Ottawa (Ontario), le 24 janvier 2007
EN PRÉSENCE DE MADAME LA JUGE SIMPSON
ENTRE :
et
LE PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
MOTIFS DU JUGEMENT ET JUGEMENT
[1] M. David Underwood (le demandeur), qui se représente lui-même, sollicite le contrôle judiciaire d’une décision en matière d’équité prise par le ministre du Revenu national (le ministre) le 17 décembre 2004 en vertu de l’article 281.1 de la Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. 1985, ch. E-15 (la Loi sur l’accise).
CONTEXTE
[2] Dans une lettre datée du 12 mai 2004, le demandeur a sollicité le réexamen de ses déclarations de taxe sur les produits et services (TPS) sous le régime d’équité de l’Agence du revenu du Canada (ARC). En réponse, l’ARC a préparé un rapport d’équité en date du 3 août 2004 (le premier rapport d’équité), suivi d’une décision consignée dans une lettre en date du 6 août 2004 (la première décision). La première décision informait le demandeur i) que ses déclarations de TPS pour les années 1998 et 1999 ne pouvaient être réévaluées parce qu’elles étaient prescrites et ii) qu’il serait exonéré d’une partie de l’intérêt et des pénalités parce que les avis de nouvelle cotisation pour la TPS (les nouvelles cotisations de TPS) avaient été mal adressés et ne s’étaient peut-être pas rendus à destination. L’exonération de l’intérêt et des pénalités visait la période entre la date des nouvelles cotisations de TPS (le 18 mars 2002) et la date où le demandeur a été informé de sa dette de TPS par un agent de perception, le 6 août 2002.
[3] Par la suite, le 4 septembre 2004, le demandeur a sollicité un examen administratif de la première décision. Cette demande a donné lieu à la préparation d’un autre rapport d’équité en date du 10 décembre 2004 (le second rapport d’équité) et à une lettre de décision datée du 17 décembre 2004 (la seconde décision).
[4] Dans la seconde décision, les requêtes du demandeur pour que soient réévaluées ses déclarations de TPS pour les années 1998 et 1999 et pour obtenir d’autres exonérations d’intérêt et de pénalités ont été rejetées. La demande de contrôle judiciaire en l’espèce porte sur cette décision.
[5] La seconde décision a été prise à la suite de la recommandation de Maria Paskaris, agente d’équité relevant de l’unité d’examen de l’équité du bureau des services fiscaux de Toronto‑Est de l’ARC (l’agente d’équité). L’agente d’équité a préparé le second rapport d’équité et souscrit un affidavit en date du 27 juin 2005, dans lequel elle décrit son examen du dossier du demandeur ainsi que ses conclusions (l’affidavit de l’agente d’équité). Celles-ci ont été présentées au ministre sous forme de recommandation, laquelle a été acceptée et a servi de fondement à la seconde décision.
QUESTIONS PRÉLIMINAIRES
[6] En début d’audience, j’ai traité les questions suivantes qui, à mon avis, nécessitaient des explications du fait que le demandeur se représentait lui-même.
a. Le demandeur a été informé qu’il ne pouvait pas déposer un affidavit qu’il avait souscrit le 24 juin 2005 et qui contenait de l’information dont le ministre ne disposait pas.
b. Le demandeur a été informé que la Cour n’avait pas compétence pour statuer sur la réclamation en dommages-intérêts qu’il avait présentée le 24 juillet 2006.
c. Le demandeur a été informé que la Cour ne pouvait pas ordonner au ministre de réexaminer les cotisations de TPS, parce que ses déclarations de TPS étaient prescrites en vertu de la Loi sur l’accise. De plus, la Cour l’a averti que si elle rendait une ordonnance, celle-ci ne pourrait faire plus que d’enjoindre au ministre de réexaminer la possibilité de renoncer à d’autres intérêts et pénalités sur sa dette de TPS.
