Ottawa (Ontario), le 3 avril 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE NOËL
ENTRE :
et
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s'agit d'une demande formée par Marimac Inc. (la demanderesse) en vertu de l'article 129.2 de la Loi sur les douanes, L.R.C. 1985, ch. 1 (2e suppl.) (la Loi), en vue d'obtenir la prorogation du délai prévu pour demander une décision au ministre de la Sécurité publique et de la Protection civile (le défendeur) touchant les 42 avis de cotisation de pénalité (les ACP) qui lui ont été signifiés le 8 février 2005 dans le cadre du Régime de sanctions administratives pécuniaires (le RSAP). Une demande de prorogation avait déjà été présentée au défendeur en vertu du paragraphe 129.1(5) de la Loi, demande qu'il a rejetée par décision en date du 1er décembre 2005.
I. Les faits
[2] Les 20 et 21 octobre 2004, des fonctionnaires de l'Agence des services frontaliers du Canada (l'ASFC), dont les services faisaient alors partie de l'Agence des douanes et du revenu du Canada, ont effectué une vérification sans préavis de l'entrepôt de douane de la demanderesse situé à Cornwall (Ontario).
[3] Cette vérification a donné lieu à l'émission contre la demanderesse, sous le régime des articles 109.1 et 109.3 de la Loi, de 42 ACP du RSAP, d'un montant total de 171 784,18 $.
[4] Le 8 février 2005, les 42 ACP, répartis dans quatre enveloppes, ont été signifiés à la demanderesse par courrier recommandé à son adresse commerciale : Marimac Inc., 3400 Montreal Road, Cornwall (Ontario) K6H 5R5 (l'adresse de Cornwall). Il n'est pas contesté que la demanderesse a bien reçu les quatre enveloppes. Il est également à noter que l'adresse commerciale de la demanderesse est la seule adresse liée à Marimac Inc. dont les fonctionnaires des douanes aient connaissance.
[5] Le 6 mai 2005, l'administration douanière a envoyé par courrier 42 avis d'arriéré, avec les états de compte correspondants, à l'adresse commerciale de la demanderesse, sous le régime du paragraphe 97.22(1) de la Loi.
[6] La demanderesse n'a pas répondu aux avis d'arriéré ni aux états de compte. En conséquence, par lettre en date du 14 juillet 2005, la Division du recouvrement des recettes à l'ASFC a signifié à la demanderesse un avis de compte en souffrance l'avisant que l'administration douanière annulerait ses [traduction] « privilèges de mainlevée avant paiement » et retiendrait toutes importations effectuées par elle-même ou pour son compte jusqu'à ce que le service de recouvrement de l'ASFC reçoive le montant total des pénalités.
[7] Par télécopie en date du 29 juillet 2005, Milgram & Company Limited, le courtier de la demanderesse (le courtier), a alors avisé l'ASFC que la demanderesse souhaitait exercer un recours contre les ACP et lui a demandé de communiquer les dossiers relatifs à leur émission à sa Direction des recours.
[8] Bien que la demanderesse fasse référence à d'autres lettres, la lettre suivante au dossier est datée du 24 octobre 2005 (la lettre du 24 octobre 2005); le courtier de la demanderesse y sollicite, en vertu de l'article 129.1, une prorogation du délai prévu pour demander au ministre une décision sur les ACP émis. Cette demande s'imposait, du fait qu'était expiré le délai de 90 jours que prévoit l'article 129 pour solliciter une décision auprès du ministre.
[9] Le 29 novembre 2005, un arbitre de la Direction des appels des douanes à l'ASFC, après examen des renseignements contenus dans la lettre de la demanderesse en date du 24 octobre 2005, a recommandé le rejet de sa demande sous le régime du paragraphe 129.1(5) de la Loi.
[10] Le 1er décembre 2005, un cadre de la Direction des recours a refusé à la demanderesse la prorogation du délai prévu pour demander une décision au ministre touchant les ACP, au motif qu'elle ne remplissait pas les conditions du paragraphe 129.1(5) de la Loi.
[11] Par conséquent, Marimac Inc. prie la Cour, en vertu du paragraphe 129.2 de la Loi, de faire droit à la présente demande de manière que soit prorogé le délai permis pour solliciter auprès du ministre une décision touchant les ACP qui lui ont été signifiés le 8 février 2005.
II. Les questions en litige
1) La demanderesse remplit-elle les conditions spécifiées au paragraphe 129.2(4) de la Loi, de telle sorte qu'elle aurait droit à la prorogation du délai prévu pour demander une décision au ministre touchant les 42 ACP émis le 8 février 2005?
