le revenu doive s’introduire par voie d’avis de demande, la procédure établie dans les Règles des Cours fédérales (1998) pour régir les demandes semble mal adaptée au règlement sommaire de telles questions. En conséquence, en la présente instance et sous réserve de directives ou d’ordonnance supplémentaires de la Cour, la méthode suivante devrait s’appliquer à l’instance visée à l’article 231.7.
Le demandeur doit déposer un avis de demande selon le formulaire 301, qui sera traité par le greffe à la fois comme un document introductif d’instance et comme un avis de requête, lequel avis devra :
a) indiquer le jour, l’heure et l’endroit de l’audition de la demande, soit aux séances générales de la Cour ou à toute autre date de séance spéciale qui aurait été fixée par l’administrateur judiciaire à la demande, faite sans formalité, du demandeur;
b) être modifié par la suppression de toute référence aux articles 300 et suiv. des Règles,
c) contenir une mention, en majuscules et caractères gras, ainsi libellée : « Le défendeur qui souhaite s’opposer à la demande doit signifier un dossier du défendeur et en déposer trois exemplaires au plus tard à 14 h le dernier jour ouvrable avant l’audition de la demande »,
d) être accompagné des droits de dépôt prescrits.
Une fois l’avis de demande produit, le demandeur doit signifier au défendeur en personne le dossier de la demande contenant une table des matières, l’avis de demande, chaque affidavit et pièce documentaire au soutien de la demande ainsi que le mémoire des faits et du droit du demandeur. Le demandeur doit déposer sans délai trois exemplaires du dossier de la demande et la preuve de sa signification en conformité avec l’article 237.1 de la Loi de l’impôt sur le revenu, mais au plus tard deux jours francs avant la date fixée pour l’audition de la demande.
[16] Bien qu’il soit possible de prétendre que l’ordonnance ne s’appliquait qu’à l’espèce dont le protonotaire était saisi, la procédure qu’il a élaborée a été suivie, depuis 2002, pour les ordonnances de production rendues aussi bien en vertu de la Loi de l’impôt sur le revenu qu’en vertu de la Loi sur la taxe d’accise.
[17] Conformément à la directive formulée par le protonotaire Lafrenière et aux dispositions relatives aux avis énoncées au paragraphe 289.1(2) de la Loi sur la taxe d’accise, la pratique du ministre consiste à signifier l’avis à « la personne à l’égard de laquelle l’ordonnance de production est demandée ». En conséquence, le ministre, en se conformant au paragraphe 289.1(2) de la Loi sur la taxe d’accise et à la directive du protonotaire Lafrenière, n’a pas suivi l’article 303 des Règles et a désigné le contribuable à la fois comme défendeur et comme « personne directement visée par l'ordonnance recherchée dans la demande ».
C. Les renseignements et documents recherchés en l’espèce sont-ils assujettis au privilège des communications entre client et avocat?
[18] J’examinerai maintenant la première question dont j’ai été saisie, soit : y a-t-il lieu de rendre l’ordonnance de production demandée? La réponse à cette question nécessite en premier lieu que je décide si les renseignements et documents en l’espèce sont assujettis au privilège des communications entre client et avocat.
[19] Dans les décisions récentes, les tribunaux ont toujours maintenu, en matière de transaction immobilière, que les chèques du compte d’un avocat et le relevé d’ajustements ne sont pas assujettis au privilège des communications entre client et avocat (In the Matter of the Legal Profession Act and Martin K. Wirick, 2005 BCSC 1821, 51 B.C.L.R. (4th) 193, [2005] B.C.J. No. 2878
(C.Sup. C.-B.) (QL); Ministre du Revenu national c. Vlug, 2006 CF 86, 2006 D.T.C. 6285, [2006] A.C.F. no 142 (C.F.) (QL); Canada (Ministre du Revenu national) c. Reddy, 2006 CF 277, 146 A.C.W.S. (3d) 568, [2006] ACF no 348 (C.F.) (QL); Canada (Ministre du Revenu national) c. Singh Lyn Ragonetti Bindal srl, 2005 CF 1538, [2006] 1 C.T.C. 113, [2005] A.C.F. no 1097 (C.F.) (QL)). Plus spécifiquement, dans les décisions Singh Lyn Ragonetti Bindal srl, Vlug et Reddy la Cour fédérale a jugé que les renseignements et documents exigés en vertu de la Loi sur la taxe d’accise ou des dispositions équivalentes de la Loi de l’impôt sur le revenu ne sont pas assujettis au privilège des communications entre client et avocat.
[20] Compte tenu de la jurisprudence claire, il n’y a aucun doute que les renseignements et documents exigés dans la DR ne sont pas assujettis au privilège des communications entre client et avocat.