[7] J’ai également posé les questions d’éclaircissement suivantes au demandeur. Je lui ai demandé s’il avait reçu les deux lettres du vérificateur fiscal en date du 18 mars 2002 concernant l’impôt sur le revenu et la TPS. Il a répondu que non, expliquant que même si, dans sa lettre du 4 septembre 2002 à l’ARC, il avait admis qu’elles avaient été envoyées, il ne les avait jamais reçues. Je lui ai aussi demandé s’il avait reçu les avis de nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu et de TPS datés respectivement du 4 avril 2002 et 18 mars 2002. Il a répondu que non. Je lui ai ensuite demandé comment l’on pouvait expliquer que les avis d’opposition qu’il a signés relativement à l’impôt sur le revenu mentionnent la date exacte de l’avis de nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu tout en indiquant que cet avis ne s’était pas rendu à destination. Le demandeur a été incapable de répondre à cette question, précisant que les avis d’opposition ont été préparés par M. Charny, son conseiller fiscal.
DISPOSITIONS LÉGISLATIVES PERTINENTES
[8] Il existe deux échéances pertinentes pour les avis d’opposition concernant de nouvelles cotisations de TPS. En premier lieu, aux termes du paragraphe 301(1.1) de la Loi sur l’accise, les avis d’oppositions doivent être déposés dans les 90 jours suivant l’avis de cotisation. Deuxièmement, en vertu du paragraphe 303(7), une prorogation discrétionnaire du délai pour produire un avis d’opposition peut être accordée dans l’année suivant l’expiration du délai de 90 jours. En l’espèce, les nouvelles cotisations de TPS portent la date du 18 mars 2002, et le délai de 90 jours pour produire les avis d’opposition a pris fin le 16 juin 2002. Après cette date, le demandeur pouvait, jusqu’au 16 juin 2003, demander une prorogation du délai pour faire opposition.
[9] Il existe aussi un délai de quatre ans en matière de déclarations de TPS. Dans le cas présent, les déclarations de TPS du demandeur pour les années 1998 et 1999 sont devenues prescrites le 15 juin 2003 et le 15 juin 2004 respectivement, conformément à l’alinéa 298(1)a) de la Loi sur l’accise. À compter de ce moment, le ministre a perdu compétence pour réexaminer les nouvelles cotisations de TPS du demandeur, sa compétence se limitant à la possibilité de renoncer aux pénalités et à l’intérêt aux termes de l’article 281.1 de la Loi sur l’accise.
NORME DE CONTRÔLE
[10] Le défendeur soutient que la norme de contrôle applicable dans un cas qui, comme celui‑ci, met en cause une décision discrétionnaire du ministre dans le contexte des « dispositions d’équité » de l’ARC, est celle de la « décision raisonnable ».
[11] Je partage cet avis. Ma conclusion à cet égard s’appuie sur l’analyse pragmatique et fonctionnelle qu’a faite la Cour d’appel fédérale dans l’arrêt Lanno c. Canada (Agence des Douanes et du Revenu), 2005 D.T.C. 5245 (C.A.F.). Cette affaire portait sur l’application des dispositions d’équité sous le régime de la Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. 1985, ch. 1 (5e suppl.). La Cour a écrit, aux paragraphes 6 et 7 :
[6] Les motifs énoncés dans Hillier n’incluent pas l’« analyse pragmatique et fonctionnelle » qui est décrite dans l’arrêt Pushpanathan c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982. Dans le contexte des décisions discrétionnaires prises en vertu des « dispositions d’équité », cette analyse obligerait à prendre en considération les facteurs suivants :
1) Les dispositions d’équité ont été promulguées parce que le législateur a reconnu la nécessité d’accorder dispense de certaines dispositions de la Loi de l’impôt sur le revenu qui peuvent occasionner des difficultés excessives en raison de la complexité des lois fiscales et des questions procédurales qui entrent en jeu lorsque l’on conteste une cotisation d’impôt. L’octroi d’une dispense est une mesure discrétionnaire et ne peut être revendiqué de droit. Ce facteur dénoterait une norme de contrôle qui exige une retenue plus grande que la norme de la décision correcte.
2) La décision en question ne peut pas être portée en appel, mais elle peut faire l’objet d’un contrôle judiciaire par la Cour fédérale et n’est pas protégée par une clause privative. La norme applicable serait celle de la décision raisonnable.
3) La décision en question combine la détermination de faits et un examen de la politique d’administration fiscale, et parfois des questions de droit. L’expertise du décideur est indubitablement supérieure à celle des tribunaux pour ce qui est des questions qui relèvent de la politique d’administration fiscale. Son expertise n’est toutefois pas supérieure à celle des tribunaux pour ce qui est des questions de droit ou des conclusions de fait. La norme applicable serait celle de la décision raisonnable.
[7] À mon avis, aucun facteur pertinent n’indique que la norme de contrôle exige une retenue plus grande que la norme de la décision raisonnable. En toute déférence, je suis donc en désaccord avec les décisions de la Cour fédérale dans Sharma et Cheng, et je conclus qu’en l’espèce, comme dans l’arrêt Hillier, la norme de contrôle applicable est celle de la décision raisonnable […]
[12] Dans l’arrêt Nail Centre and Esthetics Salon c. Canada (Agence des douanes et du revenu), 2005 A.C.F. no 798, 2005 CAF 166, au paragraphe 5, la Cour d’appel fédérale a statué que l’analyse pragmatique et fonctionnelle retenue dans Lanno s’applique aussi aux décisions d’équité prises en vertu de la Loi sur l’accise.
FAITS
[13] Le demandeur a éprouvé deux sortes de difficultés fiscales en 1998 et 1999. Ces difficultés concernaient respectivement ses déclarations d’impôt sur le revenu et ses déclarations de TPS.
Les lettres du vérificateur
[14] Le demandeur a rencontré un vérificateur de l’ARC pour discuter tant de ses difficultés en matière d’impôt sur le revenu que de ses problèmes avec la TPS. À la suite de cette rencontre, les vérifications ont été complétées le 18 mars 2002 et deux lettres distinctes (l’une traitant de l’impôt sur le revenu et l’autre de la TPS) ont été postées au demandeur. L’adresse indiquée sur les deux lettres était le 32, Bornholm Drive, à Scarborough (Ontario) (l’adresse sur Bornholm). Or, le demandeur avait déménagé huit mois plus tôt et résidait au 97, Greybeaver Trail, à Scarborough (Ontario) (l’adresse sur Greybeaver) depuis le mois de juillet 2001. Les lettres ont été envoyées à la mauvaise adresse malgré le fait que le demandeur, cinq mois plus tôt, ait transmis des renseignements relatifs à la TPS au vérificateur de l’ARC par lettre en date du 17 octobre 2001 dans laquelle il désignait l’adresse sur Greybeaver comme adresse de retour.
Les avis de nouvelle cotisation
[15] À compter de ce stade, l’historique de la procédure relative aux déclarations d’impôt sur le revenu diffère de celui concernant la TPS.
Faits intéressant la TPS
[16] Les nouvelles cotisations de TPS ont été envoyées au demandeur le 18 mars 2002. Toutefois, elles ont été transmises par erreur à une adresse périmée, plus ancienne encore que l’adresse sur Bornholm. Selon le journal du Registre des mesures prises en matière de TPS, cet envoi a été retourné à l’expéditeur le 16 avril 2002 et, comme je l’ai déjà mentionné, l’ARC a reconnu dans la première décision que les nouvelles cotisations de TPS ne s’étaient pas rendues à bon port et que son vérificateur aurait dû actualiser l’adresse du demandeur pour les fins de la TPS en octobre 2001.
[17] À cet égard, la première décision comprend les passages suivants :
[traduction]
Nous signalons aussi que l’inscrit a envoyé des renseignements au vérificateur au sujet de ses déclarations de TPS pour les années 1998 et 1999. L’ARC a reçu ces renseignements le 17 octobre 2001, et l’adresse de retour indiquée sur l’enveloppe était le 97, Greybeaver Trail (pièce T).
[…]
Le vérificateur aurait dû veiller à ce que l’avis de nouvelle cotisation soit envoyé à l’adresse indiquée dans l’envoi du demandeur et à ce que nos dossiers soient actualisés en conséquence.
Faits intéressant l’impôt sur le revenu
[18] Les avis de nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu sont datés du 8 avril 2002 et ont été envoyés à l’adresse sur Bornholm. Le demandeur affirme n’avoir pas reçu ces avis de nouvelle cotisation, mais il a sûrement dû en avoir connaissance. En effet, un ancien agent de l’ARC du nom de Phil Charny, qui a agi comme conseiller en fiscalité pour le demandeur, a préparé deux oppositions à l’impôt sur le revenu en date du 18 juin 2002, que le demandeur a signées et qui font état de des nouvelles cotisations d’impôt sur le revenu en précisant leur date exacte (soit le 8 avril 2002). Pourtant, les oppositions énoncent à leur face même que le demandeur ne disposait pas des avis de nouvelle cotisation d’impôt sur le revenu parce qu’ils avaient été postés à l’ancienne adresse du demandeur. Les appels du demandeur en matière d’impôt sur le revenu ont été traités par Mme Louie, de l’ARC (l’agente des appels). Ils ont été réglés en avril 2003.
Questions de TPS non réglées
[19] Il semble évident que le demandeur n’a été informé que le 6 août 2002 de l’existence d’une dette non réglée relativement à ses déclarations de TPS pour 1998 et 1999. La lettre du vérificateur en date du 18 mars 2002 a été acheminée à l’adresse sur Bornholm, où le demandeur ne résidait plus depuis juillet 2001. Les nouvelles cotisations de TPS délivrées le même jour ont été envoyées à une adresse encore plus ancienne, et il est admis, dans la première décision, que le demandeur ne les a pas reçues. L’ARC a aussi envoyé à l’ancienne adresse sur Bornholm une lettre du 5 juin 2002 précisant la dette de TPS du demandeur, lettre que ce dernier déclare ne pas avoir reçue.
[20] Le journal de perception de la TPS de l’ARC (le journal de la TPS) indique que le 6 août 2002, le demandeur a téléphoné à l’agent Francisco (l’agent de perception) à l’ARC en réponse à un message téléphonique que celui‑ci avait laissé plus tôt à sa résidence. Selon le journal de la TPS, le demandeur a informé l’agent de perception qu’il avait ou aurait fait opposition aux cotisations de TPS par l’intermédiaire de [traduction] « son fiscaliste, Phil Charny » et a conseillé à l’agent de perception de communiquer avec lui. Le demandeur a donné le numéro de téléphone de M. Charny à l’agent, et celui-ci a de fait téléphoné au conseiller fiscal. En réponse, le 8 août 2002, M. Charny a envoyé des avis d’opposition à l’agent de perception. Il appert clairement aujourd’hui qu’il devait s’agir des oppositions en matière d’impôt sur le revenu, parce qu’aucune opposition n’a été préparée au regard de la TPS.
[21] Toutefois, il semble bien que l’agent de perception ait cru que les oppositions à l’impôt sur le revenu se rapportaient plutôt à la TPS, puisque l’inscription du 8 octobre 2002 dans le journal de la TPS signale [traduction] « compte en appel » et laisse voir qu’il n’a même pas demandé à consulter à nouveau le dossier avant cinq mois, soit jusqu’en mars 2003. À mon avis, l’agent de perception était clairement persuadé qu’il avait reçu des oppositions en matière de TPS et qu’un appel était en cours.
[22] Le journal tenu par l’agente des appels (le journal de l’impôt sur le revenu) est pertinent lui aussi. Il révèle que le demandeur a réglé ses problèmes d’impôt sur le revenu à la fin du mois d’avril 2003. Il témoigne également du fait qu’à un certain moment, entre le 22 avril, date où l’agente des appels a fermé son dossier, et le 9 juin, date où elle y a consigné l’inscription suivante, l’agent de perception de la TPS a transmis au demandeur un état relatif à l’arriéré de TPS (l’avis d’arriéré).
[23] Il convient de noter que, suivant le journal de la TPS, au moment où le demandeur a reçu l’avis d’arriéré, il n’avait eu aucune communication avec l’agent de perception depuis le 6 août 2002, soit depuis dix mois.
[24] Lorsque le demandeur a reçu l’avis d’arriéré, il a téléphoné à l’agente des appels. Les inscriptions du journal de l’impôt sur le revenu de l’agente sont les suivantes :
[traduction]
2003 9 juin
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Contribuable a appelé pour dire qu’il a reçu un état de compte pour la TPS. Veut savoir pourquoi. Lui ai dit que je ne m’occupe pas de la TPS. Lui ai demandé s’il avait reçu un avis de nouvelle cotisation pour la TPS. Dit qu’il ne s’en souvient pas. Lui ai indiqué qu’elle devrait peut-être communiquer avec Phil Charney, le comptable. [Non souligné dans l’original.]
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12 juin |
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Phil Charney a téléphoné. Il veut connaître l’état du dossier. Ai vérifié dans Rapid. Les nouvelles cotisations n’ont pas encore été mises à jour. Le dossier a été fermé vers la fin d’avril. Lui ai dit qu’il est un peu trop tôt pour faire un suivi.
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18 juin |
11 h 30 |
Cameron McCabe, de la perception, a téléphoné. Lui ai expliqué les ajustements que j’ai faits. Je n’ai rien fait en ce qui touche la TPS. Il n’y avait aucune indication concernant la TPS. Contribuable doit faire opposition en matière de TPS.
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16 septembre |
11 h 15 |
Cameron, de la perception, a téléphoné. Lui ai dit que je ne m’occupe pas des oppositions en matière de TPS. Il n’a pas été question de nouvelle cotisation ni d’opposition en matière de TPS durant nos échanges sur l’opposition concernant l’impôt sur le revenu. Je n’ai été mise au courant de l’existence d’aucune opposition en matière de TPS. Contribuable a appelé début juin; lui ai dit que je ne m’occupe pas de TPS et qu’une opposition relative à la TPS a été présentée. |
[Non souligné dans l’original.]
[25] Ces inscriptions semblent indiquer qu’à la date marquant la prescription de la déclaration de TPS du demandeur pour 1998, le 15 juin 2003, deux agents de perception de l’ARC (les agents Francisco et McCabe) n’avaient pas encore déterminé si une opposition à la TPS avait été présentée. Ce fait est corroboré par l’inscription du 13 juin 2003 dans le journal de la TPS, selon laquelle [traduction] il « […] pas clair si un avis d’opposition concernant la TPS a été présenté ». En outre, la dernière inscription dans le journal de l’impôt sur le revenu révèle que l’agente des appels a mal renseigné le demandeur au début du mois de juin lorsqu’elle lui a dit [traduction] « qu’une opposition relative à la TPS a été présentée ».
[26] Le journal de la TPS fait état de rencontres entre l’agent de perception de la TPS et le demandeur, le 18 juillet 2003 et le 5 août 2003. Le journal de la TPS indique que pendant la deuxième rencontre, l’agent de perception a apparemment écouté le demandeur lui faire part de sa disponibilité pour une rencontre ultérieure [traduction] « […] lorsque le processus d’appel sera terminé ». Le demandeur ne pouvait faire allusion qu’à un appel concernant une opposition en matière de TPS puisque, comme il a été mentionné, il avait réglé son appel en matière d’impôt sur le revenu en avril 2003.
[27] Ce n’est que le 18 septembre 2003, date où l’inscription au journal de la TPS indique [traduction] « aucun appel ni opposition concernant le compte de TPS ne figure au dossier » que l’agent de perception a enfin conclu qu’aucun appel concernant la TPS n’était en instance.
[28] Suivant mon interprétation de l’inscription du journal de la TPS en date du 18 septembre 2003, l’agent de perception s’est aussi rendu compte que la déclaration de TPS du demandeur pour l’année 1998 était désormais prescrite (depuis le 15 juin 2003) et, consterné, il a pris l’initiative de téléphoner à un collègue de [traduction] « Vérification/Équité » pour s’enquérir de la possibilité de procéder à une nouvelle vérification pour les années en question.
[29] Le 16 juin 2004, la déclaration de TPS du demandeur pour 1999 est aussi devenue prescrite, et au moment où la première décision a été rendue, le demandeur ne pouvait plus obtenir le réexamen ni de l’une ni de l’autre des déclarations de TPS en cause.
LES QUESTIONS EN LITIGE
[30] L’exposé des faits et du droit présenté par le demandeur ne précise pas les questions en litige. Aussi les ai-je formulées à partir des observations orales du demandeur et de mon propre examen du dossier.
Question 1 – Le journal de l’impôt sur le revenu et le journal de la TPS ont-ils été adéquatement pris en compte?
[31] Ni la seconde décision ni le second rapport d’équité ne comportent une appréciation de la signification et de l’incidence des inscriptions consignées dans chacun des deux journaux. L’affidavit souscrit par l’agente d’équité le 27 juin 2005 dresse la liste des documents que celle-ci a examinés en vue de la préparation du second rapport d’équité et mentionne qu’elle a passé le journal de la TPS en revue; toutefois, je conclus qu’elle ne peut pas en avoir fait un examen exhaustif. Il semble bien qu’elle n’ait pris en compte que les inscriptions concernant la lettre du 5 juin 2002 et le téléphone du 6 août 2002.
[32] À mon avis, il ressort clairement de la lecture complète du journal de la TPS que l’agent de perception a conclu en août 2002 que le dossier du demandeur comportait des oppositions et des appels non réglés en matière de TPS. De plus, par son silence de dix mois, l’agent de perception a conduit le demandeur à tirer la même conclusion.
[33] En mai/juin 2003, lorsque le demandeur a reçu l’avis d’arriéré et s’est rendu compte que le règlement concernant l’impôt sur le revenu n’avait pas résolu les questions relatives à la TPS, il était encore persuadé qu’un appel en matière de TPS était en instance et qu’il aurait la possibilité de régler les nouvelles cotisations de TPS. L’inscription du journal de l’agente des appels en date du 16 septembre 2003 indique que celle‑ci a déclaré au demandeur, au début de juin 2003, qu’une opposition en matière de TPS avait été présentée; de plus, lorsque le demandeur, pendant la rencontre du 5 août 2003, a mentionné le processus d’appel en cours, l’agent de perception ne l’a pas détrompé quant à l’existence d’un appel portant sur la TPS.
[34] Le fait que l’agent de perception ne se soit pas rendu compte avant septembre 2003 qu’aucune opposition en matière de TPS ne figurait au dossier du demandeur et qu’aucun appel à cet égard n’était en instance a causé un préjudice considérable au demandeur. En septembre 2003, le demandeur avait perdu son droit d’interjeter appel (ce droit avait expiré le 16 juin 2002) et son droit de demander une prorogation du délai d’appel (qui avait expiré le 16 juin 2003), et sa déclaration de TPS pour 1998 était désormais frappée de prescription (depuis le 15 juin 2003).
Question 2 – Le ministre a-t-il commis une erreur en retenant la date de juin 2002 comme étant la date du déménagement du demandeur?
[35] Le demandeur soutient que la seconde décision est fondée sur une conclusion inexacte quant à la date de son déménagement de l’adresse sur Bornholm à celle sur Greybeaver. Le problème découle du fait que, dans sa lettre du 4 septembre 2004 à l’ARC, dans laquelle il sollicitait l’examen administratif de la première décision, le demandeur a erronément indiqué qu’il était déménagé en juin 2002 alors qu’il aurait dû inscrire la date de juillet 2001. L’agente d’équité s’est fondée sur la date indiquée dans cette lettre, mais cette erreur de la part du ministre aurait été évitée si l’agente d’équité avait lu le premier rapport d’équité. Ce rapport établit clairement que l’ARC avait déjà conclu que le demandeur était déménagé en juillet 2001.
[36] L’on peut constater le caractère substantiel de cette erreur de fait lorsqu’on examine le fondement de la seconde décision, dont voici la teneur :
[traduction]
Nous estimons que, bien que vous puissiez n’avoir pas reçu les avis de nouvelle cotisation, vous étiez néanmoins au courant des montants de cotisation portés à votre compte de TPS. Outre la lettre du 18 mars 2002 par laquelle le vérificateur vous informait que la nouvelle cotisation pour 1998-1999 serait envoyée sous pli séparé, la Division du recouvrement des recettes de l’ARC vous a envoyé une lettre en date du 5 juin 2002 et a eu une conversation avec vous le 6 août 2002 au sujet des sommes dues à votre compte de TPS. Que vous ayez ou non reçu l’avis officiel de nouvelle cotisation généré par ordinateur, vous avez été informé de la réclamation contre vous dans le délai prévu de 90 jours pour faire opposition, puis à nouveau dans le délai d’un an pendant lequel vous auriez pu demander une prorogation du délai pour faire opposition. Bien que vous ayez exercé vos droits d’appel au regard de votre compte personnel d’impôt sur le revenu, pour une raison quelconque vous n’avez pas fait de même pour votre compte de TPS d’entreprise.
[37] Le ministre semble s’être appuyé sur le fait que le demandeur a reçu la lettre de l’agent de perception en date du 5 juin 2002 à temps pour produire de plein droit des oppositions concernant la TPS avant l’échéance du 16 juin 2002. Toutefois, la seconde décision ne mentionne pas que la lettre en question a été postée à l’adresse sur Bornholm, d’où le demandeur avait déménagé onze mois plus tôt, ni que l’on avait conclu dans la première décision que le vérificateur de TPS de l’ARC était au courant de l’adresse du demandeur sur Greybeaver depuis octobre 2001 et aurait dû actualiser les dossiers de l’ARC. S’il l’avait fait, la lettre aurait été envoyée à la bonne adresse. Je suis d’avis que le ministre a clairement fait erreur lorsqu’il a refusé, dans la seconde décision, de réduire davantage l’intérêt et les pénalités en se fondant, en partie, sur sa perception que le demandeur avait reçu avis de sa dette de TPS en temps opportun pour y faire opposition de plein droit (c'est-à-dire avant le 16 juin 2002).
[38] Le ministre a aussi fondé sa décision sur la réception par le demandeur de la lettre du 18 mars 2002 dans laquelle le vérificateur l’avisait qu’une cotisation de TPS lui serait envoyée et qu’il pourrait faire appel de cette cotisation en présentant un avis d’opposition. Or, la seconde décision omet de mentionner que cette lettre a elle aussi été mal adressée, bien après que le vérificateur aurait dû actualiser le dossier du demandeur à l’ARC.
[39] J’estime qu’il était déraisonnable de la part du ministre de ne pas tenir compte du fait que les deux lettres sur lesquelles repose sa décision ont été envoyées à une adresse périmée ni du fait que le demandeur avait divulgué sa nouvelle adresse au vérificateur de la TPS, lequel, reconnaît le premier rapport d’équité, aurait dû mettre à jour les dossiers de l’ARC.
Question 3 – Le ministre a-t-il mal interprété l’inscription du journal de la TPS concernant l’appel téléphonique du 6 août 2002?
[40] Le ministre s’est aussi appuyé sur la conversation que le demandeur a eue avec l’agent de perception le 6 août 2002. Le demandeur affirme qu’il ne se souvient pas de la conversation, mais je conclus qu’elle a bien eu lieu. Le journal de la TPS indique que le demandeur a dirigé l’agent de perception vers M. Charny et lui a fourni le numéro de téléphone de ce dernier. Il n’est pas raisonnable de penser que l’agent de perception ait inventé les nom et numéro de téléphone de M. Charny. L’information a dû être obtenue du demandeur.
[41] Le second rapport d’équité décrit comme suit l’appel téléphonique du 6 août :
[traduction]
Le 6 août 2002, le percepteur a eu une conversation avec lui au sujet du compte. L’inscrit a indiqué au percepteur qu’il avait fait opposition à la cotisation de vérification de la TPS par l’intermédiaire de son représentant Phil Charny.
[Non souligné dans l’original.]
[42] Toutefois, l’inscription exacte du 6 août 2002 dans le journal de la TPS est la suivante :
Aug 6 Reg called back. He said he have objected to the audit asst on GST thru his taxman Phil Charny 416 427 9991.
[traduction]
Le 6 août, inscrit a rappelé. Il dit qu’il a fait opposition à la cotisation de vérif. de la TPS par l’intermédiaire de son fiscaliste Phil Charny 416 427-9991.
[Non souligné dans l’original.]
[43] L’ARC a interprété les mots « he said he have » [sic] comme signifiant « he said he had objected » [« il a dit qu’il avait fait opposition »]. À partir de cette interprétation, le ministre a conclu que le demandeur avait connaissance de sa nouvelle cotisation de TPS en 2001, en temps opportun pour y faire opposition.
[44] Il existe cependant une autre interprétation possible, qui n’a pas été envisagée. Peut-être le demandeur a-t-il dit « that he would have objected… » [« qu’il aurait fait opposition »]. Cette interprétation n’entraîne pas la conclusion que le demandeur était déjà au courant des nouvelles cotisations de TPS. Il se serait limité à dire que [traduction] « s’il y avait eu une nouvelle cotisation de TPS, Charny aurait fait opposition ».
[45] Au cours de la conversation téléphonique du 6 août 2002, l’agent de perception a clairement informé le demandeur que de nouvelles cotisations de TPS avaient été établies; toutefois, comme je l’ai mentionné, le fait que l’agent de perception n’a pas rappelé le demandeur pour lui dire que M. Charny n’avait présenté aucune opposition à la cotisation de TPS, qu’il ne lui a envoyé aucun état de compte ni n’a fait quelque démarche de perception que ce soit avant mai/juin 2003 aura raisonnablement fait croire au demandeur que l’agent de perception avait bien reçu les oppositions concernant la TPS et que des appels poursuivaient leur cours.
[46] Relativement à cette question, j’ai conclu que le ministre a agi déraisonnablement en ne tenant pas compte de l’ambiguïté de langage touchant l’inscription en date du 6 août 2002 dans le journal de la TPS.
CONCLUSIONS
[47] Selon la première décision, les lignes directrices du Mémorandum sur la TPS no 500‑3‑2‑1 prévoient notamment qu’il peut être approprié d’annuler ou de renoncer à l’intérêt ou aux pénalités si l’intérêt ou la pénalité est attribuable principalement aux actions de l’ARC. Ces actions comprennent l’une ou l’autre des situations suivantes :
a) délais de traitement par l’Agence;
b) erreurs dans les publications;
c) renseignements inexacts fournis à une personne donnée;
d) erreurs dans le traitement;
e) retard à fournir l’information nécessaire pour permettre à la personne en cause de se conformer à la Loi.
[48] À mon avis, il existe des raisons de croire que l’information inexacte fournie au demandeur par l’agente des appels et l’agent de perception pourrait justifier un allégement au titre des alinéas c) et e), et l’omission du vérificateur de l’ARC d’actualiser l’adresse du demandeur pourrait justifier un allégement au titre des alinéas a) ou d).
[49] Enfin, il est utile de se rappeler les mots que le demandeur a employés lorsqu’il a sollicité un examen fondé sur l’équité, au début. Il s’est exprimé ainsi :
[traduction]
Je n’étais pas au courant de la réclamation contre moi. Je ne disposais pas d’un droit d’appel. Je n’ai reçu aucun avis de la division de la TPS ni d’une autre division de l’agence.
[50] Mon examen du dossier indique que toutes ces prétentions peuvent être fondées. Lorsque le droit d’appel du demandeur a expiré, le 16 juin 2002, celui-ci n’avait reçu aucun des documents importants, lettre de vérification, nouvelles cotisations de TPS, lettre du 5 juin 2002, parce que le vérificateur de l’ARC avait omis de mettre son adresse à jour. De plus, il a peut-être perdu le droit de demander une prorogation du délai pour faire appel le 16 juin 2003, du fait qu’il croyait à cette époque qu’un appel était en cours.
[51] Je ne dis pas que la conduite du demandeur a été irréprochable. Il n’a pas effectué son changement d’adresse pour la TPS aussi rapidement qu’il aurait dû le faire, mais puisque l’ARC a décidé que son vérificateur aurait dû actualiser l’adresse du demandeur lorsque ce dernier l’a informé de sa nouvelle adresse, il est difficile de concevoir comment on pourrait blâmer sévèrement le demandeur.
[52] En outre, le demandeur a indiqué une date de déménagement incorrecte dans sa lettre du 4 septembre 2004 à l’ARC. Toutefois, l’agente d’équité n’a pas corrigé cette erreur qui serait apparue manifeste si elle avait lu le premier rapport d’équité. Par conséquent, je ne suis pas certaine que le demandeur doive être sévèrement blâmé pour son erreur, dans les circonstances.
[53] Pour tous ces motifs, je conclus qu’un nouvel examen fondé sur l’équité s’impose.
JUGEMENT
- La présente demande de contrôle judiciaire est accueillie.
- La seconde décision est annulée.
- La demande de M. Underwood pour obtenir un examen administratif de la première décision doit être réexaminée en procédant à un nouveau rapport d’équité qui devrait traiter des questions abordées dans les motifs énoncés ci-dessus.
- Le nouveau rapport d’équité et la décision qui suivra doivent être confiés à des membres du personnel de l’ARC qui n’ont travaillé sur aucune des deux demandes d’équité formulées par le demandeur dans le passé.
Traduction certifiée conforme
Thanh-Tram Dang, B.C.L., LL.B.
COUR FÉDÉRALE
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER
DOSSIER : T-659-05
INTITULÉ : DAVID C. UNDERWOOD
c.
PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA
LIEU DE L’AUDIENCE : TORONTO (ONTARIO)
DATE DE L’AUDIENCE : LE MARDI 14 NOVEMBRE 2006
MOTIFS DU JUGEMENT : LA JUGE SIMPSON
DATE DES MOTIFS : LE 25 JANVIER 2007
COMPARUTIONS :
David Underwood POUR LE DEMANDEUR
Andrea Jackett POUR LE DÉFENDEUR
AVOCATS INSCRITS AU DOSSIER :
97 Greybeaver Trail POUR LE DEMANDEUR
John H. Sims, c.r. POUR LE DÉFENDEUR
Sous-procureur général du Canada