III. La législation applicable
[12] Le paragraphe 109.1 de la Loi dispose que quiconque omet de se conformer à une disposition de celle-ci est passible d'une pénalité maximale de vingt-cinq mille dollars.
[13] Le paragraphe 109.3(1) de la Loi porte que les pénalités prévues à l'article 109.1 de la Loi peuvent être établies par l'agent de l'administration des douanes et que, le cas échéant, un avis écrit de cotisation concernant la pénalité est signifié à personne ou par courrier recommandé ou certifié par l'agent à la personne tenue de la payer.
[14] L'article 127 de la Loi dispose que la créance de Sa Majesté résultant d'un avis signifié en vertu de l’article 109.3 est définitive et n'est pas susceptible de révision, sauf dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 127.1 et 129.
127. La créance de Sa Majesté résultant d’un avis signifié en vertu de l’article 109.3 ou d’une réclamation effectuée en vertu de l’article 124 est définitive et n’est susceptible de révision, de restriction, d’interdiction, d’annulation, de rejet ou de toute autre forme d’intervention que dans la mesure et selon les modalités prévues aux articles 127.1 et 129.
[Je souligne.] |
127. The debt due to Her Majesty as a result of a notice served under section 109.3 or a demand under section 124 is final and not subject to review or to be restrained, prohibited, removed, set aside or otherwise dealt with except to the extent and in the manner provided by sections 127.1 and 129.
[Emphasis added]
|
[15] L'article 129 de la Loi autorise les personnes à qui a été signifié l'avis de cotisation prévu à l’article 109.3 à présenter, dans les 90 jours suivant sa signification, une demande en vue de faire rendre au ministre une décision touchant cet avis.
[16] Selon l'article 129.1 de la Loi, la personne qui n'a pas présenté, dans les 90 jours suivant la signification de l'avis de cotisation, sa demande visant à faire rendre une décision au ministre peut demander à celui‑ci de proroger ce délai.
[17] Si le ministre refuse d’accorder une prorogation du délai prévu pour présenter une demande en vue de faire rendre une décision touchant l'avis de cotisation qui lui a été signifié, la personne en question peut demander à la Cour fédérale, en vertu de l'article 129.2, de lui accorder cette prorogation. Cette prorogation ne sera accordée que si sont réunies les conditions énumérées au paragraphe 129.2(4).
IV. La récapitulation des faits pertinents pour l'analyse
[18] Voici un résumé sommaire des faits essentiels à prendre en considération pour trancher la question en litige :
- Le 8 février 2005, l'administration douanière a signifié 42 ACP à la demanderesse à son adresse de Cornwall, dans quatre enveloppes expédiées par courrier recommandé, conformément au paragraphe 109.3(1) de la Loi.
- Le 6 mai 2005, l'administration douanière a expédié à la demanderesse 42 avis d'arriéré, avec les états de compte correspondants, à son adresse de Cornwall.
- Le délai de 90 jours prévu à l'article 129.1 et au sous-alinéa 129.2(4)b)(i) de la Loi a expiré le 9 mai 2005.
- Le ou vers le 14 juillet 2005, un avis de compte en souffrance a été signifié à la demanderesse à son adresse de Cornwall. Il y était spécifié que l'ASFC annulerait ses privilèges de mainlevée avant paiement et retiendrait ses importations jusqu'au paiement complet de l'arriéré.
- Le 29 juillet 2005, la demanderesse a finalement réagi à l'émission des ACP en demandant à son courtier de faxer à l'ASFC une lettre l'avisant qu'elle souhaitait exercer un recours contre ces ACP et demandant que soient communiqués à la Direction des recours (à l'ASFC) le ou les dossiers y afférents.
- Le 24 octobre 2005, la demanderesse a présenté, en vertu de l'article 129.1 de la Loi, une demande de prorogation du délai prévu pour solliciter une décision auprès du ministre touchant les ACP, demande que ce dernier a rejetée le 1er décembre 2005.
- Le 9 février 2006, la demanderesse a déposé une demande auprès de la Cour fédérale. Cette demande a donc été formée dans les 90 jours suivant le rejet de la demande de prorogation administrative (prononcé le 1er décembre 2005), conformément au paragraphe 129.2(4) de la Loi.
V. L’analyse
1) La demanderesse remplit-elle les conditions spécifiées au paragraphe 129.2(4) de la Loi, de telle sorte qu'elle aurait droit à la prorogation du délai prévu pour demander une décision au ministre touchant les 42 ACP émis le 8 février 2005?
