Ottawa (Ontario), le 6 mars 2007
EN PRÉSENCE DE MONSIEUR LE JUGE O'KEEFE
ENTRE :
ISAMU ABDULLAHI OMAR
YUTAKA ALEXANDE OMAR
(alias YUTAKA ABDULLAHI OMAR)
et
LE MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ ET DE L’IMMIGRATION
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
LE JUGE O’KEEFE
[1] Il s’agit d’une demande de contrôle judiciaire présentée en vertu du paragraphe 72(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 (la Loi), à l’égard de la décision prononcée oralement le 16 décembre 2005 par la Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission), qui a conclu que la demanderesse n’avait pas qualité de réfugiée au sens de la Convention.
[2] La demanderesse sollicite l’annulation de la décision de la Commission et le renvoi de l’affaire à la Commission pour qu’elle la juge à nouveau.
Le contexte
[3] La demanderesse, Yumiko Tazawa, est une citoyenne japonaise qui affirme craindre d’être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social déterminé, en l’occurrence en tant que personne faisant partie d’une famille multiraciale et mère d’enfants issus de parents de races différentes. Le mari de la demanderesse, Isamu Omar, est un citoyen de la Somalie. Ils ont deux enfants qui, selon ce que craint la demanderesse, seraient victimes de discrimination raciale si la famille devait se réinstaller au Japon. La demanderesse a relaté les faits à l’origine de sa demande d’asile dans l’exposé circonstancié contenu dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP).
[4] La demanderesse a quitté le Japon en juin 1992 pour poursuivre des études universitaires aux États-Unis. Elle a rencontré son futur mari en 1995, et ils se sont épousés en 1999. Leurs deux enfants ont la citoyenneté américaine.
[5] La demanderesse craignait de mettre sa famille au courant de sa relation à cause du racisme qu’elle croyait que les Japonais manifestent envers les Noirs. Après qu’elle les eut informés de sa relation, les membres de sa famille l’ont déshéritée.
[6] Le mari de la demanderesse a présenté une demande en vue de faire régulariser sa situation aux États-Unis. La demanderesse attendait pour sa part d’être reconnue comme personne à charge de son mari. La demande de son mari a toutefois été refusée en 2002 et celui-ci a perdu son emploi en 2003. Les membres de la famille ne se trouvaient plus en situation régulière aux États-Unis, mais ils ne voulaient pas aller en Somalie parce qu’ils jugeaient ce pays trop dangereux. En plus de la discrimination dont sa famille serait victime au Japon, la demanderesse redoutait le sort que sa propre famille lui réserverait si elle rentrait au Japon. La demanderesse a expliqué que les membres de la famille de son mari qui se trouvent au Canada les ont encouragés à venir au Canada. La famille a donc quitté les États-Unis et est arrivée à Fort Erie, en Ontario, le 10 septembre 2003, date à laquelle la demanderesse et ses deux enfants ont immédiatement demandé l’asile.
[7] La demanderesse n’était pas représentée par un avocat devant la Commission, qui a tenu son audience le 16 décembre 2005 et qui a prononcé sa décision oralement le même jour et rendu ses motifs écrits le 13 janvier 2006. La Commission a conclu que la demanderesse ne serait pas exposée à une discrimination qui constituerait de la persécution au Japon, de sorte qu’elle n’avait pas qualité de réfugiée au sens de la Convention. La Commission a également conclu que la demanderesse pourrait se prévaloir de la protection de l’État. Il s’agit ici du contrôle judiciaire de la décision rendue par la Commission au sujet de la demande d’asile de la demanderesse. Il y a eu désistement des demandes d’asile des enfants de la demanderesse.
Les motifs de la Commission
[8] La Commission déclare ce qui suit, aux pages 2 et 3 de sa décision :
Cela m’amène à votre demande d’asile à l’égard du Japon. J’accepte votre témoignage et j’apprécie votre honnêteté. J’accepte les observations de l’agent de protection des réfugiés (APR) selon lesquelles il y a des problèmes de discrimination au Japon. Au Canada, nous avons aussi des problèmes à cet égard. J’admets que la situation est probablement pire au Japon, puisque ce pays forme une société beaucoup plus homogène depuis plus longtemps. Cependant, d’après les documents de l’APR, il ne fait aucun doute que la situation évolue graduellement. Il y a maintenant plus de mariages mixtes, et leur nombre augmente constamment. La discrimination dont vous parlez ne correspond pas à de la persécution.
