Ottawa (Ontario), le 6 mars 2007
EN PRÉSENCE DE Monsieur le juge Phelan
ENTRE :
et
ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. Courtney a présenté une demande de dispense pour des raisons d’ordre humanitaire des exigences en matière de résidence permanente. Il avait déposé les documents prescrits par les instructions du défendeur, mais ces documents n’ont pas été reçus et n’ont donc pas été pris en compte. Sa demande de dispense pour des raisons humanitaires a été refusée. La question principale dans la présente demande de contrôle judiciaire est de déterminer les conséquences du défaut de réception et de prise en considération des documents envoyés par le demandeur.
II. CONTEXTE
[2] Le demandeur avait reçu une lettre du défendeur, en date du 17 janvier 2006, au sujet de sa demande de dispense pour des raisons humanitaires. Les éléments importants de cette lettre sont les suivants :
[traduction] Veuillez envoyer les renseignements/documents demandés au bureau dans un délai de trente (30) jours de la date de la présente lettre. À défaut, la décision relative à la dispense sera fondée sur les renseignements qui figurent à votre dossier. Si vous ne répondez pas dans le délai des 30 jours et que la décision rejette la demande de dispense, aucune autorité n’a compétence pour réexaminer ou rouvrir la décision. Si vous souhaitez qu’un nouveau renseignement soit pris en considération, il vous faudra présenter une nouvelle demande, et notamment acquitter de nouveau les droits.
[…]
Nous vous prions de ne pas transmettre vos observations par télécopieur, mais de le faire par courrier ordinaire.
[3] Les éléments de preuve du demandeur établissent qu’il a fait exactement ce qui lui était demandé.
[4] Il est manifeste, au vu du dossier du tribunal certifié, que ces renseignements n’ont jamais été reçus. Le demandeur soutient qu’il a subi un déni de justice naturelle en raison du mode de traitement de sa demande.
[5] Malheureusement, aucune copie des renseignements communiqués n’était disponible. Le défendeur se demande si les renseignements ont été envoyés et s’ils auraient changé l’issue éventuelle de la demande de dispense pour des raisons humanitaires.
III. ANALYSE
[6] Il est surprenant que ces renseignements n’aient pas été disponibles et qu’aucun effort n’ait été fait pour les reconstituer. Cependant, les éléments de preuve du demandeur établissent qu’il s’agissait des renseignements demandés dans la lettre du 17 janvier 2006. Sa preuve n’a pas été contestée. La Cour ne dispose d’aucun fondement lui permettant de mettre en doute la preuve de M. Courtney sur ce point. Le défendeur ne peut contester de façon adéquate la crédibilité du demandeur car il a renoncé à la possibilité de le soumettre à un contre-interrogatoire.
[7] S’agissant de la pertinence des renseignements, le défendeur qui en a demandé le dépôt ne peut maintenant prétendre que ces renseignements ne pourraient éventuellement changer en aucune façon la décision finale. Cette prétention est beaucoup trop spéculative pour justifier un refus de la demande de dispense pour des raisons humanitaires. Il est également établi que si le formulaire de demande de dispense pour des raisons humanitaires n’a aucune importance, il ne devrait pas être exigé du tout. Par conséquent, je conclus que ces renseignements étaient pertinents et qu’ils auraient pu influer sur la décision relative à la dispense pour des raisons humanitaires.
[8] S’agissant de la suggestion du défendeur qui laisse entendre que les éléments de preuve sur l’envoi des renseignements sont inadéquats, elle ne tient pas compte du fait que les éléments de preuve produits par M. Courtney n’ont pas été contestés.
[9] Ces éléments de preuve comportaient, outre le témoignage sous serment du demandeur, une lettre de sa conseillère en immigration qui les corroborait en quelque sorte. Dans sa lettre, la conseillère ne dit pas qu’elle a vu le demandeur poster les renseignements, mais elle dit que le 28 janvier 2006, en présence de M. Courtney, elle a rempli l’ensemble des formulaires de dispense pour des raisons humanitaires, que M. Courtney les a emportés, en promettant de les expédier par la poste et que, le 2 février 2006, il l’a appelée pour lui dire qu’il les avait postés.
[10] Par conséquent, selon la prépondérance de la preuve, on doit conclure que les formulaires ont été envoyés le 2 février 2006. On ne sait pas ce qui est arrivé par la suite, en l’occurrence si les formulaires ont été perdus par la poste ou dans les locaux du défendeur.
[11] Il serait ridicule de tenir le demandeur responsable du défaut de réception quand c’est le défendeur qui a choisi le mode de livraison. Il aurait été si simple d’offrir au public l’option de recourir au courrier recommandé, au télécopieur, ou encore, dans le monde d’aujourd’hui, au dépôt en ligne éventuellement.
[12] La juge Mactavish s’est penchée sur la question de la perte de documents dans deux de ses décisions, Hussain c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 259 et Pramauntanyath c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2004 CF 174. Les principes qui régissent les décisions dans ce type d’affaire sont la suffisance de la preuve relative à l’envoi des documents, la pertinence potentielle des documents et la mesure dans laquelle le demandeur assumait une certaine responsabilité à l’égard de la non-réception des documents.
[13] Contrairement à la situation dont était saisie la juge Mactavish, la Cour ne disposait pas de copies des documents égarés, mais cela n’est pas fatal pour la cause du demandeur. Il existait suffisamment d’éléments de preuve sur la nature de l’envoi pour que le demandeur se soit acquitté de son fardeau de preuve.
[14] Le déni de justice naturelle n’a pas été directement causé par le défendeur, mais il a été provoqué par les instructions du défendeur. Entre deux parties qu’on présume « innocentes », la perte ou la responsabilité doit, en équité, retomber sur la personne qui a prescrit le mode de transmission.
IV. CONCLUSION
[15] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie. La décision est annulée et le demandeur peut déposer à nouveau sa demande de dispense pour des raisons humanitaires sans être assujetti aux droits de dépôt (le cas échéant). La demande sera décidée sur la base d’un nouveau dossier par un agent différent.
[16] Il n’y a pas de question à certifier.
JUGEMENT
LA COUR ORDONNE QUE la demande de contrôle judiciaire soit accueillie. La décision est annulée et le demandeur peut présenter à nouveau sa demande de dispense pour des raisons humanitaires sans être assujetti aux droits de dépôt (le cas échéant). La demande sera décidée sur la base d’un nouveau dossier par un agent différent.
Traduction certifiée conforme
Christiane Bélanger, LL.L.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-1879-06
INTITULÉ : DENNIS COURTNEY
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE 27 FÉVRIER 2007
DATE DES MOTIFS
ET DU JUGEMENT : LE 6 MARS 2007
COMPARUTIONS :
Courtney E. Betty
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Rhonda Marquis
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AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
COURTNEY E. BETTY Avocats Toronto (Ontario)
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POUR LE DEMANDEUR
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JOHN H. SIMS, C.R. Sous-procureur général du Canada Toronto (Ontario) |
POUR LE DÉFENDEUR |