D. Y a-t-il lieu de modifier la procédure présentement utilisée par la Cour?
[21] Le barreau est intervenu à la présente demande avec une préoccupation au nom, dit-il, du
« plus grand bien ». Il fait valoir que lorsqu’une DR est signifiée à un avocat, celui-ci se trouve immédiatement en conflit entre son devoir de confidentialité envers son client et l’obligation de se conformer à la Loi. À tout le moins, le barreau demande à la présente Cour de dicter au ministre la prise des mesures suivantes lors de toute demande d’ordonnance :
- Identifier le contribuable comme défendeur dans la demande conformément à l’article 303 des Règles, lui donnant ainsi le droit immédiat de faire valoir toute revendication au privilège des communications entre client et avocat;
- Exiger la mise sous scellés des documents et leur présentation à la Cour.
[22] Bien qu’il reconnaisse (je crois) que les renseignements et documents en l’espèce ne sont pas assujettis au privilège des communications entre client et avocat, le barreau fait valoir que, dans certaines circonstances, ce type de documents ou renseignements en la possession d’un avocat pourraient être confidentiels. Le barreau soutient que le client de l’avocat est le seul qui puisse renoncer au secret professionnel et il porte à l’attention de la Cour certaines dispositions du chapitre 5 de son code d’éthique intitulé Professional Conduct Handbook qui traite des [traduction] « renseignements confidentiels ». En particulier, les paragraphes 13 et 14 s’intitulent [traduction] « Divulgation exigée par la loi » et énoncent ce qui suit :
[traduction]
13. L’avocat tenu par la loi ou une ordonnance de cour de divulguer
les affaires d’un client ne doit pas en divulguer plus qu’il ne s’avère
nécessaire.
14. L’avocat tenu par le Code criminel, la Loi de l’impôt sur le revenu ou toute autre loi fédérale ou provinciale de produire ou de remettre des documents ou de divulguer un renseignement qui est ou peut être confidentiel doit invoquer à leur égard, sauf si le client y renonce, le privilège des communications entre client et avocat.
[23] De façon générale, je ne me permettrais pas d’interpréter les règles du barreau. Toutefois, en l’espèce, deux de ces règles ont été invoquées pour justifier un changement à la pratique de la Cour fédérale. En conséquence, j’estime qu’il convient de répondre aux arguments qui me sont présentés. D’autant que ceux-ci posent, à mon avis, un certain nombre de problèmes.
[24] Compte tenu des indications claires et constantes émanant tant de notre Cour que d’autres tribunaux quant au non-assujettissement de documents de la nature de ceux décrits dans la DR au privilège des communications entre client et avocat, il est difficile de voir comment le paragraphe 14 du chapitre 5 du Professional Conduct Handbook du barreau peut s’appliquer. Il ne s’applique que lorsque le document ou le renseignement « est ou peut être confidentiel ». Si les renseignements et documents ne répondent pas à ce critère, le paragraphe 14 ne s’applique pas.
[25] Comme les renseignements et documents dont il est question dans la présente demande – et, de façon générale, ainsi que le prévoit la Loi sur la taxe d’accise et la Loi de l’impôt sur le revenu – ne sont pas confidentiels, le client ne peut renoncer à quoi que ce soit. Les dispositions de la Loi sur la taxe d’accise et de la Loi de l’impôt sur le revenu sont très claires. L’avocat doit fournir, sur demande, le renseignement exigé, à moins qu’il ne soit assujetti au privilège des communications entre client et avocat. Que d’aucun ait recours à la définition de ce privilège tirée des textes législatifs ou de la common law, il a été reconnu en droit que les livres comptables, y compris toute facture, pièce justificative ou chèque les appuyant, ne sont pas assujettis au privilège des communications entre client et avocat.
[26] De plus, la position du barreau néglige de prendre en compte la différence entre les documents confidentiels et privilégiés. Tel que l’a reconnu son procureur, les documents privilégiés constituent un sous-ensemble des documents dits « confidentiels ». S’il est vrai que tous les documents qui se trouvent en la possession d’un avocat peuvent s’avérer confidentiels, seuls peuvent être retenus en vertu de la Loi sur la taxe d’accise et la Loi de l’impôt sur le revenu ceux qui répondent au critère de la revendication du privilège des communications entre client et avocat. Si le paragraphe 14 du chapitre 5 du Professional Conduct Handbook devait s’appliquer aux documents qui, selon les tribunaux, ne sont pas soumis au secret professionnel, alors les avocats se verraient dans l’obligation d’obtenir la renonciation du client pour tous les documents ainsi détenus. Il n’est pas tenu compte alors de l’intention des paragraphes 13 et 14 qui, selon mon interprétation, autorisent la divulgation des renseignements non privilégiés lorsque la loi requiert d’un avocat qu’il produise ou remette un document ou qu’il fournisse un renseignement.