Les documents que vous avez fournis renferment des renseignements sur le type de problèmes auxquels peuvent faire face des non-Japonais qui vivent au Japon. Cependant, vous êtes citoyenne japonaise et vous ne serez pas aux prises avec ces problèmes. Vous avez tous les droits et toutes les obligations d’un citoyen japonais.
Je comprends vos préoccupations à propos de vos enfants, mais la demande d’asile de ces derniers a été faite à l’égard des États-Unis. En tant que mère, je sais qu’il vous est vraiment difficile de distinguer ces deux éléments et je comprends votre difficulté à distinguer votre situation de celle de vos enfants. Cependant, en raison du cadre législatif qui m’est imposé, je dois tenir compte du fait que votre demande d’asile a été soumise à l’égard du Japon, et je ne suis pas autorisée à prendre en considération des questions d’unité familiale. À cet égard, je suis convaincue qu’aucun élément de preuve n’atteste que vous courrez un risque sérieux de préjudice si vous retournez au Japon.
Je comprends vos craintes par rapport à votre famille qui mènerait une campagne quelconque contre vous ou qui représenterait une menace pour vous. Cependant, les documents révèlent clairement qu’il existe au Japon des mécanismes vous permettant d’accéder à des services de police, à des services juridiques et au système judiciaire. Le Japon est une monarchie constitutionnelle. Rien ne laisse entendre que la présomption de protection de l’État a été réfutée dans le cas présent ou que vous ne pourriez avoir accès à une protection de l’État adéquate si vous faisiez face à des problèmes après votre retour au Japon. Par conséquent, je conclus que votre demande d’asile à l’égard du Japon doit aussi être rejetée.
Les questions en litige
[9] Les questions en litige sont les suivantes :
1. La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la discrimination à laquelle la demanderesse serait exposée ne constituait pas de la persécution?
2. La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d’invoquer des éléments de preuve documentaire qui appuyaient la demande de la demanderesse?
3. La Commission a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État?
Les prétentions de la demanderesse
[10] La demanderesse soutient que la Commission a analysé superficiellement sa demande d’asile. Elle fait valoir que, dans sa décision, la Commission ne précise pas le type de discrimination auquel la demanderesse serait exposée, alors que cette dernière a clairement mentionné ce renseignement à l’audience et dans son exposé circonstancié écrit. La demanderesse a expliqué à la Commission qu’en tant que femme d’un homme de race noire et mère d’enfants issus de parents de races différentes, elle serait victime de racisme au travail et dans la société japonaise en général. Elle soutient que ce préjudice équivaut à de la persécution.
[11] Selon le paragraphe 54 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR), la discrimination équivaut à de la persécution lorsque les mesures discriminatoires ont des conséquences gravement préjudiciables pour la personne affectée, par exemple de sérieuses restrictions du droit d'exercer un métier, de pratiquer sa religion ou d'avoir accès aux établissements d'enseignement normalement ouverts à tous. La demanderesse soutient qu’en droit, la discrimination dont elle craint être victime advenant son retour au Japon est, si elle est justifiée, suffisamment grave pour équivaloir à de la persécution. Elle ajoute que la Commission a commis une erreur en affirmant le contraire.
[12] D’après la demanderesse, la Commission était tenue d’analyser plus à fond la question de savoir si les documents portant sur la situation dans le pays en cause appuyaient ses craintes. Bien que la Commission ait pris acte de façon générale des documents produits par la demanderesse, elle n’a mentionné spécifiquement aucun des documents qui appuient ses prétentions. La demanderesse admet que la Commission n’avait pas l’obligation de mentionner chacun des documents qu’elle a produits. Elle signale toutefois que la Commission doit mentionner les documents importants qui vont à l’encontre de ses conclusions ou expliquer pourquoi elle accorde peu de poids à un document particulier. Un document affirmait que le racisme est omniprésent au Japon et donnait des exemples du traitement défavorable réservé aux personnes de race noire qui vivent dans ce pays.
[13] La demanderesse soutient que la Commission a omis d’analyser sa crainte de persécution fondée sur son appartenance à un groupe social déterminé, en l’occurrence en tant que membre d’une famille multiraciale et épouse d’un homme de race noire. Elle affirme que la Commission a évalué sa demande en examinant son cas isolément et en faisant abstraction du fait que sa crainte de préjudice découlait du fait qu’elle vivrait avec son mari, qui n’est pas Japonais.
Les prétentions du défendeur
[14] Le défendeur fait valoir que la demanderesse n’a pas réussi à démontrer que la Commission a tiré une conclusion abusive ou arbitraire. Il ajoute que la demanderesse n’a pas réfuté la présomption que le tribunal est présumé avoir pesé et considéré toute la preuve dont il est saisi (voir Florea c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1993] A.C.F. no 598 (C.A.F.) (QL)). Le défendeur soutient que le fait que la Commission n’ait pas mentionné chacun des documents ne signifie pas qu’elle ne les a pas examinés (voir Hassan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) (1992), 147 N.R. 317, 36 A.C.W.S. 635 (C.A.F.)).