[19] Marimac Inc. est la seule personne responsable sous le régime de la Loi et la seule à qui les ACP ont été signifiés en vertu de l’article 109.3. La preuve établit sans ambiguïté qu'un employé de la demanderesse, dénommé D. Pizzardi, a reçu le 8 février 2005 les quatre enveloppes contenant les 42 ACP. Cependant, la preuve de la demanderesse porte en outre que D. Pizzardi n'a informé personne au sein du Groupe Marimac qu'il avait reçu ces 42 ACP. Il est à noter que les seuls élément de preuve produits sur ce point sont le paragraphe 16 de l'affidavit modifié de M. Bob Khamis (M. Khamis), chef de division chez Marimac Inc., et la lettre du 24 octobre 2005. Pour ne rien omettre, nous reproduisons ci‑dessous quelques-uns des passages pertinents de ces deux pièces. M. Khamis écrivait ce qui suit dans son affidavit modifié (affidavit modifié de M. Bob Khamis, en date du 28 avril 2006) :
[traduction] 16. Apparemment, il a été accusé réception des quatre enveloppes par un employé qui n'a informé personne, au sein du Groupe Marimac, du fait qu'il les avait reçues.
Par ailleurs, on trouve le passage suivant dans la lettre du 24 octobre 2005 (affidavit modifié de M. Bob Khamis, pièce 3, page 3) :
[traduction] Pour autant que nous sachions, les avis de pénalité établis dans le cadre du RSAP n'ont pas été portés à l'attention d'une personne informée et n'étaient pas accompagnés d'une lettre. Marimac n'a pas pris ni fait prendre de mesures pour protéger son délai de recours tout simplement parce que ses dirigeants n'ont pas été informés de la réception desdits avis de l'ASFC au moment de leur réception.
Ces deux documents doivent absolument être évalués en fonction de la preuve produite par les deux parties.
[20] La preuve montre en outre que l'administration douanière a envoyé des avis d'arriéré et les états de compte correspondants à la demanderesse le 6 mai 2005, soit dans les 90 jours suivant l'émission des ACP. Or Marimac Inc. n'a produit aucun élément de preuve concernant cet envoi. La preuve indique que c'est seulement après avoir reçu un avis de compte en souffrance en date du 14 juillet 2005 que la demanderesse a réagi aux ACP en demandant à son courtier d'envoyer la télécopie en date du 29 juillet 2005. Donc, pour ce qui concerne les 90 jours suivant la réception des ACP, la seule preuve produite par la demanderesse est que D. Pizzardi n'a porté les ACP à l'attention de personne au sein du Groupe Marimac. La demanderesse, je le répète, n'a proposé aucune explication touchant la nature des mesures prises, si elle en a pris, au reçu des avis d'arriéré et des états de compte correspondants.
[21] M. Khamis, chef de division chez Marimac Inc., a déposé à l'appui de la présente demande un affidavit dont nous avons déjà cité un passage. Il y précise qu'il s'est entretenu avec les agents de l'ASFC au moment de la vérification de l'entrepôt en douane et qu'il leur a remis une carte commerciale indiquant que le siège social de la demanderesse se trouve à Montréal et non à Cornwall. M. Khamis ajoute dans son affidavit qu'il a informé ces agents qu'il souhaitait que la totalité du courrier concernant toutes cotisations éventuelles soit adressée au siège social. Or cette version des faits n'est pas étayée par les dossiers de l'administration douanière, comme l'a noté dans son affidavit M. Jason Proceviat, chef de la Division de l'arbitrage à la Direction des recours, Direction générale de l'admissibilité, ASFC (dossier du défendeur, affidavit de Jason Proceviat, paragraphe 16). Qui plus est, l'agent de vérification ne mentionne pas, dans son rapport sur le contrôle de l'entrepôt de Marimac, le fait que M. Khamis aurait demandé d'adresser la totalité du courrier au siège social à Montréal. Chose plus importante, ce fait n'est pas invoqué dans la lettre du courtier en date du 24 octobre 2005, à l'appui de la demande, présentée en vertu de l'article 129.1 de la Loi, de prorogation du délai de 90 jours prévu pour solliciter une décision auprès du ministre. Par ailleurs, le rapport de l'agent de vérification indique que M. Khamis a été contacté après la vérification. À mon avis, si le fait que M. Khamis ait demandé qu'on adresse la totalité du courrier au bureau de Montréal était suffisamment important pour qu'il l'invoque dans son affidavit, ce renseignement aurait certainement dû figurer dans la lettre du courtier en date du 24 octobre 2005. Il me paraît certain que la preuve – ou plutôt l'absence de preuve – susdite commande une inférence défavorable à la demanderesse.
