Ottawa (Ontario), le 20 mars 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
NESMALAR GNANASEKARAM
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a rejeté la demande d’asile de la demanderesse qui était principalement fondée sur sa crainte d’être recrutée par les TLET au Nord du Sri Lanka. Le présent contrôle judiciaire vise à revoir les conclusions de la Commission concernant la crédibilité de la demanderesse et la vraisemblance de son recrutement par les TLET et ses conclusions quant à l’existence d’une PRI (possibilité de refuge intérieur).
II. CONTEXTE
[2] La demanderesse, âgée de 26 ans, est une Tamoule de la région de Kilinochchi au Nord du Sri Lanka. Deux de ses frères manquent à l’appel depuis les années 1990. Elle a soutenu que sa famille avait été envoyée au Malawi en raison d’accusations selon lesquelles cette dernière appuyait les TLET. De plus, elle a allégué avoir été forcée de creuser des abris fortifiés et de cuisiner pour les TLET. À la suite du cessez-le-feu, sa famille et elle sont retournées à Kilinochchi.
[3] En décembre 2004, les TLET ont lancé une campagne de propagande visant à recruter de nouveaux membres. On a alors demandé à la demanderesse de joindre les TLET, et c’est pourquoi elle s’est enfuie.
[4] La Commission n’était pas convaincue que la demanderesse serait recrutée par les TLET, car elle est une femme. Il y avait alors un cessez-le feu et les TLET auraient recruté son autre frère qui était toujours à la maison plutôt qu’elle.
[5] La Commission a aussi rejeté la crainte que la demanderesse pouvait avoir de l’armée, pour laquelle il n’est pas nécessaire d’ajouter quoi que ce soit. La Commission a conclu que la demanderesse mentait et, sans motifs, a conclu que même si elle était crédible, elle pouvait déménager à Colombo.
III. ANALYSE
[6] Il est de jurisprudence constante que la norme de contrôle applicable aux conclusions quant à la crédibilité est celle de la décision manifestement déraisonnable (Khan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2005] A.C.F. no 47 (QL)) et celle de la décision raisonnable pour les conclusions quant à la vraisemblance (Dennis Courtney c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2007 C.F. 252). En ce qui concerne les PRI, la norme applicable aux conclusions de fait est celle de la décision manifestement déraisonnable, mais celle utilisée pour déterminer si les faits satisfont aux conditions juridiques est la norme de la décision raisonnable simpliciter (Nakhuda c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2006 C.F. 698, au paragraphe 8).
A. Recrutement
[7] Dans son témoignage, la demanderesse a fait ressortir les efforts de recrutement faits par les TLET en 2004, ce qui est compatible avec la preuve documentaire. Bien qu’une certaine partie de la preuve ciblait le recrutement d’enfants, celle-ci a également permis d’établir que des efforts avaient été déployés par les TLET en vue de recruter des adultes, y compris des civils âgés et des femmes.
[8] La Commission a reconnu que les TLET recrutaient parfois des femmes, mais elle a toutefois entièrement rejeté la demande de la demanderesse pour des motifs de crédibilité et sans explication satisfaisante. Elle disposait d’éléments de preuve qui indiquaient que le recrutement se poursuivait, malgré le cessez-le-feu, mais n’a donné aucune explication quant à savoir pourquoi cet aspect de sa demande avait été rejeté. Enfin, elle n’a fourni aucune analyse révélant que son frère était beaucoup plus susceptible d’être recruté au point de rendre son recrutement à elle presque impossible. Les conclusions de la Commission quant à la crédibilité et à la vraisemblance ne respectent pas la norme de contrôle et sont manifestement déraisonnables.
B. Possibilité de refuge intérieur
[9] La Commission ne fait aucune analyse du risque auquel était exposée la demanderesse à Colombo. Bien qu’il incombe à la demanderesse d’établir qu’une PRI n’existe pas, en l’espèce, la preuve révélait l’existence d’un risque à Colombo qui n’a pas été pris en compte.
[10] Les raisons pour lesquelles la demanderesse ne voulait pas aller à Colombo (l’absence d’amis) ne sont pas en soi convaincantes. La Commission n’a pas examiné sa situation personnelle, même si les activités des TLET à Colombo ont été présentées comme motifs.
[11] Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire est accueillie, la décision de la Commission est annulée et l’affaire est renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur elle. Il n’y a aucune question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit accueillie, que la décision de la Commission soit annulée et que l’affaire soit renvoyée devant un tribunal différemment constitué pour qu’il statue à nouveau sur elle.
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B, trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2573-06
INTITULÉ : NESMALAR
GNANASEKARAM
c.
LE MINISTRE DE LA
CITOYENNETÉ ET DE
L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 8 MARS 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 20 MARS 2007
COMPARUTIONS :
David Yerzy
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David Cranton
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
DAVID P. YERZY Avocat Toronto (Ontario)
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JOHN H. SIMS, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario)
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