[15] Le défendeur affirme que la Commission a tenu compte du fait que la demanderesse faisait partie d’une famille multiraciale. Il fait valoir que l’examen de la transcription révèle que la Commission a tenu compte de ce facteur tant dans son examen du témoignage de la demanderesse que dans celui des documents portant sur la situation dans le pays en cause. La Commission a reconnu qu’il existait effectivement de la discrimination dans le cas des mariages et des familles mixtes, mais son rôle consistait à déterminer si la discrimination dont la demanderesse s’affirmait victime constituait de la persécution.
[16] Le défendeur soutient que la Commission a tenu compte de l’effet cumulatif de la discrimination dont la demanderesse serait victime si elle retournait au Japon. Il ajoute que la Commission a interrogé la demanderesse au sujet de la discrimination dont elle et ses enfants feraient l’objet au sein de la société japonaise. L’agent de protection des réfugiés (APR) a également résumé la preuve soumise à la Commission à la clôture de l’audience. Selon le défendeur, la Commission a attentivement examiné la preuve de la demanderesse, mais a conclu qu’elle était spéculative et que les conséquences de la discrimination ne constituaient pas de la persécution. Le défendeur affirme que la Commission avait le droit de soupeser la preuve et de préférer la preuve documentaire au témoignage de la demanderesse (voir Zvonov c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1994), 83 F.T.R. 138, 28 Imm.L.R. (2d) 23; Zhou c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1994), 49 A.C.W.S. (3d) 558).
[17] Le défendeur affirme qu’il était loisible à la Commission de conclure que la discrimination à laquelle la demanderesse serait exposée ne constituait pas de la persécution (voir Sulaiman c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, (1996), 110 F.T.R. 127). Il ajoute que les conclusions de la Commission doivent être examinées en fonction de la définition de la persécution qu’a adoptée la Cour, à savoir l’infliction répétée d'actes de cruauté ou l’infliction systématique d'un châtiment au cours d'une période de temps déterminée. Le défendeur signale qu’un simple harcèlement ne suffit pas pour conclure à la persécution (voir Rajudeen c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), (1984), 55 N.R. 129 (C.A.F.)).
[18] Le défendeur rappelle qu’à moins d’un effondrement complet de l’appareil étatique, un pays est présumé être en mesure de protéger ses citoyens et que les demandeurs d’asile doivent démontrer, par une preuve claire, que leur État n’est pas en mesure de les protéger (voir Canada (Procureur général) c. Ward, [1993] 2 R.C.S. 689, (1993) 103 D.L.R. (4th) 1). Le défendeur soutient qu’il ne suffit pas que la demanderesse démontre que son gouvernement n’a pas été efficace dans les mesures prises pour protéger les personnes se trouvant dans sa situation (voir Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration c. Villafranca, (1992), 99 D.L.R. (4th) 334, 150 N.R. 232 (C.A.F.)). Le défendeur fait valoir que plus les institutions d’un État sont démocratiques, plus le demandeur d’asile doit avoir cherché à épuiser les recours qui s’offrent à lui (voir Kadenko c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (1996), 143 D.L.R. (4th) 532, 206 N.R. 272 (C.A.F.)).
[19] La Commission a expliqué que, même si la discrimination à laquelle sont exposées les personnes faisant partie de mariages et de familles multiraciales au Japon est problématique, la situation est en train de changer. La Commission a fait observer que le Japon est une véritable démocratie dotée de ressources judiciaires, juridiques et policières adéquates. La présomption de la protection de l’État n’a donc pas été réfutée. Le défendeur fait valoir qu’une conclusion raisonnable sur la protection de l’État constituerait un fondement suffisant pour trancher la demande de contrôle judiciaire, malgré les autres erreurs commises par la Commission (voir Sargraz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [2003] A.C.F. no 1974 (QL)). Le défendeur soutient que la thèse de la demanderesse équivaut à un désaccord avec la conclusion de la Commission, ce qui ne constitue pas un fondement permettant à la Cour d’intervenir (voir Ye c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration) [1994] A.C.F. no 1233 (C.A.F.) (QL)).