[22] Il est également important de noter que, pendant la vérification, le courtier de la demanderesse savait que l'entrepôt de cette dernière faisait l'objet d'un contrôle. Le rapport de l'agent de vérification indique que lui-même et ses collègues ont contacté le courtier à leur arrivée à l'entrepôt et qu'il leur a par la suite communiqué un relevé des stocks intitulé [traduction] « Inventaire de l'entrepôt en douane », à partir de quoi la vérification a pu commencer. Le courtier a également été contacté par un agent de vérification une fois le contrôle achevé. En outre, on a remis un exemplaire du relevé des opérations de vérification à la demanderesse après le contrôle. La preuve établit donc indubitablement que la demanderesse et son courtier savaient très bien que l'entrepôt de Cornwall faisait l'objet d'une vérification.
[23] La preuve indique aussi que M. Khamis, au cours de ses entretiens avec les agents de vérification, a demandé plusieurs fois s'il était possible de transiger ou de discuter. M. Khamis, au moment de son départ de l'entrepôt, a dit qu'il connaissait le chef des Opérations de l'ASFC, qu'ils avaient pu dans le passé trouver des accommodements et qu'il lui demanderait par conséquent un rendez-vous après la vérification (vérification de l'entrepôt de Marimac, dossier du défendeur, affidavit de Mike Milne, pièce A, page 118). Cependant, aucun élément au dossier ne tend à établir que M. Khamis se serait effectivement entretenu avec le chef des Opérations.
[24] La Loi dispose expressément, au paragraphe 129(1), que la personne à qui un ACP a été signifié a 90 jours pour demander au ministre une décision touchant cet ACP. Or la preuve établit que la demanderesse n'a pas demandé une telle décision dans le délai prescrit de 90 jours. Comme le prévoit l'article 129.1 de la Loi, une prorogation du délai dans lequel on peut demander une décision au ministre peut être accordée si sont remplies les conditions spécifiées au paragraphe 5 de cet article. Or la demanderesse a attendu jusqu'au 24 octobre 2005 pour présenter une demande de prorogation, que le ministre a rejetée le 1er décembre 2005, au motif que n'étaient pas réunies les conditions énoncées au paragraphe 129.1(5) de la Loi. Il est à noter que même si elle a présenté sa demande de prorogation dans l'année suivant l'expiration du délai de 90 jours qui avait commencé à courir à la date de la signification des ACP (le 8 février 2005), la demanderesse n'a pas convaincu le ministre qu'elle n'avait pu ni agir ni mandater quelqu'un pour agir en son nom, ou qu'elle ait véritablement eu l'intention de lui demander de rendre une décision touchant les ACP, dans ledit délai de 90 jours.
[25] Par la présente demande, la demanderesse prie la Cour, sous le régime du paragraphe 129.2(4) de la Loi, de lui accorder une prorogation du délai afin de solliciter une décision auprès du ministre touchant les 42 ACP. Pour voir accueillir cette demande, elle doit convaincre la Cour que les conditions suivantes sont réunies :
a) la demande de prorogation a été présentée dans l'année suivant l'expiration du délai de 90 jours qui a commencé à courir à la date de la signification des ACP;
b) au cours dudit délai de 90 jours :
(i) la demanderesse n'a pu agir,
(ii) elle n'a pas pu non plus mandater quelqu'un pour agir en son nom,
(iii) elle avait véritablement l'intention de demander une décision au ministre;
c) il serait juste et équitable de faire droit à sa demande;
d) la demande de prorogation a été présentée dès que possible.
[26] Vu la preuve, les affidavits déposés, les documents produits et le contre-interrogatoire de M. Proceviat, je conclus que la demanderesse pouvait agir ou était en mesure de mandater quelqu'un pour agir en son nom. En outre, je conclus que la demanderesse n'a pas établi qu'elle ait véritablement eu l'intention de demander une décision au ministre.
