Ottawa (Ontario), le 9 mars 2007
En présence de Monsieur le juge Hugessen
ENTRE :
SANOFI-AVENTIS DEUTSCHLAND GmbH
et
LE MINISTRE DE LA SANTÉ
MOTIFS DE L’ORDONNANCE ET ORDONNANCE
[1] La défenderesse, Apotex Inc. (Apotex), sollicite une ordonnance spéciale en matière de dépens à la suite du rejet, par une ordonnance rendue sur consentement le 27 juin 2006, de la demande présentée par les demanderesses Sanofi-Aventis Canada Inc. et Sanofi‑Aventis Deutschland GmbH (Aventis) afin d’obtenir une ordonnance d’interdiction aux termes du Règlement sur les médicaments brevetés (avis de conformité) (DORS/93-133, modifié par DORS/99-379) (le Règlement). Étant donné que la décision rejetant la demande attribuait les dépens à Apotex sans plus de précisions, Apotex aurait normalement droit, en vertu de l’article 407 des Règles des Cours fédérales (DORS/98-106), aux dépens calculés en conformité avec la colonne III du tarif B, plus les débours autorisés. La défenderesse sollicite dans sa requête des dépens calculés sur la base avocat‑client, ou une partie de ces dépens ou, au moins, des dépens calculés en conformité avec la colonne V du tarif B.
[2] Le principal motif avancé par Apotex à l’appui de la requête est qu’Aventis se serait conduite de façon inappropriée parce qu’elle a attendu presque jusqu’à la veille de la date de l’audience prévue pour l’examen de sa demande pour s’apercevoir que ses chances d’obtenir gain de cause étaient nulles et pour accepter la décision sur consentement des parties dont il est question plus haut. En fait, il ressort très clairement du dossier que l’événement qui est à l’origine de la décision d’Aventis de renoncer à sa demande a été le prononcé par la Cour d’appel fédérale, le 21 juin 2006, d’un arrêt unanime dans l’affaire Pharmascience Inc. c. Sanofi-Aventis Canada Inc., 2006 CAF 229 (Pharmascience). Il existait peut‑être avant cette date une certaine ambiguïté dans la jurisprudence antérieure de la Cour d’appel sur la question de savoir si la consommation par des patients d’un médicament générique pour un usage breveté, sans que le fabricant ait aucunement incité ou amené qui que ce soit à contrefaire le médicament se contentant de le vendre, pouvait justifier une ordonnance interdisant au ministre de la Santé d’accorder un avis de conformité au fabricant générique dudit médicament. Cependant, la décision susmentionnée a clairement dissipé toute ambiguïté à ce sujet et la Cour a précisé très clairement que le seul fait de vendre un médicament, sans qu'il y ait incitation à la contrefaçon, ne pouvait justifier une interdiction en vertu du Règlement à l’égard d’un brevet visant uniquement l’utilisation de ce médicament.
[3] Presque immédiatement après avoir pris connaissance de l’arrêt Pharmascience, l’avocat d’Aventis a communiqué avec l’avocat d’Apotex, à la suite de quoi l’audience relative à la demande d’Aventis prévue pour la semaine suivante n’a pas eu lieu et l’ordonnance de rejet a été prononcée sur consentement (sous réserve du droit d’appel d’Aventis).
[4] À mon avis, la présente requête est mal fondée et totalement dénuée de mérite.
[5] Il est dans l’intérêt public d’encourager les parties à régler leurs différends avant le procès, évitant ainsi aux intervenants tant privés que publics d’avoir à y consacrer du temps et de l’argent. Elles ne devraient pas être punies par des dépens lorsqu’elles le font. À mon avis, il n’était aucunement répréhensible pour Aventis d’attendre l’issue de l’appel dans Pharmascience (auquel elle était elle-même partie) avant de décider d’abandonner la lutte contre Apotex. Une fois l’appel tranché, Aventis a fait preuve d’une célérité louable et ni la Cour, ni Apotex n’ont eu à faire des dépenses ou des démarches inutiles.
[6] Le deuxième motif invoqué par Apotex, à savoir qu’elle a subi un préjudice à cause du retard mis à commercialiser son produit occasionné par l’instance introduite par Aventis, est également dénué de fondement. Si elle a subi un préjudice à cause de la demande présentée par Aventis en vertu du Règlement, une requête visant à obtenir des dépens plus élevés n’est pas le moyen approprié pour faire valoir une telle demande.
[7] Je ne rendrai pas d’ordonnance attribuant des dépens supérieurs à ceux que prévoit déjà la colonne III du tarif B et les dépenses raisonnables. Si les parties ne peuvent pas s’entendre sur les montants, elles pourront s’adresser à un officier taxateur qui tranchera leur désaccord de la façon habituelle.
[8] Je devrais ajouter qu'à mon avis, le résultat est tout à fait compatible avec l’arrêt récent de la Cour d’appel fédérale qui a accordé des dépens sensiblement plus élevés à Apotex (25 000 $ comprenant des débours légèrement supérieurs à 4 000 $) à la suite du rejet de l’appel interjeté par Aventis à l’encontre du rejet sur consentement, après examen au fond de l’affaire (voir A‑575‑05, jugement rendu le 5 mars 2007).
[9] Premièrement, l’appel était manifestement voué à l’échec, compte tenu de l’arrêt Pharmascience qui a été rendu avant l’introduction de l’appel. Deuxièmement, et c’est un élément très important, un examen rapide du dossier de requête présenté à la Cour d’appel montre que le comportement de l’avocat d’Aventis dans la conduite de l’appel justifiait une sanction de la part de la Cour. En l’espèce, ainsi que je l’ai indiqué, ce n’est pas le cas.
[10] À mon avis, Apotex doit assumer les dépens de la présente requête que j’établis à 1 000 $, y compris les débours.
ORDONNANCE
LA COUR ORDONNE :
1. La requête est rejetée avec
adjudication à Aventis de dépens s’élevant à 1 000 $, y compris les
débours.
Traduction certifiée conforme
Suzanne Bolduc, LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-1499-04
INTITULÉ: SANOFI-AVENTIS CANADA INC. et al
c.
APOTEX INC. et al.
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 7 MARS 2007
MOTIFS DE L’ORDONNANCE
ET ORDONNANCE : LE JUGE HUGESSEN
DATE DES MOTIFS : LE 9 MARS 2007
COMPARUTIONS :
DeniseLacombe
Junyi Chen POUR LES DEMANDERESSES
John Simpson POUR LA DÉFENDERESSE, APOTEX
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Smart & Biggar
Avocats
Toronto (Ontario) POUR LES DEMANDERESSES
Goodmans LLP
Avocats
Toronto (Onatario) POUR LA DÉFENDERESSE, APOTEX