Analyse et décision
La norme de contrôle
[20] La conclusion de la Commission sur la question de savoir si la discrimination à laquelle serait exposé un demandeur d’asile constitue de la persécution est une question mixte de fait et de droit et est par conséquent susceptible de révision selon la norme de la décision raisonnable (voir Lopez c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2006), 151 A.C.W.S. (3d) 678, 2006 CF 1156).
[21] Bien que la norme de contrôle qui s’applique aux conclusions de fait sous-jacentes soit celle de la décision manifestement déraisonnable, la norme qui s’applique aux conclusions tirées par la Commission sur le caractère adéquat de la protection de l’État est celle de la décision raisonnable, car il s’agit d’une question mixte de fait et de droit (voir M.P.C.R. c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration) (2005), 139 A.C.W.S. (3d) 1068, 2005 CF 772). Je tiens par ailleurs à signaler que la Commission est présumée avoir considéré l’ensemble de la preuve documentaire dont elle disposait, jusqu’à preuve du contraire (voir l’arrêt Florea, précité).
La Commission a-t-elle commis une erreur en concluant que la discrimination à laquelle la demanderesse serait exposée ne constituait pas de la persécution?
La demanderesse soutient que la Commission n’a pas analysé sa crainte d’être persécutée du fait de son appartenance à un groupe social déterminé, en l’occurrence en tant que membre d’une famille multiraciale. La demanderesse soutient par ailleurs que la Commission a commis une erreur en concluant que les actes discriminatoires répétés auxquels elle serait exposée au Japon n’équivalaient pas à de la persécution.
[23] Je constate, à la lecture de sa décision, que la Commission a bel et bien tenu compte des arguments formulés par la demanderesse au sujet des problèmes de discrimination au Japon. La Commission a également tenu compte des observations de l’agent de protection des réfugiés (APR) au sujet de la discrimination. Voici un extrait de ces observations, que l’on trouve à la page 177 du dossier du tribunal :
[TRADUCTION]
Je crois que la question à laquelle vous êtes invitée à répondre est celle de savoir si cette discrimination équivaut à de la persécution. La demanderesse d’asile a été interrogée à fond pour que l’on sache si elle connaît quelqu’un qui a été personnellement victime de discrimination ou si, même lorsqu’elle était au Japon, elle en a elle-même été victime. Elle n’a pas été en mesure de répondre par l’affirmative à cette question. Mais, comme nous le savons, on tient compte uniquement de la situation à venir. Et, ainsi que je l’ai déjà dit, les documents appuient effectivement le fait que non seulement les mariages mixtes existent, mais qu’ils donnent lieu à de la discrimination. Ainsi que je l’ai dit, Madame la Présidente, j’aimerais que vous examiniez la question de savoir si la discrimination mentionnée par la demanderesse d’asile, bien qu’elle se livre à des spéculations puisqu’elle n’est pas en mesure de citer des exemples concrets, permet de penser que les enfants seraient victimes de discrimination. Il ne fait aucun doute qu’il y a de la discrimination; la question à laquelle j’aimerais que la commissaire réponde est celle de savoir si cette discrimination équivaut à de la persécution.
[24] En ce qui concerne la discrimination, voici ce que déclare la demanderesse en réponse à une question de l’APR à la page 165 du dossier du tribunal :
[TRADUCTION]
APR : Il n’en demeure pas moins que ce que nous essayons de faire ici, Madame, c’est de déterminer ce qui arriverait si vous retourniez là-bas. Il s’agit donc de la situation à venir : ce qui arriverait si vous retourniez aujourd’hui ou par la suite. Il y a à l’heure actuelle des mariages mixtes dans ce pays. Avez-vous des renseignements sur le traitement réservé aux personnes qui font partie de mariages mixtes présentement?
Demandeure d’asile : Je cherchais l’article sur Internet, mais je n’ai rien pu trouver sur ce sujet précis, parce que vous savez que mon pays est (inaudible) au Japon, (inaudible) la première page, presque 90 à 93 % de la population est d’origine ethnique japonaise. La majorité de la population du Japon est japonaise de souche. Donc […]
[25] La demanderesse a cité le paragraphe 54 du Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié du HCNUR, qui est ainsi rédigé :
54. Dans nombreuses sociétés humaines, les divers groupes qui les composent font l'objet de différences de traitement plus ou moins marquées. Les personnes qui, de ce fait, jouissent d'un traitement moins favorable ne sont pas nécessairement victimes de persécutions. Ce n'est que dans des circonstances particulières que la discrimination équivaudra à des persécutions. Il en sera ainsi lorsque les mesures discriminatoires auront des conséquences gravement préjudiciables pour la personne affectée, par exemple de sérieuses restrictions du droit d'exercer un métier, de pratiquer sa religion ou d'avoir accès aux établissements d'enseignement normalement ouverts à tous.