[27] Comme j'ai déjà formulé des observations sur certains des éléments de preuve, je me contenterai d'ajouter que mes conclusions se fondent sur le fait que la preuve établit sans ambiguïté que les ACP ont été signifiés à la demanderesse conformément à la Loi, que les avis d'arriéré et les états de compte lui ont été envoyés dans les 90 jours suivant la signification des ACP, et qu'elle n'a produit aucun élément de preuve touchant le sort de ces avis d'arriéré. En outre, de préférence aux déclarations de M. Khamis, j'ai décidé d'ajouter foi à la preuve documentaire selon laquelle ce dernier n'avait pas demandé que les ACP soient adressés au bureau de Montréal plutôt qu'à la succursale de Cornwall de la demanderesse. Je note également que M. Khamis et le courtier de la demanderesse étaient parfaitement au courant de la vérification et que M. Khamis était censé s'entretenir de celle‑ci avec le chef des Opérations de l'ASFC. L'argument de la demanderesse, avancé bien tardivement, selon lequel elle n'avait pas eu connaissance des ACP dans les 90 jours suivant leur signification, n'est pas crédible, la preuve établissant clairement le contraire. Par conséquent, force m'est de conclure que la demanderesse avait connaissance des ACP, ainsi que des avis d'arriéré et des états de compte, et qu'elle a délibérément omis d'agir ou de mandater quelqu'un pour agir en son nom. Une telle conduite n'atteste pas une intention véritable de demander une décision. Comme la Cour n'accorde de prorogation du délai pour demander une décision au ministre que si sont remplies toutes les conditions énoncées au paragraphe 129.2(4) de la Loi et que la demanderesse ne remplit pas la condition b) de la liste dressée au paragraphe 25 du présent exposé de motifs, il n'est pas nécessaire d'examiner les conditions c) et d) de cette même liste.
[28] Cela dit, la demanderesse fait également valoir que si le défendeur s'était conformé aux paragraphes 12 et 13 du Mémorandum D‑22‑1‑1 en date du 16 juin 2003, son courtier aurait reçu copie des ACP et aurait pu l'informer de leur émission, puisqu'une lettre autorisant la divulgation aurait été signée à cette fin. Les paragraphes en question sont rédigés comme suit :
[29] La demanderesse essaie, en invoquant un tel argument, de contourner la preuve produite et d'attribuer au défendeur l'obligation d'informer un tiers (le courtier en l'occurrence) de l'émission des ACP. Or, après examen des paragraphes 12 et 13 du Mémorandum D22‑1‑l, je ne vois pas en quoi ils auraient fait obligation au défendeur d'obtenir de la demanderesse une lettre autorisant la divulgation ou de communiquer une formule de cette nature au courtier.
[30] La Loi ne dit nulle part que l'administration douanière doive signifier les ACP à une autre adresse que l'adresse postale qui, selon ses dossiers, est celle de la personne qui en fait l'objet. Par conséquent, le fait de ne pas avoir envoyé de copies des ACP au courtier ne peut être considéré comme un manquement aux attentes légitimes de la demanderesse, et celle‑ci ne peut invoquer cette omission pour se justifier de n'avoir pas demandé une décision au ministre dans le délai de 90 jours prévu au paragraphe 129(1) de la Loi.
[31] Il ne faut pas oublier par ailleurs qu'un document tel que le Mémorandum D22‑1‑1 n'est qu'un ensemble de lignes directrices et, à ce titre, ne crée pas d'attentes légitimes fondées sur des droits substantiels : Oberlander c. Canada (Procureur général), 2004 CAF 213, au paragraphe 30. Les lignes directrices sont tout au plus de nature administrative et ne peuvent donc être considérées comme équivalentes à une loi ou à un règlement, puisqu'elles ne sont pas exécutoires ni n'ont force de loi : Byer c. Canada, 2002 CFPI 518 (1re inst.), conf. par 2002 CAF 430. Enfin, je le répète, la preuve montre que les agents de vérification ont informé la demanderesse et le courtier du commencement de la vérification et les ont de nouveau contactés une fois celle‑ci achevée.
V. Les dépens
[32] Pour les motifs exposés ci‑dessus, la demande de prorogation du délai prescrit pour demander une décision au ministre touchant les 42 ACP ne peut être accueillie. En conséquence, les dépens seront adjugés au défendeur.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
- La demande de prorogation du délai prescrit pour demander une décision au ministre touchant les ACP est rejetée.
- Les dépens sont adjugés au défendeur.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T‑233‑06
INTITULÉ : MARIMAC INC.
c.
LE MINISTRE DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE ET DE LA PROTECTION CIVILE
LIEU DE L'AUDIENCE : MONTRÉAL (QUÉBEC)
DATE DE L'AUDIENCE : LE 21 MARS 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE NOËL
DATE DES MOTIFS : LE 3 AVRIL 2007
COMPARUTIONS :
Michael Kaylor POUR LA DEMANDERESSE
Jacques Mimar POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Lapointe, Rosenstein
Montréal (Québec) POUR LA DEMANDERESSE
John H. Sims, c.r.
Montréal (Québec) POUR LE DÉFENDEUR