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Date : 20070226

Dossier : IMM-1773-06

Référence : 2007 CF 215

Ottawa (Ontario) le 26 février 2007

EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE DAWSON

 

 

ENTRE :

 

SHOU DONG LIN

 

demandeur

 

 

et

 

 

LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION

défendeur

 

 

 

MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT

 

[1]        Shou Dong Lin est un citoyen de la République populaire de Chine dont la demande d’asile a été rejetée par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), laquelle n’a pas cru son témoignage.

[2]        M. Lin a affirmé dans son témoignage que ses parents tenaient une librairie en Chine et qu’ils avaient vendu quelques livres du Falun Gong pour la première fois en 1997, ou vers cette année-là.  À un certain moment en 2000, le Bureau de sécurité publique (BSP) en a eu connaissance et des agents se sont présentés à la librairie. Le 26 août 2000, M. Lin, ses parents et son frère aîné, lequel travaillait à la librairie les fins de semaine, sont partis se cacher de peur de se faire arrêter. Avant ce jour, M. Lin ne savait pas que sa famille vendait de la documentation sur le Falun Gong. Il a déclaré qu’il était effrayé à l’idée d’être obligé de retourner en Chine, parce qu’il serait alors capturé par les agents du BSP et utilisé comme otage pour retrouver ses parents et son frère qui sont toujours cachés. 

 

[3]        Après avoir été convaincue de l’identité de M. Lin, la Commission a écrit :

            En ce qui a trait au témoignage du demandeur d’asile, j’estime qu’il y a lieu de s’interroger sur les motifs qui ont incité sa famille à réunir des fonds pour l’envoyer au Canada au lieu d’aider ses parents ou son frère aîné, beaucoup plus menacés par le BSP, à quitter la Chine. Selon le demandeur d’asile, sa famille a décidé de dépenser de l’argent pour le faire sortir du pays parce que, pendant sa période de clandestinité, d’environ trois ans, il n’avait pas fréquenté l’école. Le demandeur d’asile se cachait parce qu’il avait peur que le BSP l’appréhende pour lui faire subir un interrogatoire. Pour ces motifs, en l’envoyant au Canada, les parents souhaitaient que le demandeur d’asile ait la possibilité, pour reprendre ses propres mots, de devenir plus civilisé et de poursuivre ses études. Le demandeur d’asile pourrait aussi améliorer ses possibilités d’emploi pour l’avenir. Cette réponse m’a incité à m’interroger sur la crainte du demandeur d’asile d’être persécuté par le BSP à son retour en Chine.

 

[4]        Au nom de M. Lin, l’avocat soutient que la Commission a commis une erreur de droit en tirant une conclusion défavorable quant à une partie de son témoignage, selon laquelle il aurait été choisi pour quitter la Chine parce qu’il n’avait pas pu fréquenter l’école pendant sa période de clandestinité. Il prétend que lorsqu’il y a plusieurs réfugiés possibles, mais que les moyens ne permettent que d’en sauver un, la Commission devrait accepter des motifs autres que ceux habituellement donnés pour reconnaître la qualité de réfugié lorsqu’il y a lieu de déterminer lequel d’entre eux devrait être envoyé au Canada pour obtenir de la protection.  

 

[5]        En principe, je suis d’accord avec cet argument. On peut très bien imaginer une situation dans laquelle, par exemple, des parents souhaiteraient que leur enfant soit la première personne mise en sécurité. Toutefois, en l’espèce, après avoir lu en entier l’énoncé des motifs de la Commission et la transcription de l’audience qui s’est tenue devant celle-ci, je suis d’avis que la Commission n’a pas commis l’erreur qu’on lui reproche. Dans les faits particuliers de la présente affaire, il a été admis que le frère de M. Lin, qui travaillait à la librairie et vendait de la documentation sur le Falun Gong, était probablement plus à risque de subir de la persécution que M. Lin. Par conséquent, il était loisible à la Commission de conclure qu’il était peu probable et contraire au comportement humain que la famille Lin choisisse d’envoyer dans un pays sans risque l’enfant le moins à risque plutôt que celui qui était le plus menacé.

