Ottawa (Ontario), le 20 mars 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE PHELAN
ENTRE :
JUAN JOSE JIMENEZ ROJAS
JUAN JOSE JIMENEZ ALVAREZ
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] La Commission de l’immigration et du statut de réfugié a rejeté la demande présentée par la demanderesse principale (la demanderesse), citoyenne de la Colombie, ainsi que celle de son mari et de son fils, au motif que celle-ci pourrait devenir citoyenne du Venezuela et ainsi éviter la persécution crainte et l’exposition à un risque en Colombie. La demanderesse soulève la question suivante : Existe-t-il une obligation d’acquérir la citoyenneté d’un pays qui ne suscite aucune crainte et dans quelles circonstances une telle obligation représente-t-elle un obstacle à une demande d’asile?
II. CONTEXTE
[2] Mme Alvarez, avocate, est citoyenne de la Colombie, tout comme l’est son fils, et son mari est citoyen de la Colombie et du Venezuela. La fille de la demanderesse, née d’un mariage précédent, est aussi citoyenne de la Colombie et sa demande d’asile a été acceptée du fait qu’elle était seulement citoyenne de la Colombie. Les demandes de Mme Alvarez, de son mari et de leur fils n’ont pas été acceptées puisque ceux-ci auraient pu obtenir, ou déjà détenir, la citoyenneté du Venezuela.
[3] La Commission a reconnu que l’allégation soulevée par la demanderesse et sa famille était crédible en ce qui concerne les menaces que ceux-ci avaient reçues de la part des FARC (le groupe rebelle colombien) en raison des activités politiques de la demanderesse. Étant donné que cette dernière était avocate et que son mari était docteur, ils ne sont pas venus au Canada pour des motifs économiques car il pourrait être difficile pour l’un comme pour l’autre d’y exercer à nouveau sa profession.
[4] La Commission a aussi conclu que, même si les FARC et d’autres groupes rebelles étaient présents au Venezuela, ceux-ci étaient actifs seulement dans la jungle qui borde la zone frontalière et non dans tout le Venezuela comme c’était le cas en Colombie. Étant donné que la situation au Venezuela était si différente, la demanderesse et sa famille ne s’exposaient pas à un risque dans ce pays.
[5] La différence la plus importante entre les demandeurs et leur fille est que celle-ci n’avait pas la possibilité de devenir citoyenne du Venezuela. La demande de cette dernière a été acceptée au motif qu’elle n’avait droit à la citoyenneté ni aux États-Unis ni au Venezuela.
[6] En ce qui concerne la question de l’acquisition de la citoyenneté au Venezuela, la demanderesse avait déposé un document obtenu de l’Onidex, organisme du gouvernement de ce pays, selon lequel même si elle était mariée à un Vénézuélien, elle devait résider au Venezuela pendant cinq ans avant d’acquérir la citoyenneté. Un avocat a corroboré cette preuve dans un avis juridique.
[7] La Commission disposait aussi du FRP de la demanderesse, de la Constitution du Venezuela et de l’avis formel de l’ambassade du Venezuela au Canada selon lequel il n’était pas nécessaire de résider au Venezuela étant donné que la demanderesse pouvait obtenir la citoyenneté pourvu qu’elle ait été mariée à un Vénézuélien pendant cinq ans, or, cela faisait dix ans qu’elle était mariée. Le garçon de la demanderesse serait un citoyen du Venezuela du fait que son père est Vénézuélien.
III. ANALYSE
[8] La demanderesse avait aussi soulevé la question de l’ordre inversé des interrogatoires, qui n’avait pas fait l’objet de discussion plus poussée, et il n’y avait pas lieu de le faire.
[9] Quant à la question de l’acquisition de la citoyenneté dans un autre pays, la Cour d’appel a conclu dans la décision Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) c. Williams, 2005 C.A.F. 126, au paragraphe 17, que la norme de contrôle est celle de la décision manifestement déraisonnable étant donné que la preuve du droit étranger est une question de fait.
La conclusion de la Commission suivant laquelle l’intimé pouvait obtenir la citoyenneté ougandaise de plein droit en renonçant à la citoyenneté rwandaise est une conclusion de fait que le juge de première instance ne pouvait modifier que s’il s’agissait d’une erreur manifeste et dominante. L’intimé ne conteste pas cette conclusion et, de toute façon, le juge Pinard ne l’a pas modifiée.
[10] Le critère de la citoyenneté en tant qu’obstacle à une demande d’asile a été précisé dans les décisions Williams, précitée, et Bouianova c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1993), 67 F.T.R. 74, selon lesquelles l’obtention de la citoyenneté doit être une simple formalité ou, autrement dit, le demandeur doit avoir en son contrôle la possibilité d’obtenir la citoyenneté d’un pays sans être assujetti au pouvoir discrétionnaire de l’administration. Je n’ai pas à décider si cinq ans de mariage (en admettant que ce soit le critère applicable) est un obstacle à la citoyenneté puisque la demanderesse satisfait déjà à ce critère.
[11] La Commission a donné plus d’importance à l’avis de l’ambassade du Venezuela qu’à la preuve de l’Onidex puisque celui-ci n’était pas le ministère concerné au sein du gouvernement du Venezuela. Elle a manifestement donné moins d’importance à l’avis de l’avocat qu’à l’avis de l’ambassade et à l’article 33 de la Constitution du Venezuela qui confirme que la citoyenneté peut être obtenue après cinq ans de mariage ou après cinq ans de résidence au Venezuela. L’évaluation de ces éléments de preuve fait partie des responsabilités de la Commission et l’on ne devrait intervenir que dans les cas les plus probants.
[12] La demanderesse n’avait fait aucune démarche pour obtenir sa citoyenneté et, bien que cela soit cohérent avec sa conviction selon laquelle elle ne pouvait pas l’obtenir, il n’y a aucune preuve du rejet de sa demande de citoyenneté.
[13] En conséquence, la conclusion de la Commission selon laquelle la preuve permet d’établir que la demanderesse est en droit d’obtenir la citoyenneté du Venezuela est plus que raisonnable.
[14] Bien que la demanderesse conteste aussi la conclusion de la Commission selon laquelle les Vénézuéliens bénéficient de la protection de l’État dans le pays sauf dans les zones frontalières, la preuve documentaire appuie cette conclusion.
[15] Le frère de la demanderesse, citoyen de la Colombie, avait été accepté par la Commission en qualité de réfugié. Sa situation était différente de celle de sa sœur malgré que leurs demandes aient été traitées presque à la même période. Il n’a pas droit d’obtenir la citoyenneté du Venezuela et il y avait des éléments de preuve qui indiquaient que les FARC étaient à sa recherche.
[16] Bien que la demanderesse et sa famille puissent bien être des immigrants que l’on souhaiterait recevoir, la loi régissant les demandes d’asile ne leur permet pas de bénéficier de l’application des articles 96 et 97 de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
[17] La demande de contrôle judiciaire est rejetée. Aucune question n’a été proposée aux fins de certification.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
Traduction certifiée conforme
Caroline Tardif, LL.B, trad.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-2388-06
INTITULÉ : XIOMARA ALVAREZ
JUAN JOSE JIMENEZ ROJAS
JUAN JOSE JIMENEZ ALVAREZ
c.
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 7 MARS 2007
MOTIFS DU JUGEMENT : LE JUGE PHELAN
DATE DES MOTIFS : LE 20 MARS 2007
COMPARUTIONS :
Joel Etienne
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POUR LES DEMANDEURS |
Catherine Vasilaros
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Joel Etienne Avocat Toronto (Ontario)
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POUR LES DEMANDEURS |
Jonh H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |