Ottawa (Ontario), le 7 février 2007
en présence de madame la juge Dawson
entre :
demandeur
et
le ministre de la citoyenneté
et de l’immigration
défendeur
MOTIFS DU JUGEMENT et jugement
[1] M. Nyamukondiwa est un citoyen du Zimbabwe âgé de 22 ans qui demande l’asile au motif qu’il est membre du Mouvement pour le changement démocratique (MDC) et qu’il craint la persécution des partisans de l’Union nationale africaine du Zimbabwe‑Front patriotique (Zanu‑PF). La Section de la protection des réfugiés de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (la Commission) a entendu la demande de M. Nyamukondiwa et l’a rejetée pour des motifs qui comportent un certain nombre d’erreurs de fait.
[2] Premièrement, la Commission n’a pas cru le témoignage de M. Nyamukondiwa selon qui il avait été durement battu et que pourtant il « s’était fait dire à la clinique de se procurer des médicaments en vente libre ». En fait, M. Nyamukondiwa a déclaré ce qui suit dans son Formulaire de renseignements personnels (FRP) :
[traduction]
En raison de douleurs physiques continues, je suis allé chercher refuge auprès d’un de mes camarades d’école secondaire; ce dernier m’a amené à une clinique. À cette clinique, on m’a dit d’obtenir d’abord un rapport de la police. En raison de la façon dont elle traite les membres de l’opposition, je sais que, dans la plupart des cas la police soutient les jeunes membres de la Zanu (PF); j’ai senti qu’il était inutile de m’adresser à la police parce qu’au lieu de m’aider, les policiers m’auraient reproché d’avoir joint le parti d’opposition. Par la suite, mon ami est allé acheter des médicaments en vente libre pour soulager ma douleur.
[3] De plus, M. Nyamukondiwa a donné le témoignage suivant devant la Commission :
[traduction]
le président de l’audience : Avez-vous obtenu une aide médicale quelconque?
le demandeur : Oui, de la vente libre parce que quand je suis allé à l’hôpital, ils m’ont dit qu’ils avaient besoin d’un rapport de la police et étant donné que mon père avait vécu la même expérience (être battu par la Zanu-PF), qu’il était allé à la police, mais que la police avait refusé de lui donner de rapport parce qu’il était un partisan du MDC. La police et la Zanu‑PF travaillent ensemble, donc ils ne lui avaient pas donné de rapport de police, j’ai donc estimé qu’il était inutile d’aller à la police et de demander un rapport de police parce que j’ai pensé qu’ils allaient probablement me dire la même chose ou peut-être se moquer de moi, de la raison pour laquelle j’ai joint le MDC. Ainsi, je n’ai pas eu ‑ je ne suis pas allé dans un cabinet médical pour obtenir des soins.
À aucun moment M. Nyamukondiwa n’a déclaré qu’on lui avait dit d’aller « se procurer des médicaments en vente libre ».
[4] Deuxièmement, la Commission a conclu que parce que M. Nyamukondiwa pouvait aisément entrer et sortir du Zimbabwe, il n’avait pas le profil de quelqu’un que l’État considérait comme étant dangereux. Toutefois, l’État n’était pas l’agent de persécution de M. Nyamukondiwa; ce dernier craignait les jeunes partisans de la Zanu-PF.
[5] Troisièmement, la Commission n’a pas cru le témoignage M. Nyamukondiwa parce qu’elle a conclu qu’après avoir été battu, ses amis et les membres de sa famille ont refusé de l’héberger et que M. Nyamukondiwa était très vague sur l’endroit où il avait passé les deux semaines qui ont suivi. Toutefois, M. Nyamukondiwa a déclaré dans son FRP et lors de son témoignage oral que ce ne sont pas tous ses amis et tous les membres de sa famille qui ont refusé de l’héberger et qu’après avoir séjourné chez des amis d’école secondaire, il a déménagé de chez un membre de sa famille à l’autre. Je ne suis pas en mesure de déterminer quel témoignage la Commission a qualifié de vague; comme le révèle l’examen de la transcription, M. Nyamukondiwa a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées et la Commission n’a pas demandé d’autres précisions sur ce point.
[6] Quatrièmement, la Commission a conclu qu’il était invraisemblable que si « le gang de la Zanu-PF » recherchait M. Nyamukondiwa, ses membres ne l’aient pas trouvé étant donné que M. Nyamukondiwa n’avait pas beaucoup d’endroits où se cacher. Le fondement de la preuve pour cette inférence n’est pas clair.
[7] Enfin, la Commission a conclu que M. Nyamukondiwa « n’a fourni aucun élément de preuve selon lequel les membres de la Zanu-PF étaient venus à sa recherche chez lui ». Toutefois, selon le témoignage de M. Nyamukondiwa, les locataires qui vivaient dans son ancienne maison lui auraient dit que des jeunes de la Zanu-PF étaient venus le chercher là‑bas.
[8] Ces erreurs sont importantes et se sont révélées fondamentales à la conclusion défavorable de la Commission sur la crédibilité; elles démontrent que dans des aspects très importants, la Commission a tiré ses conclusions de fait sans tenir compte de la preuve dont elle disposait. Par conséquent, ces conclusions sont manifestement déraisonnables. Je n’ai donc guère confiance dans le bien‑fondé des autres conclusions de la Commission. Pour ces motifs, la demande de contrôle judiciaire sera accueillie.
[9] Les avocats n’ont proposé aucune question à certifier et je suis d’accord que le présent dossier n’en soulève aucune.
JUGeMENT
la cour statue que :
1. La demande de contrôle judiciaire est accueillie et la décision de la Section de la protection des réfugiés du 2 mars 2006 est annulée par le présent jugement.
2. L’affaire est renvoyée à un tribunal de la Section de la protection des réfugiés différemment constitué pour réexamen.
3. En raison des nombreuses erreurs qui y sont contenues, le tribunal qui réexamine la présente demande ne doit pas avoir à sa disposition les motifs prononcés par la Section de la protection des réfugiés à l’appui de sa décision du 2 mars 2006.
Juge
Traduction certifiée conforme
Laurence Endale, LL.M.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOssier : IMM-1695-06
INTITULÉ : TAWANDA JERALD NYAMUKONDIWA
c.
le ministre de la citoyenneté
et de l’immigration
lieu de l’audience : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L'AUDIENCE : le 30 janvier 2007
MOTIFS DU JUGEMENT
et jugement : la juge DAWSON
DATE DES MOTIFS : le 7 février 2007
COMPARUTIONS :
Jide Oladejo pour le demandeur
Margherita Braccio pour le défendeur
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
Jide Oladejo pour le demandeur
Toronto (Ontario)
John H. Sims, c.r. pour le défendeur
Sous‑procureur général du Canada