[27] Le barreau fait valoir que seul le client – et non l’avocat – a le droit de décider si un document peut jouir de la protection du privilège des communications entre client et avocat et s’il doit le revendiquer. Bien que cela soit incontestable, il me semble qu’un tel droit ne prend tout simplement pas naissance lorsque le texte de la loi prévoit clairement que certains renseignements ne sont pas privilégiés.
[28] Le barreau soulève le problème susceptible de se poser lorsque ce type de documents contient des annotations ou autres renseignements qui pourraient s’avérer privilégiés. Ce n’est pas le cas en ce qui concerne les renseignements et documents visés par la présente demande : le barreau n’affirme pas que les documents dont il est question dans la présente demande sont annotés. En outre, cette possibilité n’a jamais été portée à la connaissance des parties à la présente demande. Toutefois, je reconnais qu’une telle situation puisse survenir dans une affaire future. La réponse toute simple à cette préoccupation est que le livre comptable ou financier qui renferme des renseignements privilégiés sous forme d’annotations ne constitue pas un document répondant à la définition de renseignements ou documents non privilégiés. Une ordonnance de production peut être rendue seulement si le renseignement ou le document est protégé en vertu du privilège des communications entre client et avocat, que ce soit suivant les dispositions de l’article 289.1 de la Loi sur la taxe d’accise ou en vertu des principes de common law. En pareilles circonstances, les procédures prévues par la loi et celles de la Cour fédérale pour l’obtention d’une ordonnance de production suffiraient, à mon avis, à fournir l’importante protection à l’égard des documents et renseignements privilégiés.
[29] Je souligne aussi que le juge instruisant la demande d’ordonnance de production peut assortir celle-ci des conditions qu’il estime indiquées (Loi sur la taxe d’accise, par. 289.1(3)). De plus, il pourrait imposer des exigences quant à la signification. Étant donné que les observations du barreau sont fondées sur des situations hypothétiques, il est impossible de couvrir tous les scénarios possibles.
[30] Enfin, je me pencherai sur l’argument du barreau voulant que le ministre doit suivre le paragraphe 303(1) des Règles et identifier le contribuable comme défendeur. Selon lui, le contribuable est une « personne directement visée par l’ordonnance recherchée dans la demande ». Le problème que pose cet argument est que, premièrement, dans la décision Norris précitée, la Cour a expressément jugé que ce paragraphe ne s’appliquait pas. Deuxièmement, et ce qui est encore plus important, la procédure de demande sommaire prévue dans la Loi sur la taxe d’accise exige la signification uniquement à la partie de qui l’information est recherchée.
[31] En résumé, je ne suis pas convaincue que la preuve au dossier en l’espèce établisse la nécessité de prévoir des étapes procédurales additionnelles pour assurer la protection du privilège des communications entre client et avocat. Plus particulièrement, rien n’indique que la procédure actuelle ait porté atteinte aux garanties juridiques fondamentales associées au privilège des communications entre client et avocat. Il n’est pas nécessaire, pour le moment, d’exiger la signification au contribuable ou la production à la Cour d’une copie sous scellés des documents, sauf si les faits d’une demande particulière justifient de telles procédures.
IV. Conclusion
[32] En conclusion, je suis convaincue que :
a) la DR a été signifiée au défendeur conformément aux dispositions du paragraphe 289(1) de la Loi sur la taxe d’accise;
b) le défendeur n’a pas fourni les renseignements et documents recherchés par le ministre;
c) les renseignements et documents ne sont pas protégés contre la divulgation par le privilège des communications entre client et avocat.
[33] En conséquence, l’ordonnance de production sera rendue. De plus, la Cour ne formulera pas de directives sur la procédure à suivre pour présenter une demande d’ordonnance de production et confirme celle prévue dans la Loi sur la taxe d’accise et explicitée dans la décision Norris, précitée.
[34] Le ministre n’ayant pas demandé que les dépens lui soient accordés, aucuns dépens ne seront adjugés.
Traduction certifiée conforme
Jean-Jacques Goulet, LL.L.
Appendice « A »
Loi sur la taxe d’accise, L.R. 1985, ch. E-15
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-2034-06
INTITULÉ : MRN c. S. BRUCE CORNFIELD et al.
LIEU DE L’AUDIENCE : VANCOUVER (C.-B.)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 17 AVRIL 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE : LA JUGE SNIDER
COMPARUTIONS :
Elizabeth (Lisa) McDonald
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Susan M. Coristine
Richard C.C. Peck, c.r. |
POUR LE DÉFENDEUR
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada
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Coristine Woodall Avocats Vancouver (C.-B.)
Peck and Company Avocats Vancouver (C.-B.) |
POUR L’INTERVENANTE |