[26] À l’audience, la Commission a expliqué que, bien qu’il existe des éléments de preuve tendant à démontrer que les personnes qui font partie de mariages mixtes sont victimes de discrimination au sein de la société japonaise, cette discrimination ne constitue pas de la persécution. Le témoignage et la preuve documentaire de la demanderesse ne permettaient pas de conclure que cette dernière ferait l’objet de mesures discriminatoires qui auraient des conséquences gravement préjudiciables pour elle si elle devait retourner au Japon. Après avoir examiné le témoignage et la preuve documentaire de la demanderesse au sujet de la situation dans ce pays, je ne puis conclure que la conclusion de la Commission était déraisonnable.
[27] Deuxième question
La Commission a-t-elle commis une erreur en omettant d’invoquer des éléments de preuve documentaire qui appuyaient la demande de la demanderesse?
La demanderesse soutient que la Commission n’a pas examiné suffisamment à fond la preuve documentaire de la demanderesse. En principe, la Commission est présumée avoir considéré toute la preuve portée à sa connaissance et elle n’est pas tenue de mentionner chacun des éléments de preuve. À titre d’exemple, voici l’échange de propos qui a eu lieu à l’audience (page 176 du dossier du tribunal) :
[TRADUCTION]
Présidente de l’audience : D’accord. Très bien. Je vais donc attribuer à cette pièce la cote R-4. En ce qui concerne les demandeurs d’asile, j’ai en main les trois formulaires de renseignements personnels, une liasse de documents intitulée « Questions ethniques au Japon », ainsi que, sous la cote C-5 que j’ai inscrite, les documents produits par votre conjoint cet après-midi. C’est bien ça?
[…]
APR : Madame la Présidente, la question qui vous est soumise et que je vous demande d’examiner est celle de savoir si le traitement qui serait réservé à la demandeure d’asile et à ses enfants s’ils retournaient au Japon constituerait de la persécution. Suivant la preuve documentaire, on ne peut nier que la discrimination existe au sein de la société japonaise, surtout dans le cas d’étrangers ayant épousé des personnes de nationalité japonaise.
Les documents du Département d’État des États-Unis (DOS), qui remontent à 2004, affirment catégoriquement que la discrimination fait partie intégrante de la société et qu’elle prend notamment la forme d’une restriction à l’accès au logement et au travail. D’autres documents ont été déposés en preuve à part les DOS, notamment le R-4 et, je crois le C-5 – le C-5 ou le C-4 ---
Présidente de l’audience : C-4 et R-4.
[28] Mon examen de la transcription de l’audience, de la décision prononcée oralement et des motifs écrits m’a convaincu que la Commission a bel et bien tenu compte de la preuve documentaire et du témoignage de la demanderesse pour en arriver à sa décision. Je ne puis conclure que la Commission a commis à cet égard une erreur susceptible de révision.
[29] Troisième question
La Commission a-t-elle commis une erreur dans son analyse de la protection de l’État?
La Commission a conclu que la demanderesse n’avait pas réfuté la présomption qu’elle pourrait se prévaloir de la protection de l’État. Je suis d’avis, après avoir examiné les pièces versées au dossier, que la Commission n’a pas commis à cet égard une erreur susceptible de révision.
[30] Par conséquent, la demande de contrôle judiciaire sera rejetée.
[31] Aucune des parties n’a souhaité soumettre à mon examen une question grave de portée générale aux fins de certification.
[32] Les demandes des deux enfants ont fait l’objet d’un désistement.
JUGEMENT
[33] LA COUR ORDONNE que la demande de contrôle judiciaire soit rejetée.
Traduction certifiée conforme
Lynne Davidson-Fournier, traductrice-conseil
ANNEXE
Dispositions législatives pertinentes
Les dispositions législatives pertinentes sont les suivantes :
Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27 :
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : IMM-842-06
INTITULÉ : YUMKO TAZAWA
ISAMU ABDULLAHI OMAR
YUTAKA ALEXANDE OMAR
(alias YUTAKA ABDULLAHI OMAR)
c.
MINISTRE DE LA CITOYENNETÉ
ET DE L’IMMIGRATION
LIEU DE L’AUDIENCE : Toronto (Ontario)
DATE DE L’AUDIENCE : le 7 décembre 2006
DATE DES MOTIFS : le 6 mars 2007
COMPARUTIONS :
Lani Gozlan
|
|
Fozia Chaudary
|
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Max Berger Professional Law Corporation Toronto (Ontario)
|
|
John H. Sims, c.r. Sous-procureur général du Canada |