[6]        La deuxième erreur reprochée concerne le rejet par la Commission du témoignage de M. Lin, selon lequel il aurait parlé à ses grands-parents approximativement deux semaines avant l’audience et que ceux-ci lui auraient dit que des membres du BSP étaient toujours à sa recherche. La Commission a rejeté cette partie du témoignage au motif qu’elle ne figurait pas dans le Formulaire de renseignements personnel (FRP) et qu’aucune modification n’avait été apportée au FRP pour l’ajouter. M. Lin soutient que cela constitue une erreur, car le FRP indique aux demandeurs de faire ce qui suit : « […] exposez dans l’ordre chronologique tous les événements importants et les raisons qui vous ont amené à demander l’asile au Canada ».  On prétend qu’un FRP doit être modifié seulement si de nouveaux renseignements obtenus après avoir rempli le FRP modifient ceux qui s’y trouve déjà ou ouvrent la voie à une demande d’asile sur le fondement de nouveaux motifs. À mon avis, cette interprétation des consignes que l’on trouvent dans le FRP est trop restrictive.

 

[7]        Dans certaines situations, il peut être difficile de tracer une ligne précise entre les événements qui amènent une personne à faire une demande d’asile et ceux qui ne font qu’appuyer ou donner plus de poids à la demande. Dans de tels cas, la Commission devrait faire preuve d’une grande prudence avant de rejeter d’emblée des éléments de preuve au seul motif qu’ils sont des événements ou des motifs qui poussent une personne à demander asile et qui devraient donc être contenus dans le FRP.

 

[8]        En l’espèce, il se peut que l’intérêt continu des agents du BSP à l’égard de M. Lin soit un élément qui aurait dû être ajouté pour mettre à jour le FRP, étant donné que M. Lin a quitté la Chine parce qu’il avait peur du BSP. L’intérêt continu que le BSP portait à l’égard de M. Lin pouvait être jugé comme un événement ou un motif qui pousse une personne à demander asile au Canada malgré la longue période s’étant écoulée depuis que sa famille et lui avaient commencé à vivre dans la clandestinité.

 

[9]        Quoi qu’il en soit, je suis d’avis que, même si la Commission a commis une erreur en rejetant cet élément de preuve, celle-ci n’était pas importante aux fins de la décision.  La Commission a jugé que M. Lin n’aurait pas attendu quatre ans avant de quitter la Chine s’il avait craint avec raison d’être persécuté et qu’il n’aurait pas mis un an avant de trouver un passeur pour l’aider à quitter la Chine. La Commission n’a pas cru qu’un passeur aurait sorti M. Lin de Chine pour l’amener dans un pays inconnu nommé « Mangela » pendant un an, et qu’il serait ensuite retourné en Chine pour que M. Lin puisse partir de Beijing pour se rendre au Canada. Ces conclusions, qui ne sont pas contestées, appuient l’appréciation de la crédibilité qu’a effectuée la Commission.

 

[10]      Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée. Les avocats n’ont proposé aucune question aux fins de certification et je conviens que la présente affaire n'en soulève aucune.

 

JUGEMENT

LA COUR STATUE que :

1.                  La demande de contrôle judiciaire est rejetée.

 

 

« Eleanor R. Dawson »

Juge

 

 

Traduction certifiée conforme

 

Caroline Tardif, LL.B, trad.


COUR FÉDÉRALE

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER

 

 

 

DOSSIER :                                                                            IMM-1773-06

 

 

INTITULÉ :                                                                           SHOU DONG LIN c. MCI

 

 

LIEU DE L’AUDIENCE :                                                     TORONTO (ONTARIO)

 

 

DATE DE L’AUDIENCE :                                                   LE 31 JANVIER 2007

 

MOTIFS DU JUGEMENT

ET JUGEMENT :                                                                  LA JUGE DAWSON

 

DATE DES MOTIFS :                                                          LE 26 FÉVRIER 2007

 

 

COMPARUTIONS :

 

Shelley Levine                                                                          POUR LE DEMANDEUR

 

 

Gordon Lee                                                                              POUR LE DÉFENDEUR

 

 

AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :

 

Shelley Levine                                                                          POUR LE DEMANDEUR

Levine Associates

Toronto (Ontario)

 

 

John H. Sims, c.r.                                                                     POUR LE DÉFENDEUR

Sous-procureur général du Canada

 

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