Date: 20070402
Ottawa (Ontario), le 2 avril 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE SIMON NOËL
ENTRE:
et
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire, présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (LIPR), de la décision datée du 23 février 2006 par laquelle une agente des visas (l’agente) a rejeté la demande de résidence permanente de Parviz Lak (le demandeur) pour le motif qu’il ne remplissait pas les conditions de la délivrance d’un visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés.
I. Les faits
[2] Le demandeur est Iranien. Il a demandé un visa de résident permanent à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés en invoquant ses études et l’expérience de travail qu’il a acquise comme ophtalmologue en Iran.
[3] La demande de résidence permanente du demandeur a été rejetée le 23 février 2006 parce qu’il manquait au demandeur deux points pour obtenir la note de passage de 67 exigée par la grille de sélection de la catégorie des travailleurs qualifiés, prévue à l’article 78 du Règlement sur l’immigration et la protection des réfugiés, DORS/2002‑227 (RIPR).
[4] Le demandeur soutient que l’agente a mal évalué ses études et ses compétences lorsqu’elle lui a attribué 20 points sur 25 points pour le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés.
II. Les questions en litige
(1) Quelle est la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas?
(2) L’agente a‑t‑elle commis une erreur en attribuant au demandeur 20 points sur un maximum de 25 points pour le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés?
III. Analyse
(1) Quelle est la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas?
[5] Dans Wang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2003 CFPI 258, au paragraphe 6, le juge Linden a écrit ce qui suit au sujet de la norme de contrôle applicable aux décisions des agents des visas :
Suivant la jurisprudence de notre Cour, la norme de contrôle applicable à ce type de décision administrative correspond au critère énoncé dans l’arrêt Maple Lodge Farms c. Gouvernement du Canada, [1982] 2 R.C.S. 2, selon lequel les cours ne devraient pas intervenir « [l]orsque le pouvoir discrétionnaire accordé par la loi a été exercé de bonne foi et, si nécessaire, conformément aux principes de justice naturelle, si on ne s’est pas fondé sur des considérations inappropriées ou étrangères à l’objet de la loi » (voir : Skoruk c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 1220; Chen c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CFPI 330; Al-Rifai c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2002 CFPI 1236; Jang c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration), 2001 CAF 312).
[6] En l’espèce, le principal argument du demandeur est que l’agente n’a pas fourni de motifs suffisants à l’appui de sa décision de rejeter la demande de résidence permanente du demandeur. Une telle erreur, si elle avait été commise, constituerait une violation de l’équité procédurale. Dans Sketchley c. Canada (Procureur général), 2005 CAF 404, au paragraphe 46, la Cour d’appel fédérale a statué que toutes les questions d’équité procédurale doivent être examinées selon la norme de la décision correcte.
(2) L’agente a‑t‑elle commis une erreur en attribuant au demandeur 20 points sur un maximum de 25 points pour le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés?
[7] Le demandeur soutient que les motifs qui ont poussé l’agente à ne pas lui accorder le maximum de points pour le critère « Études » dans la grille de sélection des travailleurs qualifiés sont insuffisants et que l’agente a ainsi violé l’équité procédurale. Le demandeur affirme qu’il n’a obtenu que 20 points, sur les 25 points possibles, sous le critère « Études » parce que l’agente n’a pas apprécié correctement la preuve documentaire qu’il a fournie dans sa demande de visa.
[8] D’après le demandeur, son diplôme de médecine est considéré comme un diplôme d’études doctorales en Iran. Pourtant, l’agente a considéré que son diplôme de médecine correspondait à « un premier cycle d’études postsecondaires » lorsqu’elle a examiné le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés.
[9] Comme le demandeur l’a mentionné, le Guide ‑ Traitement des demandes à l’étranger – Travailleurs qualifiés (fédéral) (OP 6) précise dans une note du chapitre 10.2 :
Note : Un diplôme de médecine correspond généralement à un diplôme universitaire de premier cycle, au même titre qu’un baccalauréat en droit ou un baccalauréat en pharmacie, même s’il s’agit d’un diplôme « professionnel », et devrait donner 20 points. S’il s’agit d’un diplôme de deuxième cycle et s’il est délivré par une faculté des études supérieures, par exemple, 25 points pourraient être accordés. Si le baccalauréat est un prérequis, mais que le diplôme en soi est considéré comme un diplôme de premier cycle, 22 points seront accordés. Il est important de s’informer de la façon dont l’administration locale responsable des établissements d’enseignement considère les diplômes, c’est-à-dire de premier cycle, de deuxième cycle ou d’études supérieures.
Cette note explique qu’en général, les diplômes de médicine sont considérés comme des diplômes universitaires de premier cycle, étant donné qu’un diplôme de deuxième cycle exige que l’étudiant soit inscrit à une faculté des études supérieures. Cela dit, l’OP 6 précise que, lorsque le baccalauréat est un prérequis pour un autre diplôme de premier cycle, l’agent des visas peut attribuer 22 points au demandeur pour le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés.
[10] Cela dit, la note qui figure au chapitre 10.2 de l’OP 6 n’est qu’une ligne directrice qui permet d’évaluer les diplômes d’études selon la grille de sélection des travailleurs qualifiés. La dernière phrase de la note souligne que l’agent des visas doit s’informer de la façon dont l’administration locale responsable de l’établissement d’enseignement en question considère les diplômes d’études d’un demandeur.
[11] En l’espèce, le demandeur a produit une lettre du Dr Hamid Akbari du ministère iranien de la Santé et des Études médicales dans laquelle ce dernier déclare que les diplômes de médicine sont considérés en Iran comme des diplômes professionnels de doctorat (dossier du demandeur, affidavit de Gerd Damitz, pièce D, page 32). En outre, dans sa demande de résidence permanente au Canada, le demandeur indique que le plus haut niveau d’études qu’il a achevé est un « diplôme de maîtrise » (dossier du tribunal, page 2). Le défendeur fait remarquer, de son côté, que le relevé de notes de l’université indique clairement que le demandeur était inscrit au [traduction] « Département de premier cycle de médecine » (dossier du tribunal, pages 89 et 90).
[12] Après avoir examiné la preuve, j’estime que le relevé de notes du demandeur montre clairement que celui-ci était un « étudiant de premier cycle » lorsqu’il étudiait la médecine et que l’agente avait des motifs de conclure qu’il y avait lieu de classer le diplôme de médecine du demandeur comme un « diplôme universitaire de premier cycle ». Cela dit, le dossier indique également clairement que l’agente savait qu’elle examinait une demande de résidence permanente à titre d’« ophtalmologue », car elle a elle‑même déclaré dans sa décision : [traduction] « Votre demande a été évaluée en fonction de la profession pour laquelle vous avez demandé une évaluation : Ophtalmologie [sic], 3111 dans la Classification nationale des professions (CNP) » (dossier du demandeur, page 6).
[13] À mon avis, il est raisonnable de penser qu’un ophtalmologue qui pratique à l’extérieur du Canada serait obligé de suivre une formation médicale spécialisée en plus de ce qui est exigé pour devenir généraliste, comme c’est le cas au Canada. Il n’y a toutefois aucune indication dans la décision que l’agente a examiné la preuve concernant la compétence du demandeur en « ophtalmologie », notamment la question de savoir s’il était obligatoire de suivre une formation spécialisée après avoir obtenu un diplôme de médecine. Cela dit, le demandeur a inclus dans sa demande une « annonce » mentionnant qu’il avait effectué un stage ayant pour sujet le corps vitré et la rétine à l’Université de Shiraz, le 21 octobre 1995, après avoir réussi ses examens pratiques et théoriques (dossier du tribunal, page 85). De plus, le demandeur a produit des éléments de preuve indiquant qu’il avait obtenu un [traduction] « Certificat final (deuxième cinq ans) pour avoir participé aux programmes de formation permanente en médecine », le 10 septembre 2001 (dossier du tribunal, page 95). Ainsi, l’agente aurait dû, à tout le moins, faire référence dans sa décision à ces éléments de preuve et à la compétence du demandeur en ophtalmologie. S’il avait été tenu compte de tous les diplômes d’études du demandeur, ce dernier aurait peut‑être obtenu 22 points, au lieu des 20 points qui lui ont été accordés, parce qu’il avait un baccalauréat en plus d’autres diplômes d’études.
[14] Cela dit, lorsqu’il ya eu un stage ou une autre formation spécialisée, l’agent des visas n’est pas tenu d’accorder des points supplémentaires pour le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés au motif que le demandeur a obtenu un diplôme d’études qui exigeait un baccalauréat. À mon avis, l’agent doit tenir compte de tous les diplômes d’études et de formation du demandeur pour évaluer correctement le nombre de points à attribuer selon le critère « Études » de la grille de sélection des travailleurs qualifiés.
IV. Conclusion
[15] Pour les motifs susmentionnés, l’agente n’a pas fourni de motifs suffisants à l’appui de sa décision de rejeter la demande de résidence permanente du demandeur et a ainsi violé l’équité procédurale. Étant donné que les violations de l’équité procédurale font l’objet d’un contrôle selon la norme de la décision correcte, la demande de résidence permanente du demandeur à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés doit être envoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.
[16] Les parties ont été invitées à présenter des questions en vue de leur certification, mais aucune n’a été soumise.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE :
- La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la demande de résidence permanente du demandeur à titre de membre de la catégorie des travailleurs qualifiés est renvoyée à un autre agent des visas pour nouvel examen.
- Aucune question n’est certifiée.
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
Avocats inscrits au dossier
DOSSIER : IMM-2263-06
INTITULÉ : PARVIZ LAK
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE MARDI 27 MARS 2007
MOTIFS du jugement : le juge Noël
DATE DES MOTIFS: le 2 avril 2007
COMPARUTIONS :
M. Max Chaudhary Pour le demandeur
Leanne Briscoe Pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
M. Max Chaudhary
Avocat
Toronto (Ontario) Pour le demandeur
John H. Sims, c.r.
Sous-procureur général du Canada POUR le défendeur